Chapitre 1 : Généralités sur la publicité

publicité
UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOÏ
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE LANGUES ÉTRANGÈRES
FACULTÉ POST-UNIVERSITAIRE
-----***-----
MÉMOIRE DE MASTER
ANALYSE LINGUISTIQUE DE LA PUBLICITÉ
Réalisé par
: NguyÔn ThÞ Thanh TuyÒn
Spécialité
:
Promotion
: 11
Linguistique française
Sous la direction du : Dr. Vò ThÞ Ng©n
Hanoï 2006
UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOÏ
ÉCOLE SUPÉRIEURE DE LANGUES ÉTRANGÈRES
FACULTÉ POST-UNIVERSITAIRE
-----***-----
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11
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3
REMERCIEMENTS
Nous tenons tout d’abord à remercier Madame Vu Thi
Ngan d’avoir dirigé d’un bout à l’autre notre travail et
de nous avoir donné des suggestions et des remarques
très utiles.
Nous aimerions remercier tous nos collègues qui nous
ont beaucoup encouragée et nous ont aidée dans le
travail pour que nous ayons du temps à réaliser ce
mémoire.
Un merci particulier à ma famille pour nous avoir
soutenue et aidée durant ce travail.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
1
CHAPITRE I :
GÉNÉRALITÉS SUR LA PUBLICITÉ
5
1.
QU’EST-CE QU’UNE PUBLICITÉ ?
5
2.
HISTOIRE DE LA PUBLICITÉ
6
3.
3.1.
3.2.
3.3.
3.4.
3.5.
SUPPORTS PUBLICITAIRES
Télévision
Radio
Internet
Presse écrite
Affiche
8
8
9
10
11
11
4.
4.1.
4.1.1.
4.1.2.
4.2.
4.2.1.
4.2.2.
4.2.3.
4.3.
4.4.
CONSTITUANTS DU DISCOURS PUBLICITAIRE
Éléments iconiques
Composantes de l’image publicitaire
Rhétorique de l’image publicitaire
Éléments linguistiques
Slogan
Pavé rédactionnel
Marque
Éléments composites
Rapport texte/image
12
12
12
14
15
16
18
19
20
21
5.
5.1.
5.2.
CARACTÉRISTIQUES DE LA PUBLICITÉ
Créativité
Emprunt ou plagiat publicitaire
22
22
24
5.3.
5.4.
5.5.
Exagération
Humour
Esthétique
26
28
30
CHAPITRE II :
ANALYSE LEXICALE DU TEXTE PUBLICITAIRE
1. NÉOLOGIE OU CRÉATIVITÉ LEXICALE
1.1. Mot-valise
33
33
34
1.2. Modification orthographique
35
1.3. Changement de classe du mot
36
2. FIGURES DE RHÉTORIQUE
37
2.1. Métaphore
37
2.2. Métonymie
39
2.3. Hyperbole
41
3. RELATIONS DE SENS
42
3.1. Antonymie
42
3.2. Hyperonymie et hyponymie
43
3.3. Homonymie
45
3.4. Polysémie
46
CHAPITRE III :
ANALYSE SYNTAXIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE
1. RELATIONS SYNTAXIQUES
1.1. Relations parataxiques
48
48
48
1.1.1. Juxtaposition
48
1.1.2. Coordination
50
1.2. Relations de subordination
55
1.2.1. Relative
55
1.2.2. Subordonnée conjonctive
55
1.2.3. Structures de mise en relief
57
2. EMPLOI DE MODES ET DE TEMPS
58
2.1. Modes
58
2.2. Temps
60
CHAPITRE IV :
ANALYSE PRAGMATIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE
1. COMMUNICATION PUBLICITAIRE
1.1. Un cadre communicationnel singulier
1.2. Modèles communicationnels
1.2.1. Modèles communicationnels unilatéraux
1.2.2. Structure interactive
2. PUBLICITÉ COMME ACTE DE LANGAGE INDIRECT
3. ARGUMENTATION PUBLICITAIRE
63
63
63
64
64
65
74
77
3.1. Chemin de la persuasion publicitaire
3.2. Catégories d’arguments
3.3. Mise en texte de l’argumentation publicitaire
3.3.1. Séquence argumentative de base
3.3.2. Étayage argumentatif des propositions
3.3.3. Syllogisme et enthymème
CHAPITRE V :
RÉFLEXIONS SUR L’APPLICATION PÉDAGOGIQUE
1. POURQUOI LA PUBLICITÉ EN CLASSE DE LANGUE ?
2. QUELLE PUBLICITÉ EN CLASSE DE FLE ?
3. ANALYSE GLOBALE D’UNE PUBLICITÉ
4. PROPOSITIONS D’ACTIVITÉS
5. EXEMPLES D’ACTIVITÉS
6. FICHE PÉDAGOGIQUE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
77
79
84
85
86
87
90
90
92
93
95
97
100
102
104
INTRODUCTION
I. Justification du choix du sujet
Parallèlement à l’explosion des moyens de communication et l’apparition des masses
médias, la publicité prend une importance de plus en plus grande jusqu’à devenir une science
en soi qui influence en profondeur nos modes de vie quotidiens. L’objectif de la publicité ne
se limite plus simplement à faire connaître et à vanter les qualités d’un produit, mais
également à capter l’attention des clients potentiels et à susciter chez eux des désirs et des
sentiments initiateurs de ventes. La publicité se doit de bien cibler ses objectifs ainsi que les
méthodes pour y parvenir. Pour cela, la publicité doit regrouper à la fois des aspects
commerciaux, sociaux, linguistiques, littéraires, culturels, psychologiques... Elle fait l’objet de
recherches régulières de la part de nombreux chercheurs en sciences humaines.
Au Vietnam, il n’existe qu’un nombre modeste de publications qui ont étudié la publicité
dans un but essentiellement commercial, sociologique ou psychologique. Bien que quelques
thèses et mémoires de fin d’études de master en vietnamien ou en anglais aient traité des
aspects linguistiques, aucune recherche sur l’aspect linguistique de la publicité n’a été menée
par un enseignant de langue et à fortiori par un enseignant de français. Il est certain que les
études du langage publicitaire réalisées par un enseignant en langue ne seront pas basées sur
les mêmes considérations et sur les même intérêts que celles d’un économiste ou d’un
psychologue parce qu’elles doivent avant tout contribuer à l’enseignement et à l’apprentissage
de la langue.
Mais qu’est-ce qui peut pousser et motiver une enseignante telle que nous à accorder une
telle importance à un domaine aussi spécialisé et aussi irrégulier que celui du discours
publicitaire ?
C’est avant tout un bon souvenir de l’université. En effet, une des rares séances de cours
qui nous a beaucoup impressionnée est celle de l’expression orale où l’enseignant a introduit
une publicité d’une revue comme document authentique. Nous avons tous participé activement
au cours ce jour-là, même les étudiants les plus réservés et silencieux de la classe.
Rétrospectivement, nous pensons que les points les plus intéressants de ce cours étaient
multiples. D’une part, nous avons vu une très belle photo amusante avec deux slogans pleins
de connotations qui ont permis d’aiguiser notre intérêt. D’autre part, l’enseignant nous a donné
une grande liberté d’interpréter la publicité et de créer ensuite des slogans en rapport à cette
2
publicité, nous permettant ainsi de mettre directement en pratique les connaissances
linguistiques acquises lors des années précédentes. Globalement, nous avons eu l’impression
de mobiliser toute notre imagination, notre créativité et surtout notre personnalité. Ce simple
souvenir nous a appris que la publicité pouvait tout à la fois amuser et motiver les étudiants
dans leur apprentissage.
Une autre raison fondamentale du choix du sujet sur la publicité vient tout autant des
expériences que nous avons vécues avec nos étudiants. Dans les méthodes de français, on
accorde une place importante à la publicité, à savoir le Nouvel Espaces, Panorama,
Français.com, ... En effet, la publicité présente un aspect à la fois didactiquement très riche et
massivement entrelacé avec la vie réelle. D’ailleurs, linguistiquement, elle forme une source
inépuisable d’apprentissage. « En tant que production verbale et de par son orientation
essentiellement soit argumentative, soit pragmatique, le texte publicitaire constitue à la fois un
ensemble cohérent et un tissu de relations couvrant tous les niveaux d’ordre : thématiques,
syntaxiques, narratifs, énonciatifs, figurés, sonores, iconiques, ... »1 Cette variété fait de la
publicité un support pédagogique efficace et original mais qui peut aussi poser aux
enseignants et aux étudiants des problèmes considérables. Nous avons ainsi entendu certains
collègues remarquer qu’ils sont parfois confrontés à des difficultés dans l’exploitation de
quelques publicités dues à un manque de connaissances sur les mécanismes publicitaires et
surtout sur la signification des signes publicitaires.
De surcroît, nous sommes enseignante à l’École Supérieure de Commerce, la publicité fait
partie intégrante du domaine d’étude des étudiants. Évidemment, le travail sur la publicité
présente de ce fait beaucoup d’intérêts et de motivations pour eux parce qu’ils peuvent
mobiliser leurs connaissances acquises en cours de marketing pour bien remplir la tâche qui
leur est proposée.
Au vu de ces bénéfices de la publicité et des difficultés qui ont été rencontrées lors de
l’enseignement de celle-ci, nous avons décidé de mener une recherche scientifique sur le
langage publicitaire afin de mieux l’exploiter au sein d’une classe de langue.
II. Présentation du corpus
Au début, nous avions l’intention d’exploiter à la fois les publicités à la télévision et dans
les journaux. Mais devant l’extension et la complexité de l’étude et du fait du temps limité
alloué pour cette recherche, nous avons recentré notre attention sur la publicité écrite qui
1
TSOFACK J.-B., 2002, Thèse de doctorat Sémiotique-stylistique des stratégies discursives dans la publicité au
Cameroun, Département de linguistique générale Université Marc Bloch - Strasbourg II, p.113
3
constitue un support publicitaire en même temps traditionnel et efficace. Le corpus est
constitué de 80 publicités extraites des méthodes de français telles que Campus, Panorama, le
Nouvel Espaces, Champion, Français.com, Taxi, Forum, Café crème, Reflet et auxquelles ont
été ajoutées plus de 200 publicités qui ont été choisies sur différents sites internet, notamment
http://slogandepub.free.fr. et http://www.ma-collection-de-pubs.com. Le choix de ces
publicités sur internet a été motivé du fait que les publicités présentes dans les méthodes ne
sont pas très variées du point de vue linguistique et iconographique. Toutes les publicités
présentées par la suite ont été sélectionnées d’une part pour leur intérêt pédagogique et d’autre
part pour leur apport aux objectifs des analyses linguistiques.
III. Questions de recherche
En partant de la problématique qui se pose dans le cadre de l’analyse publicitaire en classe
de langue, la progression proposée à travers ce mémoire linguistique nous amènera à répondre
à ces questions suivantes :
-
Quelle est l’histoire de la publicité ?
-
Quels sont les principaux types existants de publicité ?
-
Quelles sont les composantes et les caractéristiques générales de la publicité de presse
écrite ?
-
Quelles sont les caractéristiques syntaxiques, lexicales et pragmatiques du texte
publicitaire ?
-
Quel est l’intérêt de la publicité pour une classe de langue ?
-
Quelles sont les propositions d’activités d’exploitation et de choix des publicités
introduites dans une classe de langue ?
IV. Méthodologie de recherche
La recherche descriptive constituera le « fil rouge » de cette étude qui reposera sur
l’observation du corpus des centaines de publicités sélectionnées à partir de la presse écrite
francophone. Parmi les démarches d’investigation potentielles concernant ce type de
recherche, l’analyse des données langagières est celle qui sera adoptée dans la première partie
de ce mémoire, sachant, de plus, que c’est celle qui est la plus souvent privilégiée dans le
domaine des sciences du langage. Par la suite, nous nous reposerons essentiellement sur des
théories linguistiques - la base des grilles d’analyse et des classifications employées pour
aborder les différents aspects linguistiques de la publicité.
De plus, toutes les analyses linguistiques présentées seront inspirées du courant
pragmatique, c’est-à-dire que l’analyse du message ne se limite pas à étudier l’enveloppe
4
linguistique neutre contenant l’information active destinée à un lecteur, mais elle s’intéresse
en même temps à l’intention du publicitaire et aux divers facteurs socio-contextuels.
La problématique abordée dans ce mémoire nécessitera également l’introduction et l’usage
de la notion de « recherche-action » dont l’application sera limitée au dernier chapitre, à
l’étape d’élaboration de propositions d’intervention pédagogiques.
V. Structure du mémoire
Dans le premier chapitre, nous tenterons de fournir une vision d’ensemble de la publicité à
travers une brève découverte de l’histoire de la publicité et de ses principaux types. Tout
particulièrement, nous nous attacherons à l’étude des constituants d’une publicité choisie et à
ses caractéristiques pour montrer que la création publicitaire constitue en soi une véritable
œuvre d’art moderne.
Dans les trois chapitres suivants, nous analyserons le message publicitaire sur le plan
syntaxique, lexical et pragmatique en relevant les éléments linguistiques qui caractérisent ce
type de discours et qui participent à la persuasion publicitaire.
Le dernier chapitre est destiné à l’application pédagogique. Pour ce faire, l’analyse
détaillée dans les chapitres deux, trois et quatre en servira de base dans le cadre d’une classe
de langue. Dans un premier temps, nous expliquerons en quoi il est profitable d’introduire la
publicité comme support de l’enseignement/apprentissage. Puis, dans un deuxième temps,
nous verrons de quelles publicités il est possible de profiter et quelles activités il est possible
d’en tirer.
5
CHAPITRE I
GÉNÉRALITÉS SUR LA PUBLICITÉ
En publicité, l'objet du désir se transforme en désir de l'objet et
les choses de l'amour en l'amour des choses.
François Brune
Le domaine de la publicité est vaste et varié. Il est difficile d’en cerner exactement tous les
tenants et aboutissants. Dans un premier temps, il est nécessaire de définir le mot « publicité »
afin d’en avoir une compréhension commune et rigoureuse.
1. Qu’est-ce qu’une publicité ?
Le terme « publicité » a été attesté pour la première fois en 1689 avec le sens d’action de
porter à la connaissance du public, puis « notoriété publique » en 1694. Pourtant, jusqu’au
XIXè et au début du XXè siècle, on parlait essentiellement d’annonce ou de réclame au lieu de
publicité.
Ci-dessous sont reportées quatre différentes définitions équivalentes de la publicité. Elles
ont été tirées de différentes sources.
« La publicité est l'action consistant à faire connaître une information ou un produit au
public. C'est aussi le moyen par lequel l'information est délivrée : annonce-presse dans un
journal, spot publicitaire à la radio ou à la télévision, affiche sur la voie publique, etc. sont
des publicités. » (Définition tirée du site Internet http://fr.wikipedia.org)
« Constitue une publicité toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public
ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir les dites
inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités» (article L 581-3 du Code de
l'environnement)
« Toute forme monnayée de présentation et de promotion non interactive d'idées, de biens
et de services émanant d'un annonceur identifié comme tel. » (Définition de Kotler & Dubois
in "Marketing Management")
La publicité est définie dans le petit Robert comme "un ensemble des moyens de
communication destinés à faire connaître un produit et d'inciter le public à l'acquérir, par un
moyen de communication de masse".
6
La première remarque que l’on peut faire concernant ces définitions, c’est que le mot
publicité recouvre en fait plusieurs facettes différentes.
Premièrement, le mot publicité désigne un message, une information ou une idée que l’on
désire faire transmettre à une audience.
Deuxièmement, le mot publicité fait aussi référence aux moyens techniques et physiques
mis en œuvre pour faire passer le message.
Troisièmement, le mot publicité fait de même référence aux moyens rhétoriques et
psychologiques pour faire passer le message et pour convaincre.
Quatrièmement, le mot publicité recouvre tout un aspect mercantile caché ou visible qui va
de paire avec l’extension de l’économie de marché. Aucune publicité n’est gratuite.
Cinquièmement, le mot publicité peut tout aussi bien être appréhendé du point de vue
sociologique. Quelle est la synergie existante entre la société actuelle, son évolution et la
publicité ?
Les différents points de vue brièvement exposés ci-dessus révèlent l’étendue des domaines
touchés par la publicité, leurs interconnections et leurs degrés de complexité. La liste donnée
ici n’est aucunement exhaustive.
2. Histoire de la publicité
Le discours publicitaire est une pratique discursive qui n’est pas intemporelle. Comme tout
genre discursif, la publicité a une histoire et s’inscrit dans l’évolution de la société.
Au sens large de séduction commerciale, la publicité est peut-être aussi vieille que
l’apparition de l’écriture. En effet, on a trouvé à Babylone des inscriptions de plus de 5000 ans
vantant les mérites d’un artisan.
Au 7è siècle avant Jésus-Christ, sous la dynastie Zhou, une publicité musicale faite par des
joueurs de flûte a attiré l’attention des gens aux marchés en Chine.
Quelques siècles plus tard, les commerçants de Pompéi profitaient des slogans à la
structure argumentative et au style périodique bien élaborés dans l’esprit de l’art rhétorique
pour faire l’éloge de leur bon vin :
« Si vous dépensez 2 as, vous boirez du très bon vin ; si vous en dépensez 4, ce sera du vin
de Falerne. » (Falerne)
Ce slogan est composé d’un double mouvement argumentatif formé de deux propositions :
Si proposition p [2 as], alors proposition q [très bon vin]
Si proposition p’ [4 as], alors proposition q’ [vin de Falerne]
7
Il s’agit de l’argumentation fondée sur le modèle inductif de la construction hypothétique.
Ainsi la stratégie argumentative était-elle déjà prise en compte.
Pourtant, la publicité n’a connu un vrai tournant qu’avec le développement de l’imprimerie
et la naissance de la presse. En 1629, Théophraste Renaudot a fondé le premier « Bureau
d’adresses et de rencontres », sorte d’agence de petites annonces, répertoriant les demandes et
les offres les plus diverses. Rencontrant un vif succès, il a publié, avec le soutien de Richelieu,
La Gazette enrichie, à partir de 1631, de feuilles volantes reproduisant les petites annonces.
La publicité s’est développée à un rythme considérable pendant la révolution industrielle.
La fabrication en série et l’augmentation de la productivité ont abouti à une diversification et à
un accroissement de la production. Si au XVIIè et au XVIIIè siècle, les petites annonces sous
forme d’affiches et de prospectus pratiquaient un type de mise en texte conforme au modèle
livresque et à l’écriture littéraire, au XIXè siècle et surtout à la fin du siècle, elles étaient
considérées comme de véritables oeuvres d’art grâce à l’adoption d’un seconde système
sémiotique, essentiellement visuel, celui de l’image. L’invention de la lithographie, de la
chromolithographie et surtout la mise au point des machines à imprimer les grands formats
favorisaient le développement de ce nouveau système. Des peintres tels que Toulouse-Lautrec,
Steinlen se sont mis à produire des affiches publicitaires. L’art était donc mis au service du
commerce :
« [...] Oui, vraiment, la publicité est la plus belle expression de notre époque, la plus
grande nouveauté du jour, un Art. Un art qui fait appel à l’internationalisme, au
polyglottisme, à la psychologie des foules, et qui bouleverse toutes les techniques statiques ou
dynamiques connues, en faisant une utilisation intensive, sans cesse renouvelée et efficace de
matières nouvelles et de procédés inédits». 2
Dans les années 20, les messages publicitaires envahissaient de plus en plus l’univers
quotidien des sociétés industrialisées.
De nos jours, la publicité se présente sous diverses formes, participant au développement
de la société de consommation. Elle est devenue un mécanisme indispensable au
fonctionnement et au développement des sociétés libérales où le problème n’est plus de
produire mais de vendre pour assurer un cycle d’écoulement continuel des marchandises.
Avec le développement de la technologie de la communication, elle connaît un essor rapide
sans précédent.
2
ADAM J.M. et BONHOMME M., 2005, L’argumentation publicitaire, Paris, A. Colin, p. 4
8
Quant à la persuasion, elle est de plus en plus réfléchie et calculée. Divers genres de
publicité sont mis en oeuvre : la publicité mécaniste des années 50, les publicités suggestive et
projective des années 60 et la publicité ludique développée vers les années 70 avec le grand
succès de l’agence Poux Séguéla.
À travers ce survol historique du discours publicitaire, il est à conclure que le discours
constitue un genre mou, faiblement défini, hétérogène et instable, dont la seule ligne directrice
est d’inciter à la consommation commerciale.
3. Supports publicitaires
Dans notre société moderne, la publicité est présente tous les jours autour de nous à tous
les coins de notre vie, allant de la télévision à la radio en passant par les affiches dans la rue,
les prospectus distribués dans les boîtes aux lettres, ... Parmi différentes méthodes de
classification de publicités, nous avons décidé de les classer selon le type de média utilisé pour
les diffuser en raison de sa grande simplicité. Ainsi peut-on différencier si la campagne
publicitaire se fait par la télévision, la radio, l’Internet, la presse écrite ou les affiches.
3.1. Télévision
La télévision est un mode de communication dynamique, en ce sens que l’image n’est pas
immobile. Depuis l’apparition du son et ensuite de l’image en couleur, la télévision est
devenue le mode de communication par excellence de la publicité où elle peut exprimer toute
sa créativité. La télévision permet une utilisation symbiotique du son et de l’image afin de
diffuser un message plus profond de sens et plus interactif. Il est par exemple possible de faire
appel à l’humour, l’information, la peur, la curiosité, l’envie, ... dans une publicité. L’image
peut transmettre le même message que le slogan ou un message différent. Il est même possible
que la publicité ne contienne pas du tout de slogan et que l’image se suffise à elle-même.
Quelle est l’adéquation de sens entre l’image et le texte dans un spot publicitaire ? Quand
il y a adéquation de sens entre image et texte (qu’il soit écrit ou parlé), les deux aspects de la
télévision se complètent pour transmettre un même message, ce qui permet de donner une plus
grande force de persuasion au message. L’adéquation de sens crée un message généralement
plus facile à comprendre, plus simple et donc potentiellement accessible à un plus grand
nombre de personnes. Pourtant, il existe parfois la contradiction entre image et texte qui peut
créer des ambiguïtés pour rendre des messages plus forts.
Depuis longtemps, nous avons une remarque très intéressante à faire. Les enfants
possèdent la caractéristique de considérer leur environnement comme « allant de soi » et ne
semblent globalement pas avoir d’opinion négative vis-à-vis de la publicité par eux-mêmes.
9
Pourtant, chaque fois qu’ils écoutent ou regardent une publicité à la télévision, ils ne peuvent
plus la quitter. De plus, ils ont la capacité de retenir facilement les slogans chantés et les
musiques de publicités. Qu’est-ce qui rend la publicité distinctive de tant d’émissions très
variées et pas moins attirantes ? C’est sans aucun doute sa belle mélodie et ses images vivantes
qui constituent son atout, et ceci permettant à la télévision d’être toujours le support privilégié
des entreprises pour toucher un maximum de consommateurs.
3.2. Radio
La radio a eu un impact tout aussi important que la télévision sur notre vie de tous les jours
et sur les sociétés modernes. Il n’est donc pas étonnant que la publicité en ait fait un usage
extensif afin de toucher la plus grande audience possible.
À la différence de la télévision, il n’y a pas d’image pour attirer notre attention. La totalité
du message publicitaire doit nécessairement se faire oralement. La radio est le seul moyen de
communication ayant cette particularité de n’utiliser que notre ouïe pour communiquer.
Une annonce publicitaire par radio est constituée le plus souvent de quatre étapes
successives :
- Souvent l’annonce publicitaire utilise un bruit inhabituel qui ne passe pas inaperçu dans
le paysage sonore de tous les jours pour capturer l’attention et ensuite délivrer le message. Par
contre, il est également possible d’utiliser le silence afin d’attirer l’attention de l’auditeur. Ce
type d’introduction est plus généralement réservé à des publicités à caractère sobre.
- Ensuite, l’annonce essaie de reproduire de façon caricaturale des situations de la vie
quotidienne auxquelles on peut facilement s’identifier. Par exemple un couple discutant chez
lui ou dans une grande surface, un enfant discutant avec son grand-père, ...
- La troisième étape consiste à implanter, dans la situation quotidienne caricaturale déjà en
place, un problème qui en découle. Par exemple, un des personnages peut se comporter de
façon stupide, erronée, ...
- La quatrième étape consiste à résoudre le problème posé en faisant intervenir le produit
considéré. Par exemple, un autre personnage peut venir pour corriger l’erreur en utilisant le
produit. L’auditeur doit s’identifier à ce personnage et non pas à celui qui se comporte de
façon bête. Ensuite, par un phénomène d’association, le consommateur va finir par associer
mentalement avec le produit les idées d’intelligence, de générosité, d’acceptation, …
Dans une publicité de ce type, le consommateur est poussé à acheter le produit afin qu’il
puisse retrouver, pour un moment, les sensations de grandeur qu’il a eues en écoutant la
publicité.
10
Avec son seul moyen verbal, la publicité à la radio doit donc être performant et capter
immédiatement l’attention de la cible tout en indiquant clairement à l’auditeur ce qu’on attend
de lui.
3.3. Internet
L’Internet est jeune parmi les médias de communication et s’est répandu à travers le
monde très rapidement avec un impact majeur sur la société moderne. L’Internet a créé non
seulement de nouveaux mots de vocabulaire dans le français, par exemple « internaute », et de
nouveaux services tels que la vente en ligne, mais il a également permis l’apparition de
nouveaux modes de publicité.
L’Internet évolue très rapidement et constamment. Ainsi la publicité doit-elle s’adapter et
évoluer rapidement pour ne pas perdre le rythme. Il est possible de distinguer et de caractériser
les publicités sur Internet en différentes familles.
- Les images publicitaires statiques et immobiles sont la première forme à apparaître sur la
toile.
- Ensuite, les banderoles défilantes sont apparues. Elles sont toujours immobiles sur
l’écran mais maintenant elles contiennent des images successives qui se succèdent ou défilent
soit horizontalement soit verticalement.
- Après les banderoles, des publicités plus agressives viennent s’imposer à l’ouverture
d’une nouvelle page. C'est-à-dire qu’à l’ouverture d’une nouvelle page d’Internet, une image
publicitaire statique ou dynamique s’impose sur tout l’écran pendant quelques secondes avant
de se rétracter dans un coin. L’image est alors clairement visible et inévitable.
- La publicité se fait aussi en sponsorisant un site afin que le nom de la marque y figure à
plusieurs reprises. C’est aussi une méthode pour les créateurs de sites sur Internet de se
procurer une rentrée d’argent afin d’assurer la viabilité de leur site.
- Bon nombre d’entreprises, d’organisations et de sociétés ont leur propre site Internet où
elles peuvent faire leur propre promotion tout à loisir en vue d’attirer un maximum de visiteurs
sur leur site, ceci par l’intermédiaire de banderoles, de liens venant d’autres sites ou d’une
bonne position dans les moteurs de recherche.
- Il existe également des publicités plus insidieuses qui s’installent sur l’ordinateur comme
des virus afin de rediriger régulièrement l’internaute sur la page d’accueil du site Internet
correspondant. Cela peut s’avérer gênant et irritant pour l’utilisateur et il n’est pas sûr que ce
soit un bon moyen de persuader un client potentiel, à moins que ce virus ne soit créé par un
concurrent indélicat.
11
Au sujet de l’impact de l'Internet sur les consommateurs, l'étude Net Impact2 menée par
l'institut d'études Ipsos ASI (filiale du groupe Ipsos dédiée aux études publicitaires) publiée le
27 septembre 2005 montre que dans huit cas sur dix, la publicité améliore l'image de la
marque, et que dans sept cas sur dix, elle incite à l'achat.
L'Internet joue un rôle clé dans l'évolution de l'image des marques et dans la prédisposition
à l'achat. La pertinence du média Internet apporte un bénéfice complémentaire aux annonceurs
lorsqu'il est intégré au plan média.
3.4. Presse écrite
À l’opposé de la télévision, de l’Internet ou de la radio qui sont très dynamiques, la presse
écrite est un média statique. De ce fait, les textes et les idées qu’ils contiennent sont moins
labiles et ont donc un impact comparablement plus important que ceux à la télévision. Cette
opinion est mise en lumière par l’expression populaire « les paroles s’envolent, les écrits
restent ». Une grande différence entre la télévision et la presse écrite, c’est que devant la
télévision, on est passif, alors que la presse écrite exige une volonté de participation et une
exposition plus grande de la part du lecteur au contenu du texte afin de faire passer le message.
La publicité se doit de s’adapter à la nature de la presse écrite et non pas le contraire.
Quand un lecteur lit un journal, il regarde ce qui l’intéresse, ce qui attire son regard, ce qui
l’intrigue. Une publicité qui n’aurait aucune de ces qualités est une publicité inutile car
personne ne la regarderait. La publicité à la télévision peut s’imposer au téléspectateur car ce
dernier est passif. Le mode statique de la presse écrite et le mode actif du lecteur obligent la
publicité à faire preuve d’une plus grande attractivité et d’une plus grande visibilité. C’est
ainsi qu’une image de grande taille peut permettre de se distinguer plus facilement au milieu
des textes. De même, le fait d’utiliser deux pages au lieu d’une donne une plus grande
visibilité. Le slogan doit aussi être suffisamment attractif et accrocheur parce que le lecteur ne
passe que quelques secondes à survoler la page publicitaire. Bien sûr, à l’instar des autres
média, la publicité doit tenir compte des intérêts du consommateur potentiel. Il est toujours
plus facile d’attirer le regard du lecteur quand on lui parle de choses qui l’intéressent.
3.5. Affiche
De nos jours, l’affiche publicitaire fait partie de la vie quotidienne de tous les citadins. Sa
présence est partout et maintenant le point important pour concevoir une affiche est de la faire
ressortir parmi toutes les autres afin qu’elle soit vue et reconnue. C’est pour cela que l’affiche
publicitaire et l’art graphique se sont joints pour produire de véritables œuvres d’art au service
12
du marketing. Les affiches les plus réussies sont des objets de collection et apportent au
produit une renommée et une grande crédibilité.
Les affiches publicitaires sont réparties partout dans les grandes villes afin d’être vues par
le plus grand nombre. Elles sont d’un usage très général parce qu’une seule affiche touche
toutes les tranches sociales, des personnes de tout âge, de différentes religions, opinions,
préoccupations, ... Les affiches sont générales et bien soignées afin de ne choquer personne,
sauf le cas où l’affiche est à caractère provocateur et que l’on cherche tout particulièrement à
choquer les gens.
Aux supports publicitaires dont nous venons de faire le point s’ajoutent catalogues,
prospectus, tracts, cinéma, panneaux lumineux, moyens de transports, téléphone portable, ... Il
est certain que ce paysage publicitaire déjà très diversifié continuera à se modifier. Car la
publicité, plus que tout autre discours, se doit d’innover.
4. Constituants du discours publicitaire
La publicité prend source de deux grandes traditions : d’abord celle du livre, ensuite celle
de l’illustration esthétique et artisanale. Étant une structure sémiologique mixte, la publicité se
fonde sur un double système, iconique et verbal.
4.1. Éléments iconiques
Bien que la publicité soit aussi vieille que l’écriture, l’image ne fait partie de la publicité
qu’au XIXè siècle. Au début, l’image dans les réclames journalistiques était très modeste :
emblèmes épars et quelques portraits discrets. Elle était un simple élément de distraction qui
complétait le texte. Jusqu’au XXè siècle, on voyait des dessins et des ornementations variées
dans les publicités. Pourtant, comme on disposait un grand nombre d’annonces sur une même
page, leur format était souvent réduit. Les réclames de presse reposaient, pendant des
décennies en France, sur un agencement très majoritairement scriptural et accessoirement
illustratif. Jusqu’en 1930, avec le lancement du journal Paris-Soir inspiré des modèles
américains, l’image tenait une place plus importante dans une publicité et pouvait rivaliser
sémiotiquement avec le texte. De nos jours, l’écrit cède de plus en plus de terrain à l’image.
Les grandes marques soignent leur image à travers les photos publicitaires les plus attirantes,
les plus sophistiquées parce que selon les publicitaires, la photo reste le meilleur moyen pour
véhiculer un message, un état d'esprit, une identité, voire une philosophie propre à la marque.
4.1.1. Composantes de l’image publicitaire
L’image publicitaire se subdivise essentiellement en visuel et pack-shot.
13
Le visuel est très souvent la part iconique de l’annonce la plus importante en termes de
surface. Il peut représenter aussi bien le produit que le contexte d’utilisation.
Selon la définition parue dans « L'encyclopédie du marketing”3 de Jean-Marc Lehu « le
pack-shot est l’illustration du produit en gros plan. L’annonce dite pack-shot présente
généralement ce gros plan du produit en bas et à droite de l’annonce. »
Prenons le cas de la publicité Ariel. Dans le visuel de l’annonce
occupant plus de la moitié de l’annonce, nous voyons un homme et
son enfant à deux époques différentes. Deux images présentent une
bonne comparaison : le temps passe, l’enfant grandit mais le blanc
du tee-shirt est toujours entretenu à l’aide de la lessive Ariel. Le
pack-shot se trouve en bas à droite avec une boîte de lessive sur le
lave-linge.
Pourtant, en publicité, il n’y a pas de règles strictes. Pour certaines publicités, le pack-shot
est mis en bas au centre ou en bas à gauche, et même en haut à gauche. Regardons les images
publicitaires pour Mercedes, Hermès, Jetz :
Nous remarquons que l’image publicitaire est très bien soignée et attractive. Elle crée un
sentiment d’euphorie chez le lecteur. Pour cela, une image publicitaire ne peut être analysée
qu’à travers ce que l’on voit mais il faut aussi tirer sa signification de ce qu’on perçoit en
procédant à la rhétorique visuelle.
4.1.2. Rhétorique de l’image publicitaire
3
LEHU J.-M., 2004, L'encyclopédie du marketing, Paris, Éd. d'Organisation, p.728
14
Comme un texte, l’image publicitaire est analysée à deux niveaux : le propre (ou le dénoté)
et le figuré (ou le connoté). C’est à Roland Barthes que nous devons cette notion de rhétorique
de l’image.4
« On entend (...) par dénotation le contenu d'information logique du langage. Il s'agit, en
gros, de ce que Jakobson fait relever de la fonction référentielle du langage. (...) Il semble
plus satisfaisant de considérer comme dénotation l'ensemble des élément du langage qui
seraient éventuellement traduisibles dans une autre langue par une machine à traduire” 5 La
dénotation désigne donc la signification fixée, explicite et partagée par tous, c’est-à-dire la
description et le recensement des éléments qui constituent l’image tels que formes,
personnages, décor, cadrage, couleurs...
« On appelle connotations l'ensemble des systèmes signifiants que l'on peut déceler dans
un texte outre la dénotation. »6 La connotation correspond à des sens supplémentaires,
instables, variables selon l’expérience et la culture des individus. La connotation est donc
signification de l'image, interprétations personnelles, stéréotypes...
Nous voyons, dans l’image publicitaire d’Air
France, un ciel bleu parsemé de nuages. L’originalité de
cette annonce consiste à la forme d’une carte mondiale
de ses nuages. Bien que chacun ait son interprétation
pour cette image féerique, il est certain qu’avec cette
rhétorique visuelle, la compagnie parvient à transmettre
le message de son slogan de marque : "Voyages au pays
d’Air France». En fait, il ne s’agit pas simplement d’un
ciel bleu rempli de nuages ou du ciel en forme de carte mais d’un monde uni par le ciel, par
Air France. Avec Air France, on peut faire le tour du monde.
Notons que le sens dénotatif d’une image est stable alors que les connotations sont
diverses, constituées en fonction des effets subjectifs et des contextes. Elles dépendent non
4
BARTHES R., 1964, Rhétorique de l’image, in Communications n° 4, Paris, Seuil, p.50
LE GUERN M.,1973, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse, p. 20
5,6
15
seulement de la répartition des signes dans l'espace de représentation mais aussi du lecteur, de
sa mémoire, de sa culture, de son inconscient et surtout de son imaginaire.
À propos de l’approche rhétorique iconique, Peyroutet et Cocula rappellent que « le
message visuel étant synchrone, la distinction entre l’axe paradigmatique – choix des mots –
et l’axe syntagmatique – combinaison de mots – devient difficile, voire inopérante. Ce qui
revient à dire que les outils linguistiques du découpage signifiant/signifié ne sont pas adaptés
aux valeurs signifiantes de l’image à décoder ».7 Ainsi mettent-ils l’accent sur les deux tropes
les plus importants à savoir la métonymie et la métaphore. Ils définissent les deux tropes
comme suit :
La métonymie dans les messages iconiques est un phénomène dans lequel l’émetteur
substitue un signe S1 à un autre S2 dans l’intention de signifier un rapport de contiguïté (ou de
cause à effet). Sur le plan linguistique, la présence de S1 est rarement indispensable.
Cependant, pour qu’une métonymie soit perçue dans un message iconique, il faut soit que S1
et S2 soient représentés, soit qu’un texte d’appoint indique que tel message iconique est
métonymique. La publicité utilise souvent la métonymie pour démontrer les effets heureux de
la consommation d’un produit. Dans l’affiche d’Air France, l’image des continents formés des
nuages blancs se réfère, par métonymie, à notre Terre qui est réunie grâce aux services de cette
compagnie aérienne.
La métaphore dans les messages iconiques consiste au remplacement d’un S1 attendu par
un S2 qui se fait selon un rapport de ressemblance. En effet, la métaphore est fondée sur une
relation d’analogie entre des référents distincts. Le comparant dans la métaphore graphique est
exprimé par la syntaxe de l’image : le dessin, la couleur, ... L’image d’un village verdoyant et
d’un ciel bleu dans la publicité Air France nous fait rêver à des voyages paisibles et
magnifiques offerts par Air France comme le montre sa devise « Faire le ciel le plus bel
endroit de la Terre »
Il en résulte par ce qui précède qu’il est rare qu’une image impose un sens unique. Il est
préférable de recourir également aux éléments linguistiques qui jouent une fonction d’ancrage.
4.2. Éléments linguistiques
Si la production publicitaire est infinie, elle répond néanmoins à un certain nombre de
règles plus ou moins établies. L’observation d’un large corpus nous permet de citer ci-dessous
7
LE GOAZIOU V., La rhétorique appliquée aux nouvelles images publicitaire, www.artemis.jussieu.fr/ssb/
hermes/actes/ac9596/05ac9596vf.htm
16
un modèle de base. En principe, une publicité regroupe, à part les éléments iconiques, les trois
types de slogans, le pavé rédactionnel, le nom de la marque et les satellites :
17
slogan d’accroche
visuel
pavé rédactionnel
slogan d’assise
pack-shot
logo
marque
slogan de marque
Parmi les publicités étudiées, il nous semble que les annonces sur le domaine technique
contiennent souvent presque tous les éléments d’une publicité-type telle que la publicité de
Seat et Honda, deux marques d’automobile favorites :
Découvrons maintenant plus en détails les éléments linguistiques d’une annonce
publicitaire en commençant par les trois types de slogans.
4.2.1. Slogan
Parmi les moyens discursifs et visuels à disposition du publicitaire, le slogan est sans
aucun doute l'élément textuel qui jouit de la plus forte mémorisation. Son double rôle est,
d’une part, de retenir l’attention du lecteur et d’autre part, d’opérer un lien très rapide entre la
marque et certaines de ses caractéristiques.
Lorsque l’on parle de slogan, il convient d’en distinguer trois catégories qui ne sont pas
nécessairement toutes présentes sur une même publicité.
18
Le slogan de marque (ou corporate) est la devise de l’entreprise. On rencontrera ainsi
"Auto emociòn" pour le groupe Seat et "First man, then machine" pour le groupe Honda ou
« Créateur d’automobiles » de Renault. Ce type de slogan, caractérisant la marque, lui devient
peu à peu indissociable. Le consommateur l'assimilera en définitive à cette dernière. Nous
avons une remarque à faire à propos de la langue utilisée dans le slogan de marque. Une fois
introduite dans un pays étranger, il paraît évident que le message linguistique doit être traduit
et adapté au contexte socio-culturel. Pourtant, beaucoup de firmes décident de conserver le
slogan dans leur langue nationale, notamment l’anglais dans le but d’attester leur vocation
internationale.
Le slogan d'accroche (ou head-line), généralement situé en haut de l’annonce, est la
devise du produit, ciblée sur le moment de la transaction commerciale. Comme son nom
l’indique, l’un de ses rôles principaux est d’attirer l’attention, d’interpeller le lecteur. Il est
souvent lié au visuel et aux aspirations du client potentiel. Avec le slogan « Les femmes ne
s’intéressent plus qu’à leur voiture », Seat Arosa a ciblé les femmes comme cliente
potentielle, tandis que le slogan de Honda « HR-V 4x4. Le plaisir de suivre sa propre voie »
prend en compte le nom de son nouveau modèle HR-V 4x4 et joue sur la séduction ludique et
l’éloge implicite du consommateur.
Enfin, le slogan d'assise (ou base-line) explicite généralement la devise de la marque, dont
elle synthétise la stratégie adoptée. Il peut également donner des informations supplémentaires
sur le produit présenté comme le slogan de la publicité du rouge à lèvres de Bourjois « Effet
3D, son pouvoir peut vous échapper ». La structure de ce type de slogan est généralement plus
grammaticale que celles du slogan d'accroche ou du slogan de marque. Il arrive aussi
fréquemment que le slogan d’assise soit fortement lié au rédactionnel et situé en bas à gauche.
Pour tous les types publicitaires, le slogan est souvent considéré par les publicitaires
comme un des éléments déterminants du succès d’une publicité. Ainsi, J.M. Adam et M.
Bonhomme affirment-ils que « sollicitant surtout l’hémisphère droit du cerveau – plus
responsable des composantes intonatives (Jakobson et Waugh 1980 : 60-62) et rythmes du
langage de la perception et de l’élaboration de totalités que de la production logicoanalytique (phonétique, syntaxique et sémantique), le slogan se caractérise par une brièveté,
une simplicité grammaticale, une tonalité péremptoire et une fermeture structurelle qui en font
un syntagme figé et un idiolecte protégé par la loi sur la propriété artistique. Tous ces traits
lui confèrent un pouvoir élevé de mémorisation et renforcent sa dimension performative. » 8
8
Op. cit., p.60
19
Néanmoins, pour certaines publicités, surtout celles des vêtements et des bijoux jouissant
d’une bonne réputation, à part le nom de la marque, on ne voit que l’image des grandes
personnalités. Car seule la notoriété de la marque peut tout dire.
En fin de compte, le slogan joue un rôle important pour la persuasion publicitaire. Nous
développerons cet aspect du slogan dans le chapitre suivant. Il est temps de passer au pavé
rédactionnel, un autre constituant linguistique moins présent mais aussi persuasif.
4.2.2. Pavé rédactionnel
Le rédactionnel (pavé rédactionnel) est un texte construit, fortement argumentatif, plus
objectif et à forte charge informative. Généralement placé en bas d’annonce, sa typographie
est de préférence neutre et de petite taille.
Sur le plan pragmatique, il est moins expressif que l’image. C’est pourquoi, il est le lieu
idéal pour développer l’argumentation publicitaire. Nous le trouvons très souvent dans les
annonces des produits techniques tels que voitures, appareils électroménagers, téléphones
mobiles,... ou de certains services bancaires, aériens,... Rarement lu, il reste cependant capital
puisqu’il apporte des informations supplémentaires aux personnes interpellées par l’annonce.
Avec des preuves scientifiques, le texte donne l’impression du sérieux et de la respectabilité
scientifique. En général, le rédactionnel de ces publicités sert à concrétiser les avantages du
produit par rapport aux concurrents, surtout l’innovation technique, son mode d’emploi ou
parfois des indications d’accès au produit, ... Par exemple, dans le texte publicitaire du Rouge
Magique de Lancôme, l’insistance est portée sur le nouveau procédé technique. Les deux tiers
du texte servent à illustrer l’élément à coloration scientifique « un véritable ruban de
polyfixine imprégné de couleur qui adhère incroyablement au dessin de votre bouche... ».
Cependant, pour certains produits surtout les produits de luxe, l’utilité passe souvent en
second, cédant la place prioritaire à la beauté et l’originalité. Prenons, par exemple, le cas de la
publicité du téléphone sans-fil Matra :
« Beau et lisse comme un galet caressé par la mer, mon téléphone sans-fil Nautila m’offre
le meilleur de la technologie Matra en toute liberté. »
Cet exemple montre que la publicité n'est donc plus seulement une rhétorique qui sert à
convaincre de l'utilité du produit, mais une façon de faire connaître la nouvelle technologie,
tout en exhibant la beauté, l'élégance... du téléphone. Ce type d’argumentation provoque une
impression de dilatation spatiale et incite à la rêverie.
20
Le pavé rédactionnel n’est pas toujours présent dans une annonce publicitaire mais une
fois apparu, il joue un rôle argumentatif par excellence. Contrairement au rédactionnel, c’est la
marque, constituant linguistique minimal indispensable pour chaque annonce.
4.2.3. Marque
La marque se décompose en deux sous-catégories : marque de la firme et nom du produit.
4.2.3.1. Marque de la firme
Étant la signature de l’annonce, elle apparaît en bas, à droite, souvent à proximité du logo
et du slogan de marque. Caractérisée par sa durée dans le temps, elle est en général arbitraire,
liée au patronyme de ses fondateurs comme Renault, Ford, Toyota, ....ou au relativisme de la
langue qui l’a vue naître (General Motors, Les Mutuelles du Mans ....). Il existe également des
marques formées de la siglaison telles que IBM, BP, FPT, ... Cependant, même initialement
arbitraire, la marque porte une grande force persuasive due à la réputation de l’univers qu’elle
évoque. D’où le concept de l’« image de marque », ce qui explique de grosses sommes
dépensées par les entreprises pour combattre la contrefaçon ou faire la publicité de leur
marque. En fait, seule la marque suffit pour garantir l’argumentation de l’annonce. Total en est
un exemple typique. Ce nom du groupe a une signification et une prononciation identiques
dans de nombreuses langues de par le monde. Total est aussi le nom de sa marque principale
qui, créée en 1954, a acquis un capital important de notoriété et de sympathie auprès de ses
publics et de sa clientèle.
Tenant compte de l’importance de la marque, tous les ans, le magazine Business Week et
Interbrand publie le Classement des 100 marques les plus puissantes au monde selon lequel les
trois premières marques de l’année 2005 sont Coca-Cola, Microsoft, IBM.
Bref, la marque contient une orientation incitative qui opère comme argument de vente.
C’est sa fonction globalement persuasive. Avec la marque de l’entreprise, le nom du produit
renforce l’aspect argumentatif de l’annonce.
4.2.3.2. Nom du produit
Le nom du produit a une durée de vie plus ou moins longue en fonction de la conjoncture
économique. Si le produit se vend bien, son nom existera très longtemps et vice versa.
L’appellation du produit est choisie par le producteur selon la place qu’il occupe dans une
série manufacturière, comme certaines automobiles (la Peugeot 304, 404, 504 ...) ou par la
nature, la composition du produit, notamment les produits chimiques et de beauté. Les
nouveaux venus reflètent souvent l’innovation et le dynamisme du producteur en vue de
21
s’adapter au besoin du marché. Le nom du produit est ordinairement sa mini-description et a
une portée argumentative avec différents procédés. Il s’agit d’une mise en évidence de ses
effets bénéfiques (par exemple le rouge à lèvres Effet 3 D qui promet des qualités à
découvrir), de ses composantes scientifiques (l’Huile essentielle de lavande officinale
d’Ecocert), ou de son univers mythique (la voiture Elyséo Peugeot relative aux ChampsÉlysées, séjour des bienheureux dans la mythologie gréco-romaine).
Quelque minimes qu’ils soient, le nom de la marque ou le nom du produit sont
certainement indispensables et détiennent une forte influence sur la motivation d’achat du
consommateur.
4.3. Éléments composites
Dans certains types d’annonce, il y a des éléments à cheval entre linguistique et iconique
tels que le logo ou les satellites.
Avec le nom de la marque, le logo constitue la signature de l’annonce et remplit deux
fonctions argumentatives :
Premièrement, il assure la fonction de saisie immédiate de la marque. Étant une véritable
image d’identité d’une entreprise, il doit être identifiable et mémorisable en un coup d’oeil par
la compacité de son emblème, comme l’image d’une pomme («apple » en anglais) désignant
la marque Apple très connue dans le domaine électronique (fig.1) ou l’initiale inductrice H de
Honda qui en déclenche la lecture. (fig.2)
Deuxièmement, il sert à valoriser le concept de la marque, souvent suggéré par le
signifiant iconique. C’est ainsi que le globe bleu de Kuoni concrétise l’activité mondiale de
cette agence de voyages aériens (fig.3) ou l’icône d’Air France représente sa nationalité
française à travers les trois couleurs du drapeau français (fig.4).
Fig.1
Fig.2
Fig.3
Fig.4
Les satellites sont les éléments parasitaires, facultatifs et permutables, mi-textes, miimages qui occupent une superficie plus ou moins faible et s’égrainent sur l’annonce. Il y a des
satellites accessoires (notes, adresse, ...) et d’interpellation (nouveauté, offres spéciales, ...).
22
Pour illustrer ces propos, on peut examiner l’annonce Cif.
Celle-ci, apparemment banale, regroupe différents satellites.
Le premier satellite « nouveau » s’inscrit en lettres capitales
rouges, en superposition sur le visuel. Le deuxième satellite,
dans une forme ovale au fond blanc, promet un échantillon
("Allez chercher votre échantillon de Cif Oxy-Gel, le 9 juin 2001
à la succursale IKEA d’Aubonne"). Enfin, le lecteur remarquera
le troisième satellite : l’étiquette annonçant le nom du produit, doublement mis en évidence.
Au final, mineures dans leur aspect, ces mentions périphériques renferment cependant un très
grand pouvoir argumentatif et captatif.
En un mot, tous ces éléments, linguistiques et iconiques, constituent un ensemble logique
et cohérent ayant une force argumentative. Parmi ces éléments, lesquels jouent le rôle le plus
important dans la formation du sens ? Nous trouverons la réponse dans l’analyse du rapport
texte/image.
4.4. Rapport texte/image
Les constituants linguistiques et iconiques constituent un tout complexe d’une annonce
publicitaire de presse écrite. Le sens global d’une annonce n’est pas la somme de ses parties. Il
est en effet formé par un rapport interdépendant entre les différents constituants qui
provoquent des circulations de sens.
Dans son livre "Rhétorique de l’image", R. Barthes remarque que l’image engendre
souvent un malaise, «la terreur» du signe incertain, qui tient à l’indécision du sens à donner
parmi tous les sens possibles. Le texte, lorsqu’il y en a un, servirait alors de guide au lecteur et
remplirait deux fonctions distinctes.9
Premièrement, pour remédier à l’éparpillement de sens de l’image, le message linguistique
joue la fonction d’ancrage (fixer le sens) en orientant la lecture de l’image vers le but du
publicitaire.
La deuxième fonction, dite fonction de relais (fournir des sens
complémentaires) consiste à apporter au lecteur des informations
supplémentaires que l’image ne peut pas véhiculer telles que les
indications de temps, de lieux, de personnes,... À quoi pense-t-on
en regardant l’image à côté sans aucun signe linguistique ? (Il
s’agit de la publicité d’un parc d’eau ou d’une piscine ?) À l’aide
du slogan « Communiquer sans frontières » et du nom de marque,
9
Op cit, p.67
23
on peut savoir qu’il s’agit de la publicité d’Orange, un grand réseau de téléphonie mobile. Si
R. Barthes aborde ce rapport dans une perspective unidirectionnelle, L. Bardin estime que les
deux fonctions d’ancrage et de relais sont réversibles. Elle pose la question suivante :
« Qu’est-ce qui prouve, dans le rapport texte/image, que c’est toujours le texte qui joue le rôle
de mode d’emploi ? »10. Nous partageons l’idée de L. Bardin. Le texte n’est pas moins
polysémique que l’image. La publicité, toujours à la recherche d’innovations, propose parfois
des textes impossibles à interpréter sans l’aide de l’image. C’est alors l’image qui vient fixer le
sens du texte. Une publicité de la coopérative
Migros est représentative. À part la marque, on
ne voit qu’une seule phrase "La vache, c’est
cool...". Sans l’image, il est impossible de saisir
le sens de ce slogan et deviner de quel produit il
s’agit.
L’étude des constituants de la publicité révèle la composition d’une publicité et la relation
interdépendante des éléments. Il est évident que ces composantes ne sont pas de même
importance dans une publicité. L’accent mis sur telle ou telle composante dépend largement
du type du produit et de la notoriété de la marque. Une fois présentes, elles contribuent toutes
à refléter l’intention du fabriquant et du publicitaire en créant des effets caractéristiques de la
publicité.
5. Caractéristiques de la publicité
Il y a différents points de vue sur les caractéristiques de la publicité. Les uns les
considèrent comme des mensongères, d’autres les voient et les aiment parce qu’elles sont très
créatives, amusantes, impressionnantes ... Dans le cadre de cette étude, nous laissons à côté
leurs aspects négatifs pour nous concentrer à « faire la publicité » de la publicité en ne mettant
en évidence que leurs mérites.
5.1. Créativité
Qu’est-ce qui rend une marque visible et attirante dans un univers couvert de publicités de
toutes sortes ?
Parmi tant d’éléments jugés indispensables comme le format plus grand pour plus d’espace
d’expression et de séduction, la finesse de son plan média, ..., une bonne création est toujours
10
BARDIN L., 1975, Le texte et l’image, Communication et langages, n° 26, Paris, Retz, p. 102
24
le meilleur moyen d’y parvenir. Tous les publicitaires apprennent par cœur la recette
« Créativité = Efficacité ».
Mais comment définir et mesurer la créativité?
Pour Maslow, « la créativité nécessite une aptitude à exprimer des idées et des pulsions
sans répression et sans crainte du ridicule. Elle implique l'absence de classification,
l'ouverture à l'expérience, la spontanéité et la liberté d'expression ».11
Barron et Harrington relient plutôt la créativité à l'intelligence et la personnalité. 12
Selon Jean-Henri Francfort, directeur et rédacteur-concepteur d’une agence publicitaire
suisse, « la créativité n’est pas pure intuition.[...] La créativité est endiguée par des études de
marché, par des statistiques de toutes sortes, par les principes fondamentaux du marketing
moderne, par des principes de communication aussi simples qu’incontournables ».13
Plus simplement, être créatif, c'est de sortir de l’ordinaire, de trouver quelque chose de
différent. Rappelons-nous la citation de Nerval, qui n'était pas un publicitaire : « Le premier à
avoir comparé une femme à une rose était un poète, le second un imbécile» .
Comme toute création, la créativité publicitaire porte sur le fond, la maîtrise des mots, de
la direction artistique et de l'interactivité. La plupart du temps, les publicités sont jugées sur la
créativité. Or, la publicité est un outil qui sert à augmenter les ventes mais pas seulement celui
de loisirs (ou de culture). C’est pourquoi, quelle que soit son originalité, la publicité est
estimée inefficace si l’on n’arrive pas à retenir la marque, le produit et son bénéfice.
Le point de départ devrait être le produit lui-même. Une bonne création doit tout d’abord
répondre aux attentes de la marque et vanter les mérites du produit pour accrocher le
consommateur, le toucher, lui donner envie d'aller plus loin… à l’aide des plus belles photos,
des meilleurs messages. Une publicité créative évoque toujours la surprise, le plaisir, la
curiosité et même l’admiration chez les lecteurs pour qu’ils s’en souviennent le mieux, qu’ils
en discutent entre eux et qu’ils achètent enfin le produit. En fait, beaucoup de consommateurs
disent qu’ils achètent parfois un produit non pas parce qu’il leur est vraiment utile mais
seulement que la publicité est si attrayante et impressionnante.
11
MASLOW A., 1972, Vers une psychologie de l'être, Paris, Fayard, p.153
BARRON f. & HARRINGTON D.-M., 1981, Creativity ,Intelligence and Personality, Annual Review
Psychology, p.441
13
FRANFORT J. H., 2001, Les publicitaires : professionnels du cirque médiatique ou saltimbanques de la
communication ? , Le magazine d'information des professionnels de la communication ComAnalysis no 34
12
25
Ces deux images ci-dessous sont le fruit de la créativité. L’une reflète un spectacle très
romantique d’un couple qui ne peut pas se séparer en raison de leur amour pour Paris et/ou de
la séduction de l’odeur du parfum d’Yves Saint Laurent. L’autre paraît plus simple mais pas
moins expressive : une beauté orientale très sublime nous touche jusqu'aux tréfonds de l’âme.
La créativité se manifeste non seulement à travers une bonne idée, une belle image mais
aussi au niveau lexical, sémantico-syntaxique. On peut trouver des mots nouveaux, des
structures agrammaticalement modifiées dans des publicités :
-
Ford, encore plus Ford. (Ford)
-
Rowentez-vous la vie. (Fer à repasser Rowenta)
-
Vacances à la Framçaise. (Agence de voyage Fram)
-
Louez vos week-ends. (Location Orion)
-
Vacanciez-vous la vie.
Cap d’Agde. (Sopra-Vacances)
La créativité est donc synonyme de l’originalité, de la nouveauté mais il n’est pas à exclure
que la création vient de ce qui est connu tout en apportant de belles surprises au lecteur. C’est
ainsi que la caractéristique de créativité cohabite souvent avec le plagiat, un procédé
s’appuyant sur la culture personnelle du lecteur.
5.2. Emprunt ou plagiat publicitaire
Le plagiat qui est une copie conforme et intentionnellement dissimulée, désigne
habituellement le vol de la propriété intellectuelle - qui se traduit en copyrights pour les
produits artistiques et scientifiques et en brevets pour les produits techniques et économiques.
Pourtant, le plagiat dans les pratiques artistiques ou dans la pratique publicitaire diffère
considérablement. Les plus grands publicitaires encouragent même leurs disciples à les imiter.
26
Par exemple, D.Ogilvy invite ses jeunes publicitaires à le singer : « Ce n’est pas une mauvaise
chose d’apprendre le métier de publicitaire en copiant vos aînés, et les meilleurs. »14 De
même, Gilles Lugrin, docteur ès Lettres, fondateur du magazine ComAnalysis spécialisé dans
la publicité, conseille à ses rédacteurs de copier jusqu’à ce qu’ils aient une meilleure idée.15 En
réalité, la pratique de la copie est si ordinaire en publicité que les agences d’une certaine
envergure ont systématisé le procédé.
Les spécialistes divisent la copie des publicités en deux types : copie de modèles
préexistants dite emprunts génériques et copie à d’autres textes, emprunts intertextuels.
Certains linguistes classent la publicité dans la catégorie
injonctive. Pour d’autres, elle est un discours argumentatif.
En réalité, la publicité peut être à la fois injonctive,
descriptive,
poétique,
argumentative,...
car
elle
est
représentée par différents genres préexistants : poème, fairepart de mariage, éditorial, petite annonce, bail à loyer,
journal intime, pièce de théâtre, etc. Tel est le cas de la
publicité Ford que nous voyons à côté, elle est un emprunt
du genre de journal intime, le pavé rédactionnel s’actualise
sous forme une page de journal. Les spécialistes appellent
ce type de copie comme des emprunts génériques.
De la même manière, on a recours à des discours qu’on
a entendus. Ces faits intertextuels peuvent être de
différentes natures et puiser dans les genres de la langue
aussi bien que dans des stéréotypes ou des productions
langagières notoires.
On rencontre souvent des héros des bandes dessinées
dans une publicité. Tintin, le héros très connu de la bande
dessinée belge du même nom a été beaucoup exploité dans
la publicité, il existe même un produit qui porte ce nom
comme le fromage Tintin.
14 15
, LUGRIN G., 2003, « Splendeur et décadence de la créativité publicitaire : entre copie formatrice, plagiat
crapuleux et allusion parodique », Le magazine d'information des professionnels de la communication
ComAnalysis, no73
27
La publicité est coutumière du détournement des
œuvres d'art. Regardons l’emprunt au tableau La Joconde
de Léonard de Vinci de la sauce Chunky, la présence de
Mona Lisa comme une cliente potentielle valorise le
produit et donc le goût du consommateur. De plus, le
changement très frappant de son apparence impressionne
et amuse tout le monde.
Il est aussi très fréquent que le slogan publicitaire est dû à la modification des formules
figées connues de tous, du titre d’un roman ou d’une phrase extraite d’une œuvre littéraire
comme « Qui va à la chasse avec Gaspard gagne sa place » de Gaspard («Qui va à la chasse
perd sa place»), une station de sports d'hiver, «Qui veut innover bien ménage la culture” de la
Citroën CX ("Qui veut voyager loin ménage sa monture" dans l’œuvre Les plaideurs de
Racine ), « En attendant Godiva » du Chocolat Godiva (le nom du roman « En attendant
Godo » de Samuel Bekectt).
Quels sont les intérêts principaux pour lesquels les publicitaires recourent souvent à des
emprunts ?
Tout d’abord, l’emprunt des genres habituels favorise la rapidité d’interprétation. La
maîtrise des genres permet au lecteur de se concentrer au message transmis par la publicité en
évitant de porter son attention sur tous les détails.
La compétence générique partagée par un large public assure aussi la sécurisation de la
communication, l’efficacité de l’annonce. On court moins de risques de perdre une grosse
somme pour rien.
Par ailleurs, le discours publicitaire emprunte systématiquement des formes à d’autres
discours pour se renouveler et évoluer. Il est certainement beaucoup plus facile de trouver
quelque chose d’innovant à partir de ce qu’on a connu que de partir de zéro.
Enfin, l’emprunt crée souvent chez le lecteur un choc entre ce qu’on a appris et ce que la
publicité propose en vue de solliciter la mémoire du lecteur.
5.3. Exagération
Selon l’article 30 Décret n° 88-66 du 20 janvier 1988 portant approbation du cahier des
missions et des charges de Radio France internationale modifié par : Décret n° 2004-743 du 21
juillet 2004 (JO-28/07/04, « la publicité doit être conçue dans le respect des intérêts des
28
consommateurs. Les messages publicitaires ne doivent pas, directement ou indirectement, par
exagération, par omission ou en raison de leur caractère ambigu, induire en erreur le
consommateur» .
En réalité, les publicités exagèrent toujours les avantages du produit et très peu de produits
se montrent à la hauteur du battage publicitaire. L’exagération est même si fréquente dans la
publicité, dans le journalisme et dans la langue courante qu’elle peut amoindrir son effet et
n’est plus perçue comme telle.
« - Ah! Il est bien le nouvel Omo.
- C'est celui qui lave encore plus blanc que blanc.
- Moi, j'avais l'ancien Omo qui lavait plus blanc et il lavait déjà bien, hein.
- Mais maintenant il y a le nouvel Omo qui lave encore plus blanc.
- Moi j'ose plus changer de lessive, j'ai peur que ça devienne transparent après.»
Existe-t-il quelqu’un qui rie face à cet extrait de la publicité de Omo ? Nous sommes
certains que personne ne le trouve étrange, non pas parce qu’on croit tous à ce que dit la
publicité mais parce qu’on s’habitue à sa manière de présenter le produit.
Aujourd’hui, l'hyperbole est omniprésente dans la rhétorique de l'éloge pratiquée par la
publicité au niveau linguistique aussi bien qu’au niveau iconique. L'hyperbole consiste en un
renforcement et en une surdétermination de l'expression par rapport à la réalité désignée.
L'hyperbole langagière se manifeste avant tout par des marqueurs lexicaux et grammaticaux:
- par suffixes d'intensité comme « issime » ayant une valeur superlative qui signifie
«très », « au plus haut degré».
« Diorissimo » ( DIOR)
« Sandwichissime! Les viandes préparées Maple Leaf. » (Maple Leaf)
- par préfixes d'intensité tels que maxi, super, hyper, extra, méga, macro:
« Maxi-tonique » (EAU JEUNE de Galley)
- par superlatifs:
« Le plus grand des petits déjeuners » (Kellog’s Corn Flakes)
L'hyperbole iconique est actualisée, quant à elle, par des procédés topographiques (jeu sur
la spatialité interne à l'image) et géométriques (manipulation des formes).
29
Dans la publicité pour un serveur Internet destiné à vendre des produits bancaires, on a une
image hyperbolique illustrant l'impossibilité de ''manquer le trou'' (sa taille est énormément
amplifiée par rapport à un trou normal au golf), c'est-à-dire qu’avec les services de cette
banque, il n’y a presque pas de risques dans les investissements.
La pluie d’hallebardes dans la publicité Volkswagen est aussi une image hyperbolique qui
exprime la super-résistance de la voiture. Selon certains analystes de la publicité automobile,
« il semble même que le concept publicitaire sous-jacent à la publicité automobile soit une
certaine constance dans " le rêve, la plongée dans l’irréalisme, dans le délire, l’imaginaire
pur, car l’automobile, c’est d’abord l’évasion ". »16
Avec de belles images ou des expressions inventives qui vont à l’encontre de ce à quoi
l’on s’attend, l’exagération publicitaire ne déplaît pas le lecteur mais bien au contraire, elle
suscite, chez lui, la surprise, l’admiration et plus souvent le doute d’où sa mémorisation pour
la marque et le produit. Par conséquent, on a envie de l’utiliser lorsqu’on le voit.
5.4. Humour
Le grand principe de la publicité moderne est de nous faire croire qu’elle ne cherche pas à
nous convaincre, à nous séduire. La publicité ne se contente plus d’énoncer des avantages
mais doit se jouer d’elle-même en créant un climat de divertissement et de complicité qui
incite le lecteur à la recevoir sans aucune défense. En fait, l’humour a un impact positif sur
l’attention accordée à la publicité. Nous avons entendu dire : « Une fois que vous avez fait rire
les gens, cela signifie qu'ils vous écoutent et que vous pouvez alors leur dire à peu près
n'importe quoi. »
16
LUGRIN G. & TOLIVIA D., 2002, Check-up de la publicité automobile, Le magazine d'information des
professionnels de la communication ComAnalysis no45
30
Voilà deux exemples parmi tant de publicités drôles du corpus. Le comique dans la
première image, c’est la position ridicule et le regard stupéfait du chien. Il paraît que ce pauvre
animal a trop peur de la vitesse de la Volkswagen «vraiment puissante» et s’agrippe au siège
au lieu de se retrouver coincé sous la banquette arrière. Dans la publicité de Lu, on voit une
association humoristique entre le slogan très solennel et l’image indécente d’un petit-beurre à
l’oreille coupée. Il est évident que c’est cette qualité distractive qui rend ces publicités
inoubliables. Généralement, si on se rappelle bien du comique d'une situation, on est
également capable de se rappeler le nom de la marque.
Si les images publicitaires amusantes sont multiples, les messages linguistiques à caractère
humoristique sont rares. Parmi des centaines de publicités du corpus, nous ne relevons que de
quelques dizaines de messages qui sont drôles en eux-mêmes :
-
« Un jour sans Bic, c’est la barbe. » (Rasoir jetable Bic)
-
« Si les poissons pouvaient parler, ils vous conseilleraient Hykro. » (Ecumeur Hykro)
Dans la plupart des cas, le message linguistique joue le rôle de
confortation, explicitant l’humour de l’image. Prenons, par exemple,
le cas de Seat Arosa dans lequel seul le slogan “Seat Arosa. Les
femmes ne s’intéressent qu’à leur voiture.” ne fait pas rire le lecteur.
Il n’a que pour tâche de conforter le contenu d’humour du message
iconique.
L’humour et la communication publicitaire sont-ils toujours un
mariage efficace ?
Certainement pas. Utiliser l’humour est un jeu dangereux, même pour les grands
publicitaires. En effet, l’humour est parfois incompréhensible. De plus, l’humour risque de se
tourner vers le vulgaire et le ridicule.
31
Le meilleur humour doit être « l’humour stratégique, celui qui est inscrit au plus profond
de la marque et qui lui donne sa personnalité ». 17
Enfin, une publicité est jugée attrayante si l’humour est subtil, fait appel à l’intelligence et
demande un effort de compréhension.
I.5.4. Esthétique
L’image et le message qu’une publicité nous propose ont pour l’objectif plus que de
distraire. Elle puise dans un répertoire de valeurs esthétiques pour répondre à la diversité des
goûts du public.
Beaucoup de textes enthousiastes sont consacrés à faire l’éloge de la beauté des publicités.
Pierre Mac Orlan considère la publicité comme « un des beaux-arts ».18 Leo Spitzer l’appelle
« la fleur de la vie contemporaine » qui « est une affirmation d’optimisme et de gaieté, distrait
l’oeil et l’esprit ».19
Selon Henri Joannis, l’un des pères de la création publicitaire, caressant les cœurs et
l’affectif du lecteur, la beauté des publicités fait partie des « procédés d’attention/spectacle
[par les émotions] ».20 En réalité, l’attention du lecteur est très souvent attirée par un style
raffiné, des paysages de rêve, une lumière rare ou des rapports de couleurs éclatants. Ces
éléments esthétiques valident la crédibilité d’un produit plutôt que le produit lui-même.
La publicité des produits de luxe est une preuve de cette dimension esthétique, ceci grâce à
la contribution de bon nombre d’artistes et de photographes célèbres. Les deux publicités cidessous suffisent pour justifier ce qu’on estime de la publicité :
17
GRABY F., 2001, Humour et Comique en Publicité, Caen, Éd. EMS, p.78
ORLAN M., Vive la publicité !, recueil de texte, avec les œuvres de plus illustrateurs, Le Dilettante, Éd. Prima
Linea
19
SPITZER L., 1978, « La publicité américaine comme art populaire », Poétique, no 3, Paris, Seuil
20
JOANNIS H., 1995, De la stratégie marketing à la création publicitaire, Paris, Éd. Dunod
18
32
La photo pour "Murmure", le parfum féminin de Van Cleef & Arpels, est indéniablement
une véritable œuvre d'art. N’ayant pas de décor, pas trop de détails, la photo représente un
accord parfait entre ce flacon et cette fleur aux tons pastel. C’est vraiment un régal pour l’oeil
et l’esprit.
Mercedes a recours au dédoublement du croissant de lune pour incarner la beauté. L’image
de deux croissants de lune sert à traduire les événements exceptionnels que la Classe C
Selection offrira à ses clients.
Sur le plan linguistique, les publicitaires utilisent souvent des figures de rhétorique, des
expressions ou structures empruntées aux œuvres littéraires… pour créer les plus beaux
messages publicitaires. Blaise Cendras constate que l’esthétisation du message recourt aux
mêmes stratégies discursives que la poésie. On y perçoit aussi le lyrisme, le romantisme :
«Ce qui caractérise l’ensemble de la publicité mondiale est son lyrisme.
Et ici la publicité touche la poésie.
Le lyrisme est une façon d’être et de sentir ; le langage est le reflet de la conscience
humaine ; la poésie fait connaître (tout comme la publicité un produit) l’image de l’esprit qui
la conçoit.
... je fais appel à tous les poètes : Amis, la publicité est votre domaine.
Elle parle votre langue.
Elle réalise votre poétique. »21
Qu’ils soient courts ou longs, qu’ils soient une description ou une narration, les textes
publicitaires sont en général très imagés et poétiques.
« La femme est une île,
Fidji est son parfum. » (Eau de parfum Fidji)
« Qui sème les fleurs, récolte la tendresse. » (Interflora)
« Il était une fois ... un charmant petit pays.
Avec beaucoup de châteaux. Des collines verdoyantes, des forêts millénaires, des
ruisseaux enchanteurs. Avec des habitants accueillants, joyeux et gourmets.
Ils sont là, au cœur de l’Europe ; si près de chez vous. Car le plus beau de l’histoire, ce
pays existe vraiment !
Le grand-duché de Luxembourg. » (Service du tourisme de Luxembourg)
21
Cité par J.-M. Adam et M. Bonhomme, op. cit. p. 5
33
Comme les images publicitaires, la beauté des messages publicitaires est souvent liée à la
nature avec des fleurs, des îles, des forêts ... Par la manipulation magique des publicitaires, les
expressions simples et les images habituelles renvoient à un monde de rêve, un vrai paradis sur
la Terre.
Pour conclure, plus la société de consommation se développe, plus la publicité devient
indispensable à la vie quotidienne. Avec les caractéristiques que nous avons vantées dans ce
présent chapitre, la publicité mérite d’être un art de notre temps moderne. « Plutôt qu’un
endoctrinement, la publicité propose un rêve et feint un monde idéal. S’affranchissant d’une
vision réaliste banale, il met l’imaginaire du lecteur en réveil, l’arrache à la monotonie du
quotidien et lui propose une évasion. »22. Les connaissances que nous avons tirées de ce
chapitre serviront de base pour notre analyse purement linguistique dans les chapitres suivants.
DYE M., La “poétique” du message publicitaire. Interférence avec le discours littéraire et spécificité,
Laboratoire Littératures et Réalités
22
34
CHAPITRE II
ANALYSE LEXICALE DU TEXTE PUBLICITAIRE
La publicité est classée parmi des textes argumentatifs, en ce sens que le but de la publicité
est de persuader le client potentiel d’acheter le produit. Pourtant, à la recherche de la
nouveauté et de l’originalité, les publicitaires empruntent aussi aux autres types de discours.
Le cas le plus fréquent est le glissement de l’argumentation à la description ou à la narration
qui est parfaitement mis en scène dans les publicités de Peugeot et de Tuborg :
« .... La caisse tout acier de la 806 est construite selon une architecture qui donne une
rigidité maximale à l’habitacle. Le plancher plat est continu, il est soutenu par plusieurs
traverses et quatre longerons longitudinaux. Le pavillon est renforcé par deux arceaux. ... »
(Peugeot)
« ... Je venais de décider une petite pause pour recharger les batteries et admirer ce
magnifique lever du jour. Aurélie était montée d’un bon rythme et, bien emmitouflée dans son
ANNAPURNA, elle profitait d’une barre de chocolat. En tant que professionnelle de la
montagne, j’avais conseillé à Aurélie pour sa première grande course de prendre des
vêtements SCHÖFFEL pour leur coupe, leur résistance et surtout leur technicité. ... »
(Tuborg)
Cette diversité du genre ainsi que la subtilité des publicitaires dans la création publicitaire
nous incitent à analyser cette « forme d’art »23 qui, selon Leo Spitzer, « n’en offre pas moins
un « texte » où nous pouvons lire, aussi bien dans ses mots que dans ses procédés littéraires et
picturaux, l’esprit de notre temps et le génie de notre nation ... ».24
Notre première remarque porte sur la langue publicitaire qui répond à un grand paradoxe.
D’une part, elle doit se rapprocher du consommateur pour être comprise de lui, elle utilise
donc des mots qu’il connaît et parle son langage. Mais, en même temps, elle s’écarte de la
norme. Afin d’atteindre cet objectif, les publicitaires recourent à différentes stratégies
lexicales parmi lesquelles la néologie et les figures de rhétorique jouent un rôle de premier
plan.
1. Néologie ou créativité lexicale
23,24
Op. cit. p.152
35
À propos de la néologie publicitaire, il y a des opinions différentes et même
contradictoires. Certains accusent la publicité d’abîmer la langue. Grandjouan regrette, par
exemple, « la surenchère verbale des réclamiers [qui] fausse le français en l’abrégeant de
force »25. Thévenaut condamne « les agressions caractérisées [...] des étrangetés néologiques
propres au commerce et à la publicité. »26. Par contre, d’autres estiment que la publicité est un
lieu de création et « examinent de près les spécificités stylistiques et communicatives d’une
sorte de langue dans la langue ».27
En observant le corpus, nous constatons que loin d’être des aberrations répréhensibles, les
publicités enrichissent la langue avec des phénomènes linguistiques habituels parmi lesquels la
néologie en est un des plus sollicités, car la nouveauté suscite toujours la découverte, la
réflexion, et donc la mémorisation :
« Avec Carrefour, je positive. » (Carrefour)
« Photovitaminez-vous les cheveux ! » (Photovitamines)
La langue de la publicité utilise toutes les formes de créativité lexicale présentes dans la
langue courante telles que néologie phonétique, sémantique, syntagmatique, d’emprunt.
Pourtant, comme dans la langue courante, certains procédés sont particulièrement privilégiés
par les créateurs de publicité, par exemple le mot-valise, la modification orthographique, le
changement de classe du mot.
1.1. Mot-valise
Le mot-valise28 est un procédé de néologie lexicale de plus en plus fréquent dans la société
française. Né dans la littérature (Rabelais), il y a pris son essor au fil des siècles et se trouve
aujourd’hui exploité dans de multiples domaines, comme la publicité, le journalisme, les
vocabulaires techniques, etc.
Beaucoup de marques commerciales sont formées par ce type de création lexicale en
jouant sur les connotations, la mémoire et l'imaginaire collectifs :
25
GRANDJOUAN J.O., 1971, Les linguicides, Paris, Didier, p.253
THEVENOT J., 1976, Hé ! La France, ton français fout le camp, Gembloux, Duculot, p.118
27
ADAM J.M. et BONHOMME M., op. cit. p. 158
28
Le mot-valise est un jeu de mots qui consiste à prendre deux mots ayant une partie commune et à les mêler
pour faire un néologisme. Au contraire de la composition et de la dérivation, dans la création d'un mot-valise les
constituants de départ s'étant télescopés ils ne sont plus entièrement reconnaissables. Le processus de fusion
utilisé consiste le plus souvent en une haplologie : la partie commune des deux mots n'est pas répétée. ...
26
36
- Valvert (eau minérale): val (connotation d'abri, d'intimité...) et vert (connotation de
fraîcheur, d'écologie)
- Safrane (voiture) : safari (connotation d'aventure) et savane (connotation exotique)
- Chemisologue: idée de rigueur scientifique (ethnologue, cardiologue...) pour un fabricant
de chemises
- Éconergie : économie et énergie
- Spormidable : sport et formidable
- Festivolailles: "festival" (connotation festive et culturelle) voisine de façon amusante
avec "volailles" (registre gastronomique, champêtre...)
Les quatre premiers mots constituent une combinaison jugée savante qui exige sans doute
au lecteur un certain effort de compréhension. Pourtant, il est à noter qu’un petit effort de
réflexion ne dérange pas le lecteur mais, bien au contraire, cela lui apporte même une petite
joie quand il réussit à trouver l’intention du publicitaire. Cela lui permet de retenir facilement
les mots nouveaux et donc le produit. Les deux autres sont plutôt amusants et surprenants. Si
« spormidable » impressionne le lecteur par sa sonorité inhabituelle, « festivolailles » est un
« mariage asymétrique » entre une notion de festivité et d’une notion populaire.
Dans une campagne récente de la société Zurich assurances, les mots-valises comme
“trempête” - intempéries (trempé et tempête), “frighorrifié” - glacé jusqu’au sang (frigo et
horrifié)... ont pour but de renforcer la nuance des mots et de créer des effets spéciaux à ceux
qui lisent l’annonce.
Pourtant, cette technique risque de donner un effet contraire si on doit mobiliser trop
d’efforts pour comprendre le mot. Il vaut mieux l’appliquer pour le public qui a un certain
niveau de connaissances et dans un contexte explicite.
1.2. Modification orthographique
Les modifications orthographiques permettent littéralement d’inscrire un mot dans un autre
mot.
On peut introduire le nom du produit à l’intérieur des autres mots tout en les modifiant. De
telles modifications ont été largement exploitées par la marque Perrier connue pour l’eau
minérale naturelle gazeuse : «preaupagande », « expleausif », « niveau »,
« joyeau »,
« meaundial ». Dans cet exemple, tous les sons ayant une prononciation voisine de [o] sont
remplacés par « eau ». La répétition de « eau » nous donne l’impression que l’eau Perrier
existe partout et est aimée de par tout le monde.
37
Les publicitaires peuvent même inscrire le nom de la marque dans le slogan :
« Vacances à la Framçaise » (Fram)
« Jex four, c’est jextraordinaire. » (Jex)
Plus subtile est la modification orthographique dans l’annonce de Fiat qui joue sur
l’impératif du verbe « lire » et sur le mode de « leasing » pour l’achat d’une voiture : « L’Uno
Mambo ? 12490 FS net seulement. Ou alors, leasez attentivement ci-dessous.» (Fiat) (lire +
leasing = leaser). L’effet de cette annonce est d’autant plus important que le mot « leaser » est
un mot francisé. Ce mot « leasez » a un double sens : lire et acheter sous forme de leasing.
Ces modifications orthographiques justifient que tous les mots peuvent être modifiés si
cette opération apporte une particularité à la publicité, ce qui est plus difficilement accepté
pour d’autres types de textes.
1.3. Changement de classe du mot
Nombreux sont des slogans où le nom est utilisé à la place d’un adjectif, d’un adverbe ou
d’un verbe. Ce nom est très souvent le nom de la marque ou du produit. Cet usage nous
rappelle le mot schtroumf qui remplace tous les verbes dans la bande dessinée du même nom
très connue des enfants français. L’expressivité du mot est dès lors inestimable. Le lecteur
peut lui attribuer différents sens à son gré. De plus, il mémorise le nom du produit et la marque
sans aucun effort.
On utilise très souvent le nom de la marque connue pour qualifier son produit :
« 205 GTI, plus GTI que jamais. » (Peugeot)
« Ça c’est très Ford. » (Ford)
« Quelque chose en vous est Dior. » (Dior)
Quel est le sens de « GTI », de « Ford » ou de « Dior » dans ces annonces ? Personne ne
peut être sûr de sa réponse. Seule une chose est sûre, c’est que ces adjectifs désignent quelque
chose de qualité et de haut de gramme dont la possession sera un grand plaisir, un grand
bonheur.
Les noms communs font aussi l’objet du changement de classe. À travers les adjectifs
« poisson » et «chocolat », Pêcheur de France et de Danessa veulent peut-être souligner que
leurs produits sont sains et naturels.
« Complètement poisson. » (Pêcheurs de France)
« Danessa, une mousse tellement chocolat. » (mousse chocolat Danone)
38
En tant qu’adverbe, le nom de la marque de fromage Entremont dans son slogan « C’est
Entremont bon » renvoie à l’adverbe «extrêmement » par sa prononciation et sa combinaison
syntagmatique dans la phrase.
Quand le nom remplace un verbe, il est conjugué tout comme un vrai verbe.
« Rowentez-vous la vie. » (Rowenta)
« Je me rowente la vie. » (Rowenta)
« Free shoesez-vous. » (Free shoes)
« Laine-moi. » (Berger du Nord)
« Snappez votre fil » (DMC Loisirs Créatifs)
La détermination du sens des noms-adverbes dans ces slogans n’est pas facile. Le lecteur a
une grande liberté d’interpréter sans que le publicitaire doive tout expliciter. Il s’agit d’une
coopération entre le publicitaire et le lecteur dans la construction du sens.
L’étude de ces exemples de la créativité lexicale nous permet d’estimer que peu de mots et
beaucoup de non-dits font partie de l’art des grands messages publicitaires et que les usages
jugés en violation avec le système linguistique accélèrent le rendement affectif de la
communication publicitaire.
Pourtant la créativité publicitaire ne se contente pas d’amuser le lecteur avec des moyens
lexicaux frappants et « joyeaux ». Elle joue aussi sur les signifiants, ce qui est bien sûr à mettre
en rapport avec la notion de « fonction poétique »29 (comme l’entend R. Jakobson) qui se
manifeste dans la publicité par l'emploi permanent de figures de rhétorique traditionnelles.
2. Figures de rhétorique
Les figures de rhétorique ont un tel pouvoir dans un message publicitaire qu’elles arrivent
à faire disparaître le message et les arguments qui l’accompagnent. Parmi tant de figures, la
métaphore, la métonymie et l’hyperbole sont les plus fréquentes dans les messages
publicitaires. Analysons tout d’abord la métaphore, qui est nommée par Jacques Lacan « une
opération de sorcière ».30
2.1. Métaphore
La métaphore est une figure d’analogie (relation fondée sur la ressemblance) par laquelle
on substitue à un mot un autre mot sous l’effet d’une comparaison qui reste implicite, sousentendue. Elle rapproche ainsi un comparé et un comparant sans terme de comparaison.
Parfois, le comparé est absent, et la métaphore peut alors se transformer en véritable devinette.
Prenons le cas des associations inattendues dans les slogans de Migros, Fiat :
29
30
Le message est centré sur lui-même : recherche de la forme, du style.
http://jaseur.free.fr/jaseur/manipuler.htm
39
« Le pain est le sel de la vie. » (Boulangerie Migros)
« La pêche sans les noyaux » (Fiat Panda)
L’usage de ces métaphores vise à valoriser les qualités du produit dans l’espoir d’éveiller
l’intérêt et surtout susciter le désir de le posséder. Quand on compare le pain de Migros avec le
sel de la vie, on veut considérer que plus qu’un aliment énergétique, le pain, surtout le pain
Migros, fait partie des éléments indispensables à la vie de l’homme. « Le sel de la vie »
renvoie au plaisir, à l’essence de la vie.
Le slogan de Fiat donne suite à beaucoup d’interprétations. D’abord, se référant à un fruit
attirant et délicieux, une innovation technique comme Fiat fascine tout le monde une fois
qu’on la voit. De plus, l’expression « avoir la pêche » sert aussi à désigner familièrement
« avoir de l’énergie ». La métaphore de Fiat laisse également deviner l’énergie que peut
déployer la voiture en question. Enfin, il est possible de pousser la vision métaphorique de ce
slogan en comparant les « noyaux » à des « problèmes » que l’on rencontre en mangeant la
pêche. Ce slogan peut donc se comprendre de la manière suivante : « une voiture avec
beaucoup d’énergie sans les problèmes techniques ».
La substitution n’est pas seulement mise en œuvre dans le cas des noms mais aussi pour
d’autres classes de mots.
« On peut avoir des envies folles et garder la tête sur les épaules. PEUGEOT 306, c’est
bien réfléchi.»
« Vous avez des idées larges. Elle aussi. PEUGEOT 406. »
L’image métaphorique dans ces exemples est construite sur la structure caractérisante de
type nom + adjectif. Ce qui est surprenant dans ces métaphores, c’est la combinaison entre
"idées" et "larges", "envies" et "folles" qui fait passer d’un registre de sentiment ou de pensée
à un registre beaucoup plus concret. Cette association inhabituelle sert à renforcer le degré
d’expressivité de ces deux adjectifs. « Les envies folles » ne désignent certainement pas des
envies anormales, mais celles qui semblent irréalistes. Ce slogan de Peugeot sous-entend que
Peugeot peut transformer l’impossible et le mettre dans le domaine du possible. L'expression
« avoir des idées larges » désigne le fait d'avoir une grande ouverture d'esprit, d'où une plus
grande tolérance face à la modernité. Ainsi, ce slogan mentionne indirectement le caractère
moderne de la voiture. D'autre part, le mot "large" fait aussi penser au "grand large" des
marins et cela accentue l'idée des grands espaces où cette voiture peut nous conduire. Ce
slogan, en quelques mots seulement, fait la promotion de la modernité et de l'évasion de cette
voiture.
40
Quant aux exemples de Nescafé et Evian, le recours à l’infinitif fait naître des effets de
bonheur et d’euphorie :
“Boire Evian, c’est respirer à 3000m.”
“Grandir, c’est Neslé.”
Avec la publicité Auto-Journal, la relation métaphorique se fait par l’intermédiaire de «de»
“La route des étoiles et les étoiles de la route.”
Par la préposition “de”, ces publicités mettent en jeu une relation d’appartenance où
“route” est associé à “étoiles”, ceci justifie la spécialité de l’Auto-Journal dont profitent les
passionnés pour les automobiles et surtout la course automobile. « La route des étoiles » fait
référence à la fois à la course automobile et au journal qui présente les stars des courses
automobiles.
Avec « association inattendue, analogie surprenante, effet empoisonnant, sens mystérieux,
énigme perverse »31, la métaphore est la figure idéale pour charmer le lecteur.
2.2. Métonymie
La métonymie (du grec metônumia, « changement de nom ») est une figure de rhétorique
par laquelle un concept est dénommé à partir d'un mot désignant un autre concept. Ces
rapports logiques peuvent être de natures différentes : le contenant pour le contenu,
l’instrument pour l’utilisateur, le lieu pour la chose ou la personne s’y trouvant, le lieu
d’origine ou fabricant pour le produit, etc.
Cette dernière valeur de la métonymie est la plus présente dans la publicité. En effet,
chaque fois qu’on annonce un produit par la marque de fabrication, on utilise la métonymie
comme une Camaro, un Chanel, un Skidoo, une Renault, une Keton …
« Vous vous changez. Changez de Keton. » (montre Keton)
« Un jour sans Bic, c’est la barbe. » (Bic)
On appelle aussi souvent le nom du produit par son lieu d’origine surtout les vins comme
le Beaujolais, le Bordeaux :
« Retrouvez les Beaujolais Villages. »
« Bordeaux, la couleur singulièrement plurielle. »
Le rapprochement métonymique de la publicité Total est fait sur la base de contenant à
contenu :
31
http://jaseur.free.fr/jaseur/manipuler.htm
41
« TOTAL. La route vous a lessivés, nous allons vous rafraîchir ! »
Dans cet exemple, le terme "route" n’est plus utilisé au sens dénotatif, mais pour désigner
une abstraction, c’est-à-dire l’ensemble des obstacles et frustrations causés par le parcours.
D’ailleurs le signifiant linguistique "rafraîchir", par sa forme métaphorique, renvoie à
lubrifiant, carburant ou énergie. L’annonceur veut justifier le slogan de la marque “Vous ne
viendrez plus chez nous par hasard”.
La métonymie dans la publicité de Badoit est aussi construite sur la relation contenant/
contenu :
“Badoit bouteille en verre, recommandée par les belles tables.” (Eau gazeuse Badoit)
Au sens tropologique, « belles tables » est une métonymie pour les restaurants classés.
Dans ce contexte, le contenant “bouteille” dérive vers une dénotation du contenu “eau
gazeuse”. Ce slogan démontre que Badoit est une boisson parfaitement à sa place dans le cadre
d’un dîner dans un bon restaurant.
Le même mot “table” dans une autre publicité de Badoit désigne les invités :
“L'eau des tables légères.”
Dans le slogan de Ricard “Un gin fizz au zinc? Non, un Ricard dans l'avion”, le mot
“zinc”, un comptoir dans un bar, est la métonymie du bar, du bistro qui se réfère à l’image "au
sol" tandis que le mot “avion” renvoie à l’image "aérienne". Mais dans le langage familier, un
"zinc" désigne aussi l'avion de type ancien (souvent un avion de l’après-guerre) par opposition
aux avions plus récents... Il y a peut-être aussi une idée de modernité dans ce slogan. Celui qui
boit un gin au zinc est dénoté comme ancien alors que celui qui boit un Ricard dans l’avion
porte une connotation plus moderne. C’est ce qui est bien subtil dans cette métonymie.
Très utile pour construire des généralités et éviter la redite, les publicitaires l'utilisent
fréquemment. La force du détail singulier l'emporte sur la banalité de l'ensemble. Cette figure
« économique » renouvelle l’image du produit et celle de la marque.
2.3. Hyperbole
Comme nous l’avons dit dans le chapitre précédent, l’hyperbole est omniprésente dans la
publicité et fait partie de la technique publicitaire. On trouve une certaine nuance hyperbolique
dans presque toutes les publicités au niveau iconique aussi bien qu’au niveau linguistique.
Il existe des hyperboles qui violent même les restrictions de sélection :
“Les jambes ont la parole.” (Well)
42
“Cartes Bleu Visa. Elle parle toutes les langues.” (Cartes Bleu Visa)
“Vous allez voir ce que vous allez entendre.” (CD Video)
“Si les poissons pouvaient parler, ils vous conseilleraient Hykro.” (Hykro)
Ces slogans choquent les lecteurs par des combinaisons incompatibles et irréelles. Cela fait
appel à la “théorie de l’information” : plus l’apparition d’un mot est probable, moins il est
informatif.
Nous constatons que les publicitaires ont une prédilection pour le superlatif en vantant la
qualité rare du produit :
“Le meilleur emplacement pour le meilleur placement.” (Le Méditerranée)
“Les plus petites choses peuvent faire le plus grand plaisir.” (Appareil photo Nikon)
“La plus silencieuse des lave-vaisselle.”(Bosch)
“Le plus grand des petits câlins.”(sac Lancel)
“Le meilleur prix étudiant avec Campus.” (Campus)
Un autre exemple d’hyperbole très amusant et intelligent, c’est celui de Seat :
“Seat Arosa. Les femmes ne s’intéressent qu’à leur voiture.” (Seat)
On ne peut bien comprendre l’aspect humoristique et exagéré du message qu’avec l’image
où un homme est en train d’allaiter son enfant. La publicité sous-entend qu’avec Seat Arosa,
les femmes risquent même d’oublier leur nature d’être mère pour ne penser qu’aux grands
voyages dans leur belle voiture.
Existe-t-il la relation entre l’amour et l’automobile ? Oui, c’est le cas dans la fameuse
publicité Fiat :
“Comment rencontrer l’amour
grâce à la Cinquecento ?
La Cinquecento consomme très peu.
Donc vous faites des économies.
Donc vous avez de l’argent.
Donc vous pouvez le jouer.
Donc vous pouvez le perdre.
Donc vous êtes malheureux au jeu.
Donc heureux en amour.
Fiat Cinquecento. La voiture qu’il vous faut, Donc.
Cinquecento prix net à partir de 43 800 F,
43
hors aide gouvernementale.” (Fiat )
À travers ces exemples, nous comprenons pourquoi la caractéristique des messages
publicitaires est de toujours exagérer. Une publicité qui présente le produit tel quel n’attire
personne bien que tout le monde aime la vérité. Afin de solliciter le désir du lecteur, “le
discours surimpose volontiers à la substance même de l’objet une valeur étrangère”32. Et à
force d’écouter des informations hyperboliques, nous arrivons enfin à les accepter comme une
évidence.
Ces figures de rhétoriques jouent non seulement un rôle esthétique afin de positiver ou
d'embellir le réel mais elles ont aussi une valeur argumentative très persuasive car elle repose
sur l'affectif. Au sujet du sens des mots, on ne peut pas se passer des relations de sens qui font
moins appel à l'intelligence et demandent moins d’effort de compréhension mais ne sont pas
moins importantes dans la création publicitaire.
3. Relations de sens
Il est évident qu’on ne peut pas comprendre une publicité sans découvrir le sens des mots
constitutifs. Les créateurs de publicité profitent au maximum des effets de sens dans le but de
biaiser l’attention du lecteur vers le produit. Nous prenons ici comme cadre surtout les
relations de sens classiquement décrites en sémantique : antonymie, hyperonymie et
hyponymie, homonymie, polysémie.
3.1. Antonymie
L’antonymie33 est un procédé très utilisé dans le langage courant aussi bien que dans le
langage journalistique et publicitaire. Cette relation de sens se retrouve sous bien des formes
plus ou moins sophistiquées. Les antonymes peuvent être verbes, adjectifs, noms, adverbes ou
prépositions. Il s’agit des antonymes de même classe ou de classe différente. Voici des
exemples qui justifient cette diversité des antonymes dans les messages publicitaires :
- Les antonymes placés au début du fragment:
« Loin des yeux près du cœur.» (Whisky Chivas)
« Dur avec la saleté, tendre avec les couleurs.» (lessive Mir)
« Moins on roule, plus on va vite.» (Air Inter)
- Les antonymes placés en fin du fragment :
« On peut vivre sans, mais c’est tellement mieux avec. » (bijoux Christofle)
« Un paradis pour tous les enfers.» (Nissan)
32
33
DYE M., op. cit
L’antonymie est un rapport sémantique existant entre des mots dont les sens sont “opposés”.
44
« Regardez de près pour voir loin.» (Crédit agricole)
« Le couscous vous le connaissez comme là-bas. Découvrez le comme chez nous.» (Petit
Navire, les plats préparés)
- Les positions structurales comparables :
« Quand on achète un petit Kaly, on achète un grand téléviseur. »
« Ce sont aussi les petits détails qui font les grandes voitures. » (Nissan)
- Les antonymes dans la dépendance de l’autre :
« La douce violence d’un parfum d’homme.» (Drakkar)
« L’énergie douce.» (Fruit’up)
« La petite géante.» (Volkswagen)
- Les antonymes dites supercherie linguistique :
« Le plus grand des petits câlins.» (lessive Soupline)
« Le plus grand des petits déjeuners.» (céréales Kellog’s Corn Flakes)
Le point commun des antonymes dans ces publicités, c’est la valorisation du produit et
donc celle de tous ceux qui le possèdent.
Si les antonymes cités ci-dessus sont évidents et faciles à repérer, ceux de H&M sont plus
subtils où l’antonymie n’appartient pas à la langue :
« Vous choisissez entre confort et beauté ? Moi pas. » (Prêt à porter H&M)
Ce slogan présuppose que plus un vêtement est confortable, moins il est beau et vice versa.
Notre annonceur conteste cette fatalité de cette antonymie pour proposer une conciliation entre
ces deux qualités.
Il va de soi que l’emploi des antonymes dans la publicité vise à attirer l’attention du lecteur
sur la supériorité du produit par rapport aux autres comme le cas de l’hyperonymie/
hyponymie.
3.2. Hyperonymie et hyponymie
Comme la publicité comparative entre les deux produits est interdite selon la loi, la
comparaison doit jouer de manière plus subtile. Canon a transformé l’interdiction de la loi en
un slogan très connu :
« Nous avons malheureusement pas le droit de comparer notre nouvelle BJC-5100 à
d’autres imprimantes.
Mais vous, vous le pouvez. » (Canon)
45
Ou bien nous ne pouvons que sourire de l’ingéniosité du procédé de Télé2 lorsqu’il lance
une campagne de chasse au trésor, promettant une prime de 1000 francs à celui qui trouverait
un prestataire plus avantageux :
« Nous cherchons : un prestataire plus avantageux que Télé2. Prime : Fr.1000. » (Télé2)
C’est la mise en œuvre de l’hyperonymie34 et l’hyponymie35 qui est le meilleur moyen de
privilégier un produit par rapport aux autres de même classe sans nommer ces derniers. Il
convient maintenant de voir de quelles façons s’effectue la comparaison in absentia :
- À l’intérieur de la classe, X est mieux, est différent, est autre chose :
« Omo lave plus blanc. » (Omo)
« Avec Saint Maclou, le carrelage, c’est autre chose. » (carrelage Saint Maclou)
Par la curiosité, tous ceux qui entendent les slogans de ce type veulent essayer le produit
pour vérifier cette différence.
- X est le meilleur représentant de la classe :
« On ne peut égarer une cerise parmi des cerises, on ne peut égarer une Lancia parmi des
voitures. » (Lancia)
« Des pâtes, des pâtes, oui mais des Panzani. » (Pâte Panzani)
« Des puces, des puces, oui mais des Olivetti. » (Opérateur de télécommunication Olivetti)
« Quand on a besoin d’une voiture, on a besoin d’une Toyota. »
« Le dentifrice qui va vous changer du dentifrice. » (Sanogyle bi-active)
Dans ces slogans, on ne compare le produit à aucun autre mais il s’agit effectivement
d’une comparaison avec tous les autres. Bien sûr, l’effet est plus remarquable.
- X sort de la catégorisation :
« Il y a les allèges et l'allège de St Hubert. »
« Il y a les parfums et il y a Hermès. »
« Au lieu d’acheter une voiture, achetez une Saab. »
« Quand on est devant C+, au moins on n’est pas devant la télé. »
« Une Yamaha pour le prix d’une tondeuse. »
L’hyperonymie est la relation sémantique hiérarchique d'un lexème à un autre selon laquelle l'extension du
premier terme, plus général, englobe l'extension du second, plus spécifique. Le premier terme est dit
hyperonyme de l'autre, ou super ordonné par rapport à l'autre.
35
L'hyponymie est la relation sémantique d'un lexème à un autre selon laquelle l'extension du premier est incluse
dans l'extension du second. Le premier terme est dit hyponyme de l'autre.
34
46
C’est toujours une comparaison implicite mais à un plus haut degré : le produit dans ces
exemples est nommé hors-classe, ce qui sous-entend qu’il possède des particularités qui le
distinguent des autres.
Malgré une certaine différence de leur nuance, l’hyponymie/hyperonymie permet au
fabriquant de vanter l’excellence et l’exclusivité du produit et de les classer au dessus de tous
les produits concurrentiels sans aucun risque. C’est le moyen le plus simple et le plus efficace
pour induire au comportement de l’achat. Toutefois, l’emploi excessif de cette surestimation
risque de dégrader la confiance du lecteur lors de la lecture du message.
3.3. Homonymie
L'homonymie est la relation entre plusieurs formes linguistiques ayant le même signifiant,
graphique ou phonique, et des signifiés entièrement différents. Très souvent, le jeu
homonymique motive le nom de la marque en inscrivant le sujet ou son désir dans le
phonétisme de celle-ci.
« Lego développe l’égo. » (Lego)
« Il n’y a que Maille qui m’aille. » (moutarde Maille, peut être lu « il n’y a que Maille qui
maille »)
Si le slogan de Lego est très significatif, celui de Maille est un simple jeu de mot pour
accrocher l’attention du lecteur.
Parfois, l’homonymie ne se repose pas sur le nom de la marque mais met en valeur la
qualité du service :
« Transformez votre compte en conte de fées. » (une banque française)
Nous avons peut-être là un fonctionnement métaphorique, mais à partir de l’identité des
signifiants et non des signifiés. Avec cette banque, le client aura des bénéfices de rêve.
L’homonymie dans la publicité de Crédit agricole joue sur sa caractéristique :
« Quand on s’aime, on sème. » (Crédit agricole)
L’homonyme se réfère également à des expressions connues par le lecteur :
« La venue des Champs Elysées fait toujours un triomphe. » (Lindt, chocolats « Champs
Elysées », lu « L’avenue des Champs Elysées »)
« Les petits pois sont d’avril.» (Petits pois, peut-être lu « les petits poissons d’avril »)
« Coup de cœur mais pas coût de cœur. » (Ford)
L’usage de l’homonymie viole parfois des règles grammaticales et lexicales pour faire
preuve de créativité :
47
« Et si on déjeunait Rome antique. » (Mobilier de France, meuble à la romaine, peut-être
lu « si on déjeunait romantique »)
« Un parfum de nouveau thé. » (The elephant, peut-être lu « un parfum de nouveauté » )
L'homonymie de ces deux slogans se base sur l'association des deux mots pour n'en former
plus qu'un : "Rome antique" se prononce de la même manière que "romantique" et "nouveau
thé" devient "nouveauté". Ainsi, pour le premier slogan, le terme "Rome antique" désigne la
beauté du mobilier comme si c'était une œuvre d'art antique, tandis que le terme "romantique"
désigne l'utilisation qui peut en être faite. En une seule phrase, ce slogan fait la promotion à la
fois de l'utilité et de la beauté des meubles. Concernant le deuxième slogan, il insiste
doublement sur la nouveauté de ce thé afin de se démarquer des autres marques de thés.
Il y a donc différentes manières de produire des homonymes pour amuser le lecteur et
favoriser sa mémorisation sur le nom de la marque ou les qualités des biens ou services de
l’annonceur.
3.4. Polysémie
Un même mot dans deux sens différents permet de doubler l’impact du message
publicitaire. La polysémie fonctionne sous deux catégories : polysémie in praesentia36 et
polysémie in absentia37.
Citons deux exemples de polysémie in praensentia dont la même lexie « prix » :
« À ce prix-là, elle ne devrait pas être à ce prix-là. » (Leclerc)
« L’assurance à tout prix, mais pas à n’importe quel prix. » ( Assurance GAN)
Dans le slogan de Leclerc, le premier “prix” renvoie à la valeur non monétaire et le
deuxième à la valeur monétaire, au coût. C’est grâce au deuxième que nous pouvons
interpréter le sens du premier. Le message que la publicité Leclerc transmet au client, c’est
que le produit Leclerc est de bonne qualité mais à prix raisonnable, répondant à toutes ses
attentes.
Si le deuxième prix de l’annonce GAN fait appel à l’aspect coûtant, le “prix” dans la
locution « à tout prix » n’exprime ni la valeur ni le coût. « L’assurance à tout prix » signifie
l’obligation de l’achat de l’assurance imposée par la loi, « mais pas à n’importe quel prix »
exprime à la fois la qualité et le faible prix. L’annonceur conseille donc à ses clients de
prendre l’assurance GAN pour être bien assurés mais à prix raisonnable.
36
37
La polysémie in praesentia : le même mot est répété mais son sens n’est pas le même.
La polysémie in absentia : le seul mot peut être interprété à la fois sur le littéral et sur le figuré
48
En raison d’économie, on voit plus fréquemment la polysémie in absentia dans les
publicités. Ici nous avons un jeu sur le littéral et le figuré qui n'est pas loin d'un
fonctionnement métaphorique en cas de motivation, mais le sens figuré apparaît dans un cadre
polysémique :
« UN BON TUYAU
SUR L’ÉNERGIE
Le gaz naturel. » (Gaz Métropolitain)
L’annonce joue sur le sens propre du mot « tuyau » (conducteur de gaz) et son sens figuré
(une bonne suggestion).
"En Norvège, plus il fait froid, plus on se frotte les mains." (Crème Neutrogena).
L’expression "se frotter les mains" peut avoir un sens concret qui désigne une action
physique mais aussi un sens abstrait qui est un signe de contentement, de joie. Le slogan vante
la qualité de protection de la crème Neutrogena : frotter les mains avec Neutrogena quand il
fait froid est un signe d’euphorie.
Ces relations de sens dits phénomènes classiques sont bien capables d’évoquer des effets
nouveaux chez le récepteur.
L’analyse que nous avons faite dans ce chapitre ne reflète que partiellement les
particularités lexicales du message publicitaire mais suffit pour affirmer que les publicitaires
sont de vrais magiciens des mots. Leurs stratégies lexicales sont caractérisées par l’économie
de mots, le choix et l’utilisation créative des mots en fonction de leur sonorité et leur pouvoir
d’évocation. Avec la créativité et la maîtrise de la langue, ils participent à « inventer une
langue dans la langue »38.
38
ADAM J.-M. & BONHOMME M., op. cit. p. 149
49
CHAPITRE III
ANALYSE SYTAXIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE
Les mots publicitaires sont chers et bien choisis. Mais comment les combiner pour créer
des slogans, des messages efficaces ? Cette question nous pousse à faire une analyse sur les
modes d’enchaînement syntaxique et l’emploi de modes et de temps qui participent à
l’argumentation publicitaire.
1. Relations syntaxiques
Dans cette partie, nous relevons certains procédés de construction syntaxique fréquemment
utilisés par les publicitaires. Notre analyse s’articule autour de deux axes. Le premier traite les
relations parataxiques (coordination et juxtaposition). Le deuxième envisage les relations de
subordination entre les propositions.
1.1. Relations parataxiques
Les relations parataxiques sont représentées en abondance dans le texte publicitaire. Elles
désignent un ensemble de phrases indépendantes les unes des autres, juxtaposées ou
coordonnées sans mot qui indique le lien entre elles.
1.1.1. Juxtaposition
La juxtaposition est décrite comme une coordination asyndétique implicite parce qu’il y a
un effacement de la marque de relation, et que le rapport sémantique entre les éléments
conjoints n’est pas explicitement précisé. L’intérêt de l’asyndète est d’alléger la phrase.
Les deux phrases juxtaposées sont séparées par la ponctuation (virgule) à l’écrit et par
l’intonation à l’oral. C’est ce que nous apercevons dans la publicité de Vitaform :
« Cette eau, unique, naturellement chaude, jaillit à Bormes-les-Eaux des profondeurs de la
terre. Douce, riche en sodium et oligo-éléments, elle s’associe avec bonheur à des soins de
remise en forme raffinés, fruits de la grande expérience du thermalisme.
En complément, la démarche exclusive de diététique équilibrée personnalisée à Vitaform
contribue harmonieusement à un vrai ressourcement. »
Ce sont des phrases simples, séparées par des points et sans lien formel entre elles (Cette
eau... jaillit/ elle s’associe/ la démarche... contribue).
Comme il n’y a pas d’éléments explicitant la relation de sens entre les phrases, le lecteur
doit faire des hypothèses sur la nature de cette relation. Il peut s’appuyer sur différents indices
50
parmi lesquels l’intonation ou la ponctuation, les temps des verbes, la séquence textuelle dont
font partie les phrases (description/narration), le genre de discours dont elles relèvent.
Le texte suivant d’Elisa Raven en fournit un autre exemple :
« Partez à la découverte de la nouvelle Crème anti-âge révélatrice du teint, une vraie
révolution pour votre peau.
Dès l’application, cet expert anti-âge révèle une peau plus douce, plus fraîche, plus
lumineuse.
Chaque jour, la peau s’embellit et devient lisse, éclatante, uniforme.
Pourquoi ? Parce qu’une Crème anti-âge révélatrice du teint, élimine les cellules mortes
et fait renaître une peau plus neuve, plus résistante, éclatante de santé.
Au final, la peau perd son voile terne, elle est fraîche, moins marquée ; elle résiste mieux à
l’environnement hostile.
Offrez-vous une peau douce, douce comme coton ... une crème prodigieuse ! »
Dans ce cas, l’interprétation est facilitée par les réseaux lexicaux propres à ce produit de
beauté : « révélatrice du teint », « expert anti-âge », « une vraie révolution pour votre
peau », « les cellules mortes »..., à la répétition du terme « peau » et de la caractéristique de la
crème « anti-âge ».
Un exemple extrait de l’annonce sur l’association « Clown solidaire » montre un
enchaînement syntaxique organisé autour de l’anaphore pronominale et nominale :
« Alice voulait faire médecine.
Malheureusement. Elle n’a pas pu. Mais elle a de la suite dans les idées, Alice. Elle a
donc décidé qu’elle soignerait autrement qu’en blouse blanche. Les enfants de préférence.
Elle est devenue le clown le plus attendu des services de pédiatrie.
Avec Alice et son association « Clown solidaire », les enfants malades oublient pendant
quelques heures la réanimation et ses bip-bip, le scanner de demain, les piqûres de tous les
jours.
Alice sait qu’elle a le plus beau public au monde. » (Association Clown solidaire)
Une publicité sur la carte de crédit Atouprix fait défiler une série de phrases apparemment
sans liens. C’est au lecteur d’interpréter :
« N’attendez plus !
Changez de voiture
Partez en voyage
Offrez-vous le salon de vos rêves
51
Faites plaisir à vos proches
Ne vous refusez plus rien... » (Atouprix)
Le lien de ces phrases est bien sûr thématique. L’annonceur veut insister sur la diversité
des activités qu’on peut faire avec la carte Atouprix.
Ce type de relation syntaxique occupe une place très importante dans les textes
publicitaires. D’abord, il répond à un des impératifs de la publicité, c’est de suggérer au
lecteur d’interpréter. L’absence de liens qui précisent le rapport entre les différentes
propositions donne l’impression d’ « un refus d’avancer une interprétation de la part du
locuteur et participe d’une esthétique de l’implicite ».39 D’ailleurs, si le raisonnement était
explicité par des liens circonstanciels, il serait moins concis et perdrait donc sa force. En effet,
l’efficacité du texte publicitaire tient au fait qu’il laisse une part d’interprétation au récepteur.
On peut parler, à propos de la juxtaposition, de subordination implicite.
1.1.2. Coordination
Les phrases du texte peuvent être liées dans une relation chronologique ou logique
implicite, par un mot coordonnant. C’est une mise en relation de deux propositions, de deux
phrases et également des constituants à l’intérieur de la phrase (deux groupes nominaux, deux
verbes, deux adjectifs). Dans le texte publicitaire, la relation de coordination est souvent
marquée explicitement, certaines conjonctions sont utilisées avec des nuances variées.
1.1.2.1. Conjonction « ou »
Cette conjonction exprime une alternative, une disjonction avec deux nuances : une
disjonction exclusive40 et une disjonction inclusive41.
« Tu préfères être mobile ou immobile ? Pour nous, le choix est facile ! Mobilis, je peux
compter sur toi. » ( Mobilis)
« Vous souhaitez un appartement ou une maison ? » (Banque immobilière)
« Une entreprise qui n’a pas cette idée-là de l’express finit tôt ou tard par boire la tasse. »
(Transport Serman)
Dans ces cas, le « ou » introduit une alternance, une disjonction exclusive puisque les
arguments associés s’excluent mutuellement.
« Allez-vous l’imprimer sur papier ordinaire ou lui offrir un vrai tirage photo ? Les
deux. » (Canon)
LOZACHMEUR G., 2003, Les Modes d’enchaînement syntaxique dans le texte publicitaire : les effets produits
par les pôles de la coordination et de la subordination, Nouvelles Journées de l’ERLA n° 4
40
Dans le cas de disjonction exclusive, « ou » indique une alternative, et a le même sens que « ou bien ».
41
Dans le cas de disjonction inclusive, « ou » relie deux propositions qui sont vraies en même temps.
39
52
Le « ou » semble introduire une alternance, une disjonction exclusive mais elle est
démentie par le discours qui suit. Le « ou » de l’exclusion devient le « ou » inclusive.
La première nuance de « ou » est plus fréquente que l’autre dans le langage publicitaire.
Le publicitaire utilise cette conjonction pour mettre en valeur la qualité du produit ou du
service en montrant que malgré la diversité des besoins du client, l’entreprise peut les couvrir
tous.
1.1.2.2. Conjonction « mais »
« Mais » occupe aussi une place importante dans la publicité car elle exprime non
seulement la valeur d’opposition, de restriction,.... mais aussi « une valeur argumentative et/ou
affective ».42.
Très souvent, le « mais » introduit une opposition entre la réalité et l’idée reçue qui reste
toujours implicite :
« Moins de sucre mais autant de plaisir dans le chocolat Sibon. » (Chocolat Sibon)
Dans la publicité de Chocolat Sibon, l’idée reçue est « moins de sucre entraîne moins de
plaisir », et la réalité est « moins de sucre mais toujours autant de plaisir ».
Il en est de même pour la publicité de Sony :
« Gravez vos DVD mais sachez que désormais tout le monde peut les regarder. »
Elle est à interpréter comme : « Gravez vos DVD, d’accord, mais… ». Le « mais » est ici
insinuatif. Il y a une idée de mise en garde contre l’idée reçue que les DVD ne peuvent pas
être regardés par les autres.
Dans la publicité d’IBM, avec l’expression « avant tout cela », le « mais » n’exclut pas la
première proposition « Transformer », l’opposition semble être temporelle :
« Transformer. Tout un programme.
Et à la clef, de nouveaux produits. Mais avant tout cela… Décrypter l’A.D.N. de
l’entreprise. Apprendre des autres secteurs d’activité. Combiner savoir-faire technologique,
stratégie et des dizaines d’années d’expérience. Qui peut le faire ? Et qui peut le faire en
profondeur ? »
La publicité commence par décrire la fin du processus qui est la partie qui intéresse le
consommateur. Elle finit par décrire le début du processus afin d’insister sur la qualité du
travail fournie par l’entreprise. De plus, à travers la question « Et qui peut le faire en
42
JORGENSEN K.-S., Analyse stylistique et polyphonique du connecteur mais dans la narration Flaubertienne,
http://www.hum.au.dk/romansk/polyfoni/XIV_%20congres/KathrineSorensenRavnJorgensen.htm
53
profondeur ? », cette publicité se sert de l’image de marque très connue de IBM. Dans cet
exemple, le « mais » n’exclut pas la première proposition mais seulement l’idée que les deux
propositions se font en même temps.
Très varié et subtil, l’emploi de « mais » dans le message publicitaire renforce la
persuasion de l’argumentation et requiert une certaine réflexion de la part du concepteur et de
l’interprétateur.
1.1.2.3. Conjonction «et »
Cette conjonction sert à relier des groupes verbaux, nominaux,… Son rôle traditionnel est
l’addition, comme dans les exemples de Locauto et de l’Association « Clown solidaire »:
« ... Locauto répond à toutes vos questions et à tous vos désirs.
... Une règle : les modèles les plus sûrs et les prix les plus intéressants. » (Locauto)
« ...Avec Alice et son association « Clown solidaire », les enfants malades oublient
pendant quelques heures la réanimation et ses bip-bip, le scanner de demain, les piqûres de
tous les jours. » (l’Association « Clown solidaire »).
La conjonction « et » dans l’exemple suivant ne marque pas l’addition mais une succession
temporelle :
« Écoutez Chérie FM et gagnez un an de salaire ! » (Chérie FM)
« Partez pour Londres et découvrez une grande ville de la mode, de la musique et des
arts ! »
Les deux énoncés reliés dans chaque texte ont chacun une orientation argumentative
différente. L'opposition temporelle se fait nette et entraîne l’antériorité de l'argument 1 qui se
pose comme condition à la réalisation future de l'argument 2. Nous pouvons transformez ces
publicités en une phrase hypothétique :
Si vous écoutez Chérie FM, vous pourrez gagner un an de salaire.
Si vous partez pour Londres, vous pourrez découvrir une grande ville de la mode, de la
musique et des arts.
Pourtant, il est évident que l’emploi de « et » rend l’annonce plus expressive et persuasive.
Avec le mode impératif, on a l’impression que ce que dit la publicité est à notre portée.
Mais en marge de ses emplois courants, on observe de nombreux cas où « et » suivi d’un
groupe nominal ou d’un groupe adverbial figure en tête de phrase.
« Et vous avez trois tee-shirts pour le prix de deux. »
« Et vous, que ferez - vous d’une année sabbatique ? » (Chérie FM)
54
« Et puis, un voyage en TGV, ce n’est pas long. » (SNCF)
« Et si vous jouiez au Père Noël cette année ! » (Village d’enfants SOS)
Ce procédé est un moyen de mettre en relief les termes qui suivent. C’est un procédé de
style. Une conjonction de coordination en position initiale absolue renvoie toujours à un terme
ou à un membre précédent qui n’est pas exprimé.
« Et puis, un voyage en TGV, ce n’est pas long. » sous-entend que le TGV apporte
beaucoup de services avantageux aux passagers et en plus, la durée du voyage est raccourcie.
« Et » est une conjonction si utilisée dans la langue courante qu’elle devient banale mais
avec les publicitaires, elle est un moyen lexical effectif.
1.1.2.4. Préposition « pour »
La préposition est traditionnellement présentée comme un mot de liaison, un outil de
subordination entre les groupes. Elle introduit un élément et le relie, le subordonne à un autre
élément. Toutefois, il faut reconnaître qu’outre ce rôle relationnel, les prépositions ont un rôle
sémantique. Elles contribuent à l’interprétation sémantique du groupe prépositionnel qu’elles
introduisent. La préposition « pour » nous intéresse particulièrement pour sa présence
importante et son sémantisme très large.
Cette préposition est très utilisée et apparaît fréquemment en tête de phrase.
« Pour recycler, il faut trier. »
« Pour les groupes de plus de 10 personnes, réduction de 10% sur les tarifs. Pour un
voyage en avion, le week-end fait 890F au départ de l’aéroport de Paris. »
« Pour tous renseignements, contactez Fabienne au 02 48 29 53 10. »
« Une plage à Madagascar. Pour un départ coup de cœur, faites un 3615. »
« PMS : Parlez plus pour seulement 19,90 euros par mois ! »
On trouve que « pour » dans des emplois variés a souvent une valeur destinative ou
intentionnelle.
Le cas où « pour » est suivi d’un infinitif est aussi très fréquent :
« Locauto pour vous faciliter la vie. » (Locauto)
« Neuf serveurs Minitel pour partir demain. » (Minitel)
Cette construction sert à marquer un rapport de finalité. La tournure infinitive permet
d’éviter le « vous » trop direct. La tournure impersonnelle en publicité a l’avantage d’évacuer
des messages les impératifs trop directifs.
55
Un autre emploi de « pour » est celui où il figure dans des constructions nominales du type
Nom 1 pour Nom 2 :
« Microsoft Windows XP Professionnel pour l’informatique mobile. ».
Pour nommer une réalité, on peut utiliser « pour » et obtenir ainsi un effet de synthèse et
de ramassé. La séquence « Nom pour Nom » se situerait entre le nominal et le propositionnel.
« A Vitaforme, les richesses d’une eau thermale active pour une énergie nouvelle. »
(Vitaforme)
« La gamme idéale pour les peaux grasses. » (Nivea for Men)
« Azzaro pour Hommes. Pour les hommes qui aiment les femmes qui aiment les hommes. »
(Azzaro) (Les hommes ont besoin d’un parfum exclusif pour plaire aux femmes qui aiment les
hommes).
« Pour » déclenche donc des inférences par sollicitation des savoirs non organisés, liés à la
situation d’énonciation.
« Un rêve éveillé pour ceux qui conduisent avec passion. » (Honda)
La préposition « pour » offre un éventail de possibilités d’emploi en raison de la diversité
de ses valeurs et de ses combinaisons avec d’autres classes de mots.
1.1.2.5 Préposition « avec »
« Avec » est la deuxième proposition la plus fréquente dans le texte publicitaire.
« Avec Directravel, vous passez dix jours à l’hôtel Ambassador pour 10.600 francs, avec
le prix du billet d’avion. Mais il faut partir avant le 30 mai. » (Directravel)
« Mangez tout ce que vous voulez avec Mincevit’. » (Mincevit’)
« Le meilleur prix d’étudiant avec Campus. » (Campus)
« Jouez avec vos émotions. » (PMU)
« Avec la carte de crédit Atouprix, tout vous est permis. »
« Avec » + complément permet des inférences interprétatives globales au niveau discursif.
Suivie de son régime, la préposition contribue à véhiculer des types variés d’informations.
Premièrement, il s’agit des relations entre personnes : « avec vous ».
Plus souvent, cette préposition marque le moyen, la valeur instrumentale : « avec
Mincevit’ », « avec télé 2 », ... On peut alors interpréter par « grâce à », « à l’aide de ».
Avec ces exemples, le rôle d’« avec » concurrence bien « grâce à » qui figure souvent en
tête de phrase. Cette préposition crée un univers euphorique et annonce un résultat heureux.
56
Il résulte des analyses précédentes que les relations parataxiques l’emportent dans les
textes publicitaires. Cependant les relations parataxiques n’excluent pas la relation d’une
proposition non autonome à une proposition principale. Elles forment bien un tout comme les
propositions coordonnées mais les deux ne sont pas sur un plan d’égalité et l’une dépend de
l’autre. Il s’agit des relations de subordination.
1.2. Relations de subordination
Notre analyse de ces relations porte sur les trois sous-catégories : relative, conjonctive et
structure de mise en relief.
1.2.1. Relative
Dans l’ensemble des propositions subordonnées relevées dans le texte publicitaire, la
proposition subordonnée relative occupe une place de premier plan.
« La tenue d’Eve qui fit craquer Adam. » (Pomme)
« Andorre, le petit Pays où tout est plus grand ; où vivre au rythme de la montagne. Le
pays au cœur des Pyrénées, où même la culture est contraste, où la lumière est émotion, et les
connaisseurs des privilégiés. Rencontrez, découvrez Andorre, Terre des Princes. »
« Le ticket qui va vous faire économiser encore plus d’argent. » (Ticket Carrefour)
« Pensez à ceux qui vous entourent. » (Comité national contre le tabagisme)
« Vous qui avez de la chance de voyager en 2003, vous aller pouvoir profiter du nouveau
Scénic. » (Renault)
« Un rêve éveillé pour ceux qui conduisent avec passion. » (Honda)
Le plus fréquent est le pronom relatif « qui » ayant fonction de sujet dans la proposition
qu’il introduit. Il s’agit presque exclusivement de relatives adjectives qui apportent des
précisions sur le produit, le nom de la marque ou sur l’utilisateur du produit. Les plus
fréquentes sont des relatives explicatives.
1.2.2. Subordonnée conjonctive
La subordonnée conjonctive est d’un emploi plus éparpillé dans le texte publicitaire. Ce
sont souvent des conjonctives circonstancielles, compléments de phrase. La subordonnée
circonstancielle exprime une des circonstances du procès décrit dans la principale : temps,
cause, but, concession, condition, comparaison.
« Carte Noire crée Duo les premiers sachets de café moulu prédosés pour deux tasses,
pour que d’un simple geste se libère tout l’arôme de Carte Noire. » (Carte Noire)
« Qu’importe le bureau, pourvu qu’on reste connecté. » (Sony)
57
« Son système Flex Space vous permet de configurer l’espace intérieur selon vos besoin
sans qu’il soit nécessaire de retirer un seul élément. » (voiture Nouvel Opel Meriva)
« Réservez votre voiture Avis quand vous achetez votre billet dans les gares SNCF. »
(SNCF)
Les subordonnées circonstancielles ayant leur présence régulière dans les textes sont celles
introduites par « quand » et « si ».
1.2.2.1. Si
L’intérêt de « si » dans la publicité est de créer des univers sémantiques qui naviguent
entre le monde réel et le monde imaginaire.
Dans le classement des structures temporelles que nous opérons, la plupart des
subordonnées sont construites avec le présent de l’indicatif et associées à des principales au
présent de l’indicatif ou de l’impératif. On utilise un mode logique réel pour affirmer que les
effets offerts par le produit sont aussi réels :
« Réduction de 15% si vous partez le 25 avril. » (Agence de tourisme)
« Si l’air du grand large vous attire et vous fait rêver, alors ...
Abonnez-vous à l’Îles et recevez ce magnifique « carnet d’images » en cadeau ! » (Îles)
L’usage des hypothèses irréelles crée un monde confactuel qui va à l’encontre de la loi de
la nature :
« Si les poissons pouvaient parler, ils vous conseilleraient Hykro. » (Hykro)
« Si la mer n’avait qu’une couleur, il n’y aurait qu’un bleu Lacoste. » (Lacoste)
Dans ces annonces, les hypothèses irréelles visent à renforcer la valeur réelle du produit.
Le récepteur peut difficilement réfuter ces deux exagérations drôles.
Parfois, la phrase hypothétique se réduit à une seule proposition. Il s’agit d’une suggestion
ou d’un rêve comme les deux publicités suivantes :
« Et si vous jouiez au Père Noël cette année ? » (Village d’enfants SOS)
« Ah. Si j’avais un lit Happy. » (Happy)
Au terme de cette brève analyse de quelques usages de « si » hypothétique, nous pouvons
constater l’efficacité de ce connecteur pour créer de véritables micro-textes argumentatifs dans
lesquels, la proposition subordonnée est marquée comme un argument alors que la proposition
principale énonce la conclusion à tirer.
1.2.2.2. Quand
« Quand » est aussi un opérateur de constructeur de monde, d’univers euphorique et il peut
exprimer une hypothèse comme le connecteur « si » :
58
« Quand on exerce un métier lié à la vente, on souhaiterait passer davantage de temps sur
le terrain. » (Intel Inside Centrino)
Mais plus souvent, il reflète une vérité générale, un monde réel :
« Quand deux esprits créatifs entament un pas de deux, les perspectives s’ouvrent à
l’infini. » (Programme Rolex de mentorat artistique)
« Quand vous conduisez l’une des meilleures voitures au monde, vous ne voulez faire
aucun compromis entre performance, style et sécurité. » (Pirelli)
« Veillez à la sécurité de votre réseau quand votre PC sort seul le soir. » (IBM)
« Réservez votre voiture Avis quand vous achetez votre billet dans les gares SNCF. »
(SNCF)
Si « quand » est mis au début de la phrase, il fonctionne comme un déclencheur de récit
qui va permettre de raconter une histoire à propos du produit : univers de rêve, d’évasion dans
lequel on introduit le nom de la marque.
1.2.3. Structures de mise en relief
Ce procédé emphatique associe un présentatif « c’est » et un relatif « qui/que » pour
insister sur un constituant de la phrase. Cela permet d’obtenir une phrase clivée ou une phrase
semi-clivée, une construction très proche dite pseudo-clivée qui combine l’extraction et le
détachement d’un constituant.
1.2.3.1. Phrases clivées
Parmi les phrases clivées, nous relevons quelques exemples :
« Le nouveau Grand Vitara, c’est un intérieur accueillant et confortable. C’est aussi un
moteur turbo diesel… qui allie force et vivacité et offre un couple qui permet d’affronter tous
les terrains. » (Suzuki)
« Après 8 bonnes heures de sommeil, il vous en reste 16 pour les loisirs. C’est ce qui a
inspiré Mitsubishi Motors pour le nouveau Outlander. » (Mitsubishi)
L’extraction est un procédé d’insistance susceptible d’exprimer la subjectivité du locuteur.
Il veut porter une attention particulière à un élément de la phrase et attire donc le lecteur à ce
propos. Par ailleurs, il contribue à l’enchaînement syntaxique puisque « c’ » dans le présentatif
« c’est » joue le rôle de pivot. Il suppose qu’une question implicite est posée sur le référent.
On s’interroge implicitement ou explicitement sur l’identité de quelqu’un ou de quelque chose
dont la présence a été constatée.
1.3.2. Phrases semi-clivées
59
Une deuxième structure très proche concerne les phrases pseudo-clivées (ou semi-clivées).
Elles relèvent de la dislocation.
« Les passions authentiques finissent toujours par influencer le destin de ceux qui les
vivent. Ce qui les rend si différents, c’est cette remarquable volonté d’aller au bout de leurs
rêves. » ( Auto Subaru)
On distingue deux parties dans la phrase. Le premier élément est une relative
périphrastique (« ce qui les rend ») introduite ici par « ce » invariable, et qui représente un
inanimé. Le second élément introduit par « c’est » est une séquence qui entretient une relation
de complément avec le verbe de la relative.
On retrouve à nouveau la répartition présupposé/posé. Le contenu du premier élément est
présupposé : « ce qui les rend si différents. ». L’élément introduit par « c’est » est posé comme
identifiant ce contenu et s’opposant à un autre référent spécifique possible : « la remarquable
volonté d’aller au bout de leurs rêves » et non par une autre caractéristique.
« Ce qu’elle apprécie le plus, ce sont ses sièges avant pivotants avec accoudoirs, sa
climatisation quadri-zone… ainsi que le rangement réfrigéré… » (Citroën C8)
« Ce qui peut être délicat, avec le sans-fil … c’est de travailler sans fil. » (IBM)
Ces structures permettent bien de mettre en valeur la qualité du produit, ses
caractéristiques, tout en assurant un lien avec ce qui précède.
L’étude des liens syntaxiques de coordination, de subordination est un moyen efficace
pour saisir la stratégie du message publicitaire. Les relations syntaxiques à l’intérieur du texte,
entre phrases et entre paragraphes, permettent d’orienter la démarche du récepteur et
l’amènent à se laisser séduire.
2. Emploi de modes et de temps
Le choix du temps et du mode des verbes est aussi pris en considération dans
l’argumentation publicitaire parce que les valeurs du temps et du mode sont très diverses et
compliquées. Par exemple, pour faire croire le lecteur, il est indéniable que l’indicatif est plus
subjectif et plus persuasif que le conditionnel et le subjonctif. Nous relevons ci-dessous
quelques temps et modes qui tiennent une place plus ou moins importante par rapport aux
autres.
2.1. Modes
À l’observation du corpus, nous constatons que parmi les six modes de la grammaire
française, l’indicatif et l’impératif sont les plus présents dans les textes publicitaires en raison
de leur valeur réelle. Si au mode indicatif, le verbe indique une action certaine (ou considérée
60
comme certaine), l’impératif exprime un conseil, une demande, une défense, une suggestion,
ce qui est le but du discours publicitaire.
L’impératif est fréquent dans les annonces. C’est peut-être la raison pour laquelle, la
publicité est, selon certains linguistes, un discours injonctif. L’impératif suppose la présence
de l'autre, c'est-à-dire « l'absolue prééminence du locuteur sur son partenaire discursif »43 et
vise la réaction immédiate de l’interlocuteur ou la modification de son comportement.
L’annonce implique directement la personne qui l’écoute et attire son attention. On retrouve
cette stratégie d'interpellation dans de nombreuses publicités comme les textes de Crédit
Atouprix, Castel, Sprite :
« N’attendez plus !
Changez de voiture
Partez en voyage.
Offrez-vous le salon de vos rêves
Faites plaisir à vos proches
Ne vous refusez plus rien ... » (Crédit Atouprix)
« Castel beer. Savourez vos réussites ». (Castel)
« Oublie ce que tu vois, pense à ce que tu bois, écoute ta soif ». (Sprite)
Bien que l'impératif s'assimile à un vocatif qui, comme le dit C. Kerbrat-Orecchioni,
«établit un rapport direct et immédiat entre le destinateur et les destinataires», il s'agit ici d'un
ordre indirect, puisque la structure de la communication ne permet pas qu'il y ait réaction
immédiate. Les locuteurs n’étant pas face-à-face, le tour de parole, la réversibilité sont
impossibles. Dans la publicité de la Société d’assurance AXA, par exemple :
«Il n'est jamais trop tard pour préparer l'avenir. Allez-y, allez plus loin avec AXA.»
Pourtant, l’ordre de la consommation règne d’autant mieux qu’il ne prend plus l’air de
dominer. L’omniprésence quantitative du phénomène publicitaire entraîne en effet un
changement qualitatif dans sa façon d’imposer ses modèles : sa norme paraît normale. Elle ne
dit plus d’un ton menaçant : “ Faites ainsi ”, mais tranquillement : “ Tout le monde fait comme
cela ”. L’injonction publicitaire n’est plus “ Voilà ce que tu dois être ”, mais elle devient “
Voilà ce que tu es.”. Le mode indicatif se révèle dès lors beaucoup plus insidieux, plus
oppressif que le mode impératif. En réalité, le mode indicatif est le mode majeur de la langue
publicitaire. Il est certainement plus agréable de lire des phrases au mode indicatif qu’au mode
43
Kerbrat-Orecchioni C., 1980, L’énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris, Colin, p. 61
61
conditionnel ou impératif parce qu’on semble d’être dans une conversation quotidienne et plus
familière:
« Alice voulait faire médecine.
Malheureusement. Elle n’a pas pu. Mais elle a de la suite dans les idées, Alice. Elle a
donc décidé qu’elle soignerait autrement qu’en blouse blanche. Les enfants de préférence.
Elle est devenue le clown le plus attendu des services de pédiatrie.
Avec Alice et son association « Clown solidaire », les enfants malades oublient pendant
quelques heures la réanimation et ses bip-bip, le scanner de demain, les piqûres de tous les
jours.
Alice sait qu’elle a le plus beau public au monde. » (Association Clown solidaire)
Sans contexte, il se peut qu’on le confonde avec un extrait d’un reportage de presse.
L’histoire d’Alice laisse une bonne impression au lecteur, ce qui permet à l’annonceur de se
rapprocher de son public plus facilement.
2.2. Temps
Généralement, les indices de l’espace et du temps ne sont pas marqués dans le texte
publicitaire. Et le présent de l’énonciation porte une valeur atemporelle, c’est-à-dire que le
présent sert ici de repérage non marqué au passé et au futur. Il s’agit d’un présent d’habitude
ou présent itératif qui inclut le moment de l’énonciation dans une temporalité qui se répète ou
d’un présent omnitemporel ou de vérité générale, comme dans la publicité de la Crème antiâge par exemple :
« Partez à la découverte de la nouvelle Crème anti-âge révélatrice du teint, une vraie
révolution pour votre peau.
Dès l’application, cet expert anti-âge révèle une peau plus douce, plus fraîche, plus
lumineuse.
Chaque jour,la peau s’embellit et devient lisse, éclatante, uniforme.
Pourquoi ? Parce qu’une Crème anti-âge révélatrice du teint, élimine les cellules mortes
et fait renaître une peau plus neuve, plus résistante, éclatante de santé.
Au final, la peau perd son voile terne, elle est fraîche, moins marquée ; elle résiste mieux à
l’environnement hostile.
Offrez-vous une peau douce, douce comme du coton ... une crème prodigieuse ! »
Avec la nature de descriptive du texte, ce présent de vérité générale contribue à étendre la
temporalité à la généralité. Dans ce cas, le récepteur sent que l’annonceur est en train de
partager un savoir d’expérience.
62
Si on doit se repérer, du point de vue de la temporalité, par rapport à un procès antérieur, la
forme la plus évidente est le passé composé. Le passé composé est devenue en apparence un
temps du passé dominant dans la publicité parce que l’imparfait la pousse vers d’autres
valeurs.
« Vous avez travaillé pour votre épargne. Nous travaillons aussi durement ... pour lui
assurer une totale sécurité. » (Standard Chartered Bank)
« J’ai enfin trouvé le sens de ma vie. » (Matériaux de construction Gervais)
« À force d’être riche, j’ai appris à compter. » ( Daewoo)
Comme temps subjectif par excellence, le passé composé fonctionne ici comme un temps
intermédiaire qui articule toujours le passé sur le présent de l’énonciateur.
Quant à l’imparfait, une lecture un peu attentive de la publicité nous montre sa fréquence
dans les structures hypothétiques avec « si » qui conditionne la création de mondes plus ou
moins éloignés du nôtre. En principe, les conditionnelles irréelles correspondent à un univers
fictionnel, imaginaire qui fait se méfier le récepteur des informations. Mais en publicité, la
structure hypothétique est un outil syntaxique efficace pour créer de véritables micro-textes
argumentatifs. Les publicités de Lacoste et de Mercedes-Benz renvoient à un monde contrefactuel dans le seul but de vanter la particularité et l’exclusivité de leur produit :
« Si la mer n’avait qu’une couleur, il n’y aurait qu’un bleu Lacoste. » (Lacoste)
« Si cette voiture n’existait pas, je la construirais moi-même. » (Mercedes-Benz)
Avec le connecteur « si », l’imparfait peut également remplir une fonction de modélisation
du monde positif et solliciter le souhait et l’aspiration chez les lecteurs comme ces deux
exemples :
« Et si la beauté venait de l’intérieur ? » (Vichy Célestins)
« Et si vous jouiez au Père Noël cette année ? » (Village d’enfants SOS)
Parfois on recourt à un temps du désir, le futur simple qui est pris en charge afin de mieux
susciter l’adhésion du consommateur au produit et le pousser à l’action.
« Aide-toi. Contrex t’aidera. » (Eau minérale Contrex)
« Occupez-vous de votre bonheur, notre agence fera le reste. » (Agence de sécurité
M.Martin)
« J’irai cracher sur vos tongues. » (Tongue Slang)
Dans ces textes, le futur simple traduit une intention et une promesse de la part de
l’annonceur et crée une relation de connivence. Il réagira très vite et efficacement une fois que
le client aura besoin de son service.
63
Le futur proche marque un futur lié à l’instant présent et exprime une action certaine dans
un avenir proche. Le produit est donc à la portée du récepteur.
« Le ticket qui va vous faire économiser encore plus d’argent. » (Cash Carrefour)
« Chaque enfant a le droit d’aller à l’école. Avec vous, ce droit va devenir une réalité. »
(Aide et Action)
À part un certain nombre de phrases atypiques, la syntaxe des messages publicitaires
respecte bien les règles grammaticales. Ce qui compte, c’est que les publicitaires savent les
appliquer de façon optimale pour éveiller le désir du lecteur. Dans les slogans, les phrases
simples et courtes sont les plus employées parce qu’« un slogan – c’est la règle – doit être
concis pour être mieux fixé et répété ».44 Comme le cas des procédés lexicaux, ce n’est pas par
hasard qu’on choisit telle ou telle formule, l’emploi des liens syntaxiques, du temps et du
mode exerce des effets directs sur l’efficacité de la publicité.
44
BLUM Y. & BRISSON J., 1971, « Implication et publicité », Langage français, no12, Paris, Larousse
64
CHAPITRE IV
ANALYSE PRAGMATIQUE DU TEXTE PUBLICITAIRE
Pour étudier une publicité et comprendre son mécanisme, il faut tenir compte, non
seulement des aspects lexicaux et syntaxiques du texte, mais nous nous attachons aussi à la
pragmatique du texte publicitaire. Cette analyse repose essentiellement sur le fonctionnement
de la communication publicitaire, l’utilisation du langage pour argumenter et convaincre le
lecteur, celui qui construit l’interprétation finale.
1. Communication publicitaire
1.1. Un cadre communicationnel singulier
Mettant en rapport des sujets en vue de transactions économiques, la publicité est étudiée
en terme de théorie de la communication. Cependant, « il s’agit d’une situation de
communication-interaction très particulière et irréductible aux schémas généraux de la
communication linguistique». 45
Premièrement, la prise de parole de l’émetteur exige un grand investissement de la part de
l’annonceur.
Deuxièmement, il s’agit d’une communication différée dans l’espace et dans le temps.
Par ailleurs, c’est une communication sollicitée et aléatoire parce qu’elle doit convaincre
instantanément un destinataire qui n’attend pas le message et qui n’est pas obligé de le
recevoir.
Avec ces contraintes, la structure communicative est axée sur la recherche de
l’établissement d’un contact et sur la quête du plus grand nombre de contactés possible.
De plus, la communication publicitaire est ambivalente. Elle se compose des éléments à la
fois verbaux et iconiques. À cette relation s’ajoute l’ambivalence d’une production qui est à la
fois symbolique et commerciale. Les publicitaires ont tendance à masquer soigneusement cet
aspect commercial par des valeurs comme la beauté, la santé, la nature. Vivons les moments
de rêve à travers les publicités de Port-Grimaud et du Service de tourisme du Luxembourg :
« Port-Grimaud, achetez le soleil et la mer. »
« Il était une fois ... un charmant petit pays.
Avec beaucoup de châteaux. Des collines verdoyantes, des forêts millénaires, des
45
ADAM J.M. et BONHOMME M., Op. cit. p. 23
65
Ruisseaux enchanteurs. Avec des habitants accueillants, joyeux et gourmets.
Ils sont là, au cœur de l’Europe ; si près de chez vous. Car le plus beau de l’histoire, ce
pays existe vraiment !
Le grand-duché de Luxembourg »
Lors de la lecture de ces annonces, il est difficile de résister au désir de vivre ces moments
agréables. Le lecteur se laisse complètement charmer. Car « tout se passe comme si dans ce
cas d’expression créatrice dans un cadre commercial, le but essentiel, qui est de vendre et de
faire un profit, était nié ; comme si le monde des affaires n’avait pas d’autre souci que de
moissonner les dons de la nature et de les apporter à chaque animateur individuel – dans une
vie idyllique en pleine harmonie avec la nature». 46
1.2. Modèles communicationnels
Le classement de la communication publicitaire est fortement influencé par les théories de
la communication. Elle peut être conçue comme une relation à sens unique entre l’annonceur
et le public ou une structure interactive.
1.2.1. Modèles communicationnels unilatéraux
Les modèles unilatéraux définissent la communication publicitaire comme une action
contraignante : un annonceur tout puissant et omniscient utilise le canal du langage pour
susciter une pulsion d’achat dans un public passif. Dans ce cadre, nous présentons trois
modèles les plus connus et mentionnés en terme de communication publicitaire.
Le plus simple des modèles est sans doute celui de Lasswell 47. La communication oriente
de la source à l’effet publicitaire :
Émetteur
Référent
Récepteur
Canal-contact
Qui ?
Dit quoi ?
À qui ?
Par quel canal ?
Avec quels effets ?
Citons, par exemple, l’annonce Gerblé :
« Madame, nous vous informons que la vitamine E contenue dans le germe de blé aide à
lutter contre le vieillissement des tissus. GERBLÉ »
On repère sans difficulté l’émetteur (nous), le contenu référent (renseignement sur la
composition du produit Gerblé), le récepteur (Madame, vous), l’effet visé (désir de l’achat)
masqué par un message informationnel.
46
SPITZER L., La publicité américaine comme art populaire, Poétique, no34, Paris, Seuil, p.155
66
Le modèle A.I.D.A48 et celui de Lavidge & Steiner sont plus complexes :
Information
Attention
A.I.D.A
Lavidge & Steiner
Affects
Intérêt
Notoriété
Connaissance
Comportement
Désir
Action
Attirance
Préférence
Conviction
Achat
On peut analyser la publicité Gerblé sur le modèle A.I.D.A. Le message commence par
l’Attention sur l’information qui crée un Intérêt concernant la protection contre le
vieillissement et un Désir d’avoir une meilleure santé. Persuadée par l’annonce, la cliente qui
prend soin d’elle n’hésite pas à Acheter le produit.
On constate, par ces modèles, que la publicité est un dialogue particulier, asymétrique car
les interventions des deux participants, l’annonceur et les consommateurs, n’utilisent pas le
même canal.
1.2.2. Structure interactive
Contrairement au point de vue précédent, J.-M. Adame et M. Bonhomme rend compte que
« bien loin d’obéir à un système unilatéral et de s’adresser uniformément à un public passif,
elle s’intègre dans un circuit complexe, fondé sur l’interdépendance et la corégulation».49 Les trois éléments au moins qui influencent directement les énoncés sont le
canal, le référent et le destinataire.
1.2.2.1. Influences du canal, du référent et du destinataire sur l’argumentation
1.2.2.1.1. Canal
Pour toute communication, le canal exerce des impacts importants sur l’efficacité des
échanges. Dans le cas de la publicité, la nature des supports pèse sur la réussite de la
campagne. Chaque journal correspond à des types de publicités. Si les magazines sont
privilégiés pour les publicités-affiches, axées sur l’image et le slogan, dans les quotidiens, on
voit un grand nombre de publicités des biens et services de grande consommation.
L’orientation thématique des journaux fonctionne comme filtre préalable. Le fabriquant
choisit des journaux spécialisés dans leur domaine pour établir une argumentation appropriée
et attirer le plus de clients potentiels.
Le style de la presse exerce aussi des influences sur les annonces. Un produit n’est pas
présenté de la même façon dans tous les supports. En effet, chaque support a son public et il
47,48
49
Cité par J.-M. Adam et M. Bonhomme, op. cit. p.28
Op. cit., p.31
67
faut que l’annonce réponde aux exigences des lecteurs. Les annonces dans un quotidien sont,
dans la plupart des cas, de petit format et en noir et blanc tandis que les publicités des revues
sont en couleurs vives et occupent souvent une grande surface, même une ou deux pages.
Nous observons une nette interdépendance entre le message publicitaire et le support. Le
support influence au départ le message et il peut en retour s’adapter à ce dernier.
1.2.2.1.2. Référent
La publicité ne nous emmène pas seulement dans un monde imaginaire mais propose
d’abord les services et les marchandises. L’important, c’est de trouver une stratégie adéquate
pour chaque type de produit. On ne peut pas développer la même argumentation pour vendre
une voiture, du chocolat ou un parfum.
Les publicités des voitures ou du chocolat reposent souvent sur une argumentation directe
qui valorise souvent le plaisir de les posséder :
« Un moteur de 280 chevaux, c’est émouvant. Un enfant qui traverse aussi. Pour tout
constructeur automobile, il y a une évidente noblesse à concevoir un beau moteur [...] Mais
pour Audi, la noblesse se trouve aussi ailleurs. Là où l’ON n’oublie pas les réalités de la
route. Là où l’ON prend conscience que le plaisir automobile ne se vit pleinement que
maîtrisé [...]. » (Audi)
« Moins de sucre mais autant de plaisir dans le chocolat Sibon » (Chocolat Sibon)
Pourtant, lorsqu’il est question d’un parfum, l’argumentation est souvent indirecte. On ne
cherche pas à décrire l’objet mais à l’attirer dans un mode d’euphorie et de rêve :
« Paris, je t’aime. » (Parfum Yves Saint-Laurent)
« Tu es le grand soleil qui me monte à la tête. » (Parfum Poême)
La description publicitaire se subdivise en deux types correspondant à deux grands catégories
de produits. Les produits peu divisibles tels que parfums, stylos, liquides suscitent des descriptions
globales et synthétiques alors que les produits découpables en parties comme automobiles,
ordinateurs permettent une description détaillante et analytique.
L’empreinte du produit pré-oriente le message mais elle ne détermine pas un modèle rigide
pour chaque catégorie de produit. Il ne faut absolument pas parler du produit pour le faire
connaître au public. L’impression liée à un produit est plus importante que le produit lui-même.
1.2.2.1.3. Destinataire
Avec les effets du support et du type de produit, la publicité s’efforce de s’adapter aux
caractéristiques socioculturelles du public, ce qui conditionne son succès. L’annonceur cherche à
68
comprendre son public pour répondre à son attente et ses aspirations. Le Centre de communication
avancée d’Europe a relevé cinq grandes familles de consommateurs : les activistes, les
matérialistes, les rigoristes et les conservateurs, les décalés, les égocentrés.50
Prenons l’exemple des montres Tas-Heuer et de Girard-Perregaux qui sont destinées à
deux groupes différents.
Comme les activistes sont la clientèle visée de Tas-Heuer, le message est centré sur une
description de la technologie et sur la compétition de haut niveau liée à l’élite américain Carl
Lewis :
« Carl Lewis porte une montre Heuer, une montre qui allie la compétence des horlogers
suisses à la précision du quartz. Elle est munie d’un bracelet à double fermeture de sécurité,
d’une couronne vissée, et s’il envisageait une course sous l’eau, elle est étanche jusqu’à 200
mètres. »
Par contre, Girard-Perregaux oriente son argumentation vers le type rigoriste qui prend en
considération la tradition, la matière :
« Sa forme est essentielle, virile, mariant la pureté des lignes à la rigueur fonctionnelle.
Classique, dans sa combinaison d’or et d’acier. Étonnante, dans la subtile harmonie de
l’argent et de l’or rose ou encore de l’acier, simple et puissant. Ces bracelets sont disponibles
en acier, en or ou en cuirs originaux cousus à la main. Girard-Perregaux. Manufacture de
montres d’exception depuis 1791. »
Les annonceurs suivent de près l’évolution des mentalités des gens. Par exemple, si avant
les argumentations de la publicité étaient centrées principalement sur la qualité du produit, de
nos jours, comprenant le souci du public pour la protection de la nature, les publicitaires,
puisent l’aspect écologique du produit. Le trait commun de différents messages est souvent
d’ordre écologique :
« Le Chat Machine protège votre environnement. » (Lessive Chat Machine)
50
CATHELAT B. & EBGUY R., 1988, Styles de publicité, Paris, Éd. d’Organisation. Les activistes sont dynamiques
et sensibles surtout aux argumentations pratiques, élitistes et inédites. Les matérialistes marqués par des préoccupations
sécuritaires et le sens de l’utile sont réceptifs aux argumentations vulgarisatrices et simplificatrices insistant sur la
fonctionnalité et la crédibilité des produits. Les rigoristes, conservateurs, recherchent de préférence une argumentation
autoritaire, moraliste et bien structurée. Les décalés sont principalement parmi les moins de quarante ans peu affectés
par la conjoncture économique, sont donc individualistes, anticonformistes, ouverts aux arguments humoristiques et
esthétiques. Les égocentrés comprenant surtout les jeunes issus de milieux populaires et touchés par la crise, sont
réceptifs aux arguments provocants, spectaculaires, en même temps que sentimentaux.
69
« Vous aimez la nature, les arbres, les petits oiseaux. Vous adorerez nos sacs
plastiques. » (E. Leclerc )
« On est prié de laisser la planète propre en sortant. » (McDonald’s)
C’est grâce à la compréhension des mentalités du public que le discours publicitaire est
capable de faire acheter au lecteur « une identité autant et plus sans doute qu’une
utilité »51 comme le slogan de Cartier « L’art d’être unique ».
Un message à succès doit « écouter toujours et comprendre toujours »52 le client (le
lecteur) sans quoi, malgré tout, il ne peut jamais atteindre l’objectif.
1.2.2.2. Dialogisme feint53
Si la communication publicitaire est réellement influencée par les éléments proactifs du
cadre discursif, elle n’anticipe que de façon feinte le comportement rétroactif du public.
Est-ce que le discours publicitaire est pris dans une structure d’intervention unilatérale ou
bien il s’agit d’un dialogue ouvert sur une réversibilité ?
Comme les autres médias, la publicité cherche toujours à créer une réversibilité de la
communication, c’est-à-dire que les annonceurs donnent la parole aux consommateurs
dans des enquêtes ou des publi-reportages. Malgré cela, s’agit-il d’un véritable échange ou
d’un échange illusoire, programmé en fonction des objectifs de l’annonceur ?
1.2.2.2.1. Mise en scène de l’ouverture d’un échange
L’annonceur implique le lecteur dans le discours publicitaire par des actes illocutoires
d’un dialogue comme les actes salutatifs, directifs, interrogatifs :
Les actes salutatifs et appellatifs ouvrent une interaction et attirent l’attention du
lecteur :
« Bonjour. » (Flore alpine Floralp)
« Yo ! elle est là ! La génération L&B avec plein plein de cadeaux. La génération
gagnante, c’est nous. » (Vêtements L&B)
« Madame, monsieur,
Votre voiture a quelques éraflures, vous aimeriez lui donner son éclat d’origine ?... »
(Cami Toyota)
51
CATHELAT B., 1987, Publicité et société, Paris, Payot, p.34
Le slogan de Prudential
53
Dialogisme feint : le caractère dialogué d'un texte non théâtral n’est qu’artificiel, illusoire
52
70
« Madame, voulez-vous recevoir gratuitement une montre pour votre compagnon ? »
(Lucorale)
Les actes directifs très fréquemment formulés sous forme impérative sont de nature
contraignante, davantage dominatrice que séductrice :
« Purifiez, respirez ! » (Vittel)
« Mangez moins et buvez Contrex ! » (Contrex)
Les actes interrogatifs présupposant une réponse sont les plus caractéristiques du
dialogue publicitaire. Dans la plupart des cas, ce sont des pseudo-questions. En effet, le
texte consécutif donne tout de suite la réponse :
« La bourse vous obsède ?
Où que vous soyez, et quand vous le voulez, vous êtes alerté des mouvements de vos
valeurs par SMS et suivez le cours, sur le WAP orange.fr de votre mobile ou par l’envoi
SMS.
Le futur, vous l’aimez comment ? ORANGE. » (Opérateur de téléphonie mobile
Orange)
ou il s’agit d’une question de rhétorique :
« Madame, voulez-vous recevoir gratuitement une montre pour votre compagnon ? »
(Lucorale)
L’adverbe « gratuitement » de cette annonce induit difficilement une réponse qui n’est
pas positive.
Dérivés des actes interrogatifs, les actes probatoires constituent des publicités-tests. En
principe, les tests présentent une série de questions afin d’aider le lecteur à estimer ses
aptitudes et à en tirer les conséquences. Mais en réalité, la rétroaction ne consiste pas en de
véritables réponses. Les questions sont plutôt fermées et les réponses plus ou moins
prévues comme dans la publicité-test de CSS Assurances :
« Préférez-vous le français au jargon spécialisé ?
Oui
Non
Faites-vous presque toujours tomber votre tartine du côté du beurre ?
Oui
Non
Est-ce que ça vous démange là où vous n’arrivez pas à vous gratter ?
Oui
Non
[...] »
71
Ces exemples montrent que malgré l’apparente ouverture d’une véritable intervention,
les initiatives de l’annonceur se révèlent toujours asymétriques. D’une part, elles
consacrent une inégalité d’échange. D’autre part, elles le verrouillent rapidement. Les deux
acteurs de la communication ne permutent donc pas.
1.2.2.2.2. Mise en scène de la réception-réaction
Du point de vue réactif, très souvent l’annonceur introduit d’abord des appels à
l’attention du lecteur :
« Attention, ceci est une publicité comparative. » (Assurance Les Mutuelles du Mans)
« Avant d’acheter une imprimante, assurez-vous d’avoir tout lu, y compris les petits
caractères.» (Hewlett Packard)
« Si vous n’êtes pas millionnaire, rendez-vous à la lettre b. » (Société Suisse
d'Assurances sur la Vie Providentia)
« Rendez-vous page 20. » (Café Douceur noire)
La stratégie de teasing comme la publicité Douceur noire consiste à fragmenter la
publicitaire sur deux pages ou plus. En lisant une telle publicité, le lecteur motivé ne reste
pas immobile.
Certaines publicités laissent aux lecteurs une place pour exprimer leurs réactions avec
une attitude bienveillante ou une réfutation :
" Monoprix, tu me plais, tu sais." (Monoprix)
« Moi, au volant d’une Mercedes ! On va croire que j’ai pris la voiture de mon père ! »
(Mercedes)
« Ça va nous faire une belle génération de fainéants, oui ! » (Appareils
électroménagers Miele)
Les réfutations dans les publicités Mercedes et Miele ne nuisent pas la notoriété de la
marque parce qu’elles restent, bien sûr, sous le contrôle de l’annonceur. La publicité de ce
type est plus capable de se distinguer dans une jungle de messages publicitaires.
De même manière, le message de Macintosh surprend le lecteur par une série de
contre-arguments tranchants sur le produit comme:
« D’après nos études, il y a trois raisons pour lesquelles vous n’avez pas encore acheté
un Macintosh.
1. Macintosh n’est pas compatible.
72
2. Macintosh est un ordinateur pour graphistes.
3. Macintosh est cher. »
Avec ce message, personne n’ose acheter un produit plein d’inconvénients. Pourtant, il
est évident qu’elle ne s’arrête pas là. Le dernier message que l’annonce nous transmet est
que « D’après nos études, vous n’avez pas encore acheté un Macintosh. ». C’est un bel
exemple d’inversion argumentative où les reproches du public à l’encontre du produit se
transforment en reproches au public.
Pour susciter la réaction immédiate chez le lecteur, le publicitaire adopte la structure
dialogale sous forme de paire minimale ou de répliques répétitives qui sont des contrearguments :
« - En classe Affaires, on ne peut pas choisir son tarif.
- Si, à partir du 28 mars. » (Agence aérienne British Midlands)
« - Et si je la perds ?
- On la remplace en 24 h.
- Et si on me la vole ?
- On la remplace en 24 h.
- Et si c’est dimanche ?
- On la remplace en 24 h.
- Et si c’est férié ?
- On la remplace en 24 h. » (American Express)
La mise en scène des dialogues, une technique usuelle dans les spots télévisés, se voit
parfois dans les messages de la presse écrite. C’est le seul cas où le lecteur/consommateur
prend la parole. Pourtant cette prise de parole est plutôt factice et conforme à la ligne
argumentative de l’annonceur. Les dialogues publicitaires sont très divers, des
conversations quotidiennes aux pseudo-interviews en passant par des emprunts des
personnages des romans, des films connus :
« - Dis-moi chérie Simone ! Maintenant que tu n’es plus une Yoyette ! Tu veux quoi au
juste ? Un bébé, un duplex ou une villa ?
- Oui mon chéri Ebenezer ... oui mon chéri, je veux un bébé, je veux un duplex, je
veux une villa, oui ! oui ! Oui !!! une villa Solimaison. [...] ) (Société mobilière
Solimaison)
« - Comment faites-vous pour avoir une si jolie peau ?
-
M.J. : ...Ah ... merci ... (rires). Il y a, je crois, trois ans, des choses déterminantes à
considérer : la nutrition, l’équilibre alimentaire, ne pas fumer,[...]. Personnellement, je
73
suis une inconditionnelle de Mary Cohr et depuis des années. [...]) (Produits de beauté
Mary Cohr)
« Holmes, vous devriez garder un œil sur Mrs Petticott, la gouvernante, le niveau de
la bouteille de Porto du salon baisse singulièrement.
-
Voilà qui est étrange, car les indices évoquent plutôt un homme d’âge mûr,
corpulent avec une moustache poivre et sel. Cela ne vous dit rien, mon cher Wattson ?
-
Heu ... non, je ne vois pas. » (Vin Porto)
Une autre preuve plus justificative de l’artifice interactif, c’est le fait de proposer au
lecteur de compléter une publicité inachevée en pratiquant certaines activités manuelles ou
intellectuelles sur le message publicitaire comme un collage ou un jeu d’énigme que
représentent respectivement ces exemples suivants :
« Collez la photo de votre bébé ici. » (Prêt-à-porter Tissaia)
(Renault)
Cette énigme de la publicité Renault recourt au procédé de teasing pour provoquer la
curiosité et l’enthousiasme du lecteur.
74
Bien que le DIRE de l’annonceur se transforme en FAIRE du destinataire, la
communication reste loin d’être symétrique. Le destinataire n’a pratiquement aucune
initiative. Le dialogisme publicitaire n’est effectivement qu’un monologisme déguisé
conforme à la ligne argumentative de l’annonceur.
1.2.2.2.3. Acteurs de la communication
En tant que dialogisme feint, le discours publicitaire présente une particularité évidente
en ce qui concerne les personnes entre lesquelles le message est transmis. Qui sont le
locuteur et l'interlocuteur ? Qui dit je dans le slogan ? Dans son livre, Le langage de la
publicité, Angela Goddard remarque le fait qu'il y a beaucoup de termes qui décrivent les
individus
concernés
par
un
texte
du
genre
publicitaire :
écrivain/lecteur,
émetteur/récepteur, locuteur/illocuteur (interlocuteur), producteur/consommateur.54
Pourtant selon le schéma proposé par P. Charaudeau, la communication publicitaire est
une interaction entre quatre sujets, une mise en scène énonciative qui repose sur un jeu
réciproque d'évaluation des partenaires. Nous convenons avec lui que l'acte de langage est
toujours un acte interactionnel, même lorsque les partenaires ne sont pas présents
physiquement dans un rapport d'échange immédiat.55
Au niveau du circuit externe, les « protagonistes » de l’acte de langage sont, d’une
part, le sujet communicant, JEc (le fabricant d’un produit) qui se positionne comme
émetteur et responsable du projet parole. D’autre part, le sujet interprétant, TUi (les
consommateurs ) qui existe en tant qu’instance sociale et responsable de l’acte
d’interprétation. Il est l’image d’un sujet interprétant construit par le sujet communicant.
Au niveau du circuit interne, se trouvent les « partenaires » de l’acte langagier : le
sujet énonçant ou énonciateur, JEé (l’agence publicitaire), image de sujet construit par et
dans l’énonciation, il est toujours présent dans l’acte d’énonciation et est responsable de
l’effet de parole produit par l’interprétant. Le sujet destinataire, TUd, image de destinataire
déléguée par la situation de communication, est cet interlocuteur fabriqué par le JE comme
destinataire idéal, adéquat à son acte d’énonciation.
On observe donc non plus deux sujets en interaction, mais quatre protagonistes par
dédoublement :
GODDARD A., 2002, Le langage de la publicité, trad. Bianca Pop şi Albert Borbely (The Language of
Advertising. Written Text, Routledge, 1998), Bucureşti, Éd. Polirom, p. 45.
55
CHARAUDEAU P., 1983, La presse : Produit, production, réception, Paris, Didier, p.171
54
75
- un "JE" communicant sujet réel, avec un "JE" énonciateur, image du sujet construite
par l'énonciation.
- un "TU" interprétant avec son image et un "TU" destinataire inscrit dans le circuit
interne de l'énonciation.
Ces relations interactionnelles se matérialisent par le schéma suivant :
Circuit externe
Circuit interne
JEé
Agence
publicitaire
TUd
Lecteurs
JEc
TUi
Fabriquant
Consommateurs
2. Publicité comme acte de langage indirect
En inspirant de la terminologie classique d’Austin56, nous considérons trois dimensions
d’actes du discours publicitaire. Si la dimension locutoire, la dimension illocutoire concernent
la communication langagière, la dimension perlocutoire s’ouvre sur la communication
commerciale : le message réussit à persuader le lecteur d’acheter le produit ou non. Selon M.
Bonhomme, J.M. Adam, la structure pragmatique du discours publicitaire peut être
schématisée comme suit :
Action
Langagière
Dimension
Pragmatique
Produire
ayant une force
visant
un message
de persuasion
l’achat du produit
Force
Effet
Acte
LOCUTOIRE
ILLOCUTOIRE
PERLOCUTOIRE
Constatif (explicite)
 faire croire
Directif (+ou – implicite)
 faire faire
Au plan locutoire, le discours est à la fois texte et image.
56
AUSTIN J.L.,1970, Quand dire c'est faire, Paris, Seuil
76
Au plan illocutoire, on peut parler de deux visées : une visée descriptive, informative sous
forme d’un acte constatif et une visée argumentative. Comme le but d’une publicité est
d’attirer le lecteur et l’inciter à acheter le produit, l’acte illocutoire directif est souvent
dissimulé sous forme d’acte constatif. En effet, pour atteindre ce but, « la publicité fait une
série de constatations à propos du produit et du consommateur (elle constate que le
produit existe, qu’il est nouveau, qu’il a telles qualités, que le consommateur qui l’utilise
en est comblé, que celui qui ne l’utilise pas encore se trouve dans un état de manque
...)».57
Au plan perlocutoire, l’acte d’achat est le but de la persuasion publicitaire. Comme l’a
dit Nicole Everaert-Desmedt, dans un cadre théorique différent, l’acte illocutoire constatif
est associé à une intention perlocutoire de type FAIRE CROIRE quelque chose au
destinataire, et l’acte illocutoire directif à une intention perlocutoire de type FAIRE
FAIRE quelque chose.58 Le passage du CROIRE au FAIRE ne peut être assuré que si le
sujet-consommateur potentiel apprend quelque chose qu’il ne considère pas comme faux.
Le message publicitaire persuasif est donc tout d’abord crédible, susciter la croyance et la
confiance de la part du lecteur et ne provoque pas de réfutation de ce qu’il aborde. En
outre, cette croyance n’est possible qu’à la suite d’une manipulation des désirs profonds du
public. Il faut transformer le SAVOIR en VOULOIR. Pour ce faire, il est préférable de
recourir aux énoncés constatifs servant à valoriser le produit et susciter le désir d’obtenir
cet OBJET DE VALEUR. Il est aussi impératif de faire croire que l’acquisition de cet
objet de valeur est synonyme de la valorisation de tous ceux qui le possèdent.
Le discours publicitaire offre donc un exemple éloquent d'acte de langage indirect. Le
plus souvent, le message d'une publicité est très implicite. D’une part, l’émetteur a prévu
des connaissances psychosociales partagées par niveau intuitif) l'intention derrière l'acte de
langage proposé, autrement dit, à percevoir l'intention directive de l'émetteur. D’autre part,
le lecteur a tendance à réfuter des conseils ou des ordres directs tels que « Nous vous
conseillons d’acheter notre produit parce que c’est un bon produit » ou « Achetez le
produit X ».
57
EVERAERT-DESMEDT N., 1984, La communication publicitaire. Étude sémio-pragmatique, Louvan-laNeuve, Cabay, p.126
58
EVERAERT-DESMEDT N., 1984, La litanie publicitaire : valeurs fiduciaires et persuasion, in
Argumentation et valeurs, Éd. G.Maurand, Presses de l’Universitaire de Toulouse-le-Mirail, p.158
77
C'est ainsi que la publicité est un discours persuasif qui implicite sa visée. Il vise à faire
faire (à faire acheter, à faire choisir) mais n'explicite pas son but illocutoirel : c'est un acte
illocutoire indirect. « L'acte illocutoire dominant de la plupart des publicités est
explicitement constatif et implicitement directif». 59 Parmi les sous-catégories du constatif,
on rencontre, dans le discours publicitaire, des actes assertifs, descriptifs, attributifs et
informatifs.
On a un acte assertif quand la publicité désigne un utilisateur du produit ou un produit
placé dans un contexte d'utilisation pour affirmer que le produit est utilisé. Les messages
publicitaires de Duomagic, Sprite et Jex en sont des exemples typiques :
« Avec MON Duomagic, chaque jour je nettoie.
En même temps, je désinfecte à fond, aussi efficacement qu’avec l’eau de Javel [...].
Et en plus, avec Duomagic, j’ai enfin un produit hypoallergique. » (Duomagic)
« Oublie ce que tu vois, pense à ce que tu bois, écoute ta soif. » (Sprite)
« Mettez –lui une grosse tarte. » (four Jex)
Il s’agit d’un acte descriptif quand la publicité indique la marque du produit, quand elle
le situe parmi une gamme de produits, qu'elle le déclare meilleur que les autres produits
sans la marque, enfin quand elle le décrit de façon plus ou moins développée : ses qualités,
son mode d'emploi, les circonstances de son utilisation, etc comme le cas des publicités C+
et Yamaha :
« Quand on est devant C+, au moins on n’est pas devant la télé. » (Chaîne C+)
« Une Yamaha pour le prix d’une tondeuse. » (Yamaha)
Quand elle attribue une qualité à un produit, ou présente d'abord une de ses valeurs
avant d’exposer le produit en surimpression ou en position de signature, il est question
d’un acte attributif . Prenons, par exemple, les cas de Badoit et Trubert :
« Et badadi
Et badadoit
La meilleure eau
C’est la Badoit. » (Eau gazeuse Badoit)
« Toutes les fleurs sont dans le miel, tous les miels sont dans les fleurs.
Miel suisse. » (Trubert)
59
DUCROT O., 1995, Nouveau Dictionnaire Encyclopédique des Sciences du Langage, Paris, Seuil, p.56
78
« Toutes les vertus sont dans les fleurs
Toutes les fleurs sont dans le miel.
Le miel Trubert. » (Trubert)
On a enfin un acte informatif lorsque la publicité annonce un nouveau produit : elle se
présente comme accomplissant un acte d'information.
« La Manta.
De l’allure. Et du tempérament ! » (La Manta)
« Un parfum de nouveau thé. » (The elephant)
Le recours à l'acte constatif a une fonction argumentative. Il permet de ne pas donner
l'impression d'exercer une pression directe sur le récepteur.
En fin de compte, la publicité représente un acte de langage indirect complexe qui
accomplit simultanément les trois fonctions que la publicité doit remplir : l'information, la
suggestion (la création du désir du destinataire face à l'objet) et la gratification (la création de
la confiance envers le produit à travers une image positive).
3. Argumentation publicitaire
Parler, ce n’est pas une simple présentation ou description du monde, mais surtout de
chercher à faire partager à un interlocuteur des opinions à un thème donné. En d’autres termes,
on prend la parole pour argumenter. Or, si la plupart des annonces publicitaires répondent aux
exigences de la communication, certaines d’entre elles ne peuvent pas provoquer l’adhésion
du lecteur et le persuader d’acheter le produit. Des spécialistes ont ainsi proposé le chemin de
la persuasion publicitaire.
3.1. Chemin de la persuasion publicitaire
Certes il n’existe pas une méthode univoque pour toute publicité, mais certains procédés
de persuasion ont tout de même prouvé leur efficacité et sont régulièrement mis en pratique.
Selon Thierry Herman & Gilles Lugrin, on peut distinguer, au sein de la communication
publicitaire quatre principales phases de persuasion60 :
- Première phase
: La valeur d’attention.
- Deuxième phase : La compréhension de la promesse.
- Troisième phase : La crédibilité / adhésion / sympathie.
60
LUGRIN G., mai 2003, Splendeur et décadence de la créativité publicitaire : entre copie formatrice, plagiat
crapuleux et allusion parodique, Le magazine d'information des professionnels de la communication
ComAnalysis, no73
79
- Quatrième phase : La signature / attribution / mémorisation.
Ils ont schématisé ces diverses phrases de la persuasion comme suit :
Première phase : Attirer l’attention
Deuxième phase : Transmettre un message
Troisième phase : Persuader
Quatrième phase : Signer
PERSUADER
Crédibilité
Adhésion
Sympathie
- expertise
- répétition
- monde euphorique
- sincérité
- amplification
- parler à la cible
- bienveillance
La première phase de la persuasion, c’est accrocher l’attention. Pour Jean-Noël Kapferer,
“le challenge de la publicité moderne est moins de convaincre la différence que de vaincre
l’indifférence”.61 L’omniprésence des publicités mène parfois à l’indifférence du public et
voire à l’hostilité envers la publicité. Pour que la publicité ne passe pas inaperçu, le message
publicitaire doit pouvoir émerger de la masse des autres messages.
La deuxième phase est liée à la perception de la publicité. Il est indispensable que le
lecteur soit en mesure de comprendre le message, puis de saisir l’axe publicitaire et la raison
qui le motivera à acheter ce produit plutôt qu’un autre.
La troisième phase consiste à créer chez le récepteur la crédibilité, l’adhésion et la
sympathie. Pour atteindre cet objectif, le publicitaire doit choisir un langage et des arguments
qui coïncident avec ses attentes. L’adhésion n’implique pas seulement le partage de certaines
valeurs ou la conviction face à certains arguments, mais aussi la levée de freins éventuels :
61
KAPFERER J.-N., 1984, Le chemin de la persuasion, Paris, Dunod, p.20
80
réticences, préjugés, tabous, nature superflue, voire nocive, du produit. Il faut que le récepteur
se trouve au cœur même de la persuasion publicitaire.
La quatrième phase, ce sont la signature, l’attribution et la mémorisation. Remarquer une
publicité, la comprendre et être séduit par ses arguments peut conduire à une intention d’achat,
mais encore il faut que l’éventuel consommateur soit capable d’identifier l’annonceur et de
se souvenir de son message. Certaines publicités se closent si discrètement que le lecteur
se souvient de la publicité, mais est incapable de l’attribuer à un annonceur.
Ce n’est qu’en passant par l’ensemble de ces phases qu’un message publicitaire peut
espérer une efficacité maximale, c’est-à-dire un effet potentiellement persuasif. Mais
qu’est-ce qui détermine la réussite de ces quatre phases ? Ce sont sans aucun doute les
arguments qui, pour la plupart des messages publicitaires, jouent un rôle décisif dans
toutes les étapes.
3.2. Catégories d’arguments
Bon nombre de publicitaires sont convaincus que la rhétorique peut être profitable à la
pratique publicitaire parce que la rhétorique est définie comme l'art de persuader par le
langage. L'orateur a deux moyens majeurs pour persuader : déduire ou séduire. Chaque
argument empruntera soit à la raison (logos), soit aux affects (ethos, pathos). Ces trois
catégories d'arguments peuvent être représentées de la manière suivante 62 :
Déduction / Argumentation
Centré sur le discours
Logos
Ethos
Pathos
Centré sur l’orateur
Centré sur l’auditoire
(la marque)
(les prospects)
Séduction
Séduction
62
HERMAN T. & LUGRIN G., 2001, « La rhétorique publicitaire,ou l'art de la persuasion », Le magazine
d'information des professionnels de la communication ComAnalysis no13
81
3.2.1. Le logos ou la rationalité
Le logos désigne une rationalité gouvernant le monde. Il définit des arguments
reconnus par tous qui ne dépendent ni de l'orateur ni de l'auditoire.
Cependant, en publicité, le logos est rarement d'une rigueur absolue. L'objectif n'est
pas d'opérer une démonstration scientifique, mais de réunir des arguments favorables, qui
parfois dépassent un peu la réalité.
Par exemple, l'annonce Rivella Vert fait explicitement référence à une phrase très
connue de Descartes « Je pense, donc je suis »:
"Je pense, donc j’ai soif."( Boissons Rivella Vert)
Cela dit, l'argumentation est transposée au profit du produit vanté. C’est une simulation
d’argumentation, une “parodie” d’argumentation. À partir de ce logos, le fabriquant fait
ressortir son message dans le pavé rédactionnel : " Il rafraîchit non seulement la gorge,
mais aussi l’esprit ".
Certains messages semblent violer la nature logique mais en réalité ils sont acceptés
volontairement par les lecteurs comme le slogan de Canderel :
“Ça ne change rien et c'est ça qui change tout.” (Canderel)
L’édulcorant en comprimés Canderel est un bon goût sucré mais contient peu de
calories. Les malades de diabète peuvent le consommer comme une sucrette. L’annonceur
veut souligner que malgré sa maladie, le consommateur ne doit pas changer ses habitudes,
ce qui lui redonne une belle vie.
Si le logos publicitaire se réduit souvent à la mise en évidence d'un avantage (prix,
promotion, etc.), certaines formes publicitaires mettent à profit la dimension du logos.
Lorsque la publicité véhicule une nouvelle information ou un nouveau produit, elle
préfère souvent se centrer sur les arguments de vente. La galerie du vin de Coop montre la
simplicité d'utilisation, de rapidité de livraison, de quantité et de qualité du choix :
“ Le cellier virtuel.
Commandé aujourd’hui avant 12 heures. Livré demain.
Avec un simple clic vous accédez 24 sur 24
à notre cellier et à notre assortiment de plus de1500 vins …” (Vins Coop)
Les arguments fondés sur la rationalité sont privilégiés en cas de communication de
crise, c’est-à-dire un moment où il y des réactions ou opinions favorables envers une
marque ou un produit. Pour remédier à la situation, il est impératif de créer un discours
82
fortement informatif et argumentatif, clairement situé du côté du logos. Face aux rumeurs
sur la qualité de Coca-Cola ou sur les problèmes qu’avait rencontrés la Classe A de
Mercedes, les deux grandes marques du monde ont lancé deux campagnes publicitaires
avec de longs discours argumentatifs afin de défendre leur réputation et rassurer l’opinion
publique :
Le pôle du logos est destiné essentiellement aux publicités informatives et les produits
en promotion ainsi que pour la communication en crise.
3.2.2. L'ethos ou l'image de l'entreprise
L'ethos constitue le caractère de l'orateur, l'image qu'il donne au récepteur. Il s'agit de
gagner la sympathie du public cible en faisant preuve de compétence, de confidentialité, de
qualité, etc.
Si l'ethos est construit par le discours, il existe naturellement un ethos pré-discursif,
c'est-à-dire une image que le public se fait de l'orateur (la marque) avant que ce dernier ne
prenne la parole. Ces deux types d'ethos peuvent interagir, soit en se renforçant
mutuellement. L’idéal est de renforcer l’éthos pré-discursif tout en enrichissant l’autre.
Jean-Noël Kapferer, expert français reconnu comme l’une des autorités de la réflexion
internationale sur la question des marques, rappelle ainsi qu’une marque doit se renouveler
pour survivre : "Pour acquérir un statut de repère, de contrat, il faut une constance dans
le temps : savoir rester intangible sur la proposition de base faite par la marque. [Mais]
pour durer, il faut savoir changer. Tel est le paradoxe de la marque".63
63
Op. cit., p.138
83
En publicité, l'ethos n'est pas attribué au réel orateur (l'agence de publicité), mais à la
marque-produit vantée. Ainsi, une publicité Migros pour du thé froid recourt au
personnage de la grand-maman. Le but de cette publicité est de mobiliser l'ethos prédiscursif de cette grand-mère qui détient le savoir-faire, la tradition, la recette ancestrale
pour valoriser le produit lui-même (et éventuellement la marque). Cette volonté manifeste
se voit confirmée par la surenchère du rédactionnel : " Ice Tea, l'original ", " à base
d'infusion de thé ", " comme fait maison " :
“Mes petits-enfants sont persuadés que je prépare le thé glacé moi-même.
Ice Tea, l’Original, à base d’infusion de thé – riche en goûts comme fait maison. À
déguster également Light ou à l’arôme Pêche. Des petites aux grandes soifs, en briquée de
0,3 à 2 litres. ” (Migros)
Il existe trois cas particuliers où l'ethos proprement dit est systématiquement
(sur)exploité.
Premièrement, lorsque la marque est attribuable à un personnage authentique, l'ethos
joue souvent à plein. Le nom du produit porte le nom de son créateur. En achetant le
produit, on achète son créateur. C’est le cas d’une grande quantité de slogans.
“Jean Louis David. Résultat professionnel.” (Jean Louis David)
“Les “duos” Jacques Dessanges prennent la tête.” (Salon de coiffure Jacques
Dessanges)
Deuxièmement, d’une manière partiellement similaire, une autre stratégie publicitaire
consiste à développer l’ethos de la marque en l’associant à celui d'un autre. Les stars dans
différents secteurs (sport, divertissement, culture économie, politique, etc.) sont toujours
présentes dans les publicités, des célèbres publicités pour le savon Lux jusqu’à celles pour
Danette qui depuis quelques années fait un partenariat avec des sportifs pour promouvoir
la marque comme Anelka, Yannick Noah, Sylvain Wiltord et Robert Pires :.
“La femme la plus séduisante du monde Maryline Monroe nous dit : “ Une femme ne
peut se permettre de négliger son teint…” (Lux)
“On se lève tous pour Danette.” (Danette) (Ce slogan est toujours prononcé par des
personnes de notoriété.)
84
Troisièmement, c’est le cas des affiches électorales, dont le thème est moins la mise en
évidence d'un programme (logos) que d'un homme (ethos). On peut prendre, comme
exemple, la célèbre affiche de Jacques Ségala pour la campagne 1981 de François
Mitterrand visant à créer l'ethos de "La force tranquille" :
Cette image du Président est construite à l’aide d’un ensemble subtil d’instruments.
L’emploi de "la", plutôt que d’"une", témoigne du caractère unique et complet du
personnage. De plus, l’oxymore (force vs tranquille) montre que François Mitterrand est
également le seul président envisageable. La juxtaposition des termes "Mitterrand" et
"président", phonétiquement semblables, renforce encore cette idée du seul candidat
éligible. L’illusion était créée : ces deux termes associés sans aucun connecteur donnaient
une impression de relation nécessaire. Enfin, une brève analyse sur les couleurs révèle le
fond coloré bleu, blanc, rouge, couleurs du drapeau français, symbole patriotique par
excellence.
3.2.3. Le pathos ou la séduction de la cible
Le pathos constitue le deuxième pôle de l'argumentation par la séduction qui s’oriente
vers le public pour induire une forte réaction émotionnelle telle que la joie, la peur,
l'espoir, l'indignation, etc.
Le but de toute publicité pour un produit, c'est évidemment de provoquer des
sentiments euphoriques dans le public d’où vient l'envie de l’acheter à tout prix. Il en
résulte que le pathos est souvent maniéré. La seule voie d’issue en la matière est un
surengagement des sentiments et une hyperbolisation presque systématique, fondés par
exemple sur la provocation de désirs silencieux comme Virgin Cola :
" Sondage :
Il paraît que les formes de la bouteille de Virgin Cola réveillent en vous des désirs
inconscients.
85
Vous sentez quelque chose ?
Seul un Virgin Cola est un Virgin Cola." (Virgin Cola)
Contrairement aux publicités commerciales, les publicités d'institutions peuvent
recourir au pathos dysphorique avec force, en suscitant l'indignation, le dégoût, le danger
ou la compassion, souvent avec des mots et des images très durs, à l’instar de la dernière
campagne Pro Infirmis avec le slogan
“Comme vous, nous vivons notre vie.” (Pro Infirmis)
Cette pratique est plus courante dans la communication d'institutions pour l'entraide
humanitaire, l'écologie, la protection des animaux.
3.2.4. Des cas de mixité
Il est rare qu’un argument appartienne à un seul pôle. Dans beaucoup de cas, l’annonce
met en étroite relation les trois pôles rhétoriques. On peut cependant constater que pour
chaque type de produit, les publicitaires ont tendance à privilégier l'un de ces pôles.
Voyons l’exemple de Ferrier :
“Vous et nous regardons dans la même direction. Parce que tout est une question de
point de vue.
Chez Ferrier Lullin depuis plus de deux siècles, vous êtes chez vous.”
Dans le premier énoncé, on présente une relation étroite entre l'ethos et le pathos,
représentés respectivement par un “nous” et un “vous” qui se glissent vers une fusion des
deux pôles avec la conclusion "vous êtes chez vous”. Le pôle de l'ethos ne se limite pas à
ce que nous venons d’évoquer. L’ethos lié à l'ancienneté de la banque inspire un sentiment
de confiance et donne une impression de solidité et de savoir-vivre.
Mais fusionner logos, ethos et pathos dans le même message représente « le danger de
cacophonie, de dispersion et de déperdition, ennemis du message unique ».64
Il en résulte que le message peut-être centré soit sur lui-même, soit sur son émetteur,
soit sur son récepteur. Pour chaque type de publicité, on met l’accent sur tel ou tel pôle :
- Le pôle du logos pour les publicités informatives et les produits en promotion ainsi
que pour la communication de crise.
64
HERMAN T. & LUGRIN G., 2001, « La rhétorique publicitaire,ou l'art de la persuasion », Le magazine
d'information des professionnels de la communication ComAnalysis no13
86
- Le pôle de l'ethos pour les affiches électorales et certaines marques personnalisées.
- Le pôle du pathos pour la communication institutionnelle des associations caritatives,
humanitaires et écologiques.
3.3. Mise en texte de l’argumentation publicitaire
3.3.1. Séquence argumentative de base
La séquence argumentative peut constituer un texte complet (texte de type argumentatif)
ou une partie de texte (séquence argumentative) insérée dans un texte de type descriptif,
explicatif, narratif ou dialogal ou dans un texte poétique.
Selon Jean-Michel Adam, le schéma de base de l’argumentation est une mise en relation
de données avec une conclusion. La donnée-argument vise à renforcer ou réfuter une
proposition. La relation donnée/conclusion peut constituer une séquence textuelle de base dans
la mesure « où une chaîne
de propositions s’interrompt et où un effet de clôture est
ressenti. »65
Marie-Jeanne Borel
partage cette idée tout en relevant la différence de la séquence
argumentative par rapport aux autres : « Il n’y a de conclusion que relativement à des
prémisses, et réciproquement. Et à la différence des prémisses, le propre d’une conclusion est
de pouvoir resservir ultérieurement dans le discours, à titre de prémisse par exemple. On a
ainsi un type de séquence textuelle qui se différencie d’autres séquences, narratives par
exemple. »66
Le texte suivant d’Elisa Raven démontre cette relation étroite entre les données et la
conclusion :
« Partez à la découverte de la nouvelle Crème anti-âge révélatrice du teint, une vraie
révolution pour votre peau.
Dès l’application, cet expert anti-âge révèle une peau plus douce, plus fraîche, plus
lumineuse.
Chaque jour, la peau s’embellit et devient lisse, éclatante, uniforme.
Pourquoi ? Parce qu’une Crème anti-âge révélatrice du teint, élimine les cellules mortes
et fait renaître une peau plus neuve, plus résistante, éclatante de santé.
Au final, la peau perd son voile terne, elle est fraîche, moins marquée ; elle résiste mieux à
l’environnement hostile.
Offrez-vous une peau douce, douce comme coton ... une crème prodigieuse ! »
65
66
Op. cit., p.110
BOREL J.-M., 1991, Notes sur le raisonnement et ses types, Études de lettres no4, Université de Lausanne.
87
Le publicitaire donne différents arguments vantant les effets de la crème pour persuader le
lecteur de s’offrir « une crème prodigieuse ».
L’exemple de la Cinquecento se compose d’une chaîne de données-conclusions dans
laquelle chaque conclusion devient la donnée d’un nouveau mouvement argumentatif :
“Comment rencontrer l’amour
grâce à la Cinquecento ?
La Cinquecento consomme très peu.
Donnée 1 --- > Conclusion Donc [1]
vous faites des économies.
Donnée 2 --- > Conclusion Donc [2]
vous avez de l’argent.
Donnée 3 --- > Conclusion Donc [3]
vous pouvez le jouer.
Donnée 4 --- > Conclusion Donc [4]
vous pouvez le perdre.
Donnée 5 --- > Conclusion Donc [5]
vous êtes malheureux au jeu.
Donnée 6 --- > Conclusion Donc [6]
(Vous êtes) heureux en amour.
À la question posée au début de l’argumentation, nous pourrons trouver de multiples
hypothèses de réponse. Pourtant, il est difficile de trouver la deuxième personne qui a la même
réponse proposée par ce publicitaire. C’est un raisonnement imprévu et intéressant parce qu’il
est constitué de plusieurs mouvements argumentatifs et construit sur les topos mais pas sur la
logique. Cette argumentation est dès lors plus amusante que persuasive.
Il en résulte que la séquence argumentative est un acte de discours qui vise à faire croire,
démontrer ou réfuter une thèse et qui peut amener à une approbation ou une réfutation de la
part du lecteur.
3.3.2. Étayage argumentatif des propositions
Comme nous l’avons dit, le schéma élémentaire de l’argumentation est une mise en
relation entre donnée(s) et conclusion. La donnée-argument sert à justifier la conclusion. Selon
Toulmin, pour que cette justification soit valable, il faut encore répondre à la question
implicite : comment peut-on passer de la donnée à la conclusion ?67 Nous constatons que ce
passage est plus souvent assuré par un topos (à savoir un stéréotype conceptuel) que par le
67
TOULMIN S.E., 1985, “The Uses of Argument”, Cambridge, Cambridge University Press
88
raisonnement logique. Le topos fondé sur l’opinion commune sert donc de fondement à
l’interférence et vient étayer le passage de la donnée à la conclusion comme ce que montre
l’annonce Rêv’Vacances :
« Plus on voyage, plus on a envie de voyager.
Comme vous le savez, avec la carte REV, plus on voyage et plus on bénéficie de
réductions. Alors, s’il vous prend une irrésistible envie de repartir, c’est le moment d’en
profiter et d’aller en parler avec votre agent de voyages. »
La première donnée-argument est fondée sur la formule topique générale :
Plus on voyage, plus on a envie de voyager.
La deuxième est actualisée par une formule de topique spécifique proposée par l’agence :
Or plus on voyage, plus on bénéficie de réduction.
La conclusion souligne l’avantage offert par Rêv’Vacances :
Alors, si vous avez envie de repartir, vous bénéficierez de réductions.
Analysons une autre publicité dans laquelle l’interférence n’est pas explicite et ne
s’applique pas :
« Moins de sucre mais autant de plaisir dans le chocolat Sibon. » (Chocolat Sibon)
La proposition « Moins de sucre» devrait être présentée comme une donnée-argument pour
une conclusion « moins de plaisir » par le biais de l’application d’une règle d’interférence du
topos :
« Moins le chocolat a de sucre, moins il est bon et donc moins il plaît au consommateur. »
Pourtant, dans cet énoncé, la proposition p « Moins de sucre » mène à la conclusion q
« autant de plaisir dans le chocolat Sibon » par le connecteur « mais ». La seconde
proposition, introduite par le connecteur « mais » vient souligner le renversement de la
conclusion attendue. En d’autres termes, il y a une réfutation ou une exception dans
l’argumentation. Dans ce cas, la règle d’interférence qui s’applique en général, ne s’applique
pas pour des raisons qu’on peut étayer sous la forme d’une autre restriction comme « Sibon a
une recette pour créer le goût du chocolat malgré le manque de surcre ». La mise en place
d’une règle d’interférence contraire au topos général a pour but de révéler la différence et la
particularité du produit par rapport aux autres de même catégorie et d’impressionner le public
par l’imprévu.
En résumé, la mise en relation de donnée avec une conclusion peut être implicitement ou
explicitement fondée (étayage topique) ou contrariée (réfutation ou exception). Dans la
89
conduite de l’argumentation, la donnée est plus souvent explicite tandis que l’étayage topique
est généralement implicite.
3.3.3. Syllogisme et enthymème
Si le topos est fondé sur l’opinion commune, le syllogisme ou l’enthymème sont la mise en
forme rigoureuse de l'argumentation rationnelle.
Le syllogisme est un raisonnement dans lequel certaines prémisses sont à l’origine d’une
proposition dite conclusion. Le syllogisme est généralement composé de trois propositions (la
majeure, la mineure et la conclusion) et telles que la conclusion est déduite de la prémisse
majeure par l'intermédiaire de la prémisse mineure. Le syllogisme strict a pour particularité
d’amener la conclusion sans recours extérieur, c’est-à-dire qu’il nécessite ni étayage
supplémentaire, ni restriction et que la règle d’interférence est la simple application d’un
schéma abstrait. Nous voyons, ci-dessous, un bel exemple de syllogisme :
"Tout homme est mortel, (majeure), Socrate est un homme, (mineure) donc il est mortel.
(conclusion) »
Notons cependant que dans la publicité, il existe rarement un syllogisme complet comme
tel. Plus présents sont les syllogismes incomplets dits enthymèmes.
Très souvent, l’enthymème publicitaire sous-entend une ou deux propositions du
syllogisme. Soit les slogans suivants :
« Il n’y a pas de bulles dans les fruits.
Alors, il n’y a pas de bulles dans Banga. » (Jus de fruit Banga)
« Moi, j’aime le naturel et mon visage aime Monsavon. » (Monsavon)
Dans ces deux exemples, la prémisse mineure est effacée. Le passage de la prémisse
majeure « Il n’y a pas de bulles dans les fruits » à la conclusion « Alors, il n’y a pas de bulles
dans Banga » est rendu possible par l’intermédiaire de la prémisse « Or il n’y a que des fruits
dans Banga ». Et la prémisse effacée du slogan Monsavon est sans doute « Or Monsavon est
naturel. »
Différente des deux exemples précédents, la publicité du miel Trubert semble sousentendre la conclusion :
« Toutes les vertus sont dans les fleurs
Toutes les fleurs sont dans le miel
Le miel Trubert. »
Lorsqu'il prend connaissance des deux prémisses («Toutes les vertus sont dans les fleurs»
et «Toutes les fleurs sont dans le miel»), le lecteur s'attend à lire : «Donc toutes les vertus sont
dans le miel». Or, le publicitaire souhaite promouvoir un miel en particulier, le Trubert, et pas
le produit miel en tant que tel. La conclusion est donc modifiée. En donnant comme
conclusion «le miel Trubert», le slogan va à l'encontre des attentes du lecteur, ce qui crée un
90
effet de surprise bénéfique pour la mémorisation. De plus, il y a une liaison de consonance
entre le mot « vertu » et le nom propre « Trubert », ce qui fait retenir au consommateur un
nom propre et aussi la propriété positive qui est associée. Donc, «Trubert» est égal à «vertu».
L’observation du corpus nous permet de conclure que contrairement au syllogisme, les
enthymèmes sont abondants dans la publicité. Le choix de l’enthymème est expliqué par
diverses raisons. C’est peut-être un mécanisme de la publicité pour surprendre et puis faire
mémoriser le lecteur comme le cas du miel Trubert. Plus subtilement, le publicitaire veut
effacer la prémisse ou la conclusion pour rendre le slogan juridiquement intouchable, la
publicité n’est ainsi pas dite mensongère, tel est le cas de Banga. Enfin, ce choix peut être à
but purement ludique pour la plupart des cas comme le rappelle Barthes : « L’enthymème n’est
pas un syllogisme tronqué par carence, dégradation, mais parce qu’il faut laisser à l’auditeur
le plaisir de tout faire dans la construction de l’argument : c’est un peu le plaisir qu’il y a à
compléter soi-même une grille donnée ».68 Il nécessite donc souvent un important travail
interprétatif de la part du lecteur.
De ce qui précède, il ressort que l’importance porte sur le choix des données et des
prémisses d’une argumentation en fonction du public spécifique. « Il est nécessaire que le
locuteur se fasse, parmi d’autres, une représentation de son auditeur. Non seulement des
connaissances qu’il a, mais des valeurs auxquelles qu’il adhère».69 Pour le convaincre, il faut
le mettre dans une position telle qu’il n’a pas la possibilité de refuser les propositions
avancées, c’est-à-dire que les propositions sont les plus proches possible de l’opinion générale.
BARTHES R., 1970, L’ancien rhétorique, Communications, no 16, Paris, Seuil
GRIZE J.-B., 1981, « L’argumentation : explication ou séduction », in Linguistique et sémiologie :
l’argumentation, Presses Universitaires de Lyon.
68
69
91
CHAPITRE V
RÉFLEXIONS SUR L’APPLICATION PÉDAGOGIQUE
« Que l’on soit des publivores ou des publiphobes, la publicité nous interpelle au
quotidien. Qu’on le veuille ou non, elle envahit nos vies et manipule nos désirs et... nos
habitudes de consommation.
Vil commerce ou art au service de la vie économique, la publicité est un excellent moyen
d’accéder au contexte culturel d’une société, de regarder vivre des représentations
collectives, de percer un imaginaire.
Les spots publicitaires peuvent donc devenir un auxiliaire précieux, si nous voulons
associer l’enseignement de la langue à l’approche de la culture de l’autre. »
Maria Filomena Capucho70
1. Pourquoi la publicité en classe de langue ?
1.1. Un matériel pédagogique varié et attrayant
Si en sciences économiques, l’étude de quelques publicités peut être un point de départ
fructueux de réflexion sur les stratégies commerciales des entreprises, en didactique de
FLE, elle sort « des murs épais qui entourent la recherche académique ou commerciale
très spécialisée en communication ou en marketing »71 pour devenir un trésor des
professeurs de langue.
Nous pouvons analyser les particularités de la publicité sous les aspects structural,
sémantique, linguistique et culturel. Comme nous l’avons relevé dans les chapitres
précédents, on peut trouver, dans la publicité, la quantité d’innombrables de beaux
exemples sur la structure syntaxique, les figures stylistiques, les procédés langagiers. De
plus, la publicité est un support culturel idéal. Avec des images et des éléments
linguistiques, elle diffuse tout un système de valeurs, de représentations collectives, de
pratiques, permettant de découvrir le quotidien des Français : leurs habitudes alimentaires,
leur vie de famille, leur vie professionnelle, leur loisirs, leurs désirs.
70
Professeur de langue et linguistique française à la faculté des lettres de l'université catholique portugaise, pôle
de Viseu
71
CAPUCHO M.-F. 2004, « L'interculturel en classe de français », revue de l'AMIFRAM
92
En fait, selon certains auteurs, « il est possible d’apprendre en direct la grammaire et
les expressions courantes et de mieux comprendre les coutumes et les modes de vie des
Français d’aujourd’hui, ... de progresser dans la langue française en s’amusant et en
découvrant de nombreux aspects de la vie quotidienne ... d’apprendre à observer, à
analyser la culture, de développer la créativité. »72
1.2. Déclencheur de parole
Bien souvent, l’étudiant a des réticences à parler pour différentes raisons. En général,
on n’instaure pas des rapports dans la classe basés sur la reconnaissance de l’autre. C’est
ainsi que l’étudiant ne se sent pas être dans un climat de confiance, il n’accepte donc pas
de s’ouvrir, de s’exprimer et de prendre des risques. Par contre, dans beaucoup de cas,
l’étudiant a réellement envie de dire quelque chose mais il n’a rien à dire. L’écart entre le
vouloir dire et le pouvoir dire constitue un gros obstacle à la prise de parole de l’étudiant.
Le remède à cette situation est sans doute de proposer des tâches ou activités qui
touchent les étudiants affectivement ou intellectuellement et qui leur donnent envie de
s'exprimer sur des sujets qui les intéressent, notamment celles qui impliquent les étudiants
dans leur personne et dans leurs capacités créatives et imaginaires. Tout ceci est difficile
mais possible. La publicité est sans doute un des bons moyens de susciter la motivation et
la prise de risques chez l’étudiant parce qu’elle est plaisante et qu’elle revêt une forme à la
fois linguistique et iconographique.
En effet, les images et les messages linguistiques ambigus, énigmatiques des publicités
laissent toujours une place à l’imaginaire de ceux qui les regardent et aboutissent à des
lectures plurielles, des commentaires et des récits très divers. Les publicités posent très
souvent aux étudiants une énigme. Ils vont pouvoir lever le voile de l’ambiguïté ou
combler les lacunes de la publicité. Soulignons que notre objectif n’est pas d’établir la
vérité de la publicité, mais le jeu, pour eux, est bien évidemment de trouver eux-mêmes la
vérité et celle des uns n’est pas moins tangible que celle des autres. C’est ainsi que les
étudiants ont une grande marge de manœuvre.
Par ailleurs, l’introduction des documents identiques et différents de ceux des
méthodes suscite toujours la motivation d’apprentissage des étudiants. Face à ces
72
BUCKBY M. & GRUNEBERG A., 1998, Le français de la publicité, Paris, Didier, p.4
93
documents, ils ont plus de volonté et d’envie de sortir du cadre universitaire pour
conquérir un monde plus proche de la vie réelle.
En un mot, la publicité est le moteur de l’expression. Le travail sur la publicité permet,
par un transfert de compétence, de renouer l'écrit et le langage en général. Le bénéfice de
la publicité n'est pas seulement un déclencheur de parole mais elle favorise aussi la
maîtrise des compétences discursives et socioculturelles.
2. Quelle publicité en classe de FLE ?
Si nous sommes donc convaincus que le travail sur la publicité peut être utile et
agréable, il faudra toutefois que nous nous posions quelques questions fondamentales
avant de commencer à planifier notre travail. La première de ces questions porte sur le
choix des documents. Est-ce que tout document publicitaire est un bon moyen
d’apprentissage ? Y a-t-il des publicités plus intéressantes que d’autres ? Comment les
choisir ? Sur quels critères ?
La réponse à toutes ces questions passera par une réflexion sur les différents types de
publicité, c’est-à-dire ce que quelques auteurs appellent «les idéologies publicitaires».
Floch propose une opposition entre 4 types de publicité, selon une organisation en «carré
sémiotique»73:
Les Idéologies Publicitaires
Publicité Référentielle
Publicité Mythique
(fonction représentielle du
(fonction constructiviste
langage)
du langage)
Publicité substantielle
Publicité Oblique
(négation de la fonction
(négation de la fonction
constructiviste)
représentielle)
À l’aide d’exemples assez connus ci-dessous, notre choix deviendra plus facile :
73
FLOCH J.-M., 1990, Sémiologie, marketing et communication, Sous les signes, les stratégies, Paris, PUF.
94
Type
d’idéologie
Référentielle
Mythique
Valeurs mises en
relief
Valeurs pratiques
immédiates
Utopies (valeurs
existentielles souvent
« globalisées »)
Amusement (luxe,
joie, bonheur) –
négation de
l’utilisation pratique
des objets
Substantielle Caractéristiques
détaillées du produit
(négation des valeurs
existentielles)
Oblique
Médias
référentiels
Journaux et
magazines
Télé
Télé
Journaux et
magazines
Exemples
Lessives, shampooings,
tampons hygiéniques…
Citroën traversant la mer, la
plupart des publicités pour
Coca Cola, les hommes
dauphins du Whisky
Lawson….
La dernière campagne pour la
Peugeot 206 («La jalousie est
un vilain défaut»), la publicité
Micra, les campagnes
Benetton…
Très souvent les publicités
pour des produits de beauté
(Garnier, L’Oréal), pour des
voitures (la Ford)…
Il nous semble évident que c’est plutôt du côté des publicités « obliques » et « mythiques »
que nous trouverons des documents à la fois intéressants du point de vue culturel, séduisants,
amusants et intelligents (puisqu’ils présupposent la participation active du spectateur dans la
production du sens).
Il faut enfin insister que la publicité est constituée de belles images et de phrases courtes et
simples. On peut donc utiliser pour tous les niveaux, du niveau débutant au niveau avancé.
L’important est de déterminer les activités qui correspondent le mieux au public et aux
objectifs visés.
3. Analyse globale d’une publicité
L'intérêt de lire la publicité est multiple. La lecture permet d'une part d'accéder aux
messages implicites qui sous-tendent les thèmes et aux éléments culturels que les publicitaires
introduisent dans leurs créations. Elle permet par ailleurs de retrouver le métalangage comme
celui de la rhétorique, des tropes, des figures du discours. On peut également déchiffrer les
slogans, les accroches, l'iconographie des publicités sous l’angle d’un art vieux de plus deux
mille ans.
Malgré les objectifs spécifiques fixés par les professeurs, il est indispensable de procéder à
la première étape de l’exploitation de la publicité, c’est l’analyse globale. À la suite de l’étude
des publicités sous différents aspects dans les chapitres précédents, nous proposons une grille
95
d’analyse globale ci-dessous. C’est au professeur de centrer son analyse sur les questions qui
leur semblent les plus importantes.
Quoi ?
Produit
Concepteur
Commanditaire
Qui ?
Cible
Pour qui ?
Iconographie
Inscriptions
Comment ?
Techniques
Référents
Supports et médias
Où ?
- marchandise
- service
- agence de publicité
- publicitaire
- client
- annonceur
- entreprise
- Quel produit et pour qui ?
- Quel consommateur ?
- Qui est l’acheteur ?
- Qui veut-on viser, toucher ?
- Personnages
- Objets
- Texte
- Slogan
- Accroche
- Argumentaire
- Message
- Marque, nom
- Logo
- Jeu de mots
- Paradoxe
- Humour
- Provocation
- Couleurs, sons, odeurs
- Photo, dessin, image, montage, collage
- Distribution dans l’espace
- Typographie
- Atmosphère
- Lieu et temps
- Symboles, mythologies
- Clichés, stéréotypes
- Radio, télévision, presse
- Affiches
- Panneaux lumineux
- Distribution
96
4. Propositions d’activités
Ayant choisi les documents à travailler, c’est le moment de se poser encore d’autres
questions : Comment les exploiter efficacement ? Quelles sont les activités les plus rentables
du point de vue de l’apprentissage linguistique et culturel ?
Nous proposons 4 types d’activités qui nous semblent intéressants :
-
Travail sur la langue
-
Travail thématique
-
Travail interculturel
-
Travail de production
4.1. Travail sur la langue
Nous pouvons choisir des slogans ou des textes publicitaires comme exemple d’exercices
pour traiter des règles syntaxiques, lexicales ou phonétiques comme
-
les adjectifs spécifiques au type de produit dont on parle
-
les figures de rhétorique
-
les superlatifs
-
les phrases interrogatives ou impératives
-
les phrases complexes (subordonnées relatives, conjonctives, appositions...)
-
les mots de liaison tels que : car, à cause de, parce que, puisque....
-
la prononciation des sons difficiles
Les publicités sont utilisées comme exemple pour présenter les règles linguistiques ou des
exercices de repérage des éléments linguistiques.
En particulier, il est possible de donner des exercices de phonétique à partir des slogans
parce que les jeux de mots, les rimes, les assonances et les allitérations sont des pratiques
courantes des publicitaires. L’entraînement de sons avec des slogans est certainement plus
amusant et plus efficace que de les répéter comme des perroquets.
Ces exercices intéressants et originaux sont bien capables de motiver les étudiants, surtout
les débutants. Pourtant, il est évident que toutes les publicités ne peuvent être introduites dans
la classe parce qu’il y existe souvent des fantaisies. Il ne faut pas choisir des publicités trop
compliquées et trop imagées.
4.2. Travail thématique
En tant que miroir des tendances sociologiques de l’actualité, comprenant la mise en scène
des valeurs et des idéologies dominantes, les documents publicitaires sont des outils excellents
pour des recherches thématiques. Un ensemble de documents iconiques et linguistiques peut
servir de support pour un travail centré sur un thème spécifique: la femme, la famille, les
97
loisirs, l’écologie… L’analyse des documents permettra de regarder comment ces thèmes sont
traités dans la publicité, c’est-à-dire comment ils sont perçus par un public cible parce que la
publicité reflète toujours l’évolution, la mode et les tendances du temps.
4.3. Travail interculturel
Le travail thématique peut être développé sous une perspective interculturelle, conduisant
les étudiants à une analyse comparative du traitement de ces thèmes par la publicité en langue
étrangère et par la publicité dans leur langue maternelle. Certains spots, certaines images sont
diffusés dans un contexte mais pas dans l’autre, alors que certains documents publicitaires
semblent universels ou du moins internationaux.
D’autre part, un travail de recherche interculturelle peut être fait à travers la comparaison
des publicités dans des contextes variés. Ce travail permettra une ouverture sur la culture des
pays, notamment celle de la France, qui est encore mal connue des apprenants et même des
enseignants.
4.4. Travail de production
Finalement, à la suite de toutes ces activités, nos élèves auront acquis des compétences
linguistiques, culturelles et techniques qui leur permettront de «jouer» avec la publicité. Ils
pourront ainsi créer eux-mêmes des documents publicitaires, faisant appel à leur créativité et à
leurs capacités d’organisation et d’autonomie. Cependant, étant donné qu’ils ne sont pas des
professionnels, il faudra inscrire cette tâche dans le cadre du jeu, de l’imaginaire, de façon à
« créer de la distance par rapport au monde du travail et du marketing ». 74
Il vaut mieux proposer des campagnes pour des objets courants (une fourchette, un seau,
un balai), des objets inventés (l’essuie-glace pour lunettes…) ou des sentiments positifs ou
négatifs (la peur, la joie, l’espoir…). En travaillant en groupe collaboratif, les étudiants
devront ainsi préparer toute la campagne, définissant un public-cible et un média adéquat,
produisant les photos, les textes et les vidéos qui serviront de support au marketing du produit
ou du service sélectionné. Ou bien les professeurs leur demandent de produire seulement des
slogans parce que le slogan est la clé du sens qui est construit et en plus, il est souvent court,
attirant, facile à mémoriser, donc simple.
Pour conclure, il faut remarquer que ces activités peuvent servir à toute la classe ou être
attribuée à un seul étudiant pour centrer le travail sur la production orale ou écrite, la
dramatisation ou le français fonctionnel. De plus, la publicité nous fournit une source
d’activités pédagogiques très variées. Les exemples présentés ci-dessous ont été sélectionnés
en raison de leur caractère représentatif.
74
CAPUCHO M.-F. 2004, « L'interculturel en classe de français », revue de l'AMIFRAM
98
5. Exemples d’activités
5.1. Travail sur la langue
5.1.1. Les phrases impératives
* Public : les étudiants en première année
* Objectif : Enseigner les phrases impératives
* Publicités :
« N’attendez plus !
Changez de voiture
Partez en voyage.
Offrez-vous le salon de vos rêves
Faites plaisir à vos proches
Ne vous refusez plus rien ... » (Crédit Atouprix)
« Castel beer. Savourez vos réussites ». (Castel)
« Oublie ce que tu vois, pense à ce que tu bois, écoute ta soif ». (Sprite).
« Pensez à ceux qui vous entourent. » (Comité national contre le tabagisme)
« Oublie ce que tu vois, pense à ce que tu bois, écoute ta soif ». (Sprite).
«Il n'est jamais trop tard pour préparer l'avenir. Allez-y, allez plus loin avec AXA.»
« Aide-toi. Contrex t’aidera. » (Contrex)
« Occupez-vous de votre bonheur, notre agence fera le reste. » (M.Martin)
* Activités :
-
Faire trouver les caractéristiques des phrases impératives à l’aide des exemples des
publicités.
-
Faire produire des phrases impératives sous forme de slogans sur le même produit pour
toute la classe ou sur les différents produits selon le choix de chaque étudiant ou du
groupe.
5.1.2. Prononciation de « ch »
* Public : les étudiants en première année
* Objectif : Enseigner la prononciation de « ch »
* Publicités
- "Le ticket chic, le ticket choc." (RATP)
-
"Très chic, très charme, très femme." (Mausner)
-
"C'est chic, c'est chaud, c'est Polichinelle cet hiver." (Polichinelle)
-
« Ça change rien et ça change tout." (Canderel)
99
- "Des prix qui ne changent pas, ça change"
- "Joujou... chou... Bijou... Bisou" (Citroën)
* Activités
-
Faire prononcer les slogans en mettant l’accent sur « ch »
5.2. Travail thématique
* Public : les étudiants en troisième année
* Objectif : Travailler sur le thème « le téléphone portable »
* Publicités de Diax et Orange
* Activités
-
Faire observer et faire décrire les publicités de ces deux opérateurs de téléphonie
mobile Orange et Diax
-
Proposer aux étudiants de parler du sujet « Quel est le rôle du téléphone portable dans
la vie moderne ? »
5.3. Travail sur l’interculturel
* Public : les étudiants en première
année
*Objectif : Travailler sur le thème
« les animaux domestiques »
* Publicité de la voiture Golf TDI et
d’OPUS life
* Activités :
- Faire observer et faire décrire la publicité
100
- Faire faire la comparaison de la place des animaux domestiques au Vietnam et en France (à
l’oral ou à l’écrit)
5.4. Travail de production
5.4.1. Expression écrite
* Public : les étudiants en deuxième année
* Objectif : Travailler sur la création d’une publicité
* Publicité « La sirène »
* Activités :
-
Faire observer l’image et faire décrire l’image
-
Faire écrire le texte publicitaire qui correspond à
l’image.
-
Faire comparer leur texte avec celui de leurs
camarades.
5.4.2. Expression écrite
* Public : les étudiants en troisième année
* Objectif : Travailler sur la création d’une publicité
* Publicité « La publicité Gervais »
* Activités :
- Faire observer l’image et faire répondre aux questions suivantes :
1. Comment reconnaissez-vous que ces images sont des publicités ?
2. À qui s'adressent ces publicités ?
101
3. De quoi parle-t-on ?
4. Décrivez les situations dans lesquelles se trouvent les enfants ?
5. Trouvez des arguments de vente.
- Faire écrire deux textes qui donneront envie d'acheter ce produit ?
(Un texte pour chaque publicité, à placer sous la photo de l'enfant)
6. Fiche pédagogique
* Public : les étudiants en troisième année
* Objectif : Travailler sur le thème « le téléphone portable »
* Durée : 90 minutes
* Publicités de deux opérateurs de téléphonie mobile Diax et Orange (voir p.96)
* Démarche
+ Observation et compréhension (travail en groupe)
- Chaque groupe choisit une publicité et l’analyse à l’aide de la fiche d'observation.
Fiche d'observation :
1. Quel est le titre ou le sujet de la publicité?
2. Où peut-on voir cette publicité?
3. À quel public s'adresse-t-elle?
4. Décrivez l’image en répondant aux questions « Qui », « Quoi », « Où »,...
5. Donnez tous les détails concernant le message linguistique :
a. Y a-t-il un slogan? Si oui, lequel ? Analysez-le ! ( mots importants, caractère
des lettres, rimes, couleurs, forme et contenu de la phrase... )
b. Lisez le texte et relevez les mots clés.
6. Quelle est l'importance relative du texte par rapport aux photos ? Et comment
est-ce que les photos aident à transmettre le message ?
7. Quel est le message que le fabriquant veut nous transmettre ? (avantages du
réseau, services, technologie, ....)
- Le rôle du professeur est de circuler entre les groupes et de les guider à accomplir leur
mission.
+ Mise en commun
-
Chaque groupe présente à la classe le résultat de son travail.
-
Le professeur pose aux étudiants des questions :
Quelle est, à votre avis, la meilleure publicité ? Pour quelles raisons ?
+ Expression orale (travail en groupe)
102
-
Chaque groupe de trois personnes discute du sujet « Quel est le rôle du téléphone
portable dans la vie moderne ? »
-
Quelques groupes présentent leur exposé.
-
Le professeur donne des remarques sur les exposés et insiste sur les bonnes idées.
+ Remarque : On peut également proposer aux étudiants de créer, à leur tour, une publicité sur
le même thème en s’adressant à un public différent et en changeant le ton et le style du texte.
103
CONCLUSION
L'étude des publicités démontre que l’importance de la publicité est de plus en plus
constatée à mesure que les moyens de communication moderne se généralisent. Une publicité
est composée généralement de slogans, d’images et de textes qui contribuent tous à remplir ses
trois fonctions principales : information sur des biens et services, incitation à l’achat et rappel
des marques ou des produits et de leurs propriétés essentielles.
La publicité intéresse non seulement les spécialistes de marketing mais elle constitue aussi,
pour les spécialistes des langues, un domaine linguistique à part entière et très riche dont
l'analyse structurale révèle l'utilisation d'une grande variété de techniques.
Premièrement, les messages publicitaires sont soumis à des contraintes d’ordre lexical. La
langue publicitaire se caractérise par sa concision et sa recherche de l'effet, aux dépens des lois
ordinairement admises du langage. Elle est donc à la fois simple et originale, concise et
précise. Pour cela, on exploite la langue en jouant avec ses mots. Si les techniques lexicales
telles que les figures de rhétorique et les relations de sens usent des mots et expressions
connus pour créer de nouveaux effets de sens, la néologie lexicale construite sur la base de
modification orthographique, de changement de classe de mot ou de mot-valise permet
souvent de créer des mots nouveaux à partir du nom de la marque ou du produit.
Deuxièmement, la loi d'expressivité impose non seulement le choix d'un mot rare, piquant,
tentateur, mais encore elle dicte la forme de la phrase et l'élimination des mots-outils. C'est
elle qui donne à la phrase « une allure télégraphique », souvent caractéristique de la publicité
moderne. « Le point d'aboutissement, c'est la phrase inorganisée, hachée, informe, la pure
phrase nominale, où il n'existe plus de syntaxe, mais une juxtaposition de mots ».75 Les
constructions elliptiques et condensées sont répandues dans la langue publicitaire. Quant à
l’emploi de temps et de mode, nous constatons que le présent de l’indicatif et l’impératif sont
omniprésents dans les slogans ainsi que dans les textes pour prouver le caractère réel et actuel
du produit et de ses valeurs.
Troisièmement, du point de vue pragmatique, la publicité représente une communication
asymétrique dont les interventions des deux participants, l’annonceur et les consommateurs,
n’utilisent pas le même canal : le premier utilise le langage alors que le second réagit par l’acte
d’achat. Pour persuader les consommateurs et les inciter à l’achat, le publicitaire recourt à des
actes de langage indirects. Les actes illocutoires directifs sont souvent dissimulés sous forme
d’acte constatif. À travers des images, des messages attirants, on vante les valeurs du produit
75
GRUNIG B., 1990, Les Mots de la publicité, Paris, Presses du CNRS
104
et la notoriété de la marque plutôt que de faire des phrases impératives liées directement à
l’idée d’achat. L’argumentation publicitaire repose sur le logos (la rationalité), l’ethos
(l’image de la marque) ou le pathos (la séduction de la cible). Parmi les types de raisonnement,
le syllogisme incomplet dit l’enthymème est le plus usuel dans la publicité parce qu’il permet
au publicitaire de ne pas tout expliciter et qu’il laisse au lecteur le plaisir de tout faire pour
construire l’argument.
Les analyses de ces aspects linguistiques montrent que le langage publicitaire reflète toute
la diversité de la langue. D’une part, il est riche d’éléments lexicaux, de figures de stylistique
et de constructions syntaxiques, d’autre part, il constitue un matériel spécifique, original
traitant la problématique de la société contemporaine. Elle présente donc une grande richesse
linguistique et culturel qui peut servir d’outil éducatif exceptionnel et de grande qualité pour
renforcer les compétences linguistiques aussi bien que les compétences socioculturelles. D'un
point de vue strictement pratique, les publicités offrent l'avantage non négligeable d'être un
document authentique, court et ainsi facile à incorporer à tout programme déjà conçu comme
outil pédagogique d'appoint à tous les niveaux. En effet, deux ou trois publicités montrées en
classe remplaceront avantageusement une leçon de grammaire ou de culture.
À travers le mémoire présenté ici, nous avons proposé des types de publicité à choisir dans
la classe de langue et exploré certaines pistes pédagogiques en faveur d'une meilleure
utilisation de la publicité avec, en plus, des exemples illustratifs détaillés.
Pour terminer, on peut dire que, malgré les difficultés liée à la compréhension et l’analyse
de nombreuses publicités en raison du niveau de langue utilisé ou de la connaissance d'un
référent culturel ou historique, il est préférable d’exploiter ce « trésor linguistique » parce que
« - C’est un art
- C’est un plaisir
- C’est riche d’informations
- Ça fait réfléchir
- Ça fait parler
- Ça fait apprendre. »76
Dans le cadre de ce travail, nous avons fait l’analyse sur l’ensemble des éléments
linguistiques de la publicité pour but de l’exploiter dans la classe de langue. Nous aimerions
traiter, dans une recherche ultérieure, ce sujet intéressant de façon plus approfondie, à savoir
l’étude sur l’argumentation publicitaire.
76
CAPUCHO M.-F., 2004, « L'interculturel en classe de français », revue de l'AMIFRAM
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