Ces particules qui bousculent la théorie d`Einstein

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Ces particules qui bousculent la
théorie d'Einstein
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Des particules élémentaires, les neutrinos, iraient plus vite que la lumière. Les
scientifiques, qui les traquent avec d'incroyables pièges souterrains, s'interrogent :
Albert Einstein s'est-il trompé ? Faut-il repenser les lois de l'Univers ?
N'essayez pas de joindre un physicien sérieux par les temps qui courent, il refait ses calculs. La
blague amuse les laboratoires du monde entier depuis une révélation qui a fait l'effet d'une bombe.
Les neutrinos, des particules élémentaires qui pullulent dans l'Univers, se déplaceraient plus vite
que la lumière. Une expérimentation très sérieuse, menée au Cern, à Genève, et dans les
laboratoires de Gran Sasso, en Italie, l'atteste.
La nouvelle a été annoncée avec la prudence d'un diplomate en mission. Et pour cause: la physique
moderne a pour postulat que la vitesse de la lumière est «la» vitesse ultime, depuis qu'Albert
Einstein l'a démontré.
Tout cela fait un peu désordre, nos quatre dimensions partent en quenouille et les esprits
s'échauffent: si le neutrino est supraluminique, il peut s'affranchir du temps ou glisser dans
d'autres couloirs spatio-temporels... De la science-fiction? Oui et non. Depuis les étranges
comportements de l'infiniment petit, révélés par la physique quantique, on s'habitue aux surprises.
Qu'une particule aille plus vite que la lumière, est-ce, en soi, plus surprenant qu'une autre capable
de se trouver à deux endroits différents au même instant? Quelques éléments de réponse.
Le neutrino existe-t-il?
La question n'est pas absurde. Il est très difficile d'observercette particule élémentaire, car elle
interagit très peu avec la matière. Par exemple, elle traverse la Terre ou notre corps sans dévier sa
trajectoire d'un millimètre. Son «inventeur», le physicien autrichien Wolfgang Pauli s'en amusait:
«J'ai fait une chose terrible, j'ai postulé une particule qui ne peut être détectée.» Il imagina
l'existence du neutrino en 1930 pour régler un petit problème de perte d'énergie universelle dans
une désintégration nucléaire sans pouvoir apporter la preuve réelle de son existence.
Il a fallu attendre 1956 pour que deux chercheurs américains la découvrent dans le rayonnement
émis par un réacteur nucléaire. Mais les scientifiques pensaient encore que le neutrino avait une
masse nulle. Depuis, on a la preuve scientifique qu'il en existe plusieurs sortes. Les chercheurs
préfèrent d'ailleurs utiliser le terme de « saveurs ». La masse exacte du neutrino, elle, n'a toujours
par été trouvée.
Pourquoi construit-on des pièges à neutrinos?
La réponse tient en deux mots : expérimenter et comprendre. Une multitude de particules se
baladent dans l'espace, mais la quantité et le comportement des neutrinos en feraient un élément
fondamental de notre Univers. Comprendre leur rôle permet d'avancer sur de nombreux mystères
en physique des particules, en astrophysique ou en cosmologie. Grâce à ces pièges à neutrinos,
parfois gigantesques, les chercheurs testent les hypothèses avancées par les physiciens. C'est ainsi
que l'oscillation du neutrino en trois saveurs différentes (électronique, muonique et tauique) a été
confirmée.
Albert Einstein a-t-il fait une grosse boulette?
Si l'expérimentation de Gran Sasso est confirmée, Albert Einstein a clairement une pierre dans son
jardin. Mais personne n'a brûlé l'intégralité de l'œuvre de Newton quand Einstein a démontré ses
limites, argumentent nombre de scientifiques. Si nous sommes en face de «la première observation
contredisant la relativité restreinte d'Einstein», reconnaît Etienne Klein, du CEA, ce pourrait n'être
le fait que de cette seule particule». Peut-être ne se comporte-t-elle ainsi que dans cette
configuration ou développe-t-elle un comportement quantique spécifique suivant ses saveurs,
supposent d'autres sceptiques.
Sur le sujet, la communauté scientifique manque d'expérimentation. En 1987, une supernova
observable de la Terre avait permis de comparer la vitesse de la lumière et celle des neutrinos
générés par l'explosion. Résultat du sprint : à peine trois heures d'écart pour un voyage de
168.000 ans ! Pas de quoi chambouler la relativité d'Einstein.
Pour Alain Blondel, chef du département des neutrinos à l'université de Genève, il n'est donc pas
question de jeter le travail du génial Nobel à la poubelle: «Quand on découvre quelque chose, on
améliore la théorie, on ajoute une couche, comme avec des poupées russes», résume-t-il.
Peut-on remonter le temps, à cheval sur un neutrino?
En théorie, s'il va plus vite que la lumière, oui. A chaque fois qu'on regarde le ciel, les étoiles qu'on
observe ne révèlent pas leur état actuel mais leur réalité passée puisque la lumière voyage
approximativement à 300.000 km/s. Des extraterrestres qui nous regarderaient à quelques
centaines de milliers d'années-lumière de la Terre auraient plus de chance de voir des dinosaures
que le dernier concert de Lady Gaga. Avec des particules allant plus vite que la lumière, cette
variable serait faussée... Mais sans apporter de réponse à la question de causalité: si je tombe de
mon neutrino en écrasant mon grand-père, existerais-je dans le futur d'où je viens? Et si non,
comment pourrais-je écraser mon grand-père?
Faut-il jeter les manuels de physique au feu?
Non, mais certains travaux décriés ou oubliés mériteraient qu'on y regarde de plus près.
L'existence de particules supraluminiques a déjà été postulée par des chercheurs tel le physicien
Gerald Feinberg en 1964. Appelées tachyons, ces particules sont souvent citées dans les œuvres de
science-fiction où elles servent d'outil à remonter le temps.
Autre piste, celle de Nikola Tesla, inventeur du courant alternatif et de la technique radiophonique.
Il a longuement étudié l'énergie des rayons cosmiques, et, le 6 février 1932, il décrit dans le New
York Times un rayonnement venu du Soleil composé de particules minuscules et capables de
traverser la matière. Etonnant ! Ces particules se déplacent plus vite que la lumière, affirmait-il,
s'opposant à la théorie d'Einstein, ce qui lui valut de ne pas être pris au sérieux.
Le professeur Konstantin Meyl a repris les recherches de Tesla en développant en 2004 une autre
théorie : l'absorption des neutrinos par la Terre provoquerait une expansion du globe. Ivan
Osipovich Yarkovsky, alors qu'il cherchait à reformuler la gravitation, a fondé en 1888 une théorie
assez proche basée sur les flux d'éther absorbés par les corps célestes et dont la masse, par
conséquence, devait s'accroître.
Quoi qu'il en soit, la communauté scientifique est d'accord sur un point : les particules
supraluminiques sont des pistes à ne plus écarter pour percer quelques mystères comme celui de
la matière noire, l'expansion accélérée de l'Univers ou la victoire de la matière sur l'antimatière à
l'instant du big bang.
Par
Christophe Doré Publié le 08/10/2011 à 17:37, lefigaro.fr
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