SPEECH/13/492
COMMISSION EUROPÉENNE
Michel BARNIER
Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des
Services
Financement participatif : quel(s) cadre(s) mettre en
place au niveau européen pour en saisir le potentiel tout
en limitant les risques ?
Atelier sur le financement participatif (crowdfunding)
Bruxelles, le 3 juin 2013
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Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord, merci à chacun et chacune d’entre vous pour votre présence aujourd’hui.
Merci aussi aux équipes de la Direction générale Marché intérieur et services qui ont
organisé cet atelier que nous avons voulu le plus ouvert et prospectif possible.
Pour mieux définir les contours de ce sujet nouveau et prometteur qu’est le
crowdfunding, nous avons besoin de toute la diversité des acteurs qui sont représentés
aujourd’hui. Et je me réjouis que Philippe DE BACKER [ALDE/BE] et Anna-Maria
DARMANIN [Présidente de l’Observatoire du marché unique, CESE] soient ce matin à
mes côtés pour lancer les discussions.
Face à la crise financière, économique et sociale qui continue à toucher l’Europe, il est
clair que nous ne pouvons pas nous contenter de poser des rustines, en traitant les
problèmes au cas par cas.
Si nous voulons faire redémarrer l’activité, et rendre sa vigueur à notre économie sociale
de marché compétitive, nous devons inventer ensemble un nouveau modèle de
croissance, plus innovant, plus social et plus durable.
Ce nouveau modèle, nous avons déjà commencé à en esquisser les contours.
Depuis trois ans, nous avons proposé 28 lois pour remettre la finance au service de
l’économie réelle : nouvelles règles prudentielles, encadrement des dérives spéculatives
de techniques comme les ventes à découvert, limitation des bonus excessifs : tout cela,
ajouté à l’union bancaire en cours de création, doit contribuer à stabiliser le secteur
financier et à mettre les ménages et les entreprises à l’abri d’une nouvelle crise
financière.
A côté de cette régulation « réparatrice », il est désormais temps de mettre l’accent sur
une régulation « proactive », pour assurer la reprise du financement de l’économie.
Nous avons commencé à le faire, par exemple avec l’accord sur un « passeport
européen » pour permettre aux fonds qui investissent dans le capital-risque ou dans les
entreprises sociales de lever du capital auprès d'investisseurs situés dans toute l'Europe,
sur la base d'un enregistrement unique.
Notre récent Livre vert sur le financement à long terme de l’économie européenne doit
également nous permettre de trouver les meilleurs moyens de réorienter l’épargne vers
le financement des infrastructures dont nous aurons besoin pour faire face au
changement démographique, à la transition écologique et renforcer notre compétitivité.
Par exemple, faut-il créer des véhicules d’épargne spécifiques au niveau européen ?
Faut-il revoir la structure et le niveau de la fiscalité ? Faut-il adapter les normes
comptables et les règles de gouvernance d’entreprise ?
La consultation actuellement en cours doit nous permettre de répondre à ces questions.
Mesdames et Messieurs,
Dans le cadre de cette réflexion générale visant à doter l’Europe de sources de
financement plus diversifiées, plus durables, mieux adaptées à l’économie réelle et aux
problématiques sociales, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la question du
crowdfunding.
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I Le crowdfunding a le potentiel pour devenir un vecteur
important du nouveau modèle de croissance à inventer.
1. Premièrement, à l’heure les banques restent souvent réticentes à accorder des
crédits, le crowdfunding permet de financer des projets exclus des circuits de
financement classiques.
On pense naturellement aux projets artistiques, comme les albums musicaux ou les
films, qui sont sur le devant de la scène médiatique. Mais on pourrait tout aussi bien
citer le financement des petites entreprises ou des entreprises sociales.
Certaines phases du développement d’entreprises de plus grande taille, comme la mise
au point de prototypes pourraient également être concernées.
2. Deuxièmement, au-delà de l’aspect purement financier, le crowdfunding permet aux
porteurs de projet de tester leur idée auprès d’une communauté d’investisseurs
potentiels, qui pourront par la suite constituer une base de clientèle a priori fidèle.
Dans certains cas, cette phase de test donne lieu à une véritable démarche itérative, qui
permet de renforcer l’idée originale et d’en améliorer la valeur ajoutée culturelle,
économique ou sociale.
3. Troisièmement, le crowdfunding est un puissant vecteur d’innovation, qui permet à de
nombreux entrepreneurs de monter leur entreprise en proposant des services innovants.
Je pense en particulier, mais pas seulement, aux web-entrepreneurs.
Ce thème sera d’ailleurs au cœur de l’atelier organisé demain par la Direction générale
CONNECT [Réseaux de communication, contenus et technologies], en coopération avec
le European Crowdfunding Network, ce qui prouve par parenthèse l'intérêt que la
Commission porte à ce sujet, et le travail déjà mené par ma collègue Neelie Kroes.
4. Enfin, en incitant les gens à investir, même des sommes très modestes, dans des
projets auxquels ils croient, qu’ils soient de nature caritative ou mercantile, le
crowdfunding peut contribuer à renforcer l’esprit d’entreprise et la cohésion sociale de
notre continent.
Le crowdfunding présente donc de nombreux avantages, qui sont d’autant plus
prometteurs que le phénomène se développe très rapidement, grâce à la force d’internet
et à la maturité des réseaux sociaux.
Selon les chiffres fournis par les entreprises actives dans le domaine crowdfunding, le
montant des fonds collectés dans le monde via le crowdfunding a quasiment doublé
entre 2011 et 2012, passant de 1,1 milliard d’euros à plus de 2 milliards.
La même dynamique est à l’œuvre en Europe, les plates-formes de crowdfunding ont
collecté 446 millions d’euros en 2011 et 735 millions en 2012, et permis le financement
de 470.000 projets.
Mesdames et Messieurs,
Si nous voulons exploiter le potentiel du crowdfunding, nous devons nous demander si
ce phénomène qui reste émergent dispose en Europe d’un cadre adapté.
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II Quel cadre fournir au crowdfunding pour en favoriser un
développement équilibré à l’échelle européenne ?
Cette question est d’autant plus délicate que le phénomène est en pleine évolution et
recouvre en réalité des modèles très variés.
Les contreparties au financement participatif, en particulier, peuvent être multiples, qu’il
s’agisse de dons ou d’avantages en nature, comme des CD, des places de spectacle, ou
la mention du nom du donateur au générique d’un film, mais aussi de préventes, de
reconnaissance de dettes ou de parts de société.
Selon les modèles retenus, les plates-formes de crowdfunding ou les porteurs de projets
peuvent être soumis à des obligations très différentes.
Certains doivent se conformer à la réglementation bancaire et financière, notamment sur
la fourniture de services d’investissement, l’offre au public de titres financiers, la
réalisation d’opérations de banque, les services de paiement ou encore le démarchage
bancaire ou financier. Sans parler des règles fiscales ou relatives aux pratiques
commerciales déloyales ou au commerce électronique.
D’autres activités sont soumises à des obligations allégées, de par leur nature ou les
faibles montants en jeu. Par exemple, les plates-formes ou porteurs de projets collectant
des sommes peu importantes se trouvent généralement en-deçà des seuils d’application
des règles sur les prospectus à publier lors des offres publiques de produits financiers.
Ces différences dans la réglementation se doublent d’une hétérogénéi des règles et
des interprétations établies au niveau national.
Certains Etats membres, comme la France, la Belgique et l’Allemagne ont publié des
guides visant à clarifier la manière dont le crowdfunding pourrait être régulé. D’autres,
comme l’Italie, ont pris le parti d’un cadre spécifique au soutien des entreprises
innovantes.
Tout en préservant le principe de subsidiarité, nous devons nous interroger sur la
nécessité d’une meilleure mise en cohérence des cadres réglementaires nationaux, en
particulier dans le cas de plates-formes ou porteurs de projets actifs dans plusieurs pays
européens.
Nous devons aussi encourager une approche cohérente du phénomène avec nos
partenaires internationaux, notamment les Etats-Unis, nous suivons de près la mise
en œuvre par la SEC du JOBS Act.
Mesdames et Messieurs,
En dépit de cette hétérogénéité réglementaire, les activités de crowdfunding soulèvent
des questions communes.
Par exemple, comment assurer que les investisseurs ou donateurs ont accès à une
information transparente et fiable sur le projet, les montants collectés et leur
utilisation ?
Parallèlement, comment assurer une juste protection, notamment en termes de
propriété intellectuelle, des informations parfois sensibles publiées par de jeunes
entreprises innovantes ?
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Quelles garanties offrir aux investisseurs et aux porteurs de projet en cas d’échec d’une
plate-forme ? Et quelles stratégies de sortie prévoir pour les investisseurs en cas de
difficulté de l’entreprise émettrice ou emprunteuse, notamment lorsque les titres ne sont
pas cotés et peu liquides ?
L’atelier d’aujourd’hui doit nous permettre d’apporter de premières réponses à ces
questions.
Il doit surtout nous aider à mieux appréhender collectivement un phénomène nouveau,
dans sa grande diversité, avec ses avantages que nous devons saisir et ses éventuels
risques à éviter.
Vos points de vue sur le cadre réglementaire actuel et ses effets sur les perspectives de
développement du crowdfunding nous seront particulièrement utiles. Nous en tiendrons
le plus grand compte au moment de décider des prochaines étapes de notre réflexion sur
ce sujet.
Il est trop tôt pour savoir si le crowdfunding va révolutionner la finance, et même s’il
perdurera dans ses formes actuelles.
Mais une chose est re : si ce phénomène prometteur tient ses promesses, l’Europe ne
peut pas passer à côté ni se laisser distancée.
Nous devons mettre dès maintenant en place un cadre adéquat pour limiter les risques
éventuels tout en encourageant le développement du secteur.
Je compte sur vous pour nous y aider.
Merci pour votre attention.
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