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Histoire, bloc 3 : La France depuis 1958
Chapitre 3
La France dans le monde
Problématique :
Comment la France a-t-elle redéfini son rôle dans le monde ? Sur quels atouts peut-elle fonder aujourd’hui son rayonnement ?
I. Inflexions et continuité de la politique étrangère depuis la décolonisation
La politique étrangère de la France repose sur différents principes : un atlantisme critique, une politique
européenne ambitieuse mais dans la défense des intérêts nationaux, le maintien de liens d'amitié, sinon
d'ingérence, avec les ex-colonies, une vocation à éclairer le monde de ses idéaux démocratiques.
Ces principes ont constamment animé la politique étrangère de la France depuis 1945. De même, les grandes
lignes de la politique extérieure du général de Gaulle sous la Ve République n'ont jamais été véritablement
remises en cause. Mais en 2009 un pan de cette politique a été radicalement révisé : à l’atlantisme critique de
de Gaulle ou de Jacques Chirac a succédé la réintégration de la France dans les structures de commandement
de l’alliance atlantique, voulue par le président Sarkozy (il est encore difficile de mesurer les bénéfices que
pourra tirer la France de ce réchauffement avec les Etats-Unis ; après la visite du président Obama, nous
sommes tentés de dire peu de choses…)
A. « Le rang et l'indépendance nationale »
De 1945 à 1950, le principal souci de la France est de neutraliser l'Allemagne. Elle y parvient en s'associant
aux Anglais et aux Soviétiques.
À partir de 1947, la guerre froide et le plan Marshall convainquent la diplomatie française d'un engagement
nécessaire mais pas irréversible aux côtés des Etats-Unis ; le renvoi des ministres communistes en 1947 puis
l'acceptation du plan Marshall en sont les signes forts. La guerre froide consolide son atlantisme, même
au prix de renoncements comme la guerre d'Indochine et la crise de Suez l'ont démontré. Cette dépendance,
certes négociée, conduit à une inévitable emprise américaine sur les décisions nationales. Après 1949, le
relèvement de l'Allemagne n'est plus négociable avec les États-Unis. L'adhésion à l'Otan et le retour à la
prospérité économique au début des années cinquante entraînent un assouplissement de sa politique à
l'égard de l'Allemagne ; la CECA (Communauté européenne de Charbon et de l’Acier, décidée en 1950) puis
le traité de Rome (1957) participent à la réconciliation franco-allemande avec la bénédiction des Etats-
Unis (le général De Gaulle poursuivre cette politique en signant avec l’Allemagne le traité de
l’Elysée de 1963 ; en dépit des résistances dans l’opinion publique, il ne fait aucun doute que l’Allemagne
est notre meilleur allié depuis la fin de la guerre).
La Constitution de la Ve République concentre les pouvoirs en matière de politique étrangère entre les mains
du président de la République qui, dans la pratique, en fait son domaine réservé.
À partir de 1958, la politique étrangère est dominée par le souci d'indépendance à l'égard des États-Unis et la
volonté présidentielle de peser sur les affaires africaines. La France se dote d'une force de dissuasion
nucléaire à partir de 1960 qui lui permet de « réduire sans rémission une nation qui ne la détient pas » (Charles de
Gaulle, 1964) ; en ce qui concerne la paternité du projet, on rappelle que cette décision avait mûri sous Pierre
Mendès France (1954-5) et que la recherche avait largement progressé sous Guy Mollet (1956-7), au moment
de la crise de Suez. Il y a lieu de relativiser la portée de la politique et de la geste gaulliennes (retrait du
commandement militaire de l'Otan en 1966, discours de Pnom-Penh de 1966 où De Gaulle critique la
guerre du Vietnam, discours de Montréal en 1968 avec le fameux « vive le Quebec libre ! » qui offusque les
partisans de la Doctrine Monroe) en soulignant qu'en 1966 la France assiste toujours aux conseils de l'Otan.
Le dépassement des blocs souhaité par de Gaulle est tout relatif. La France est toujours membre de
l’alliance atlantique et coopère étroitement avec l’OTAN, même si ses forces armées ne sont plus
sous les ordres du commandement intégré de l’alliance ; cette coopération se poursuit avec ses
successeurs. La continuité de la politique étrangère l'emporte après de Gaulle même avec les alternances
politiques. Le seul point de friction est le Moyen-Orient où la France défend depuis de Gaulle (depuis
1967) une solution globale au conflit israëlo-arabe sur la base des résolutions de l'Onu, à la différence des
États-Unis, attachés à protéger leur allié israélien.
Cet atlantisme nuancé pousse malgré tout François Mitterrand à soutenir le déploiement des fusées
Pershing en 1982-3 (crises des euromissiles), à durcir son discours à l'égard de l'Urss et à intervenir aux côtés
des États-Unis dans la guerre du Golfe en 1991. Durant la guerre dans l'ex-Yougoslavie, la France renforce
ses liens avec le commandement militaire de l'Otan. Les différentes cohabitations ne remettent pas en cause
les orientations générales de la politique étrangère française ; preuve du large consensus qu'elle crée au sein
de la classe politique. Après 1995, la France renoue avec une indépendance plus grande à l'égard des
États-Unis mais sans pouvoir infléchir la politique de ces derniers, au Moyen-Orient en particulier,
comme la crise de février 2003 (opposition à la guerre en Irak) l'a démontré.
La présidence de Nicolas Sarkozy marque donc un incontestable tournant sur ce point.
B. Un rôle moteur en Europe et en Afrique
La France a joué un rôle moteur dans la construction européenne mais elle a toujours été guidée par
la préservation de ses intérêts. La CECA est une initiative française (Jean Monnet, Robert Schuman),
fortement appuyée par les États-Unis, elle garantit à l'industrie charbonnière et sidérurgique une certaine
prospérité et renforce l'ancrage de la RFA dans le camp occidental. A contrario, l'échec de la CED
(Communauté Européenne de défense) en 1954 est aussi le fait de la France qui rejette le principe de la
supranationalité en matière militaire et s'inquiète d'un éventuel réarmement allemand (l’Allemagne de l’ouest
sera réarmée par les Etats-Unis dès 1954). Pourtant, le couple franco-allemand, officialisé par le traité de
l'Élysée en 1963, est le noyau dur de la construction européenne. Cette vision française de l'Europe devient
plus éclatante avec la politique de la chaise vide en 1965 qui aboutit au compromis du Luxembourg
permettant aux États membres de revenir à la règle du vote à l'unanimité au sein du Conseil européen quand
des intérêts nationaux vitaux sont en jeu (le général De Gaulle n’assistait plus aux sommets européens pour
manifester son opposition au principe du vote à la majorité : la France veut conserver un droit de veto).
À la différence de leur prédécesseur, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing et François
Mitterrand font de la construction européenne une condition de la puissance française et même un
instrument du leadership franco-allemand en Europe. Les couples Giscard d'Estaing - Schmidt
puis Mitterrand-Kohl symbolisent à eux seuls l'élan de la construction européenne.
La chute du bloc communiste, dans un premier temps mal évaluée par François Mitterrand car elle rend à
l’Allemagne une centralité perdue en Europe, renforce la France dans son idée d'approfondir l'édifice
européen (le Conseil de Strasbourg en décembre 1989 sous la présidence française appuie fortement le
projet d'union monétaire et présente l'idée d'une confédération européenne le 31 décembre 1989). Le traité
de Maastricht de 1992 n'aurait pu être élaboré sans cette dynamique franco-allemande.
La politique africaine est le « pré carré» de la France et la « chasse gardée» du président qui, par
l'intermédiaire de réseaux politiques, économiques influe sur la politique intérieure des États
nouvellement indépendants; elle oscille entre coopération et ingérence (Comores, Zaïre, Tchad...). Elle
permet à la France de jouer à son échelle le rôle de grande puissance et de défendre dans une certaine
mesure la cause des pays les moins développés en demandant par exemple l'annulation ou la réduction de
leur dette auprès des organismes financiers internationaux. Les sommets franco-africains confirment cette
vocation africaine de la politique étrangère française. Ces liens avec l'Afrique sont parfois assimilés à de
l'interventionnisme et ne sont pas sans défaut ; certains y voient une forme de néocolonialisme. Cette
politique africaine n'est pas toujours très transparente (Centrafrique en 1977, Rwanda en 1994, Côte-d'Ivoire
en 2003). Souvent habillée d'un tiers-mondisme défenseur de la démocratie, elle n'aboutit pas toujours à la
stabilisation du continent. Malgré cette prétention à être le gendarme de l'Afrique, on note depuis
quelques années un certain désengagement de la France sur le continent pour des raisons
stratégiques et budgétaires ; sa diplomatie se concentre désormais davantage sur l'espace
européen. De plus, Américains et Chinois n’hésitent plus à contrarier les intérêts français dans cette
aire géographique. Bien que le discours de Dakar (2007) du président Sarkozy ait été très mal
perçu, les positions françaises demeurent cependant solides sur le continent.
II. Le rôle international de la France au début du XXIème siècle
À l'heure de la mondialisation et de l'élargissement de l'Europe, le thème invite à s'interroger sur la place de
la France dans le monde. Une série de cartes thématiques favorise la perception de cette influence mondiale
(excellente carte pages 350-351). L'originalité française ? Un Etat moyennement vaste et peuplé mais
qui dispose d'instruments de puissance variés incomparables.
A. Dans les échanges mondiaux
La France devient la quatrième puissance commerciale mondiale à partir des années cinquante (elle est
aujourd’hui 6e, derrière l’Allemagne, les Etats-Unis, la Chine qui a fait un bond à la 3e place, le Japon et la
GB qui a doublé l’Italie et la France dans les années 90). C'est bien l'ouverture économique du pays qui a
nourri sa prospérité depuis les Trente Glorieuses. Le taux d'ouverture est de 13 % en 1955 contre près de 27
% en 2004. La mondialisation profite largement à l'économie française. Après la décolonisation, son
économie se recentre sur ses partenaires européens et américains. Elle est le deuxième pays d'accueil pour les
investissements étrangers. Cette ouverture est parfois source de dépendance comme les crises pétrolières de
1973 et 1979 l'ont révélé. La France est devenue le deuxième exportateur de produits agricoles et
agroalimentaires, et ce, dans le cadre d'une PAC souvent contestée. Dans les secteurs tertiaire et industriel, sa
place dans les échanges mondiaux est liée à la puissance de ses firmes multinationales. Elle est à ce titre
membre du groupe des pays les plus industrialisés depuis 1975. Elle reste la 1ère destination touristique
mondiale.
B. Au sein des institutions internationales
La reconnaissance de son rôle international date de 1944-1945. Absent à Yalta, de Gaulle parvient à faire
attribuer à la France une zone d'occupation en Allemagne et un siège au conseil de sécurité de l'Onu.
Paris devient par ailleurs le siège de l'Unesco et de l'OCDE. Elle est, depuis, le quatrième contributeur
de l'Onu. La diplomatie française a toujours été très active et reconnue, même par les plus grandes
puissances. Le sommet de Rambouillet en 1975 inaugure le cycle des G6, G7 puis G8.
Elle prend part dans le règlement de certains conflits (les accords de Paris mettant fin à la guerre du
Viêtnam en 1973, négociations au moment de l'invasion du Liban en 1982, tentative de négociations avec
l'Irak en 1991, échec en ex-Yougoslavie en 1992, accords de Marcoussis en 2003 entre gouvernement de la
Côte d’Ivoire et rebelles du Nord) mais se trouve souvent prise en étau entre ses principes moraux et la
Realpolitik. Le meilleur exemple en est fourni par la politique étrangère actuelle (réception de Khadafi,
voyage en Tunisie, amitié avec Poutine et de l’autre côté nomination de Bernard Kouchner, ancien président
de MSF, au ministère des Affaires Etrangères…).
C. À travers sa présence dans le monde
Il ne s'agit pas de dresser une liste des modalités de la présence française dans le monde mais de montrer en
quoi cette présence est signe de puissance et dans quelle mesure elle fait sens dans un monde globalisé,
dominé par les États-Unis.
Cette présence est d'abord héritée de la colonisation. Elle est territoriale à travers les Dom-Tom, ces
confettis d'empire, qui, même périphériques (au sens géographique et économique) sont des relais de la
présence française dans leur aire géographique souvent sous-développée. Cette présence est aussi
linguistique (en 2004, 105 millions de personnes utilisent le français comme première langue) et l'action
pour la promotion du français s'étend maintenant en dehors de l'aire francophone. Depuis 1986, six
sommets de la francophonie ont eu lieu ; l'Agence de la francophonie matérialise cette action. La France
défend par ailleurs l'exception culturelle au sein du Gatt (sommet de Marrakech, 1994 : fait accepter ce
principe qui ne cesse d’être remis en cause par les Américains) puis de l'OMC. Par ailleurs, la France détient
toujours le record de Prix Nobel de Littérature (c’est la seule discipline où nous tenons encore le haut du
pavé) comme l’a opportunément rappelé la récompense attribuée en 2008 à JMG Le Clézio (le précédent
remontait à 1985, l’académie des Nobel avait récompensé Claude Simon).
Cette influence s'exerce aussi par l'intermédiaire d'un certain nombre d'institutions (alliances françaises,
centres culturels, Radio France, AFP...) : l'influence culturelle est relayée par la présence d'étudiants étrangers
dans les universités et les instituts de recherche en France (en baisse avec le durcissement de la politique
migratoire qui décourage l’immigration qualifiée). Dans le domaine humanitaire, depuis les french doctors
dans les années soixante-dix, (Médecins sans frontières, Médecins du monde), les organisations françaises
sont à l'avant-garde de la lutte contre les fléaux touchant le Tiers-monde. Cette action humanitaire prolonge
l'aide au développement octroyé par la France. Notons aussi le rôle important joué par des Français dans la
mouvance altermondialiste (ATTAC, José Bové). La langue comme la présence culturelle (formant le soft
power) structurent un réseau mondial d'influence, qui, toutes proportions gardées, est comparable à celui
des États-Unis. Le noyau dur de ce réseau est formé par les anciennes colonies.
Enfin, la présence militaire à l'étranger au titre de la coopération (Afrique occidentale et centrale
notamment) ou des alliances contractées reflètent aussi son rang international. Elle est un des rares pays avec
les États-Unis et le Royaume-Uni à pouvoir projeter rapidement des troupes assez importantes à l'étranger
en cas de crise ou de menaces sur ses intérêts. La France est donc dotée d'un hard power reconnu par ses
alliés comme efficace et désiré dans certains cas (intervention décidée en Afghanistan depuis 2001, refusée
malgré les sollicitations en Irak en 2003). Rappelons que la professionnalisation des armées a été par le
président Chirac en 1996. La tendance est au renforcement de la coopération en matière de défense avec
les partenaires européens (PESD, Politique Européenne de sécurité et de Défense, adoptée lors du traité
d’Amsterdam en 1997). Rappelons aussi que la France fait partie des cinq puissances nucléaires
déclarées. Enfin, elle reste une importante terre d'asile politique. La présence et la voix de la France dans le
monde conditionnent en grande partie sa position de puissance. C'est parce qu'elles s'inscrivent aujourd'hui
dans un monde multipolaire qu'elles peuvent davantage exprimer leur différence.
Lire dans le manuel :
-
tous les textes écrits par les présidents de la République (dossier pp.356-357, « La France vue par ses
présidents », le texte n°1 de de Gaulle est fondamental ; le discours de Phnom Penh de 1966 à la
page 364 ; un autre texte (mais on ne s’en lasse pas) de de Gaulle emprunté aux Mémoires d’espoir à la
page 372, et l’ensemble pages 374 et 375, notamment le texte de Hubert Védrine, ancien ministre des
Affaires étrangères du gouvernement Jospin).
-
Un dossier sur le soft power pages 356-357
-
Revoir bien entendu les deux dossiers vus en cours
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