POUR MEMOIRE : L` EXEMPLE PIONNIER DE parc éco

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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE, COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
Léo DAYAN1
&
Birgit HOH2
Synthèse : Vers une économie des liens de l'intelligence humaine, nomade, interactive et
éthique
L'économie de la connaissance érige la communication, l'information, les savoirs et les compétences
comme une production à part entière et les présente comme le principe clé de la création de la valeur, la
ressource critique de la compétitivité économique et l'actif productif essentiel de l'attractivité des
organisations et des territoires.
Savoirs et savoir faire forment, de manière à la fois contextualisée et nomade, un capital conceptuel,
organisationnel et relationnel, source d'externalités positives, de "travail invisible", de rendements
croissants et de rentes d'innovation, de position ou de rareté.
Les nouvelles modalités organisationnelles du lien entre compétences et entre et au sein des organisations
et des territoires : réseau, coopération "over the fence", alliance stratégique, collaboration, répondent aux
exigences cognitives de la production. Elles conduisent à l'imbrication recherche-technique-société et aux
partenariats public-privé-civil pour former la trame générale et la condition générique de la performance et
de l'attractivité d'organisations globales, de réseaux transversaux et de territoires de projets, lesquels
pourraient offrir de nouvelles rationalités transversales et les interfaces régulatrices entre le marché et le
plan et entre local et mondial.
Cet actif productif, cette imbrication et les liens combinant le marché et le hors marché permettent aussi
la croissance des sociétés mondialisées et hyper industrialisées dans le cadre de la déterritorialisation de
l'information, de la globalisation des développements et de la mondialisation économique et aux firmes
globales de contrôler les segments stratégiques de la redécomposition cognitive mondiale des processus
productifs.
Cette économie, si elle privilégie le produit nouveau et des technologies "end of pipe", accroît les flux
financiers sans réduire la vitesse et du volume des matières .des déchets et affecte la société du savoir par
1
Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur scientifique du laboratoire-réseau mondial APREIS et de l’Université
Mondiale Nomade pour le Développement Durable http://www.apreis.org
2
Chercheuse au laboratoire APREIS (European and International Actors, Practices and Researches to implement
Sustainability)
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
des droits de propriété et des codifications univoques, est porteuse de risques majeurs pour l'équité, le
savoir, les cultures, les écosystèmes et la santé et augmentera les coûts globaux..
Les réseaux et les organisations cognitives ne peuvent répondre, seules, aux interrogations sur les limites
des connaissances constituées et sur l'avenir de ce développement. Elles doivent partager un projet
éthique commun. La durabilité, peut être ce projet, il offre un objet global d'études, scientifiques et
éthiques, le lien le lié le liant.
Si aucune économie performante et féconde ne peut être celle de l'ignorance, à quelles conditions
l'attractivité et la compétitivité de l'économie de la connaissance donneraient émergence à des
entreprises durables, des sociétés responsables et un monde viable et intégreraient la performance
économique globale, l' éco efficiente et l'équité dans sa construction ? L'intégration des liaisons éco
industrielles dans le développement des territoires, qui privilégient la productivité des ressources et des
connaissances à celle du travail, est l'une de ces conditions.
Une expérience locale, l'éco-pôle d'éco-activités "Phillips-Eco-Enterprise Center, à Minneapolis aux
Etats Unis, concrétise, au Nord, avec les ingénieries des "populations de pénurie" originaires des
cultures du Sud, une stratégie de durabilité industrielle et offre une illustration de la mise en œuvre
locale d'une économie éthique et interactive des liens : innovante, performante, compétitive,
écoefficiente, intégratrice.
Mots Clés : connaissance, compétitivité, coopération, dématérialisation, durabilité, écoefficience,
écologie, industrielle, éthique, ingénieries populaires, lien, limite, productivité des ressources, risque
Classification JEL : A13, H41, O13, O32, Q01
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
L'ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE
… EN FAITS, EN HYPOTHESES, EN CONCEPTS … EN DOUTES ET EN
QUESTIONNEMENTS …
Loin d'être réservés aux seuls secteurs de haute technologie, les savoirs et savoir faire pénètrent tous
les domaines de connaissance dont les implications sont économiques, donnent lieu à des
transformations des organisations et des territoires autour de la communication, de l'information, des
connaissances et des compétences scientifiques et techniques.
L'économie de la connaissance érige celles-ci comme une production à part entière, les présente
comme le référentiel clé de la création de la valeur, comme la ressource critique de la compétitivité
économique (coûts et hors coût) des entreprises et comme l'actif productif essentiel de l'attractivité
des organisations et des territoires.
Information, connaissances, savoirs et savoir faire fondent un capital immatériel, de nature
conceptuelle, organisationnelle et relationnelle, à la fois contextualisé et nomade, localisé et global,
forment la condition générale de la performance (coût par le hors coût) et la trame générique
d'organisations globales, de communautés épistémiques, de réseaux transversaux et de territoires de
projets. Ils sont la source majeure d'externalités positives, de "travail invisible", de rendements
croissants mais aussi l'assise de rentes d'innovation, de position ou de rareté par le biais de
l'instauration des droits de propriété ou de stratégies mêlant la concurrence et la coopération, le marché
et le hors marché.
Cette économie de la connaissance offre une forme de coordination transversale entre le marché et la
hiérarchie requiert des partenariats public-privé-civil et conduit à l' imbrication croissante de la
recherche scientifique, de la technique de l'économie et de la société. Cette organisation des rapports
entre connaissance scientifique et activité économique devrait elle et peut elle être le point de passage
obligé du développement, de tout développement ?
Pourrait-elle, à elle seule, répondre aux incertitudes sur l'avenir que suscitent les propres limites des
connaissances acquises, les fuites en avant et les ornières des technologies "end of pipe" ? Préserver
les biens collectifs, nature et savoirs ? Prévenir les chocs culturels ? Epanouir les savoir faire
populaires locaux et intégrer les économies populaires spontanées ? Satisfaire les besoins essentiels
de tous, d'aujourd'hui comme de demain ?
Peut-elle, sans définir l'objet de la connaissance et sans se donner une éthique de l'usage et des
conditions des applications des technologies de la connaissance, devenir, à elle seule, le principe
économique unique d'une société mondiale en mutation et dans laquelle oeuvrent d'autres pouvoirs
organisationnels que sont la firme globale, l' institution internationale, la collectivité locale,
l'association civile, la trame culturelle, le risque majeur, le marché, l'Etat ?
Si aucune économie, performante et féconde, ne peut être celle de l'ignorance, à quelles conditions
l'économie de la connaissance pourrait-elle tenir ensemble le progrès des savoirs, l'innovation
technologique, la performance économique, l'attractivité territoriale, l' éco efficience, l' équité, la
précaution, la responsabilité individuelle sociale, la citoyenneté, les diversités culturelles et les
équilibres de la biosphère qui permettent une société inventive et apaisée, une nature préservée, une
mondialité féconde, féconde pour tous ? ….
… Qualifier son objet,
… Définir une éthique de l' usage de la connaissance
… Penser au lien et intégrer la limite …
…. Civiliser le processus de création destructrice
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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…. POUR COMMENCER ….
…AVEC RIGUEUR MAIS AVEC ETHIQUE…
ELOGE DE L'INGENIOSITE ECONOMIQUE LOCALE DES " GENS DE PEU "
une des inspirations culturelles de la durabilité et de l'écologie industrielle
L'homme (ou la femme), ou l'enfant qui fait les trottoirs ou les décharges et récupère des biens usagés
qu'il "retape" pour ses besoins ou revend "au noir", la femme (ou l'homme) qui coud, raccommode et
ravive les pièces de tissus usés par le temps, devront être, de manière rétroactive, socialement et
mondialement honorés. Ils se créent un revenu, en nature ou parfois en monnaie, en dispensant la société
et l'Etat de porter attention à leurs fins de mois et préservent ceux qui disposent d'un emploi en évitant
de faire surnombre sur un marché, plus prompt à faire partager le travail en limitant les salaires réels
qu'à protéger contre la misère,….
…et ils contribuent, modestement mais efficacement et en économisant à l'Etat le coût d'une
réglementation pernicieuse et contournable, à développer de la connaissance sur ce qui est valeur et à
protéger l'environnement, au prix parfois de leur santé, plus exposés et livrés que tout autre mortel,
aux polluants nocifs abandonnés et éparpillés aux quatre vents, et concentrés plus couramment dans
leurs aires culturelles de vie et de jeu.
Resterait à se saisir de la portée de leur travail méconnu ou dévalorisé, à mettre leur fonction au grand jour,
à se servir de leur ingéniosité, à s'en inspirer industriellement, c’est à dire à réduire les flux et les stocks de
matière, d’énergie et de déchets qui encombrent la biosphère et à créer de la richesse d'utilisation en
allongeant la durée de vie des substances prélevées sur la nature et en valorisant les déchets comme une
ressource
Cependant….
Une telle généralisation demande au préalable d’effectuer l’étude du métabolisme des substances
biophysiques des technologies et des produits, de déterminer dans une plus grande perspective ce qui
peut être fabriqué avec les déchets, de ne produire que les composants dont les déchets sont écorevalorisables et eco-recyclables et de rendre étanche la circulation des polluants nocifs.
L’inventaire des groupes symbiotiques d'activités permettrait aux entreprises à relier, de manière
volontaire, leurs flux de matière sur un même territoire ou à les intégrer en réseau, et à la puissance
publique et aux énergies locales de proposer des stratégies économiques durables à l'échelle
territoriale pour organiser le système industriel autour de la plus performante des stratégies de la
dématérialisation et de la protection préventive de l'environnement : la gestion économe et l'utilisation
intensive des ressources naturelles.
…. Et donc, tout comme l' homme (ou la femme) ingénieux invoqué ci dessus, on pourrait accroître
la productivité des ressources et la qualité de l’information plutôt que de privilégier la productivité
(monétaire et marchande) du travail et plutôt que d'accroître les prélèvements et les rejets.
Mais …
Les conciliations que la durabilité requiert supposent de prendre exemple sur les cultures de la
communication et du partage et sur les éthiques communautaires de la coopération, de la réciprocité et
de la solidarité. Reposant sur les synergies, les intensités interactionnelles et les coopérations de
proximité, les liaisons éco-industrielles, composante industrielle de la durabilité, offrent à l'échelle
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
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locale (régionale) une place déterminante dans leur mise en place et à la mise en oeuvre du
développement durable.
L'économie de l'écologie industrielle pourrait prendre techniquement forme dans un pôle d'écoactivités, un parc eco-industriel, une grappe d'éco-activités, une éco-boucle d'échanges, virtuels ou
physiques, une communauté productive et distributive de services organisée autour de la gestion
mutuelle des flux locaux de matière et de déchets et dans laquelle la circulation et la mise en synergie
de la connaissance et de l'information transformeraient les déchets d'une activité en ressources pour
une autre.
Alors…
Pour poursuivre la boucle des cycles de matière à l’échelle de la terre entière et pour mieux partager
l’effort et répartir les résultats de la création humaine, il faudrait reconnaître à notre homme ( ou
notre femme ) son savoir et ses savoir faire, autrement que par la rationalité privilégiée du marché qui
l'exclut et tout autrement que par une logique économique coercitive ou par assistanat de l' Etat.
L'ingéniosité économique des populations de pénurie est une des sources culturelles de la durabilité
et
de
l'écologie
industrielle.
Des townships de Johannesburg aux favellas de Sao Paulo, des populations natives d'Amazonie jusqu'
à celles qui survivent debout avec presque rien que l'on rencontre au "Sud" ou qui se multiplient à
"l'Est" , à " l' Ouest" ou au "Nord", il y a des cultures, des gisements de génie et de savoir faire qu'il
faudrait reconnaître et dont il faudrait méthodologiquement s'inspirer et intégrer dans les trajectoires
technologiques de l'économie de la connaissance
I. UNE ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ?
1. FORCES. STRUCTURES. DYNAMIQUES
Incorporés dans les modes de fabrication, de gestion, de management, d'organisation et de
commercialisation, la communication, l'information et la connaissance - comme produits de savoirs
formalisables, transférables, transposables et réplicables, associés au savoir, comme capacité
collective créatrice et vivante de savoirs faire et comme processus spécifique non réplicable
d'élaboration de connaissances nouvelles et de compétences - font de l’innovation un processus social
continu déterminant le développement des entreprises, scandant, par ses gammes et ses lignes de
produits nouveaux, et structurant, par ses règles, la consommation du quotidien.
Cette organisation des rapports entre connaissance scientifique et activité économique est présentée
comme le point de passage obligé du développement, de tout développement, et se traduit par la part
prépondérante et majoritaire prise par les activités économiques intensives en connaissances et
compétences scientifiques et techniques dans les activités des économies mondialisées et hyper
industrialisées
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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1.1. La fin du commandement et de la prescription et l'émergence de l'univers du
lien hors marché dans l'économie de marché
.
Les interdépendances cognitives du mode de constitution et de validation des connaissances conduisent
à une imbrication croissante entre des compétences à la fois spécialisées et étroitement complémentaires,
à une interpénétration étroite entre développement économique, développement de la recherche
scientifique et applications techniques et à une mise en liaison des fonctions économiques usuellement
séparées hors de leur présence commune dans le marché. Cette imbrication, cette interpénétration et
cette mise en liaison ne sont pas sans induire des mutations dans la nature, le statut, les modalités et le
contenu du travail, sans conduire au renouvellement des frontières distinguant les espaces libres de la vie
privée, l'espace du droit public et l'espace du calcul économique et sans étendre les droits de propriété
industrielle à la propriété intellectuelle dans le champ de l'information scientifique et des technologies du
vivant, en particulier.
Le développement productif des capacités cognitives, dont l' articulation étroite de l'économie et de la
société avec les sciences et les techniques sans laquelle il n' y aurait pas d' économie de la
connaissance, réclame des structures concurrentielles mêlant le marché et le hors marché, la
conjugaison d'un biens et d'un service et des stratégies de management de la connaissance ( Knowledge
Management) et de localisation pertinente des activités dont celles de recherches et de développement.
La nature transversale de la plupart des nouvelles technologies, associée à la rapidité des innovations,
relativise la longévité et l'intensité des barrières à l’entrée et à la mobilité. L’intensité même des
positions de domination est d'autant moins continue que les frontières des secteurs et des marchés se
rétrécissent. Le développement des savoirs et la réplicabilité des connaissances codifiées limitent une
appropriation durable ou un contrôle long de l'actif productif immatériel existant. Ils appellent à
l'innovation permanente dont le rythme dépend alors des modalités de partage des coûts élevés
associés aux incertitudes et des efforts communs de mise au point des applications particulières
permises par les technologies d'application générale3
Le fonctionnement de cette longue chaîne de la valeur du producteur à l'utilisateur du produit et qui
aboutit à une représentation du produit en service, se réalise alors moins par le commandement du
propriétaire, par la stricte règle du marché ou par la prescription réglementaire que dans des stratégies
de
coopération "over the fence", de préemption très en amont du marché des partenaires cruciaux et
d'alliances de grands groupes avec des "start up" ( qui n'excluent pas leurs rachats ultérieurs ).
1.2. Un agrégat d’organisations et de contrats… le réseau
Ce changement de statut de la connaissance et de son produit final au sein du processus de la création
de la valeur modifie l’organisation des entreprises et des territoires et les déterminations de la
compétitivité et de l'attractivité autour des liens hors marché, aval et amont. Ce sont les exigences
cognitives de la production qui alimentent et imposent de nouvelles modalités organisationnelles et
pratiques de lien entre les propres acteurs de la connaissance et, donc, entre et au sein des
organisations et des territoires : le réseau, comme agrégat d’organisations ou de contrats impliquant
fréquemment un partage d’actifs ou de risques, la coopération, l'alliance stratégique, le partenariat, la
collaboration, la mise en commun d'une information ou d'une connaissance, la mutualisation d'un coût
fixe technique externe ou d'un risque.
3
Une synergie entre deux technologies initialement éloignées est la sources des innovations les plus productives. La
révolution cybernétique s'est déclenchée lorsque le tube à vide a remplacé le transistor électronique dans les ordinateurs
numériques car l'emploi simultané de dizaines de milliers de tubes à vide soulevait des problèmes insolubles.
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Certes les firmes recherchent des économies d’échelle à travers les liens productifs et l’innovation.
Mais cette recherche d’avantages pousse les firmes globales à développer des avantages spécifiques
fondés sur une accumulation des connaissances et des compétences forgés grâce aux liens
interindustriels et parallèlement, les territoires porteur de proximités et d’un environnement
économique et social sûr, facilite les coordinations et leurs liens
La constitution d'alliances et de réseaux entre firmes peut développer ainsi les avantages spécifiques
de chacune d'entre elles non seulement en termes de coûts mais aussi de stratégies globales ou /et
sectorielles.
Dans ce contexte, le réseau, la coalition et la coopération inter firmes forment des dispositifs essentiels
de la structuration des dynamiques d'innovation et du jeu concurrentiel face à des changements
institutionnels et technologiques intenses et rapides. Les jeux d' alliances et de coopérations s'étendent
et se diversifient entre les firmes rivales ou complémentaires mais tout en rendant la compétition de
plus en plus globale et intense. Les firmes globales peuvent par ces jeux asseoir leurs stratégies à
l’échelle planétaire et renforcer leurs avantages spécifiques
Les diverses formes coopératives ou collaboratives permettent aux firmes globales de pouvoir
adapter, par exemple, leurs critères de localisation aux singularités propres de leurs métiers et aux
variétés et aux modalités particulières de leurs complémentarités et de leurs liens mais aussi d'arbitrer
entre régimes de coûts et un territoire stimulant leurs capacités d’apprentissage et d'innovation: maind’œuvre disposant de qualifications requises, présence d’institutions de recherche spécialisées
performantes et externalités technologiques.
C'est ainsi que les activités intensives en connaissance se concentrent plus particulièrement au sein des
territoires riches en ressources cognitives spécialisées et que les dynamiques de l’attractivité territoriale
ne sont pas mécaniquement dépendantes des coûts comparatifs et de la compétitivité.
1.3. Une nécessité pour les sociétés mondialisées et hyperindustrialisées
et une opportunité pour les firmes globales
Si ces nouveaux actifs productifs de valeur et le développement des nouvelles configurations du lien
qui leurs sont associées sont commandés par la dynamique inhérente au processus de constitution des
savoirs, ils répondent aussi à une nécessité propre d'abord aux sociétés mondialisées et hyper
industrialisées. Ils leur permettent de poursuivre leur croissance et leur développement dans le cadre
de la déterritorialisation de l'information et des connaissances, de la globalisation des développements,
de la mondialisation économique et de la multidimensionnalisation de la concurrence.
Ils bénéficient et répondent à des territoires de projets qui, dans le cadre du mouvement global de la
déterritorialisation des activités immatérielles et de la délocalisation des activités matérielles, valorisent
les ressources locales en termes de service total pour les rendre attractifs aux "entreprises de la
connaissance". Ils sont, dans la concurrence mondiale, une opportunité pour les firmes globales de
pouvoir contrôler ou orienter les segments de la recherche, du développement, de la conception, du
design, de la communication au sein de la redécomposition cognitive mondiale des processus
productifs.
Elargi aux interactions hors marché, inscrit dans un espace géographique, institutionnel et social de
plus en plus ouvert, le jeu concurrentiel peut se structurer de manière permanente sous la forme de
luttes-coopérations intra et inter-coalitions de firmes rivales ou complémentaires autour des
innovations et de la fabrication ou de la vente du produit nouveau / nouveau service qui leur permettent
de bénéficier des externalités positives et des rendements croissants et de se donner les outils de la
compétitivité combinant le hors coût au coût et le hors marché au marché .
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En suscitant un réseau d’alliances et de coopération, qui permet de négocier et de contrôler les
modalités d’usage de la connaissance au sein de tout le circuit de création de la valeur, les firmes
peuvent diffuser l'usage d'une connaissance sans pour autant perdre la totalité de leur avantage, se
créer un différentiel de vitesse dans la production de nouvelles connaissances ou dans l’exploitation de
leurs usages ou se donner une maîtrise de divers contextes supérieure à celle des autres firmes.
1.4. Des communautés intensives en connaissances,
à la fois nomades et contextualisées, localisées et globalisées
Les nouvelles modalités de liens, qui sont une caractéristique de l' économie de la connaissance, ne
peuvent se mettre en place sans des stratégies professionnelles et extra professionnelles d'acteurs aux
objectifs hétérogènes et issus de milieux divers s'inscrivant et se croisant dans de multiples réseaux
décentralisées et transversaux, parfois autonomes, de constitution des savoirs pour peser sur leur
avenir privé ou professionnel ou dans le but d' agir sur un devenir local ou mondial.
Elles donnent lieu à des communautés intensives en connaissances, à la fois nomades et
contextualisées, localisées et globalisées, et mettant en œuvre des modes interactifs, collaboratifs ou
coopératifs ou parfois intégratifs, de validation de leurs connaissances.
Mais l'économie de la connaissance se construit aussi, et tensionnellement, par certains segments de la
société civile qui forment de manière autonome, hors des marchés et de toute frontière géographique,
institutionnelle ou disciplinaire, des communautés de connaissances, des réseaux de compétences, de
nouveaux territoires, autour du partage des savoirs, de la connaissance et de l' information.
C'est le cas, par exemple, des communautés en réseaux numériques d’échanges en ligne ("peer to
peer"), de mutualisation des ressources techniques (les wifistes qui partagent leurs accès haut-débit) ou
encore les collectifs de production d’information, toujours plus nombreux. Ils se construisent sur des
principes de partage, de production collective et de coopération sociale et posent ainsi les bases de
formes organisationnelles alternatives capables de combler les "fractures" des sociétés contemporaines
Mais les technologies de l'information et de la communication ne donnent qu'un prisme formel et
procédural de l'économie de la connaissance. Il en est une autre, populaire, informelle, à la fois
individuelle et culturelle, qui relève du vécu ou de valeurs partagées.
Les connaissances explicites ou tacites, mais hors marché, sont la ressource critique majeure des
nouvelles formes d'émergence et d'attractivité de communautés de projet, virtuel ou physique, qui
entreprennent sur une définition du concept de richesse, mesurable à travers sa valeur d'utilisation et la
variété et la qualité des liens mis en travail. Ce capital conceptuel, organisationnel et relationnel,
établi hors du strict cadre monétaire, exprimé en dehors du seul cadre marchand, formé hors du strict
cadre professionnel, pourrait nourrir et produire, de manière indirecte et "invisible", la compétitivité
des organisations et des territoires.
Les organisations les plus formées à l'intelligence économique4 savent bénéficier de toutes les
externalités des connaissances sociales et des savoirs diffus, en s'irriguant en permanence d'un autre
capital collectif "gratuit", immatériel, mobile et toujours inépuisé, qui se loge, au sein et entre
organisations, au sein et entre territoires, les diversités culturelles, que seuls les réseaux transversaux,
ancrés dans les cultures locales et dont les connaissances procèdent du nomadisme, sont capables de
produire et de faire circuler.
1.5. Une imbrication de la recherche, de la technique, de l'économie et de la société
4
Tout en restant un concept spécifique, l'intelligence économique emprunte à plusieurs notions : gestion des connaissances,
gestion de la qualité totale, stratégie, renseignement, veille, prospective, lobbying, benchmarking, sûreté sécurité, gestion des
risques, propriété industrielle, documentation et marketing.
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et le partenariat public-privé-civil
Le croisement de l' ensemble des communautés "épistémiques" 5 et des réseaux transversaux permet
l'imbrication croissante de la recherche, de la technique, de l'économie et de la société civile et
encourage des partenariats public-privé-civil.
Cette imbrication et ce type de partenariat pourraient, en retour, avoir la capacité de bouleverser toute
l'économie de la production et les modes de gouvernance 6, être les agents décisifs du déploiement et
de l'extension de l'économie de la connaissance et devenir le support de la recomposition des
organisations économiques productives et des territoires géographiques en réseaux ouverts.
Il pourrait ainsi se former, entre le marché et le plan, entre concurrence et hiérarchie et entre individu
et l'équipe, de nouveaux modes de gestion des interfaces et de nouveaux segments de régulation7
fondés sur une redéfinition du concept de valeur comme valeur d'utilisation (qualité du service rendu
par le produit), et sur de nouvelles combinaisons entre le marchand et le non marchand, entre le
concurrentiel et le coopératif, entre le public et le privé, entre l'institutionnel et le civil, entre le mondial
et le local, entre le donneur d'ordre et l'opérateur et entre le producteur et le consommateur d'un
produit-service.
2. TENDANCES
2.1. Penser ensemble mais agir tout seul ?
Aucune forme de coordination ne pourrait certes négliger les forces émergentes des réseaux de savoir.
Cependant ces derniers peuvent-ils devenir le principe référentiel, régulateur ou organisationnel, unique
d'une société si ne sont pas définis l'objet, l'usage et les conditions d'application technologique de la
connaissance produite ? Les différentes communautés de la connaissance, même si elles cohabitent
ensemble et se croisent, même si elles empruntent des formes communes de travail et expriment leur
adhésion à des grands principes généraux, apparaissent, de manière implicite ou explicite, comme un
autre terrain de luttes d'influences entre des groupes dont les visions du monde ne sont pas structurées par
les mêmes hypothèses. Les tensions du système économique global (marché, état, réseaux, territoires,
firmes, mondial, territoire local, ) réapparaissent au sein des expertises et ne réduisent aucunement
l'ignorance du futur et les doutes sur la soutenabilité du développement .
Et ce n'est pas une coïncidence fortuite si la problématique de la durabilité s'est constituée dans une
période où tous les acteurs économiques devaient redéfinir leurs objectifs et leurs modalités d'action
dans des contextes livrés aux incertitudes des critères du développement et des modes de décision, en
cours du Nord au Sud et d'Est en Ouest.
La complexité de certaines décisions et les risques majeurs qui lui sont associés ne pouvaient plus être
pris en charge par les technostructures publiques ou privées qui, en échange et au plus fort de leur
puissance, exigeaient le pouvoir de décider pour tous.
Certes l'économie de la connaissance rend obsolète l’organisation centralisée , hiérarchisée et
cloisonnée de la production dans les grandes firmes mondiales, le concept d’intelligence économique 8
est progressivement appliqué au sein des entreprises, l’intelligence territoriale est un outil qui émerge,
5
réseau de scientifiques, d'experts, de chercheurs, d'ingénieurs, de cadres, de citoyens, de décideurs, d'élus
Former le concept global d'une nouvelle société en émergence selon Manuel Castells , 2001; Luc Boltanski et Eve
Chiapello, 1999; Boltanski et Thévenot, 1991.
7 Le mode collaboratif en réseau offre une troisième voie de coordination entre marchés et hiérarchies selon Williamson,
1975
8 Compris, ici, comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution de l'information utile
aux acteurs économiques en vue de son exploitation par les décideurs.
6
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le concept de la nouvelle gouvernance s'impose… dans les discours, le partenariat devient comme le
ciment indispensable de la construction d’une action publique et le partenaire veut devenir un alter
ego.
Dans la société de la connaissance, les individus au sein d'une mêmes organisation, entreprise,
institution, territoire, voient leur rôle muter, d’exécutants en acteurs. Ici ou là, on se réunit, on écoute,
on interroge, on croise, on mutualise parfois et la démarche cognitive est de plus en plus partagée entre
leurs membres.
Mais est ce suffisant pour que cette économie, dans l'hypothèse où la société se dote librement de
l'économie qu'elle choisit, puisse donner lieu, si tenté que la connaissance et le savoir se confondent, à
une économie du savoir durable: responsable, éco efficiente et équitable ?
Ainsi, du côté de la décentralisation territoriale en France, outre les périmètres sans citoyenneté
auxquels a donné lieu la création des communautés territoriales et en faisant abstraction d'un transfert
des compétences centrales aux collectivités locales qui obéissent à la décentralisation des déficits de
l'Etat, la demande de la population porte moins sur les informations relatives aux décisions prises que sur
la possibilité d'être associée plus étroitement aux décisions à prendre et de participer à l'apprentissage de
la gestion locale. Or le recueil d’un avis de type consultatif n’oblige en rien à en suivre la pensée et
l’invitation à "penser ensemble" débouche en fin de parcours par un "agir tout seul". Un agir local qui
préfère reproduire les diagnostics d'un cabinet conseil, sans attaches avec le territoire ausculté et plus
porté sur les prêts à porter que d'intégrer les expertises "indigènes".
A l'heure de la sociétés de la connaissance, la participation à la décision doit être la possibilité de
produire et de diffuser de l'information et d'aboutir à une véritable co-décision, en passant par la
consultation et la concertation. Etre acteur de son local requiert l'accès au savoir et donc à
l'information, à la responsabilité et au passage à l'acte.
Quand le pouvoir d'agir sur un territoire est confisqué et que les populations n’ont plus rien à espérer
dans la mise en oeuvre de la décision, il ne faut pas être surpris d’une désaffection massive des habitants
dans l’outil de participation proposé et de la décrédibilisation des institutions élues. Ces dernières réapparaissent comme autant de démissions du politique face à l'expertise guidée par la vente d'une
connaissance non seulement "marchandisée" mais présentée clé en main et comme un service
spécifique. La tendance du pouvoir politique local est de conserver le bénéfice des formes
d'apprentissage de la connaissance locale et des usages de l'information par le biais du monopole du
pouvoir décisionnel de l'élu 9 s'autorisant, qui plus est, à valider une décision au nom même de l'expertise
scientifique.
Or la gestion locale pénètre l'ensemble des champs de l'activité humaine : éducation, santé, transport,
savoirs, aménagement du territoire, habitat, environnement, développement économique et social,
emploi.
Derrière la participation se profile la question du partage du pouvoir, question qui oblige à repenser
l'essence même de son exercice. Les élus doivent partager avec les habitants une partie du pouvoir10
confié. Ceci suppose que le citoyen ne soit pas un citoyen épisodique, absent et passif dans l'intervalle de
deux élections . S'informer, comprendre, construire de l'expression individuelle ou collective, proposer
implique que l'élu doit reconstruire son rôle : de décideur quasi exclusif, d'arbitre, devenir facilitateur,
catalyseur d'intérêts, accompagnateur des savoir faire locaux.
9
Vera Chiodi, Léo Dayan, & Florent Michalon, L'organisation territoriale de la gouvernance, point critique de la mise en
oeuvre du développement local durable in “Regards croisés sur la diversification et les stratégies territoriales“ avec le
concours de la Datar. Ed. Adicueer. France-Canada. Sept. 2004
10 distinguer le pouvoir d'allocation des ressources, le choix de l'affectation des moyens (essentiellement en termes budgétaires
); le pouvoir de décision, la responsabilité de l' utilisation des moyens; la possession de l'information, les données et les
compétences; le contrôle et l'analyse des résultats, l'adéquation des objectifs et des résultats. Le droit d'un élu s'accompagne
aussi de ses devoirs : production, accès, disponibilité, usage, discussion et validation de l'information et évaluation des
résultats.
66
Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
2.2 Rentabiliser le gratuit ?
Dans une économie du savoir, toute réalisation est collective. La coopération interactive, au sein des
organisations et des territoires ainsi qu'entre les organisations et entre les territoires est essentielle.
Mais, concernant les entreprises, il ne peut s'agir simplement d'encourager le travail en collaboration, le
partage des savoirs et des expériences, de décloisonner les fonctions et de promouvoir l'insertion dans les
réseaux pour "apprendre en se comparant" si ce n'est pour aboutir en fin de compte qu' à améliorer les
capacités à exploiter le savoir créé par d'autres, intensifier l'innovation et développer le produit nouveau.
La multiplication des produits culturels, standardisés, typés, privatisés par le nom de marque et par les
droits d'accès, que des entreprises revendiquent, comme leur propriété exclusive, ne sauraient
mieux illustrer une modalité de privatisation de la connaissance et de rentabilisation du gratuit.
Sans les avoir produites et en usant des formes organisationnelles du travail cognitif dans la société de
la connaissance, les dites entreprises " sans usines" peuvent mettre des produits sur le marché en
réponse à des besoins qu'elles captent mais qui sont propres à des rapports vivants, des expériences
vécues originairement communes, historiquement transmises et socialement produites hors marché.
Cette démarche entendrait que l'accumulation de renseignements productifs utiles s'appellerait
connaissance. Une société du savoir pourrait elle se satisfaire de processus qui se réduiraient à
marchandiser le gratuit ?
Si une "entreprise de connaissance" est un certain nombre d'acteurs, le talent de l'entreprise sera de
mettre en interactions les compétences singulières réunies pour les mettre en valeur. Le résultat
recherché sera de créer plus de valeur que ses acteurs n'en consomment individuellement. Mais de
quelle nature est cette valeur et pour quel usage ?
Cette économie ne peut durablement imposer une culture du développement qui récuserait tout
questionnement relatif à l'objet de la connaissance entreprise, à ses conditions, à ses formes et à ses
modalités d' usages dans les organisations ou les territoires et à la nature tout autant qu' à la
destination de la valeur créée dans les conditions coopératives de sa production et de sa validation.
Ainsi dans le mode, collectif , transversal et diffus, de la constitution des savoirs, le "travail"
"invisible" est essentiel. La connaissance scientifique, qu'il produit de concert avec les connaissances
codifiées, ne peut le rendre visible que sous une règle de pertinence et de validité opérationnelle
contextualisée. Or, et paradoxalement, cette connaissance ne peut s'imposer sans, préalablement et
tensionnellement, s' être émancipée des territoires locaux : disciplinaire, géographique, administrative,
institutionnelle, professionnelle, culturelle, générationnelle, hiérarchique, marchand, politique,
technocratique.
La connaissance n'appartient à personne en particulier , sa valeur apparaît indécidable et n'existe que
par son utilisation. Mais pour quelle usage ?
2.3. Le savoir … une industrie ?
Du droit de propriété industrielle au droit de propriété intellectuelle
La société de la connaissance ne saurait ignorer la persistance propre au marché concurrentiel à
raréfier la diffusion publique de la connaissance et à briser la chaîne du savoir par le biais des droits
de propriété.
Ainsi non seulement la durée des droits d'auteur est passée aux Etats-Unis de 14 ans en 1790 après la
mort de l´auteur à 70 ans aujourd'hui mais l´objet et les activités sur lesquels portent les droits de la
propriété se sont constamment étendus.
La propriété industrielle concernait les marques, les patentes et les droits connexes puis s'est élargie
aux layouts de circuits intégrés, aux différents processus de production, au secret industriel et
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
67
Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
commercial. Le contrôle et la limitation de l´accès se sont portés par exemple à certaines
informations digitales par le biais de droits d´entrée. Le concept de "Trade Related Intellectual
Properties", apparu récemment dans les travaux de l´OMC ne permet plus de différencier propriété
intellectuelle et industrielle. Il serait ainsi possible de patenter des procès et des procédés liés à
l´information, à la connaissance et à la génétique.
Le développement du système de droits de propriété ne peut que conduire à la confiscation et à la
privatisation de savoirs qui font partie de la culture mondiale. L´extension de la propriété intellectuelle
à des domaines tels que les médecines traditionnelles, va dans le même sens. "Les ressources
génétiques, une fois modifiées, (....) peuvent présenter des caractéristiques que l´on ne rencontre pas
dans la nature"11, et, dans la mesure où ce processus peut être assimilé à une invention
biotechnologique, il peut être l´objet d´un droit de propriété privé.
Alors que la transparence du débat public était, hier, dépendante de l´arbitraire de l´Etat central, et alors
que le local est un lieu d'apprentissage de la gestion du bien public, c´est le marché et le pouvoir
décentralisé ré-investi par des féodalités politiques locales12 qui, aujourd'hui, pourraient limiter la
publicisation de la connaissance, la libre circulation de l'information et l'apprentissage des savoirs,
restreignant ainsi l´autonomie de l'espace décisionnel public, intensifiant la marchandisation de la
connaissance mais aussi conduisant à sa re-politisation que la légitimité de l'expertise tendrait à
dépolitiser.
2.4. Divergences dans la connaissance comme économie et comme politique :
l' actif social public et l'actif privé, le pouvoir politique et le périmètre de
citoyenneté
Apparaît ainsi une double et croissante divergence entre les conditions coopératives de validation des
connaissances et de la sûreté des décisions qui s'appuient sur elles et la déresponsabilisation du citoyen
- revêtue d'expertise - et d'autre part entre les conditions sociales de constitution et de validation des
connaissances et leur appropriation privée et marchande. Le consommateur de produits et le citoyen
sont alors des utilisateurs de services alternatifs mais tout autant intensifs en expertises et en
compétences.
Une approche qui tendrait à dissocier une analyse globale et une analyse spécifiquement économique de
la société de connaissance et à ne s'interroger que sur la productivité économique de la connaissance, le
développement de produits technologiques, la compétitivité des entreprises, l'attractivité des territoires
institutionnels et à observer les mutations que la dite société suscite sur les modes traditionnels de
coordination que sont les marchés et le plan, oblitèrerait les véritables enjeux : tout processus
décisionnel comportant un risque majeur doit être transparent, reconnu publiquement, consenti et
partagé.
De telles questions sont indispensables mais tout autant que celles relatives à l'usage économique ou
politique qui pourrait être faite de la connaissance. Car, et de façon paradoxale, en développant les
connaissances et en étendant les capacités de leurs utilisations, le considérable essor des compétences
scientifiques et technologiques a, dans le même temps, accru l'incertitude sur le devenir du monde et
révélé tant les limites des connaissances mises en travail que l'inattention portée, par les institutions
politiques ou par les entreprises, sur les risques majeurs que des connaissances mal établies pouvaient
susciter.
11
OMPI, 2004, p. 2
Vera Chiodi, Léo Dayan, & Florent Michalon, L'organisation territoriale de la gouvernance, point critique de la mise en
oeuvre du développement local durable in “Regards croisés sur la diversification et les stratégies territoriales“ avec le
concours de la Datar. Ed. Adicueer. France-Canada. Sept. 2004
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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
L 'économie de la connaissance doit s'interroger sur les modes de compétitivité des entreprises et les
modes d'attractivité des territoires qui peuvent permettre de tisser la trame locale capable de dessiner
une société d'acteurs, entreprises, réseaux et territoires, performante, équitable et responsable.
Ces divergences entre bien public et bien privé et entre monopole politique de la décision et
responsabilité du citoyen se trouvent au cœur même de la fécondation et du développement de
l'économie de la connaissance. Le débat sur le bon usage des savoirs, sur le champ d'application et la
légitimité des droits de propriété et sur le périmètre dans lequel le pouvoir décisionnel de l'élu peut
s'exercer, ne peut trouver de réponse satisfaisante en économie si ne sont pas définis l'objet et l'usage de
la connaissance.
Bien que le capital savoir a une valeur indécidable et purement conventionnelle et que le savoir est un
long processus collectif indivisible, le développement des capacités cognitives de la production peut
donner lieu à des rentes de rareté ou de position, notamment par le biais des droits de propriété
intellectuelle.
La société du savoir peut ainsi se retrouver au dedans d'une longue chaîne historique et épistémique de la
production de la connaissance dès lors rompue et, par là même, faire apparaître les limites des
connaissances que l'économie valorise.
2.5. La connaissance … un bien et une information ?
La déconnexion entre valeur et richesse, qui en découle, trouve son fondement conceptuel dans la
divisibilité opératoire de la connaissance formalisée selon des normes et des standards communs. Elle est
au centre de rationalités économiques dans lesquelles ne peuvent prendre place opérationnelle que les
savoirs réduits à la connaissance, elles-mêmes transcrites en informations codifiées.
La connaissance, considérée comme un bien, est certes un bien particulier, un bien non rival mais ,
quelque soit le qualificatif qui lui serait associable, il demeure, en économie, un bien. Et un bien, en
économie, se valorise monétairement ou/et se protège politiquement.
Une telle conception rend possible la contrôlabilité ou la marchandisation des savoirs et alimente les
doutes sur la légitimité de toute économie de la connaissance qui n'inscrirait pas son objet dans le cadre
d'un projet extérieur à elle-même qui lui permettrait de définir sa propre raison d'être. En ne donnant pas
sens à son objet, elle pourrait même mettre en cause la crédibilité de l'expertise elle-même. N' est pas
ce qui se produit avec la lancinante question des OGM sur lesquelles aucune réponse scientifique n'est
certaine ?
Dans le langage des économistes, le domaine de la connaissance comprend à la fois les activités
délibérées de production de savoirs (R&D, éducation, communication, information) et les activités de
production et
des usages des biens et des services, qui sont l'occasion d'un apprentissage et d'une production de
savoirs par la pratique et l'usage.
Kenneth Arrow en assimilant, dans ses premiers écrits, connaissance et information, a inauguré une
conception proprement économique de la connaissance et offert un fondement aux analyses
économiques en termes de croissance endogène.
Selon lui, le savoir requis sur des nouveaux produits ou procédés ne doit pas se confondre avec la
capacité de transmettre des connaissances en général. Ce qui s'appelle industrie de l'information
transmettrait une nouvelle, mais de nature répétitive ou routinière et n'aurait pas un caractère innovateur.
Certes cette observation suppose qu'un autre type d'information, la connaissance tacite, n'est pas
transmissible et serait une forme de savoir qui, pour l'essentiel, ne peut être exprimée et s' acquiert par la
pratique et l'expérience. Cependant elle suppose aussi que le développement de la connaissance tacite
pourrait être séparable et séparée de la connaissance explicite et inversement alors qu'elles se
développent mutuellement.
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
La connaissance apparaît comme un bien public indivisible, caractérisé par sa non exclusivité, sa non
rivalité et son caractère cumulatif, ses progrès reposant sur sa diffusion. Ses modalités d'appropriation
ne peuvent être aisément contrôlables, elle se diffuse et s'utilise par des tiers sans contrepartie pour ses
auteurs. Les coûts marginaux de reproduction et de diffusion sont quasiment nuls. Ses activités
produisent des externalités positives, sa productivité marginale est croissante.
Dans la mesure où elles sont formalisables, les connaissances sont indéfiniment réplicables, donc
potentiellement abondantes. La maximisation de l´intérêt collectif correspond à la limitation des
externalités négatives, à la production d´externalités positives et à la diffusion gratuite de la
connaissance, le coût marginal de l´utilisation de la connaissance étant nul quand elles sont librement
accessibles13. Cependant cette gratuité ne permet pas de produire les incitations nécessaires pour que
des investisseurs privés puissent s'intéresser à la production de connaissances tacites ou explicites. La
maximisation de la fonction de bien-être collectif correspond à un bénéfice nul pour le producteur,
celui-ci doit donc, s'il souhaite rentabiliser son investissement, restreindre les modalités d´accès, de
disponibilité ou d'usage à la connaissance, ce qui contredit la nature collective du savoir. La valeur
des connaissances sur le marché dépendra donc de la possibilité de les raréfier .
Si une entreprise privée bénéficie des externalités produites par les connaissances sociales, la résolution
économique de cet état de fait ne peut être dans l' internalisation par les prix car le progrès des
connaissances et des savoirs repose sur leurs externalités. La question de l'usage de la richesse produite par
un acteur collectif et celle des critères de la décision relative au choix de son usage social restent alors sans
réponse.
L'introduction de la connaissance comme facteur de croissance doit alors tenir compte du fait qu'un
agent économique qui détient une connaissance peut la vendre sous forme d’une information à un autre
agent, car l’information tout comme la connaissance est également considérée, en économie, comme
un bien. Cependant quoique mise sur le marché, il la possèdera toujours du fait qu'elle est un bien
non rival. Il peut la transmettre tout en la conservant intégralement et elle peut être réutilisée
indéfiniment sans s'épuiser. Pour permettre de rentabiliser les investissements conceptuels réalisés, le
producteur doit se donner les moyens de s'assurer d' une rente de monopole. Et c'est le caractère
indivisible du savoir lui-même qui, dans la logique économique, rendrait nécessaire la réduction de la
connaissance à de l'information et justifierait le droit de propriété portant sur des connaissances
codifiables.
Si l'objet de l' économie de la connaissance se réduisait à ne produire que de la connaissance
codifiable, celle-ci limiterait les modalités d´accès, d'usage et de développement du savoir et de la
chaîne qui la porte. C'est justement le cas lorsque le rapport constitutif mutuel des connaissances
tacites et explicites se brise par l' imposition d'un processus moderne d' "enclosure" sur les supports
stratégiques de la connaissance du vivant ou des segments majeurs de l' information scientifique.
Si le savoir nécessite une activité cognitive qui sélectionne et interprète faits et idées pour en produire
d'autres, si certains aspects du savoir (l'information, la connaissance) peuvent être codifiés, les
connaissances tacites et les compétences, elles, sont incorporées dans les individus et les organisations.
En ce sens, ils sont difficilement visibles et transférables. Si l'information est constituée d'un flux de
messages qui existent indépendamment des individus et si certaines connaissances peuvent être des
biens similaires à de l'information, les savoirs, qui sont aussi des savoir faire, ne peuvent s'identifier à de
l'information. La connaissance n'est pas tout le savoir et encore moins le savoir faire. L'économie de la
connaissance ne peut être l'économie d'une société du savoir. Le savoir, qui est capable de transformer la
connaissance en actes, est vivant et vécu et exprime la capacité créatrice d’une communauté ou d'un
sujet vivant. Il ne peut permettre un usage non précautionneux et exclusivement économique des
on constate pour un médicament que le coût de leur production matérielle est d’environ un centième de leur prix de
monopole.
13
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
connaissances au risque de perdre son inventivité et sa crédibilité.
3. RISQUES MAJEURS. INCERTITUDES. LIMITES
3.1. Le "knowledge ", référent unique d'une société plurielle ?
Si le "Knowledge" devait servir de référent unique à une économie ou à une société, les ambiguïtés
sur ses déclinaisons et ses interactions internes devraient être clarifiées pour caractériser les directions
que peuvent donner à la société l’expansion de la production économique de la connaissance.
En français, on utilise en effet souvent et indifféremment société ou économie du savoir, société ou
économie de la connaissance. Les distinctions établies dans la langue anglaise entre "formal
knowledge"
et "tacit " ou " informal knowledge " et dans la langue Allemande, entre "wissenschafltiches Wissen "
et "Ehrfahrungswissen " ou " lebensweltliches Wissen".
Les savoirs sont ouverts à plusieurs référents, ils sont tout autant savoirs que savoir faire et ils
s'inscrivent dans un double décentrement, des hommes vers le monde et du présent vers le passé et vers
le futur. Un savoir est plus exercé à l'humilité méthodique du doute, plus attentif au risque de la
décision, plus porté à la mise en commun et au partage et somme toute plus inventif et plus proche
des processus discontinus de constitution des connaissances dans l'interaction entre présent, passé,
futur et entre recherche, technique, terrain.
3.2. La connaissance relativisée et repolitisée ? …
Une société sans pilote visible et connu et une société irresponsable ?
Les progrès de la connaissance ne peuvent être indépendants du développement de l'espace public de la
connaissance et de l'information ni se satisfaire d'une richesse rapportée à sa seule valeur d'échange et
appropriée sans règles claires, cohérentes, affichées et faisant l'objet d'un débat public.
Certes le développement des réseaux cognitifs, physiques et virtuels, élargissent les espaces libres de
concertation et de l´efficacité sociale. Mais, si les modalités d´appropriation de l´information et de
diffusion de la connaissance entrent dans un pur projet de marché, dans lequel l'investissement doit
être rentabilisé, la connaissance ne peut plus apparaître comme un patrimoine commun et public et le
savoir, ne pouvant plus apparaître comme un bien gratuit contribuant à l´élargissement du débat public,
se relativiserait de fait et se repolitiserait.
Une émulation scientifique transformée en une course aux brevets, en une appropriation de rentes
élevées et en une prise de contrôle de lignes entières de développement technique laisse craindre
l'introduction précipitée de nouvelles technologies.
Le processus d' "enclosure" qui s'en prendrait à la fois à la connaissance scientifique, au vivant et
aux éléments naturels les plus communs que les hommes ont hérités ensemble, suscite des risques
considérables de mise en place de pouvoirs plus terrifiants, plus performants et plus profitables que
jamais. L'économie de la connaissance combinerait alors une nouvelle figure de la production de
marchandises et une autre figure d'un monolithisme social se projetant dans des chaînes expertes plus
longues, plus diffuses, certes plus instables mais, somme toute, plus anonyme que la société d'Etat et
plus impersonnelle que la société de marché et déboucherait sur une société irresponsable et sans
pilotes visibles et connus.
3.3. Un objet non qualifié et une connaissance sans usage ?
… Inéquités géographiques, culturelles et sociales et contreparties écologiques
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
Le processus de validation des savoirs, qui ne saurait dissocier sciences – techniques - terrains, donne
à voir les contreparties, prisonnières dans leur expression, des mouvements spontanément traités, avec
un a priori de valorisation strictement positive : "croissance économique", "progrès technique",
"modernisation", "développement".
La connaissance mise sur un marché néglige les risques et les incertitudes suscités par certaines
trajectoires technologiques et sociales sur les équilibres des écosystèmes, sur le devenir des inégalités
sociales et géographiques et sur le respect des variétés culturelles du mondes.
Mais nonobstant que manquent l' objet et l'usage de la connaissance et que l'économie de la
connaissance ne cherche pas encore à prendre connaissance, tacite ou explicite, de ce dit objet et de ce
dit usage, si tenté que sous l'effet des connexions informationnelles et des flux commerciaux, la
société mondiale pourrait affirmer, avec pertinence, qu'elle serait en passe de devenir une société de
la connaissance, et si on admettait que la structure qui la porte, le réseau, pouvait se représenter
comme le référent organisationnel unique d'une société plurielle, la place productive croissante du
capital et des ressources immatériels reste néanmoins encore géographiquement, culturellement et
socialement différenciée par
un inégal accès, par un pouvoir limité d'usage ou par une inéquitable réceptivité, en dépit de la nature
intrinsèque de bien collectif, du caractère universable et de la disponibilité de l' information
scientifique.
Des communautés et des sociétés se montrent sectoriellement et partiellement rétives à des formes sans
transparence ou désencadrées d'organisation, à des vitesses de transmission trop perturbatrices de leurs
équilibres internes, à des supports impersonnels d'échange ou à des codifications sémantiques et
épistémiques
trop étroites et sans intermédiations avec les langues vernaculaires.
La diffusion généralisée de l' économie de la connaissance rencontre des obstacles lorsque les sociétés
versent dans des modes de développement soumises à des structures concentrées de pouvoir
économique, dépendantes des stratégies d'Etat, oeuvrant dans des périmètres dépourvues de citoyenneté
locale ou, et qui plus, lorsque ces sociétés font face à des régimes prohibitifs de coûts d'entrée,
d'acquisition, d'usage, d'apprentissage ou de mise à disponibilité, par le biais des droits de propriétés
instaurés sur des segments stratégiques du processus d'accumulation et de transmission des
connaissances, par celui de la prescription morale ou par encore par celui de l'interdit politique.
Cette économie de la connaissance donne donc lieu, au transfert des activités de fabrication des produits
matériels à moindre valeur ajoutée sur les économies de main d'œuvre, et notamment celles du Sud
3.4. Une société sans limites … et sans éthique…. ?
Le développement technologique de la société de connaissance au Nord, grâce, en partie, à des
composants, à des ressources, au salariat et aux cultures des Sud, accroît la vitesse et les flux
d’information. Mais, au lieu de servir à la dématérialisation des activités et permettre le dialogue entre
les cultures, ce développement accentue les ruptures des boucles écosystémiques de matière et accélère
les prélèvements sur la nature et l' empoisonnement des écosystèmes et des hommes mais sans pour autant
réduire les fractures sociales, la croissance de la pauvreté, les dévalorisations culturelles et les distances
politiques entre et au sein même des sociétés, au contraire qu’il aggrave.
Le circuit concurrentiel de la connaissance et de l'innovation technologique privilégie la productivité
du travail plutôt que celle des ressources naturelles et le produit nouveau plutôt que la longévité du
produit. Un tel circuit accroît les flux financiers non pas par la gestion économe des ressources mais
par la croissance de la vitesse et du volume des matières, de l'énergie et des déchets.
La société de la connaissance peut être affectée par des technologies porteuses de risques sur l' équité, les
cultures, les écosystèmes et la santé. Des connaissances peuvent être mises sur le marché sans précaution,
sans cadre, sans transparence, sans débat public, sans éthique et contre lesquelles les législations sont
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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
impuissantes, elles mêmes neutralisées par les propres limites des connaissances acquises et par la
complexité du réel.
L' économie de la connaissance ne peut être un principe organisateur que dans le cadre d'une
orientation normative et concrète à caractère éthique qu'elle pourrait invoquer pour qualifier sa
finalité.
Ce n´est qu´en fonction de certaines conventions14, de certaines articulations entre l´économique et le
hors économique, ce n'est que dans le projet commun que l'équilibre est possible entre marché
homogénéisé par les prix et réseaux hétérogènes de connaissances, entre monopole et concurrence,
entre intérêt privé et intérêt public, entre internalités et externalités entre valeur et richesse. La
contradiction en travail dans l'économie globale n´est pas purement technologique ou économique,
mais essentiellement éthique ou d'un type politique nouveau.
Si le développement technologique peut apparaître comme mal maîtrisé, ce n'est pas seulement par la
part prépondérante prise par le financement privé dans certains domaines clés mais aussi pour les
effets de certaines technologies et pour le rythme d'ensemble d'émergence et de diffusion de techniques
nouvelles. Ces aspects négligés devraient être aussi essentiels dans l'économie de la connaissance que
le calcul d'un coût de production et de diffusion de l'innovation. La prospective alimentaire, par
exemple n'intègre pas certains facteurs comme les changements de la pluviométrie résultant du
changement climatique, alors qu'ils détermineront les types possibles de culture et les rendements par
hectare.
La prospective publique n'intègre pas les impacts du risque souterrain lié aux changements des
régimes climatiques sur la vulnérabilité des infrastructures 15
Se soucier des capacités de la nature et intégrer le différent, c'est pouvoir maîtriser le processus de
destruction créatrice évoqué par Schumpeter pour qualifier le progrès technique.
3.5. Un processus de destruction créatrice sans civilité ?
Les mutations en cours sont suffisamment multiples pour que l'identité de ces sociétés ne soit pas
aisément qualifiée et encore moins réductible à un principe unique. Cette situation fait de la question de
l'unité et de l'intégration de la société sur son territoire une question centrale. Quelles sont les
articulations fortes entre les parts de pertinence désignées par : connaissance, réseaux, marché, risques
? Est-on assuré que le développement de la société de la connaissance soit porteuse d'un
développement durable ?
L'économie de la connaissance et les réseaux cognitifs doivent penser à l'horizontalité et à la
transversalité mais aussi à l'intégration de la différence, de l'unité et de l'équité. Réfléchir en termes de
limites n'exclut pas la part de séduction que l'économie de la connaissance affiche, c'est lui donner sens et
une éthique.
Cependant, un tel recentrement ne s'impose pas mais requiert choix et engagement. Tout référent peut
être réfutable. Il est une possibilité éthique. En conséquence, les sociétés ont à apprécier les limites
qu'elles se donneront, au regard des limites possibles mais incertaines, aux risques certains mais
imprévisibles attribuées à la nature, à la technologie, à la culture et au social. Et pour en décider, ils
doivent en débattre, puisque le problème engage le sort commun, à l'échelle locale et mondiale
14
L´économie des conventions ne déclare pas autre chose . En étudiant les problèmes liés à l´hétérogénéité des acteurs et aux
modalités de coordination non mercantile qui apparaissent sur les marchés concrets, elle aboutit à définir La convention
comme une forme qui permet de coordonner des intérêts contradictoires qui résultent de logiques antagoniques, mais qui
doivent coexister pour pouvoir être satisfaite.
15 Léo Dayan, La gestion du risque souterrain, Underground n°2, 2000.
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
II. L' ECONOMIE DE LA DURABILITE
Une économie éthique, coopérative et interactive du lien
Quel mode de compétitivité des entreprises, quel mode d'attractivité des territoires, quelle économie,
peut permettre de tisser la trame d'un local dessinant un autre mondial d'acteurs, entreprises, réseaux
et territoires économiquement performants, écologiquement responsables, culturellement ouverts,
politiquement viables et socialement équitables ?
1. Ce qui compte socialement et non seulement sur ce qui se compte.
Comment donc rendre compatible le système industriel avec la biosphère et avec la protection de la santé
humaine, tout en répondant aux besoins économiques croissants d’une population humaine en
augmentation, satisfaite inégalement mais riche de sa culturelle diversité et de ses énergies et des
connaissances locales ?
Quelle stratégie pratique de développement permettrait de répondre à une population humaine exigeant
localement une plus grande équité dans la distribution mondiale des fruits et des charges de la croissance et
désireuse localement d’une plus grande responsabilité et d'une plus grande participation dans la définition
des valeurs, des modes de développement possibles et des critères du bien être et de la vie en commun ?
La réponse n'est pas acquise spontanément et sans détours dans l'économie de la connaissance, car celle-ci
engendre de nouvelles inégalités et exclusions et elle requiert, pour être compatible avec le projet de
durabilité, de nouvelles régulations de l'interface entre sciences, techniques, nature, culture et société.
Le concept de développement durable soulève, en pratique, la question de la réduction quantitative et
de la maîtrise qualitative des flux et des stocks de matière et d’énergie prélevés ou dissipés et
l'accompagne d’une double solidarité éthique16, horizontale avec les plus démunis, et verticale entre
générations, condition même de sa pertinence scientifique et de sa réalisation pratique, condition
même de toute théorie du développement comme de l'intelligibilité et de l’efficience des modes
d’organisation, d'harmonie et de gouvernance des sociétés humaines.
La structure holistique de la durabilité croise et reconfigure qualitativement, sur le mode de la conciliation
systémique, les savoirs scientifiques sans séparer, dans leur recomposition, le scientifique, l’éthique et le
projet normatif. Elle distinguerait l’organisation humaine capable de se doter d’un projet collectif désiré et
conscient. L’intégration clairement affirmée de l’éthique et de la norme distingue ainsi cette tentative des
prétentions à la "pure" scientificité des énoncés dans les disciplines qui pensent pouvoir en échapper.
Parmi ces dernières, les rationalités économiques, les " robinsonnades" , celles du marché comme celle du
plan.
Le concept de durabilité raisonne sur ce qui compte socialement et non seulement sur ce qui se
compte.
Il ouvre un nouveau champ, global, intégré et transversal, de savoirs et de savoir-faire qui requiert la
reconceptualisation du système industriel en termes d'écosystèmes, commande une réorganisation de
l'économie mondiale en une économie régionalisée de services et donne lieu à la formation d'éco
réseaux de territoires et d' éco territoires de réseaux, virtuels ou physiques.
Ces nouvelles configurations font de l' économie, une économie de l’intelligence humaine et de la
richesse d'utilisation ("functional économy"). Elles impliquent la décentralisation des opérations
d’information, de veille, de suivi et leurs retours d'expérience et conduisent au glissement du centre
de gravité de la production vers la gestion locale des connaissances, de l'information et des services et
16
La morale commande et prescrit, l'éthique, elle, interroge et recommande
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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
au basculement de celui du producteur vers l'utilisateur de services, consommateur et producteur
d'informations, de connaissances et de ressources immatérielles, à la fois localisées et mondialisées
mais aussi producteur de déchets et donc de nouvelles ressources matérielles…. dès lors que
l'utilisateur de services pourra se montrer averti, impliqué, responsable et exigeant.
2. le lien le lié le liant
Si la durabilité s'intéresse à la question des impacts des activités humaines sur les écosystèmes, elle ne
sépare pas le système industriel de la biosphère, ni ne sépare l'économique du culturel et du social Elle ne
considère donc pas le fonctionnement du système industriel 17 en tant que tel extérieur à l'objet de sa
réflexion.
La mise en œuvre de la durabilité invite donc à décloisonner les hommes, les temps, les énergies, les
dynamiques et les espaces et s’intéresse aux interrelations, aux interdépendances et aux interactions
entre tous les domaines et activités que certains partages disciplinaires, organisationnels, culturels ou
institutionnels séparent. Elle concerne donc un champ global, intégré et transversal, d'interrogations
éthiques et d’études scientifiques, techniques et pratiques : le lien le lié le liant.
Elle induit l’idée de limites au développement (sustainability = soutenabilité) - celles que le maintien
du lien organise et requiert - et invite à remettre en question les partages disciplinaires, la
spécialisation du travail, les cloisonnements des organisations et la prévalence des verticalités
décisionnelles. Il commande de s’écarter de l’individualisme méthodologique, des insularismes
économiques et des sommations disciplinaires pour reconstruire, dans le transdisciplinaire, le concept
de développement, pour pouvoir relier l’éthique, le politique et la science et offrir un projet
permettant aux hommes de vivre ensemble , dans leurs interactions avec eux-mêmes, avec les
techniques, la nature et leurs cultures.
Le développement durable tente d’être une réponse en construction à un faisceau de questions pratiques,
méthodologiques et théoriques relatives aux articulations entre et au sein des termes qui lient intimement
l’intelligibilité du monde, les solidarités humaines, l’efficience des activités sociales et l’unité de la
biosphère et qui jalonnent les débats pratiques et scientifiques depuis les grands partages de la
philosophie occidentale des lumières .
La réponse n’est pas une addition de composantes, économique, sociale, écologique, territoriale et
culturelle. Elle est l’organisation des éléments qui, de manière transversale, apportent, en ces
domaines, des réponses qui se complètent les unes les autres sur chacun de ces champs et s’avèrent, en
dernière instance, respectueuses des cultures, équitables socialement et compatibles avec la valorisation
locale de « l’environnement » et la préservation planétaire de la biosphère.
La durabilité intègre, dans la construction de son objet et dans sa progression, l’interdépendance étroite
entre terrains, techniques et théories, les liaisons, en genre et en nombre, interdisciplinaires,
interenvironnementales, interculturelles, intersectorielles et intergénérationnelles mais aussi une
hiérarchie des valeurs, des normes et une éthique devant lesquelles l'économique, celle du marché
comme celle de l'Etat, est invitée à mettre en débat public ses propres certitudes et rationalités.
17
Ici, comme dans l'ensemble du texte, comprendre ce terme au sens anglo saxon : il s'agit de la société industrielle dans son
ensemble
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3. Le local
Le concept de durabilité invite à s’intéresser aux interrelations systémiques et à les inscrire dans le cadre
d’une structure méthodologique holistique dans laquelle l’affirmation de l’unité du monde contraint sa
diversité mais requiert aussi, s’agissant de la société humaine, de reconnaître la spécificité et les degrés de
liberté de cette diversité et à en développer les solidarités, condition de sa propre reproduction et de futurs
viables.
Partant de l’observation que pour parvenir à un but donné, un système peut utiliser, selon les situations
données, plusieurs chemins différents, capacité dite d’équifinalité, un système n’est durable que s’il
assure un rôle déterminant au local. Et l’autonomie du local serait d’autant plus grande que celui-ci se
rendrait capable, dans le cadre d’une norme et d’une éthique partagées, d’élasticité, de résilience et de
dynamisme face aux contraintes globales et externes.
Mais si le concept, qui induit un nouveau champ d’étude scientifiques, le lien le lié le liant, s’inspire
de la théorie des systèmes qu’il renouvelle en la sortant de son «naturalisme» originel, doit faire appel
au holisme méthodologique et conduit à un nouvel universalisme, il ne verse nullement dans
l’élaboration de politiques liberticides ni ne remet la planification centralisée à l’ordre du jour. Il dirige
vers des modes de coopération déconcentrée et décentralisée.
Son nouvel universalisme se distingue clairement des universalismes individualistes ou totalitaires hérités
de l’ère des lumières. Il ne dissocie pas science, politique, art, technique et pratique. Il interpelle tout
autant l’homme commun que le penseur et le décideur, le technicien que le désigner, les générations
présentes que les générations futures, les mondes d’ici et d'ailleurs et les relient dans une même nécessité,
dans un même challenge et un même projet : explorer collectivement, en s'appuyant sur les différences, de
nouveaux modes équitables de développement; libérer les énergies civiles et les entreprenants du local;
initier de nouvelles trajectoires technologiques plus économes en ressources et plus riches en valeur
d’utilisation.
4. Des enseignements pour l'économie de la connaissance
4.1. Un projet à partager
Les organisations économiques cognitives, les technologies et les services, que l'économie de la
connaissance alimentent, peuvent-ils répondre, à eux seuls et entre eux, aux doutes, quand ils sont
pertinents, portant sur la durabilité d'un mode de développement ?
Hier, décidé par "le haut", les directives politiques nationales et centrales, mais dorénavant défait sinon
limité, le mode de développement est-il cependant, aujourd'hui plus qu'hier, un "penser et un agir
ensemble" avec les énergies civiles locales et les entreprenants du local ?
Quant à cette figure nouvelle, le réseau peut-il être le dépassement de la firme ? L'organisation du
pouvoir sur la production reste encore, quoique sous des modalités nouvelles, entre les mains des firmes.
Le réseau sert aussi à l' extension de la firme et aux jeux des rivalités stratégiques des opérateurs
marchands.
L' économie de la connaissance peut-elle s'éloigner d' une culture du développement dont le projet
n'aurait aucune autre finalité que lui-même et à s'intéresser à l'homme dans ses interactions avec luimême et à ses interdépendances avec la nature, la technique, la société et la culture ?
Pourrait-elle modifier les cultures des organisations dont la seule raison d'être serait leur propre et
unique reproduction ? Pourrait-elle introduire dans la culture d'entreprise une logique qui permettrait
le développement des flux financiers et des parts de marché non par l'accélération du déploiement de
produits nouveaux et par la course aux rentes d'innovation ou de raretés mais par le moyen de la
production d'un service éthique et total ? Saurait elle enfin convaincre une culture financière, portée
par la croissance à court terme du dividende individuel ou d'un taux de rendement, à intégrer le critère,
socialement plus responsable, de la qualité économique et éthique du projet ?
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LE LIEN LE LIE LE LIANT
Aux liens cognitifs de la production et de la validation des connaissances en travail dans l'économie de la
connaissance, il manque un cadre pertinent et un projet partagé entre tous leurs acteurs : un projet commun
global, un projet plus précautionneux face aux doutes, aux incertitudes et aux risques majeurs, un projet
plus séduisant que le "more " de l'économie économique et le "must" de la technologie en soi.
La durabilité, peut être ce cadre et ce projet. Il offre un nouvel objet scientifique et éthique qui permettrait
d'identifier les risques communs à conjurer, de concilier positivement les antinomies relationnelles
(industrie-nature; local-global; marché-plan , ) d' ouvrir le monde sur la différence en pensant à l'équité et
à son unité. Le champ d'application de la durabilité, sans récuser les sciences et les techniques, peut
permettre à l'économie de la connaissance de porter un nouveau regard sur l'interface entre sciences,
techniques et société et de ne pas se satisfaire d'un mode de croissance dirigé par la rivalité .
L'histoire humaine est inséparable de l'histoire du développement technique et le développement durable
est infaisable sans mobiliser les ressources des savoirs pour surmonter les divergences du monde et le
problème inéluctable posé par la tendance à l'accroissement des rejets dans la nature. Si la durabilité est
le projet commun à tous, la société de la connaissance, de l'information et de la communication doit
permettre une évaluation qualitative des matérialisations productives des savoirs et savoir-faire
scientifiques et de tracer les limites scientifiques de l'usage de la connaissance dans le cadre d' une
démarche éthique et d'une approche méthodologique holistique .
4.2. Intégrer la limite, l'équité et la différence
Le projet de développement durable n'est pas concevable sans un essor des connaissances scientifiques
et des innovations techniques, sans entreprises performantes et sans territoires attractifs. Mais pour
pouvoir organiser une société éco-efficiente et équitable autour des savoirs et des compétences
scientifiques et techniques, l'économie de la connaissance doit d'abord consentir à son recentrement
sur les enjeux et les modalités de l'intégration dans son propre champ des limites et des risques et
porter attention aux liens qui sont au coeur du projet de durabilité. Ces liens imposent la préservation
de biens collectifs, la nature, le savoir et les variétés culturelles, le développement de la citoyenneté
locale et la satisfaction des besoins essentiels de tous, pour aujourd'hui comme pour demain
La société de la connaissance pourrait alors servir une société du savoir pour intégrer dans l'économie de la
connaissance, une économie du risque et une économie de l'éthique, l'économie interactive des liens d'une
société mondiale durable, d'un système industriel durable, des entreprises durables et des territoires
durables.
Les procédures, les règles, les calculs , les technologies, les organisations et les produits de l'
économie de la connaissance pourraient donner sens à l'usage de la valeur créée et servir une société,
capable, en tous ses étages, en tous ses espaces, en toutes ses activités, de faire face éthiquement mais
efficacement aux risques majeurs qu'une société mondialisée et hyper industrialisé, mais sans
pilotage visible et connu, entretient et aggrave.
4.3. Laisser des espaces d’autonomie et de créativité aux intérêts à concilier
Quel mode de compétitivité des entreprises, quel mode d'attractivité des territoires, quelle économie,
peut permettre de tisser la trame d'un local dessinant un autre mondial d'acteurs, entreprises, réseaux
et territoires, économiquement performants, écologiquement responsables, culturellement ouverts,
politiquement viables et socialement équitables ? Quelles conditions l'économie de la connaissance
devrait remplir pour se faire le véhicule de la performance économique, de l'écoefficience et de
l'équité?
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La réponse devrait et pourrait s'appuyer sur des coopérations ouvertes aux énergies civiles et aux
entreprenant du local, et sans les restreindre aux professionnels de l'économie ou du politique, ni les
rendre dépendantes du marché, des réseaux épistémiques ou de l'Etat et ni les évaluer à leurs
seuls poids politique, monétaire ou marchand… La réponse ne peut se contenter d' un accord sur des
principes généraux mais doit substituer à la logique du contrôle les espaces d’autonomie et de
créativité aux intérêts à concilier et doit identifier les dispositifs concrets d'action, là où peut se situer
la coopération entre des parties dont les intérêts divergent mais seraient prêtes à trouver des compromis
sur l'action à entreprendre.
4.4. Lier l’intelligibilité du monde, les solidarités humaines, l’efficience des activités
sociales et l’unité de la biosphère
Si la durabilité tente d’être une réponse en construction à un faisceau de questions pratiques,
méthodologiques et théoriques relatives aux articulations entre et au sein des termes de la série de
couples qui lient intimement l’intelligibilité du monde, les solidarités humaines, l’efficience des activités
sociales et l’unité de la biosphère, la question serait alors de savoir quels sont le contenu et les modalités
de création de richesse qu'une économie de la connaissance peut construire pour permettre de conduire
à la durabilité
Aujourd'hui et plus que jamais, le plus économique ne va pas mécaniquement dans la direction du bien
ni ne se confond avec lui. Globalement et à l’échelle mondiale, les temps ne sont plus aujourd'hui à la
pénurie mais à la surabondance 18 et sont moins à l'accroissement de la satisfaction quantitative des
besoins qu'à ceux de la survie de la planète, de la réduction de la pauvreté, de la diffusion de
l'information et des connaissances et de l'élargissement des périmètres de la citoyenneté.
Si l'économie sait définir un optimum de production 19 pour un état donné des besoins et de la
répartition, elle ignore ce que peut être un optimum économique de la répartition.
L'économie de la connaissance économique pourrait et devrait donc se déplacer de la production au
partage 20, de la redistribution à la distribution, de la compétition à la coopération, de l'individualisme
à la solidarité et de la prescription réglementaire à la responsabilité individuelle sociale.
La question économique se voit ainsi contrainte de compléter ses propres instruments d'évaluation et
de revoir ses propres critères de décision dans le cadre d'une perspective cohérente, globale et
intégrée, et dans le cadre d'une éthique clairement exprimée, condition de la conciliation entre
l'économie, l'écologie, le social et la culture
III. LES LIAISONS ECO INDUSTRIELLES
les trajectoires technologiques de la durabilité locale et globale.
La préservation de la biosphère passe par une utilisation optimale des ressources prélevées et doit
conduire à mettre fin à l’antienne économique qui règle la croissance sur le travail et le travail sur la
mesure de sa contribution directe ou indirecte à l’accroissement (monétaire ou non, marchand ou non)
des flux matériels et qui fait dépendre l'accroissement des flux financiers de l'entreprise de la
croissance des flux de matière, d'énergie et de déchets.
De nombreux secteurs d’activité ( automobile, agro-industriel , ) produisent à coûts unitaires décroissants . Toute baisse des
prix liée à la surabondance de l’offre impose donc une réduction des coûts …qui ne peut être atteinte que par l’accroissement
d’une production déjà excédentaire.
19 optimum de Pareto
20 partage de la capacité à accéder aux moyens de production, à produire et à bénéficier des conditions élémentaires de
survie .
18
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La durabilité impose de se débarrasser de la vision selon laquelle le souci écologique reviendrait à
créer une économie destinée à atténuer ou à réparer les dommages à l'environnement que sa propre
rationalité suscite en pratique. Il s'agit bien au contraire de renverser la perspective habituelle, de
partir de l'idée selon laquelle les activités liées à la durabilité sont un produit et un moyen de mettre en
œuvre de nouvelles trajectoires technologiques, économiques et sociales. L'écologie industrielle 21
pense ce renouvellement.
L'écologie industrielle - les liaisons éco-industrielles physiques et virtuelles oriente les trajectoires
technologiques vers la dématérialisation des procédés de fabrication, des produits et des organisations,
la valorisation des déchets comme des ressources, la mise en boucler des cycles de matière, la
minimisation des émissions dissipatives et la décarbonisation de l’énergie.
La mise en pratique de la durabilité trouve dans la connaissance des métabolismes du système
industriel et par la construction locale de liaisons éco-industrielles, un outil essentiel à sa désirabilité
et à sa rigueur: sa cohérence scientifique, une assise fonctionnelle à sa composante industrielle, une
stratégie de l'optimisation à l'échelle territoriale, un instrument opérationnel pour le management des
entreprises et des supports organisationnels locaux de l'équité sociale.
1. Le coût des trajectoires technologiques et économiques "end of pipe"
L'activité économique est fortement dépendante, en son origine et en son aboutissement, du milieu
naturel dans lequel l'activité de production peut se dérouler. Du fait de sa faible résilience, la
valorisation de "l’actif" naturel, dont toutes les fonctions ne sont pas substituables, suscite des activités
réparatrices, curatives, préventives, d’entretien, de maintenance ou de veille mais impose aussi des
seuils limites à son employabilité, à sa reproductibilité, à ses capacités d'absorption et à sa “plasticité”.
Il s’ensuit que la conciliation entre l’économie et l’écologique n’est possible que par la remise en cause
de la prévalence accordée dans la décision économique aux critères prisonniers du court terme et du seul
calcul micro : coût individuel, prix de marché, productivité du travail, coût monétaire, salaire marchand,
etc…
La réglementation n'est pas une solution, lorsqu’elle se fait compensatrice des dérives du marché,
privilégie le contrôle et se substitue au projet.
Le marché des droits à polluer ou encore plus généralement l’internalisation des coûts sociaux de la
pollution, à travers notamment le principe "pollueur payeur", ou l'amélioration des performances
environnementales des technologies et des produits, peuvent certes être d’un certain effet mais
cependant sont globalement des leurres. Ils cultivent une approche "end of pipe" de la durabilité, cette
approche qu'une rationalité économique duale, additive ou soustractive, la réglementation ou le
marché, suscite, par les cloisonnements hérités de la philosophie des lumières occidentales et dans
laquelle le système industriel pourrait être séparé de la biosphère.
Le principe pollueur – payeur, censé financer les activités de dépollution et internaliser les coûts au
moyen de la sanction monétaire conduit non seulement à l’inéquité : plus on peut payer, plus on peut
polluer, mais insinue aussi une trajectoire à la croissance qui permettrait localement la pollution : plus
on a les moyens de dépolluer, plus on peut polluer et plus le marché offre de nouvelles perspectives
de gain. Cette approche «end of pipe» de la durabilité est paresseuse, coûteuse, pernicieuse et
inéquitable. Ponctuellement efficiente mais sectorielle et cloisonnée, sans vision globale, elle déplace
localement l’effet d’une nuisance et en reporte l’échéance.
21
mais aussi l'économie solidaire , "sa compagne" sociale
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2.
Privilégier la productivité des ressources naturelles et la qualité de l'information à la
productivité du travail
2.1 La connaissance des métabolismes du système industriel
L’écologie industrielle, qui ne doit pas se confondre avec les industries environnementales ni même
avec les technologies vertes ou propres, décrit le système industriel comme une certaine configuration
dynamique de flux et de stocks de matière, d’énergie et d’informations. Elle s'intéresse à l'évolution
globale et à long terme du système industriel et fait sortir du débat stérile : écologie contre économie;
industrie contre nature; marché ou réglementation ; global sans local et local sans global
Elle entend la sphère économique comme un cas particulier d’écosystème, porte attention à l’évolution
de la société humaine dans ses interrelations avec la biosphère et pas seulement à l’environnement qui
ne constitue qu’un aspect de son objet. La question des impacts des activités humaines ne se réduit
donc pas, “end of pipe”, à des problèmes de pollution et de déchets.
La connaissance des métabolismes des composants biophysiques du système industriel, from "cradle to
cradle" qui est son outil essentiel, remet en cause la prévalence accordée aux instruments et aux
rationalisations économiques : que les matières transformées perdent leur prix après avoir quitté le
marché ou qu'elles n'en ont jamais eu, elles ne disparaissent pas, elles possèdent un état et une
dynamique physiques et chimiques, elles continuent à exister et ont une valeur. Que leurs impacts
puissent être internalisés ou non par les prix, le comportement de leurs composants peut varier, l'
innocuité diffuse de leurs substances reste globalement indéterminée et incertaine et leur mise au rebut
est un gaspillage et peut s'avérer des bombes chimiques à retardement 22.
2.2 "From cradle to cradle", les déchets des uns sont les matières premières des autres.
Les dangers environnementaux essentiels sont d’abord l’effet de la société industrielle sur la perturbation
des cycles de la biosphère et moins le gaspillage des ressources.
L'écologie industrielle peut décrire les caractéristiques qualitatives et quantitatives des flux et des stocks de
matière et d'énergie "from cradle to cradle " en y intégrant les synergies, les translocations et la non
substituabilité de certains "services environnementaux ".
Elle peut identifier les états critiques et définir les trajectoires technologiques prioritaires. Elle permet
d’évaluer les risques potentiels et les stratégies de contrôle technique et social appropriées et limiter à la
source les émissions dissipatives et les pollutions diffuses.
Elle met en évidence les liaisons susceptibles, le plus et le mieux possible, de traiter dès leur
conception, les produits, les rejets et les déchets des uns comme les matières premières des autres.
Elle permet d' organiser l' économie selon des boucles de réutilisation des ressources. La croissance
des flux de richesse n'implique plus ipso facto la croissance des flux de matière (et d’énergie).
22
Notamment par les effets d'association et les effets de synergie . Tel peut être, sous certaines conditions , la situation du
cadmium , qui est un sous produit du zinc
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POUR MEMOIRE : L' EXEMPLE PIONNIER DE PARC ECO-INDUSTRIEL 23
la symbiose industrielle de Kalundborg
Un parc éco-industriel pourrait, techniquement, se décrire comme une communauté d'entreprises de
production centrée localement autour de la gestion mutuelle des flux locaux de matière, de déchets et
d'informations en vue d'accroître simultanément la performance environnementale et économique,
individuelle et collective, locale et globale. Forme épurée d'un parc éco-industriel, dont l'origine est
inintentionnelle, la symbiose de Kalundborg s’est élaborée, entre connaissances amies, autour de l’usage
d’un flux d’énergie commun et de ses sous produits. La gestion de tous les transits de matières fait l'objet
d'une négociation bilatérale et privée, respecte les lois du marché et intègre la réglementation
environnementale. Il est un exemple épurée de collaborations éco-industrielles locales à des fins
commerciales et financières mais à effet pro-environnemental et pro-territorial.
PERFORMANCES
(tonnes/an, estimations obtenues par croisement de plusieurs sources.
2000)
Réduction de la consommation de ressources
Pétrole :
19 000 à 45 000
Charbon
30 000 Eau : 1 200 000
: 15 000 à
Réduction des émissions de polluants
CO2 : de 175 000 à 200 000
SO2 : 10
200
Recyclage des déchets
Cendres volantes: 130 000 à 135 000 Soufre: 25 000 (dont 3500 t. de
soufre pur)
Gypse : 80 000 à 90 00
Azote : 1440
Nitrogène (sous forme de boues) : 800 000
Phosphore : 600
Economie annuelle : environ 15 millions de dollars.
Retour estimé sur investissements ( " pay back" ) < à 5 ans
23
Léo Dayan,. Marchés locaux de l’emploi, contenu qualitatif du travail et modélisation du développement durable,
Sept étude de cas . MATE n° 99118 (Ministère de l'Ecologie et du développement durable) & CEE n° 21, 2002
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2.3. La richesse
comme la compétitivité se découplent des flux de matières.
En invitant à élargir les références et à en recomposer leurs emboîtements, à décloisonner les temps,
les fonctions, les organisations et les espaces et en s’intéressant aux interrelations, aux
interdépendances et aux interactions entre tous les niveaux, les domaines et les activités, elle induit de
nouvelles trajectoires technologiques, sociales et organisationnelles qui privilégient la productivité des
ressources naturelles (plus de valeur d’utilisation des biens avec la même quantité de ressources) et la
qualité de l'information à la productivité du travail.
La liaison éco-industrielle modifie le contenu, la place et le rôle du travail humain dans la production
de la valeur, une richesse d’utilisation, qu’elle découple des flux de matières.
Le développement local des échanges symbiotiques entre les entreprises, la maîtrise du métabolisme
des composants et l’utilisation intensive des ressources locales sont la source d’une réduction
exceptionnelle des coûts globaux et d’une gestion optimale des ressources locales.
Cette source remet en cause une conception de l’efficience individuelle et de la compétitivité qui se
traduirait par l'augmentation croissante de la productivité du travail, mesurée par l'accroissement des
prélèvements des ressources naturelles et des déchets, et par l’allongement des boucles de cycle de
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matière, qui a pour effet l’accroissement des dissipations, des disséminations nocives et la
vulnérabilité des hommes et des sociétés .
2.4. Une économie de l'intelligence humaine
Dans une économie organisée selon des boucles de réutilisation des ressources et de la qualité de
l'information, le développement et l’efficience ne dépendent plus des coûts salariaux et des grandes échelles
de production. Elle dessine une autre efficience, celle dans laquelle la ressource critique devient la qualité
pratique de la connaissance, la confiance, les énergies entreprenantes du local, la coopération "over the
fence" entre les organisations, le décloisonnement des fonctions, l’intelligence humaine et le savoir faire.
Elle débouche sur une économie de l’intelligence humaine et de la richesse d'utilisation ("functional
économy").
Dans une économie mondialisée, une entreprise mettant en place des boucles de réutilisation de biens,
de composants et de matériaux et concevant ou s’approvisionnant en produits modularisés bénéficie de
la baisse des coûts de production ou d’achats, de contrôle, de réglementation, de gestion des stocks
(standardisation modulaire) et de traitement des déchets.
La compétitivité de l’entreprise repose alors sur la qualification et la polyvalence de son personnel,
l’étendue de son réseau territorial d’échanges, la qualité de ses coopérations scientifiques industrielles
et commerciales stratégiques, ses déclinaisons relationnelles et informationnelles locales, la flexibilité
de son organisation, les compétences du management et la motivation de son personnel. En termes
d'avantage - coût, le savoir faire relationnel et l’intelligence de l’information deviennent décisifs dans
les stratégies de développement de l'entreprise qui tirerait l'accroissement de ses flux financiers des
services d’usage et de maintenance et non de la réduction de ses coût salariaux.
La compréhension globale du fonctionnement du système industriel que l'écologie industrielle fournit à
l'entreprise, associée à la recherche de l'éco efficience, rend possible, en développant les coopérations
" over the fence", une gestion optimale des ressources et l'émergence de territoires de projet, des éco
territoires de réseaux et des ecoréseaux de territoires.
La viabilité économique de ces territoires et réseaux reposerait sur la qualité de l'information, la
connaissance libre, à la fois contextualisée et nomade, localisée et globalisée, les énergies civiles, écoentreprenants et savoir faire du local, sur la valorisation durable des ressources locales et sur
l'intensification de la productivité des ressources naturelles.
La reconceptualisation de l'économie en termes d'écosystèmes, essentielle à la mise en pratique de la
durabilité, pourrait alors servir à l'élaboration de stratégies intégrées de développement local
durable.
Permettant le développement de biocénoses industrielles dans les espaces où se concentre la
civilisation urbaine,
dont elle rapproche les zones d’approvisionnement des zones de
désapprovisionnement, elle dessine, par les projets locaux, une autre modalité de la mondialisation.
2.5. Une économie de service et de l'emploi local
Carrefour de plusieurs disciplines, offrant les conditions, les modalités, les instruments et les
techniques de la dématérialisation systémique de l’activité économique, l'écologie industrielle permet
parallèlement à la recherche de la qualité environnementale totale, de modifier le contenu des tâches
La croissance des flux de richesse n'impliquant plus mécaniquement la croissance des flux de matière
le produit fabriqué prend la forme d'un service rendu tant à son utilisateur qu'à la société toute
entière. Le niveau des flux financiers des fabricants et des exploitants devient dépendant de la qualité
du service fourni, la valeur créée étant alors une valeur d'utilisation.
L'entreprise ne vend plus un bien mais un service, elle ne privilégie pas l'internalisation des coûts
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environnementaux mais elle prévient les impacts environnementaux à la source et réduit les coûts
environnementaux individuels et sociaux.
Les activités de services deviennent prépondérantes, organisation, coordination, prévention contrôle,
design, réutilisation des produits, recyclage des matériaux, réparation, maintenance, suivi, entretien.
Dans une telle économie, le service n'étant pas stockable, l'emploi se relocalise et se requalifie
techniquement et socialement.
La demande ne porte plus sur l'achat de tous les biens d'équipement et des produits durables à courte
durée de vie mais sur l'acquisition du droit d'usage d'un bien d'équipement et de biens de
consommation durable, sur ses qualités, sa sûreté environnementale, sa fonctionnalité, sa capacité
d'évolution et d'adaptabilité mais aussi son design. Le consommateur change de statut et de fonction, il
devient l'usager d'un service et un producteur de valeur, ses déchets de consommation
IV. CAS D' ETUDES DE LIAISONS ECO INDUSTRIELLES
Maints exemples décrivent l’apport de l’écologie industrielle à la mise en œuvre de la durabilité et
montrent la pluralité des formes des liaisons éco-industrielles. Ils illustrent les articulations
systémiques entre les activités, les formes partenariales locales d'organisation de l’écologie
industrielle, la recomposition locale des tâches et des emplois, les fonctions sociales, les stratégies
partenariales et la circulation de l'information que requiert la mise en pratique territoriale de la
durabilité.
En privilégiant une gestion économe de ressources et de l'énergie, la réutilisation des matières et la
mise en étanchéité des polluants, l'entreprise limite l'empreinte écologique, substitue la production et
l'échange des droits d'usage de biens à la production et à l'échange des produits, dématérialise
systémiquement les objets, les infrastructures et les modes de vie, internalise les coûts d'imperfection
des produits dont l'exploitant propriétaire du bien devient responsable "from cradle to cradle",
relocalise les tâches dont elle modifie la nature en activités de services et fait prévaloir l'ingénierie
humaine et le capital immatériel.
Nous mentionnerons quelques exemples avant de présenter l’éco-pôle d’éco-activités, Phillips EcoEnterprise Center, dans le Minnesota aux Etats Unis, expérience territoriale qui décrit l’apport essentiel de
l’écologie industrielle. Une innovation sociale et technologique dont la portée pratique et conceptuelle
pour le système industriel est considérable. La coopération partenariale et la réduction des coûts de
réglementation, du traitement des déchets et des inputs se mêlent à l'insertion sociale et à la valorisation du
capital social local, dont l'ingénierie des populations déshéritées dans la mise en pratique de la durabilité
locale.
Le modèle industriel symbiotique de Kalundborg au Danemark (voir p.24), élaboré progressivement et
de manière inintentionnelle, entre connaissances amies autour d'un flux d'énergie et de chaleur, est la
forme épurée d'un parc éco-industriel. Il pourrait, techniquement, se décrire comme une communauté
d'entreprises de production centrée localement autour de la gestion mutuelle des flux locaux de
matière, de déchets et d'informations en vue d'accroître simultanément la performance
environnementale et économique, individuelle et collective, locale et globale.
Les avancées de l' "Eco-Efficiency Centre" dans le développement des liaisons éco-industrielles dans
un vaste parc industriel déjà existant, "Burnside Industrial Park " à Halifax au Canada.
On citera encore un projet d’application de l’écologie industrielle sur une base régionale en cours en
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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Grande Bretagne sous la forme initiale d’un éco-parc industriel virtuel, "Humber Industrial Symbiosis
Project " (HISP). Le Projet fait partie d’un programme national encourageant la mise en place d’un
réseau d’échanges régionaux de sous produits. HISP est conduit par “ the Business Council for
Sustainable Development et une association d’entreprises du secteur privé pour promouvoir les voies
pratiques et profitables du développement industriel durable.
Le but du projet est d’ identifier les synergies commercialement viables entre activités apparemment
inefficientes et disparates au moyen de la coopération entre les entreprises, de leurs échanges
d'information et de leur mise en réseau. Les entreprises relient leurs flux de matière sur un même
territoire ou les intègrent en réseau en constituant de nouveaux territoires .
On citera aussi, en phase de recherche, les éco-parcs virtuels et les éco-réseaux d'entreprises à
Baltimore dans le Maryland et le parc éco-industriel virtuel de Brownsville dans le sud du Texas.
Fondé sur une approche régionale et sur une base de données qui s’appuie sur une analyse des
métabolismes des processus industriels et agricoles, ce dernier permet d'identifier des liens virtuels
entre entreprises existantes et potentielles. Exemplaire du fait que les partenaires ne sont pas réunis
physiquement en un même site mais tenus solidairement ensemble par la composition de leurs flux de
déchets qui constituent leurs entrants réciproques et la clé de leur rentabilité. Exemplaire de
significations
aussi parce que la ville, située dans la vallée de Rio Grande, réunit des populations dont la pauvreté, le
taux de chômage et les impacts des problèmes environnementaux sur leur santé sont parmi les plus
sérieux de l'hémisphère nord.
Plusieurs autres expériences significatives d' entreprises, et non des moindres, appliquent en réseau
certaines démarches de l'écologie industrielle.
3M identifie et réutilise les matières premières non utilisées, les produits obsolètes, les machines
inutiles ou trop vieilles et les déchets de valeur.
Dell vend par correspondance et sur mesure des ordinateurs.
Eastman Kodak et Fuji récupèrent les appareils photos jetables après utilisation. La récupération est
assurée par le fait que l’appareil doit être retourné par l’utilisateur pour que la pellicule photo soit
développée. Ainsi le fabricant peut récupérer les différentes parties de l’appareil conçu pour être
facilement démontable, récupérable et ré-usiné.
Xerox ne produit pas des photocopieurs “neufs” au profit du désassemblage, de la refabrication, de la
recirculation et de l’entretien des appareils existants, conçus par segments modulables et qui forme son
personnel technique à visiter ses clients. 90% de ses équipements sont conçus pour que les éléments
réutilisés et recyclés représentent jusqu'à 90% du poids de la machine. Ces procédés diminuent la
quantité utilisée de matières premières et d'énergie pour la fabrication des équipements et permettent une
économie de plusieurs centaines de millions de dollars par an. Malgré la réutilisation et le recyclage des
éléments, les procédés et technologies uniques de Xerox permettent de conserver les spécifications
techniques, la qualité et la fiabilité des produits.
Interface développe des systèmes de ‘récupération des actifs’ pour fermer la boucle des composants et
matériaux à partir du fabricant, en passant par l’utilisateur, le recycleur avant de retourner encore au
fabricant.
On remarquera la dématérialisation de l’activité visée par ces entreprises et la relocalisation de leurs
emplois par l’accroissement des tâches locales d’entretien, de veille et de maintenance.
Plusieurs autres entreprises mondiales appliquent avec succès des stratégies fondées sur la vente de
performances plutôt que des marchandises
Dow, par exemple, vend la fonction d'une molécule et ses clients la retournent après usage pour être
régénéré. La prévention des émissions dissipatives par Dow est fondée sur des modalités innovantes de
l'utilisation des produits avec le concept de "Rent a molecule" pour les solvants chlorés Il s'agit
surtout de dire, ici, l'importance des bénéfices résultant de stratégies qui tirent les flux financiers
des services d’usage et de maintenance sans impliquer ipso facto la croissance des flux de matière et
d’énergie.
Dans l'ensemble de ces cas, les vagues de nouveaux produits font place aux vagues de
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
perfectionnement de produits existants conçus modulairement et déclinés localement. Les
améliorations incrémentales des technologies existantes
s’effacent devant les trajectoires
technologiques qui permettent moins de vendre ou d’acheter le produit lui-même que le service qu’il
peut fournir, les coûts des imperfections étant internalisés par le fabricant. La mise en place de ces
liaisons requièrent la confiance entre les acteurs, la recherche des synergies informationnelles,
l’identification et l'inventaire des associations symbiotiques et des proximités culturelles, techniques
ou géographiques, physiques ou virtuelles.
Pour apprécier toute leur portée conceptuelle, elles nécessitent de décloisonner les concepts, d’enrichir les
instruments d’évaluation et les critères économiques prisonniers du court terme et du seul calcul micro et
de compléter les outils de l’économie par l'intégration économique du métabolisme "from cradle to cradle
" et de l'empreinte écologique d’un produit, d'un procédé de fabrication ou d'un mode d'organisation.
Les matières, en circulation ou au rebut, possèdent un état et une dynamique physiques et chimiques,
et donc aussi une autre valeur, indépendamment des anticipations présentes, des décisions individuelles
et des prix du marché
CONNAISSANCE, INGENIERIE POPULAIRE, ECO EFFICENCE
PERFORMANCE ECONOMIQUE, INNOVATION ET INSERTION SOCIALE
RESEAU, VILLE, LIEN TERRITORIAL ET DEVELOPPEMENT LOCAL
L' ECO-POLE LOCAL D’ ECO-ACTIVITES
" The Phillips Eco Enterprise Center ", Minneapolis, Minnesota , USA
Une innovation économique, technologique et sociale
Une action communautaire fondée sur la réciprocité
Une initiative privée d'utilité collective locale durable
Trois objectifs avec un budget limité
1. Se servir des ressources et des savoir-faire locaux
dont ceux des populations déshéritées;
2. Minimiser l'usage del'énergie fossile et de matières
neuves dans sa construction et son exploitation;
3. Offrir un environnement de travail sain.
Le coût de la construction, supérieur de 10% par rapport à
une construction traditionnelle a été amorti en 4 ans grâce
aux économies de fonctionnement
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Le "Phillips-Eco-Enterprise Center, est une concrétisation, au Nord, des démarches
conceptuelles, organisationnelles et pratiques de la durabilité à l'aide des "populations de pénurie"
originaires des cultures du Sud. Elle offre un exemple local de la mise en œuvre d' une économie
interactive des liens, durable, innovante, performante, équitable et méthodologiquement
apprenante.
Construit par une association locale à but non lucratif, le "Green Institute", dans un secteur de la
ville de Minneapolis, aux Etats Unis, traversé par des autoroutes, des usines et des détresses
sociales des populations "ethniques", il réunit 15 entreprises "vertes" coopérantes qui tentent
d'échanger leurs connaissances et leurs informations et dont certaines échangent leurs déchets, sur
un site initialement prévu pour une station de stockage de déchets. Par sa conception, son mode de
construction (90% de ressources locales et 79% de matériaux usagés) et son mode d’exploitation, ce
centre est un des plus économes et éco efficients au monde en matière de gestion des ressources et
d'énergie et un modèle d’éco-liaisons industrielles, d'éco-revitalisation urbaine et d'insertion sociale.
"The Green Institute", à travers cet éco-pôle valorise le capital social local, dont celui des
populations déshéritées et exclues ethniquement, en matière d'éco-construction et de ré-ingénierie
industrielle urbaine autour de la plus performante des stratégies de la durabilité : l'utilisation
intensive des ressources locales (dématérialisation systémique), la valeur d'utilisation et l'emploi
local et met en oeuvre la plus porteuse des stratégies d’insertion sociale en associant l’innovation
technologique et les savoir faire populaires locaux .
1
Un éco pôle local d' éco-activités
Le "Phillips-Eco-Enterprise Center", réalisé en 2000 par une association locale à but non
lucratif, le "Green Institute", réunit quinze entreprises d’ingénierie « verte » industrielle et
commerciale coopérantes, qui échangent leurs informations et dont la plupart échangent leurs
déchets, sur un site initialement prévu pour installer une station de stockage des déchets. Il est
situé dans un secteur déshérité de la ville de Minneapolis, traversé par des autoroutes, des
usines, des fonderies et des détresses sociales. Une centaine de programmes sociaux dans le
secteur se chevauchaient pour aider ses 18000 habitants et de multiples organisations
fournissaient l'alimentation, l'abri et des vêtements. Mais tous les fonds sociaux distribués
étaient dépensés sans effets sur l'emploi et la richesse locale. Cet éco-centre matérialise
l'aboutissement d'une longue lutte de la population résidente et consacre la réussite d'une
association ancrée dans le territoire de la ville et capable d'associer l'innovation technologique
et le savoir faire populaire local. La conception, le mode de construction, les bâtiments,
2
l'exploitation des 6000 m d'éco-activités font de ce centre un des plus économes et efficients au
monde en matière de gestion des ressources et d'énergie et un modèle de liaisons intégrées et
croisées d'écologie industrielle, d'eco-revitalisation urbaine et d'insertion sociale.
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
Modélisation synoptique de sa gestation, de sa dynamique, de sa portée
Une population urbaine "ethniquement" diverse, en détresse économique, sociale, environnementale.
Un immense terrain urbain en friche, un choix économique et environnemental majeur, des financements
publics sociaux qui n'atteignent pas leurs objectifs, un débat public constructif, un savoir faire populaire
dans "la récup" des produits du bâtiment.
Des besoins locaux, des énergies civiles, un éco-entrepreneur collectif local à but non lucratif, "Green
Institute", l'ingénierie d'une population, des autorités éclairées, des marchés et des emplois en perspective et
l'ensemble mis en réseau.
Une éco-construction, " The Phillips Eco-Enterprise Center, aboutissement et moteur localisé de nouveaux
liens sociaux, de nouvelles activités de services, une gestion économe des ressources.
Des éco-activités commerciales, industrielles, sociales, informationnelles eco-localement
combinées, croisées et mises en synergies dans un même site
Une nouvelle économie d'utilisation ("functional économy")
associées,
Un essaim, relais et vecteur d'informations, d'éco-réalisations et de coopérations "over the fence",
les interactivités du développement durable.
Des partenaires, des réseaux, des alliances stratégiques, des grappes d'entreprises et de technologies-clés, des
circuits et des marchés, croisés autour des technologies opérationnelles de l'écologie industrielle avec une
éthique de la réciprocité.
Un éco-pôle
Un acteur pivot, "The Green Institute", localement et socialement ancré, capable d'articuler le local et le
global, les réseaux, les territoires et les marchés, l'initiative civile et la responsabilité sociale.
Le catalyseur des liaisons éco-industrielles et du lien social.
Un ingénieur économique et social de l'éco-restructuration de la base industrielle urbaine
Une éco-organisation efficiente
Des performances sociales, économiques et environnementales. 240 Emplois
Des transferts méthodologiques et un modèle essaimable, de part et d'autre de l'Atlantique.
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Avec les entreprises réunies dans le centre, le "Green Institute " travaille avec ses partenaires, dont le
gouvernement fédéral, et d'autres sociétés locales, pour développer d'autres projets locaux d'écologie
industrielle et pour aider à incorporer des liaisons éco-industrielles dans des projets comparables, le
centre agissant ainsi comme un catalyseur pour la revitalisation des zones urbaines.
En matière d'opportunités stratégiques, un projet vise à l'utilisation, à taille humaine, d'un incinérateur
actuellement fermé prés du site pour co-générer de l'électricité et de la chaleur, en brûlant les
structures de construction en bois non récupérables et se servir du gaz naturel. Eau chaude et
électricité doivent servir des équipements voisins, un centre commercial et les résidences proches. On
retrouve un des principes de l'écologie industrielle, l'utilisation en cascade d'une technologie et d'un
produit. Le centre tente aussi d'étendre la surface commerciale et industrielle autour du pôle pour
attirer de nouvelles entreprises commerciales, industrielle et artisanales, concevoir des éco-équipements communs et leur permettre d'échanger leurs déchets. Une usine d'asphalte, un
entrepreneur de toiture sur site, complété par une entreprise capable de réutiliser la porcelaine,
employée par l'entrepreneur de toiture comme substitut du sable, peuvent permettre de créer une
nouvelle boucle éco-technologique.
Le décloisonnement des entreprises et des fonctions, les flux croisés d'information, la mutualisation
d'infrastructures et l'interactivité des liens et des échanges entre les entreprises et entre la population
locale, que le nouveau centre stimule, permettent au centre non seulement de former une chaîne
partenariale d'activités locales durables, des réseaux d’échanges ou des marchés nouveaux mais aussi
de nourrir son indépendance et ses savoir-faire: le transfert des technologies sociales "vertes", l'écoconstruction, les stratégies urbaines de la durabilité, la ré-ingénierie de la base industrielle urbaine, les
techniques d'économie d'énergie, les stratégies sociales et éco-efficientes.
L'éco-centre apparaît comme un éco-pôle, un incubateur d'activités, une
grappe d'éco-technologies, une association caractéristique d'entreprises stratégiques clés, essaim des
liaisons eco-industrielles appliquées, notamment dans les domaines de l'énergie, de l'eau, des modes de
production, du management environnemental, de l'éco-construction et des stratégies pratiques de la
durabilité urbaine. Cet éco-centre pourrait à terme même devenir un éco-pôle local et translocal d'écoactivités.
2. Réalisation d'une association indépendante à but non lucratif
"L'institut Vert" est une association à but non lucratif d'ingénierie et d'action environnementales, urbaines
économiques et sociales créée par des énergies entrepreneuriales locales de la ville de Minneapolis, dans
une zone, victime d'un développement non durable, le secteur déshérité de Phillips. Le chômage y
atteignait au milieu des années 90 plus de 15 % de la population active, soit trois fois et demie plus que
la moyenne nationale aux Etats Unis. Une centaine de programmes sociaux dans le secteur se
chevauchaient pour aider ses 18000 habitants. Mais tous les fonds sociaux distribués ne servaient ni
l’emploi ni la richesse locale. A la fin des années 1970, le Comté de Hennipen rasait cinq bâtiments et 28
maisons dans le secteur de Phillips pour libérer de l'espace et mettre à la place une station de stockage et
de transit de déchets avant enfouissement et incinération en ville. Si le comté avait accompli son plan,
cette station aurait englouti plus de 4 hectares de sols, fait circuler 720 bennes à ordures par jour et
aggravé la pollution et les gaspillages. Pour les "activistes" du futur Institut, le projet était un non-sens
économique, environnemental et humain dans une zone habitée et pour des populations à faible revenu.
Les habitants du secteur étaient capables de mettre en œuvre des techniques performantes de réutilisation
des matières usagées, de produire un environnement plus propre et d'améliorer leur situation sociale.
C'est dans la dynamique de la lutte contre le projet de station de déchets et l'élaboration de contre-projets
alternatifs, que l'Institut vert se créait en 1993.
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Novembre 2005
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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Cet institut démontre actuellement que les déchets du bâtiment sont une mine, que des habitants
entreprenants peuvent produire de la richesse locale avec les matières urbaines usagées, susciter des
entreprises rentables, induire de nombreux emplois locaux, améliorer leur environnement et réduire les
pollutions urbaines.
La mission de l'Institut Vert est le développement urbain par l'entreprise durable, la création d'emplois
durables et l'information environnementale. L'institut, organisation à but non lucratif, s'est servi des
dispositifs publics de financements sociaux et d'exemptions fiscales pour susciter localement un réseau
d'entreprises commerciales et industrielles, d'expertises et d'énergies civiles et pour développer son
autonomie financière par ses propres emplois, ses activités industrielles et commerciales dans les
domaines de la récupération et de la refabrication des structures, matériaux et matériels de construction
usagés, de l'investissement immobilier éthique et du transfert de technologies.
Il s'est fait reconnaître, en l'espace de quelques années, comme un modèle d'éco-entrepreneur par l'écoefficience de ses résultats, par le domaine stratégique de ses métiers, par l'efficacité des partenariats
qu'il a su nouer et par les fortes potentialités de développement des activités de la durabilité dont il a
su montrer la valeur opérationnelle: la gestion des ressources, les énergies alternatives, la valorisation
des déchets, l'éco-construction, l'ingénierie sociale et environnementale, la revitalisation urbaine, le
management environnemental et social, les technologies "vertes", le montage des projets, l'information
et l'éducation environnementales.
Il s'impose comme un incubateur virtuel d'activités, d'entreprises de savoir-faire et de marchés par les
complémentarités établies entre ses réalisations industrielles, commerciales, techniques,
environnementales et sociales, ses propres savoir-faire immatériels, les énergies locales, ses
partenaires, la dynamique attractive et porteuse de ses activités, les autorités institutionnelles et une
grappe de technologies et d'entreprises "vertes" clé autour des liens d'écologie industrielle, de l'écorestructuration urbaine et des synergies informationnelles, complémentarités dans lesquelles il est un
acteur stratégique.
La construction du "Phillips-Eco-Enterprise Center", dont il est le réalisateur, lui ouvre de nouvelles
perspectives. Elle lui permet de réunir un ensemble d'entreprises "vertes" et d'éco-activités
complémentaires mises en synergies, de matérialiser le succès de ses conceptions, de marquer sa
filiation locale et de développer de nouveaux réseaux.
3. Les eco-activités fécondatrices de l'éco-pôle

2
Le "Re-use Centrer" est le magasin de vente, sur 2500 m , de matériaux et de matériels de
construction usagés et réutilisables. Tous les produits vendus dans le magasin sont obtenus
gratuitement ou rapportés par le "Déconstruction Service".
Le Centre de Réutilisation a été créé en 1995 quand la population a convaincu les autorités locales du
comté de revenir sur leur décision d'établir une station de transit de déchets dans la ville et s'est
aperçue que la création de cette activité de récupération pouvait aider à réduire le volume des déchets
gaspillés. Les ventes du magasin croissent d'année en année et ont plus que triplé aujourd'hui. Un
équipement informatique inventorie et évalue les économies de flux de matière et d'énergie du système
mis en place. Quatorze personnes formées à la gestion par l'institut sont employées à plein temps et
des tâches à mi-temps sont réservées à celles dont l’employabilité pourrait être considérées comme
faible. Une telle expérience est reproductible. Un centre de réutilisation pourrait être mis en place dans
chaque ville. 

Le "Déconstruction Warehouse" est une activité de démontage des bâtiments domestiques et commerciaux
et se présente comme une alternative à la démolition mécanisée. Ce service vend ensuite le matériel à des fins
de réutilisation domestique ou professionnelle. Créé pour fournir des emplois, il employait, dès l'année 2001,
12 personnes formées par l'Institut pour le seul démontage des structures des bâtiments.
Ce programme de Déconstruction, qui avait reçu sa première subvention de 250 000 $ du Ministère de
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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
l'Environnement en 1998, est devenu un modèle. Les administrations fédérales ont récemment demandé aux
responsables de ce programme de les aider à leur transposabilité dans d'autres villes et notamment à Hartford
dans le Connecticut.
Economie locale, Travail et Protection de la Ressource Naturelle
Alternative à la démolition mécanisée : le démontage et la refabrication
des structures des bâtiments voués à la démolition en vue de leur réutilisation
Environ 40 % du volume des déchets enfouis dans le Minnesota sont des matériaux et du matériel de construction.
Quand les équipes du "Green Institute" démontent un bâtiment, environ 60 % des matériels sont vendus sur site,
30 % vont au magasin pour inventaire et 10% sont à enfouir de manière environnementalement responsable.
Ces activités conservent des ressources vierges comme les forêts et les sols, mais économisent aussi les ressources
et l'énergie qui auraient été employées dans la fabrication et le transport de produits finis neufs. Elles réduisent les
coûts d'approvisionnement et les charges de la réglementation environnementale.
Ces activités, qui intensifient l'usage des matières usagées, substituent la productivité des ressources à la productivité
du travail, dématérialisent l'économie et offrent de nouvelles tâches et emplois de la durabilité industrielle.
Le "Green Ed" est un programme d’éducation et d'informations environnementales et de
développement de la conscience environnementale publique et sociale. L'Institut travaille sur
l'environnement urbain et ses impacts sur la vie des populations. Les domaines privilégiés par l'Institut
sont la réduction des déchets ou la récupération de ceux qui ont une valeur, l'usage des technologies
sociales vertes appropriées, les activités de la durabilité dont les économies d'énergie. L'Institut
organise des classes, des forums et des projets spéciaux pour souligner comment les citoyens peuvent
jouer un rôle clef en société dans la mise en œuvre de la durabilité et des éco-pratiques. La forte
réceptivité de la population à des émissions locales d'informations spécifiques animées par des personnes
reconnues pour leurs réalisations sur le terrain et portant sur les pratiques de la durabilité montre qu'une
population informée peut parfaitement réaliser des choix responsables de produits et de services et faire
pression sur les marchés
4. Bilan
Autonomie financière et aide publique
75% de budget annuel d'exploitation de l'Institut proviennent des revenus de ses activités et de ses
investissements éthiques (les loyers des sociétés résidentes dans l'éco-centre). 25 % viennent de
financements locaux et nationaux. Les dons sont employés pour la gestion administrative, les
ressources humaines et la planification stratégique. Ce sont les garanties offertes par l'Etat du
Minnesota (1,5 millions $) et par la Bremer Bank (3 millions $), et les baux signés d'avance par les
entreprises vertes candidates à l'installation dans le centre qui ont réussi à lever les réticences des
banques face aux caractères spécifiques des activités de l'institut vert et aux innovations sociales et
technologiques que le projet mettait en œuvre.
Les programmes fédéraux de développement économique conçus pour aider les communautés
déshéritées à développer des activités d'écologie industrielle servent à la marge au développement des
projets du centre . Les aides fédérales à l'emploi permettent d’abord à ce centre d'employer les habitants
les plus en difficulté. Enfin les dégrèvements fiscaux en direction des propriétaires qui effectuent des
donations des structures et des matériaux de construction usagés ne sont pas négligeables sur son
développement.
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
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Performances sociales et économiques
L'éco-centre, qui a ouvert ses portes fin 1999, était le projet le plus ambitieux du "Green Institute" :
une éco-conception, une empreinte écologique limitée, une surface de travail de 6000 m2 et un
environnement de travail sain qui produit un impact positif certain sur la manière de travailler de la
population locale employée. Si le coût de la construction de l'éco-centre était supérieur d'environ
10% par rapport à une construction traditionnelle de même taille, les économies sur le budget de
fonctionnement devraient permettre de les couvrir sur 4 ou 5 ans.
L' éco-centre a été rapidement et pleinement occupé par 15 entreprises d'activités durables qui coopèrent
entre elles. Il est devenu une multitude de liens; de réseaux relationnels et d'informations qui offrent aux
entreprises résidentes et à la population des occasions réelles de créer de la richesse et de la réinvestir
localement. Le Comté de Hennepin aurait économisé plusieurs millions de dollars en annulant son
projet d'installation de la déchetterie. Mais le service concret et immédiat du centre est l’emploi et la
réduction des nuisances. Il a induit 240 emplois dont près des 2/3 sont occupés par la population locale
et dont environ ¼ du total concerne l'institut vert.
Avec un budget de près de 5 millions $ en 2004 l'Institut Vert est devenu un acteur non négligeable de
la création de la richesse de la communauté de Phillips. En employant des habitants chaque fois que
possible et en suscitant le dynamisme de la population, l'Institut alimente toute une chaîne d'activités
durables et d'emplois dans la ville. Il joue un rôle important dans la revitalisation de son tissu urbain.
Le Centre attire et brasse nombre d'activités complémentaires entre elles et une large gamme d'emplois
des plus simples au plus qualifiés. La promotion des énergies renouvelables, des technologies
économes et vertes et des liaisons éco-industrielles et sa collaboration avec les entreprises présentes
dans le centre fournissent dorénavant à l'Institut vert des opportunités d'activités dans des domaines
nouveaux pour lui: le conseil en gestion, le marketing, l'aide au montage technique et financier de
projets verts et le développement de nouveaux produits et services.
Economie de matières et coopérations
C'est la coopération entre habitants, écologistes, constructeurs, professionnels du développement
commercial, architectes, ingénieurs, managers de construction, associations de locataires et étudiants
d'université, qui a permis l'expertise et l'énergie créatrice . Elle a été capitale dans le choix des
matériaux de construction sains et l’ intégration du solaire, du vent, des sources géothermiques et de
l'éclairage naturel dans son fonctionnement. Et c'est en partie grâce aux équipes de démontage et de
récupération des structures et matériaux usagés de valeur que les coûts de construction du nouveau
centre n'ont dépassé que de 10 % les coûts d'un bâtiment classique du même type.
Economie d'énergie, innovations de pointe et éducation environnementale
Le centre emploie environ 55 % de l'énergie qu'une construction du même type de taille emploierait.
Le soleil éclaire la plupart des intérieurs. Les ampoules électriques sont rarement branchées pendant le
jour. Par exemple, sur le toit quatre miroirs rectangulaires sont assis au-dessus de chaque lucarne. Des
détecteurs de la lumière du soleil orientent les miroirs à lumière de façon optimale. Des prismes
dispersent la lumière dans des panneaux de plafond opaques acryliques pour éviter des points chauds.
Beaucoup d'autres exemples, comme le système de chauffage et de climatisation géothermique ou le
recyclage intégral de l'eau pluviale font de cette construction un recueil de technologies "propres".
Plusieurs de ces technologies environnementales sont si nouvelles qu'il n'existe aucun code
réglementaire.
L'utilisation des matériaux de récupération dans la construction, à 79 % de matériaux usagés et
refabriqués,
et l'intégration de l'énergie solaire, du vent et des systèmes géothermiques mécaniques dans son
exploitation, réduisent non seulement le gaspillage des ressources et de l'énergie mais instruisent sur les
options alternatives locales à l’usage de l'énergie fossile et du combustible nucléaire.
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ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
une banque de miroirs placés sur le toit de l'éco-centre
permet l'éclairage naturel de l'ensemble des locaux
Modèle de design eco-industriel pour ses équipements et ses activités, son ingénierie sociale va jusqu’au
souci du détail : le centre est aligné sur un futur couloir vert urbain en projet, qui le mettra à environ à 5
minutes d'une nouvelle station de train et des douches y ont même été installées pour encourager l'usage
du déplacement professionnel à bicyclette.
5. Enseignements pratiques stratégiques
Les villes accueillent désormais une majorité des habitants. L’avenir de l’écologie industrielle peut se
jouer dans les effets démonstratifs et dans les succès de ses applications en ville. C'est ce que montre
l'expérience de l'Institut Vert et son rôle.
Avec les 15 entreprises résidentes, "Phillips Eco-Enterprise Center" n'atteint pas la taille des "éco-parcs
industriels" américains et encore moins celui du complexe de Kalundborg au Danemark , cependant son
potentiel de croissance est très élevé et il est surtout d'une toute autre nature.
Dans une société organisée selon des boucles de réutilisation, la véritable économie de services est d'abord
locale et la ressource critique est le savoir faire, l'expérience, le relationnel et la polyvalence. Les écoliaisons industrielles requièrent de la confiance, des échanges d’informations, des proximités, de la
coopération et des réseaux de réciprocité.
De plus, la rentabilité des liaisons éco-industrielles est proportionnelle à leur taille, plus une boucle est
petite, plus elle est écononomiquement et environnementalement intéressante.
L'éco-pôle d'éco-activités de Minneapolis illustre les liaisons interactives d'écologie industrielle dans leur
mode urbain, résilientes, redondantes, flexibles, légères, ouvertes à l'innovation, rapidement assimiliables
par la population et pour, une bonne part, d'entre elles, immatérielles.
Là, l'écologie industrielle est en rapport direct avec des lieux dont l'objet concret et perceptible est la vie
commune et c'est là que ses liaisons sont, de manière concrète, appropriables par la population
L'écologie industrielle ne se destine donc pas aux seuls grands équipements de l'industrie lourde ni aux
échanges massifs de flux d'énergie et de ses sous produits. Les liaisons éco- industrielles exigent et sont
permises par le partage d'un objectif commun et par une éthique de la réciprocité, l’échange réciproque de
services et la mise en synergie des informations communes, qui doivent être en permanence alimentées et
enrichies par les divers partenaires.
L’objectif commun ne pouvait être étranger à l'histoire qui les a réunis : la protection préventive de
l'environnement global, l'éco-restructuration des bases industrielles de la ville de Phillips et l'objet social
du réalisateur du centre, l'institut vert, entreprise-association, ancrée socialement et environnementalement
sur le territoire d’où elle est issue.
Cette éthique de la réciprocité requiert la proximité. Elle est inscrite dans l'histoire même de la gestation
locale du centre, dans la genèse des principes fondateurs de l'éco-centre et dans la complémentarité des
rôles des différents partenaires.
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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Colloque international sur: l'économie de la connaissance
Léo DAYAN et Birgit HOH
Cette éthique fonde la confiance entre les partenaires, requiert l'échange de leurs expériences dans le
domaine commun qui est le leur, celui de la durabilité, et suppose, pour se maintenir, d'autres expériences
et d’autres réalisations communes.
Cette confiance et ces proximités entre les divers partenaires sont la base du développement de l'écologie
industrielle, indépendamment des motivations propres des partenaires, comme le montre aussi l'expérience
de Kalundborg au Danemark.
Mais le maintien des proximités, n'implique pas que les partenaires du local ne puissent pas développer
leurs propres réseaux et leurs propres marchés. Certains équipements récupérés et certaines technologies
vertes utilisées dans la construction du centre viennent de fournisseurs non locaux. Ces proximités ne
s’entendent donc pas exclusivement ni en termes géographiques ni en termes physiques.
L'institut Vert, entreprise-association, pivot du "Phillips Eco-Enterprise Center", privilégie les entreprises
durables, celles qui ont besoin l'une de l'autre, intègrent des stratégies de coopération "over the fence",
échangent leurs informations, mutualisent des équipements, recyclent leurs informations et leurs produits
usagés auprès des entreprises partenaires.
Il œuvre de la même façon que l'entreprise pivot de l' éco-parc industriel de Kalundborg, la centrale
énergétique, mais ses sources majeures d'énergies sont d'abord issues des synergies informationnelles, de
l'ingénierie humaine et des énergies sociales locales. Il favorise les échanges avec les associations, les
entreprises commerciales et
industrielles locales
pour introduire des complémentarités
environnementales dans leurs projets tout en développant les retombées sociales locales et les transferts
de savoir faire et de technologies sur des projets voisins dans les autres régions, notamment en matière
d'éco-restructuration industrielle et de revitalisation urbaine.
L’éco-pôle d’activités, éco-réseaux de territoires de projets d’éco-restructurations locales, est un concept du
local positif, attractif et fécond au coeur de l’éco-revitalisation urbaine et de l’infrastructure industrielle
mondiale.
Exemple remarquable de liaisons intégrées et croisées d'écologie industrielle, de revitalisation urbaine et
d'insertion sociale, le centre est d’abord l'aboutissement d'une lutte de la population résidente et de la mise
en valeur des savoirs locaux., il est le résultat d’une action communautaire visant à mettre en œuvre une
stratégie sociale eco-efficiente s’appuyant sur l’ingénierie industrielle et sociale d’acteurs locaux.. Les
populations fragiles du secteur de Phillips ont pu découvrir combien elles avaient réussi à transformer un
site prévu pour stocker des déchets en un centre écologiquement et économiquement performant, utile à la
richesse sociale et à la revitalisation de la communauté.
En réunissant dans un même site différentes activités de la durabilité et en valorisant les stratégies de
coopération « over the fence » entre les entreprises, certaines tâches considérées hier comme socialement
inférieures devraient être capables d'acquérir de nouvelles qualifications et susciter de nouveaux acteurs
dans le développement durable. L'institut vert a mis en place des programmes de formation pour
promouvoir les compétences des personnels les plus motivés.
Le développement de l’éco-centre, essaim de nouvelles activités et de nouvelles coopérations, fait naître
une obligation stratégique, celle de maintenir la convergence entre son utilité sociale et environnementale
locale et l’organisation de ses activités. L’Institut vert offre à la population des services, des emplois de
qualification croissante et de nouveaux projets pour éco-restructurer la ville, modifier ses modes de
consommation, promouvoir des liens et revitaliser ses paysages.
Cette proximité avec les besoins d'une ville et l'interconnexion entre le social, la performance économique et
la prévention environnementale, qui lui ont donné son excellence, sont inscrites dans le cadre même de ce
qui fait sa différence avec une entreprise classique: le terrain local ne se réduit pas à un marché, il est son
lieu de fécondation, son champ d'expérimentation, son laboratoire d'apprentissage, le site de la
démonstrativité opérationnelle et pratique de nouveaux éco-métiers locaux dont il trace l'avenir avec ses
partenaires du centre.
Novembre 2005
96
ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET DURABILITE
ECOEFFICIENCE, ATTRACTIVITE , COMPETITIVITE
concepts / techniques / stratégies / terrains / éthiques / pratiques
LE LIEN LE LIE LE LIANT
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Acteurs , Pratiques, Recherches Européennes & Internationales pour la Durabilité (APREIS)
Center for Sustainable Systems
Eco-Efficiency Centre
Eco-Industrial Development Council
Energy Efficiency and Renewable Energy - Us Department of Energy
Indigo Development
Pôle Français d'Ecologie Industrielle
The International Society for Industrial Ecology
Yale University
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98
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