e-rjcp Revue électronique - jurisprudence de la commande publique Code des marchés publics et ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 Revue hebdomadaire sauf périodes de congés 40 n° annuels Distribution par courriel Décisions Commentaires pour les marchés publics et contrats de l’ord. n° 2005-649 du 6 juin 2005. Conseil d'État, 26 janvier 2007, n° 256819, Société Baudin-Châteauneuf, à publier au Recueil Lebon Commentaires pour marchés publics les Gérant et directeur de publication Dominique Fausser Abonnement annuel - individuel : 120 € TTC - pour les personnes morales avec libre droit de reproduction interne à leurs personnels et dirigeants : 250 € TTC par tranche commencée de 250 salariés en effectif total de l’établissement ou de l’organisme public ordonnateur. - vente au n° 15 € TTC Pages Le cadre juridique des marchés de service « à procédure adaptée » en fonction de leur nature - Sous l’empire du Code des marchés publics de 2004, un seul article de référence : l’article 30. - Sous l’empire du Code des marchés publics de 2006, la procédure qui s’applique aux entités adjudicatrices relève des 148 et 146 A la recherche du support et du niveau de publicité adéquat - La publicité nationale : la primature du BOAMP - La publicité de niveau européen : à la recherche d’un seuil Le contenu de l’avis et du dossier de consultation - L’avis de publicité : contenu élémentaire et points de contact - Les documents de consultations peuvent laisser une place à l’initiative des candidats et être adaptés avant la remise des offres 2 à 11 Référence et indice de classement d’apport au droit positif de * à ***** Conseil d'État, 22 janvier 2007, nº 294290, Syndicat des transports d’Ile-deFrance Diffusion par Localjuris Formation 5, rue Henry Chambellan 21000 DIJON SARL au capital social de 7 500 euros – n° SIRET 447 717 943 00016 R.C.S. Dijon Fax : 03.80.56.87.76, Téléphone 06.30.43.87.69 Site internet : http://www.localjuris.com.fr Sommaire des commentaires Conseil d'État, 26 janvier 2007, n ° 297578, Société des mines de Sacilor– mentionné aux Tables du Recueil Lebon Commentaires pour les marchés publics et contrats de l’ord. n° 2005-649 du 6 juin 2005. Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) Le représentant du mandataire du maître d’ouvrage est la personne responsable du marché. De simples erreurs de procédure de l’administration ont couté fort cher aux contribuables Méprise n’est pas incompétence, du moins sur le terrain juridique. L’autorité absolue de la chose jugée ne s’applique qu’aux seuls objets des contestations En application du CCAG-Travaux, les paiements des intérêts moratoires des acomptes doivent être contestés au plus tard au stade du solde du marché - L’entrepreneur ne peut plus réclamer les intérêts moratoires des acomptes à défaut de contestation du décompte général. - À titre d’exception, la contestation est encore possible en cas de fraude ou d’erreur de calcul Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) Conseils pratiques pour les entreprises La mise en concurrence des concessions de travaux routiers La date d’application des directives communautaires sur les contrats en formation Le juge administratif incite le juge civil à ne pas limiter les moyens de contestation des actes administratifs L’application des principes du Traité de la Communauté européenne Une question en devenir : l’application du principe de sécurité juridique lors d’un recours préjudiciel. 12 à 18 19 à 27 Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) Auteur Dominique Fausser Bon de commande de l’abonnement Numéro 5 – 11 février 2007 28 e-rjcp Page 2 sur 28 ► Références Conseil d'État, 22 janvier 2007, nº 294290, Syndicat des transports d’Ile-de-France ► Thème - Passation des marchés de service l’article 30 du Code des marchés publics (CMP 2004 et 2006) et de l’article 148 (CMP 2006) - Organes de publication des marchés à procédures adaptée - Contenu des avis de publicité et du dossier de consultation des marchés à procédure adaptée - Possibilité d’adoption du cahier des charges avant la formulation des offres ► Résumé Le syndicat des transports d’Ile-de-France a fait paraître un avis d'appel public à la concurrence au bulletin officiel des annonces des marchés public, pour l'attribution d'un marché d'assistance et de conseil juridique d'une durée d'une année, reconductible deux fois, et d'un montant minimum annuel compris entre 100 000 euros et 400 000 euros, sur le fondement de l'article 30 du code des marchés publics de 2004 modifié par les décrets des 24 août et 30 décembre 2005. Ces marchés sont soumis, quel que soit leur montant, aux principes énoncés au deuxième alinéa du I de l'article 1er du même code, selon lesquels les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures […] par la définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. Lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, la personne responsable du marché est libre de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé (art. 30-I du CMP). Ce choix doit toutefois lui permettre de respecter les principes généraux précités qui s'imposent à elle. Le syndicat n'avait pas indiqué d'emblée dans les documents initiaux de la consultation les modalités selon lesquelles les tarifs d'honoraires devraient être indiqués Le syndicat a assuré une publicité suffisante au regard des prescriptions de l'article 30 du code des marchés publics en publiant un avis d'appel public à la concurrence au BOAMP. Compte tenu notamment du prix et de la durée du marché en cause, il n'était pas tenu de faire paraître un avis d'appel public à la concurrence au journal officiel de l'Union européenne. L’avis publié au BOAMP : - indiquait les principales caractéristiques du marché - et précisait d'autre part aux candidats éventuels le nom et les coordonnées de la personne responsable du marché, de sorte que ceux-ci étaient à même de demander la communication des documents de la consultation dans lesquels figuraient des précisions sur le marché et les modalités du dépôt des offres. Même si les honoraires constituaient le deuxième critère de sélection Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir L’article 30 originel du Code des marchés de 2004 avait été annulé par le Conseil d’État du 23 février 2005, n° 264712, 265248, 265281, 265343, ATMMP et autres (dont Localjuris formation avait recouru ce point) car il ne pouvait pas dispenser de façon générale la passation de tous les contrats relevant de cet article d'une procédure adéquate de publicité et de mise en concurrence. Cet arrêt du Conseil d’État commence à baliser le terrain d’application de cet article 30 sur le degré et le contenu des publicités à mettre en œuvre, ainsi que sur le degré de précision des cahiers des charges. Les principes qu’ils dégagent ont vocation à s’appliquer à tous les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices soumis au Code des marchés publics ou à l’ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005. On notera néanmoins qu’il laisse son lecteur sur sa faim, notamment sur les conditions de publication de ces marchés au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) et souffre de quelques imprécisions dans sa rédaction. Est-ce la raison pour laquelle il ne sera pas référencé au Recueil Lebon ? On remarquera aussi que les solutions dégagées dans le cas d’espèce concernent une autorité adjudicatrice, bien que la précision ne soit pas donnée par l’arrêt, car produit sous l’empire du Code des marchés publics de 2004 modifié. Elles doivent donc être replacées dans le contexte européen qui régit ce type de marché. Le cadre juridique des marchés de service « à procédure adaptée » en fonction de leur nature - Sous l’empire du Code des marchés publics de 2004, un seul article de référence : l’article 30. Didier Casas, commissaire du gouvernement, faisait alors remarquer dans ces conclusions que : « la procédure adaptée n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, une procédure. Elle est plutôt un éventail infini de procédures possibles, un espace de liberté et de responsabilité pour les acheteurs publics, seulement tenus de mettre en oeuvre un niveau minimal de publicité. Concrètement, en fonction de l'importance du marché, de son montant, de la spécialité professionnelle qu'il concerne, du nombre, par conséquent d'entreprises qualifiées susceptibles d'être intéressées et sans doute d'autres éléments encore, la personne responsable du marché choisira, sous le contrôle du juge, le degré de diffusion qu'elle doit donner à l'information selon laquelle elle envisage de passer le marché en question. » L’article 30 a été modifié en conséquence par le décret du 24 août 2005 : « I […] Les modalités de publicité et de mise en concurrence sont arrêtées en tenant compte des caractéristiques du marché, e-rjcp Page 3 sur 28 des offres, le syndicat n'était pas tenu d'indiquer dans les documents de la consultation si les montants des honoraires devaient être exprimés en tarifs horaires, journaliers ou forfaitaires, dans la mesure où l'absence de cette précision n'était susceptible ni de nuire à l'égalité entre les candidats, ni d'empêcher la comparabilité des offres. Le syndicat n'a pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en indiquant par courrier électronique, en réponse à la question d'un candidat, que les honoraires devaient correspondre à des tarifs horaires, dès lors que ce courrier a été diffusé à l'ensemble des personnes qui avaient demandé un dossier pour déposer leur candidature. ►Décision ** Conseil d'État Statuant au contentieux N° 294290 Inédit au Recueil Lebon 7ème et 2ème sous-sections réunies Mme Marianne Brun, Rapporteur , M. Boulouis, Commissaire du gouvernement, M. Martin Laprade, Président LE PRADO ; DE NERVO Lecture du 22 janvier 2007 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 27 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE, dont le siège est 11 avenue de Villars à Paris (75007) ; le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du 23 mai 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de l'association d'avocats Catala et Thévenet, suspendu la procédure de consultation engagée par le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE en vue de la passation d'un marché d'assistance et de conseils juridiques ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des marchés publics ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marianne Brun, chargée des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de Me Le Prado, avocat du SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE et de Me de Nervo, avocat de l'association d'avocats Catala et Thévenet, - les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics ( )./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir notamment de son montant, de son objet, du degré de concurrence entre les prestataires de service concernés et des conditions dans lesquelles il est passé. La personne responsable du marché peut décider qu'un marché sera passé sans publicité, voire sans mise en concurrence, s'il apparaît que de telles formalités sont, du fait des caractéristiques du marché, manifestement inutiles ou impossibles à mettre en oeuvre. […] Le juge égrène donc les conditions d’exercice de cette liberté telle que mentionnée par cet article, tout en précisant comme il se doit, qu’elle s’exerce sous son contrôle et dans le respect des principes de l’article 1er du Code. Ces principes ont été par ailleurs érigés au rang de principe constitutionnel, par la décision du Conseil constitutionnel nº 2003-473 DC relative à la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit : « les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l'article 1er du nouveau code des marchés publics, aux termes duquel : « Les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. L'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse » » On remarquera que le Code des marchés publics 2006 a supprimé la référence à la définition préalable des besoins de l’article 1er. Mais cette référence était redondante avec les dispositions de l’article 5 du Code de 2004, et maintenues au Code de 2006 (Titre II- Dispositions générales) : la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d’un appel à la concurrence […] Sous l’égide du Code des marchés publics de 2006, l’art 30 renvoie désormais directement aux modalités d’application de la procédure adaptée selon le montant des marchés, de l’article 28 : « Les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat.» e-rjcp Page 4 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir procédure et pour une durée maximum de vingt jours. ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE a, sur le fondement de l'article 30 du code des marchés publics, fait paraître un avis d'appel public à la concurrence au bulletin officiel des annonces des marchés publics, pour l'attribution d'un marché d'assistance et de conseil juridique d'une durée d'une année, reconductible deux fois, et d'un montant minimum annuel compris entre 100 000 euros et 400 000 euros ; que, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par l'association d'avocats Catala et Thévenet, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance du 23 mai 2006, suspendu la procédure de passation du marché ; que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que le syndicat n'avait pas indiqué d'emblée dans les documents initiaux de la consultation les modalités selon lesquelles les tarifs d'honoraires devraient être indiqués ; que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit en jugeant que la seule absence de ces indications dans le dossier initial de la consultation suffisait à établir la méconnaissance des obligations de publicité imposées par l'article 30 du code des marchés publics, sans rechercher si cette omission avait pu être compensée par des compléments d'information ultérieurement apportés à ce dossier en cours de consultation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par l'association d'avocats Catala et Thévenet ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE ; Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue des décrets des 24 août et 30 décembre 2005 applicable aux faits de l'espèce : I. - Les marchés publics de service, dont le montant estimé est égal ou supérieur à 4 000 euros HT, qui ont pour objet des prestations de service qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés selon une procédure adaptée librement définie par la personne responsable du marché dans les conditions prévues par le présent article./ Les modalités de publicité et de mise en concurrence sont arrêtées en tenant compte des caractéristiques du marché, notamment de son montant, de son objet, du degré de concurrence entre les prestataires de service concernés et des conditions dans lesquelles il est passé.( ) ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue par l'article 30 du code des marchés publics sont soumis, quel que soit leur montant, aux principes énoncés au deuxième alinéa du I de l'article 1er du même code, selon lesquels les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ( ) par la définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. ; que si, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, la personne responsable du marché est libre de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix doit toutefois lui permettre de respecter les principes généraux précités qui s'imposent à elle ; Numéro 5 – 11 février 2007 - Sous l’empire du Code des marchés publics de 2006, la procédure qui s’applique aux entités adjudicatrices relève des 148 et 146. Le Syndicat des transports d’Ile-de-France est une autorité adjudicatrice, telle que définie par le nouvel article 135 du CMP de 2006, conformément au droit communautaire : « Sont soumises aux dispositions de la présente partie les activités d’opérateurs de réseaux suivantes : […] 4° Les activités relatives à l’exploitation d’une aire géographique permettant d’organiser et de mettre à disposition des transporteurs […] ou d’autres terminaux de transport ; 5° Les activités d’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, tramways, trolleybus, autobus, autocar, câble ou tout système automatique, ou la mise à la disposition d’un exploitant de ces réseaux. […] L’équivalent des services de l’article 30 est désormais régi par l’article 148 qui renvoie à l’article 146 (procédure adaptée selon le montant). Il s’agit d’un calque parfait des articles 30 et 28 qui ne différent que par le nécessaire ajustement de vocabulaire et d’articles de renvois. Cependant, en application du droit européen, les procédures des entités adjudicatrices confèrent une marge de liberté plus grande que celles applicables aux pouvoirs adjudicateurs. Ainsi pour les procédures de passation des marchés formalisées (dont sont dispensés les services de l’article 148) : - leur seuil ne s’applique qu’à compter de 420.000 € HT, - leur mise en concurrence peut s’effectuer uniquement sur la base d’un avis indicatif préalable, - le recours en marché négocié sans nombre minimum de candidats est toujours possible (on notera cependant que contrairement aux CMP de 2004 et 2006, le droit européen antérieur et nouveau ne permet pas d’y substituer la procédure de concours), - il est possible de présélectionner des candidats sur la base d’un système de qualification. De ce fait, même sous l’égide du Code de 2004 qui restait silencieux sur la question puisqu’un seul article régissait la procédure, la passation des marchés de service des opérateurs de réseaux à procédure allégée selon leur nature, était nécessairement plus souple en référence au droit européen. Cet assouplissement semble désormais également possible sous l’empire du Code des marchés publics de 2006 pour les marchés à procédure formalisée (art. 28). En effet, le nouvel article 28 sur procédure adaptée en fonction de leur montant, qui régit e-rjcp Page 5 sur 28 Considérant que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE a assuré une publicité suffisante au regard des prescriptions de l'article 30 du code des marchés publics en publiant un avis d'appel public à la concurrence au bulletin officiel des annonces des marchés public ; que compte tenu notamment du prix et de la durée du marché en cause, il n'était pas tenu de faire paraître un avis d'appel public à la concurrence au journal officiel de l'Union européenne ; Considérant que l'avis publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics indiquait d'une part les principales caractéristiques du marché et précisait d'autre part aux candidats éventuels le nom et les coordonnées de la personne responsable du marché, de sorte que ceux-ci étaient à mêmes de demander la communication des documents de la consultation dans lesquels figuraient des précisions sur le marché et les modalités du dépôt des offres ; que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE n'était pas tenu d'indiquer dans les documents de la consultation si les montants des honoraires devaient être exprimés en tarifs horaires, journaliers ou forfaitaires quand bien même les honoraires constituaient-ils le deuxième critère de sélection des offres, dans la mesure où l'absence de cette précision n'était susceptible ni de nuire à l'égalité entre les candidats, ni d'empêcher la comparabilité des offres ; que le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILEDE-FRANCE n'a pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en indiquant par courrier électronique, en réponse à la question d'un candidat, que les honoraires devaient correspondre à des tarifs horaires, dès lors que ce courrier a été diffusé à l'ensemble des personnes qui avaient demandé un dossier pour déposer leur candidature ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association d'avocats Catala et Thévenet n'est pas fondée à demander la suspension de la procédure engagée par le SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE pour la passation du marché d'assistance et de conseil juridique ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'association d'avocats Catala et Thévenet demande au titre des frais exposées par elle et non compris dans les dépens ; DECIDE : Article 1er : L'ordonnance du 23 mai 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée. Article 2 : La demande de l'association d'avocats Catala et Thévenet devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris est rejetée. Article 3 : Les conclusions de l'association d'avocats Catala et Thévenet tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES TRANSPORTS D'ILE-DE-FRANCE et à l'association d'avocats Catala et Thévenet. ► Ce qu’il faut retenir également les marchés de l’article 30 des services à procédure allégée en fonction de leur nature, dispose que « Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s’inspirer des procédures formalisées prévues par le présent code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures » Or cette disposition qui s’applique aux pouvoirs adjudicateurs, en ne limitant pas l’inspiration aux seules procédures du Titre Ier, permet l’utilisation des modalités de passation des marchés du Titre II du même Code applicable aux pouvoirs adjudicateurs. C’est assez logique. Par définition la réglementation européenne des opérateurs de réseaux respecte les principes du Traité de l’Union de la commande publique nationale. Il n’y a donc pas de raison de limiter cette liberté d’inspiration au seul régime plus strict des marchés des pouvoirs adjudicateurs. Le seul point de différence entre les deux régimes pour ces marchés à procédure adaptée ne concerne que les seuils d’application des procédures formalisées de faible montant des marchés de fournitures et services : sous 210.000 € HT en art. 28 et sous 420.000 € en art. 146) A la recherche du support et du niveau de publicité adéquat La présente affaire traite d’un marché d'assistance et de conseil juridique d’un montant conséquent, puisque « d'un montant minimum annuel compris entre 100 000 euros et 400 000 euros ». On peut légitimement s’interroger sur le fait de savoir s’il ne s’agit pas d’une coquille. En effet, on voit mal comment fixer un double seuil minimal. Il s’agit probablement d’un marché situé entre un minimum de 100.000 € et un maximum de 400.000 €, tout en ignorant s’il s’agit de seuls HT ou TTC. - La publicité nationale : la primature du BOAMP Sans autre explication, le Conseil d’État affirme qu’un avis d’appel public à la concurrence paru au BOAMP publicité était suffisant au regard des prescriptions de l'article 30 du code des marchés publics. Trois décisions de justice en référé pré-contractuel pour des marchés de faibles montants (art.28 du CMP) avaient fait grand bruit, censurant des marchés à procédure adaptée pour publicité insuffisante : - dans un journal local d’annonces légales, la Voix du Nord - et sur le site internet de la région, pour un marché de programmation d'un montant de 35.000 euros HT (CE, 7 octobre 2005, n° 278732, Région Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 6 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir Nord-Pas-de-Calais), - dans un journal local d’annonces légales : Le Mahorais, pour un marché de fourniture de bacs roulants dont le montant ne figure par dans la décision (TA de Mamoudzou, 2 mai 2006, Société Réunion Villes Propres dans plusieurs), - dans deux journaux locaux d’annonces légales : le Midi Libre et l'Indépendant pour un marché de travaux estimé à 3 553 555,20 € TTC (TA de Montpellier,14 mars 2006, n° 0601102, Société Azur BTP) Les commentateurs de ces décisions qui publiaient leurs articles dans des revues vendant des espaces d’annonces légales, avaient argué du défaut de publicité dans un journal spécialisé, tout en omettant soigneusement d’évoquer les solutions à ces litiges si la publication avait été adressée uniquement au BOAMP. À la lecture sèche de cet arrêt, une publicité au BAOAMP est suffisante « au regard des prescriptions de l'article 30 du code des marchés publics » Le régime juridique de publication des marchés à procédure adaptée selon leur montant étant lié, depuis l’annulation partielle de l’article 40 du CMP de 2004 par l’arrêt du CE du 23/02/2003 ATMMP et autres, la position du juge sur ce niveau de publicité d’un marché d’un montant significatif vaut également pour les marchés de faible montant. Il n’a pas recherché « si une publicité dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné serait utile pour assurer une publicité conforme aux objectifs mentionnés à l’article 1er du présent code » (art. 40 III du CMP de 2004, à compter de 90.000 € HT). A fortiori, sous l’égide du Code des marchés publics de 2006, il n’aura pas à rechercher si « une publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné est par ailleurs nécessaire pour assurer une publicité conforme aux principes mentionnés à l’article 1er. » (art. 40 III du CMP de 2004, à compter de 90.000 € HT). Certes, on peut estimer que les assistants et conseillers juridiques savent que le BOAMP est un support habituel et officiel de publicité des marchés publics (sinon on pourrait douter de leurs compétences), et une publication dans un journal d’annonces légales local aurait peu de sens en raison du montant du marché. On ne prend pas de grands risques en affirmant qu’au titre des publications nationales et quelles que soient les procédures de mise en concurrence, dans la très grande majorité des cas, une simple publication au BAOMP semble suffisante. Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 7 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir L’article 40-III du CMP de 2004 et 2006 laissent un choix de publication entre 90.000 € HT et sous les seuils de 135.000 € HT (État) ou 210 000 € HT (collectivités locales) « soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics, soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales ». Le choix unique du journal d’annonces légales comme une alternative à la publication du BOMP comporte fort risque juridique. Il ne parait être utilisable qu’aux activités de commerces de guichets, non habitués à rechercher des commandes publiques pour une réalisation ne pouvant être menée que par des prestataires locaux (exemple des réservations du secteur de l’hôtellerie de proximité). Dans ces rares circonstances : - ce choix s’impose d’un point de vue économique (et probablement juridique), même si l’autorité adjudicatrice décide par mesure de sécurité de publier également au BAOMP quel que soit le montant du marché à procédure adaptée ; - en dessous du seuil de 90.000 € HT, l’absence totale de publicité par presse d’un marché à mettre en concurrence, en principe à partir de 4.000 € HT, ne pourra être palliée par des demandes de devis que si tous les prestataires peuvent être identifiés (exemple des réservations du secteur de l’hôtellerie de proximité, alors que seuls quelques hôtels sont susceptibles d’accueillir les résidents de l’autorité adjudicatrice). La publication dans des journaux spécialisés correspondant au secteur économique concerné ne paraît nécessaire et s’imposer qu’à la double condition qu’elle existe au regard de l’objet du marché, et que le secteur économique couvert n’ait pas une culture de recherche de leur chiffre d’affaires par marchés publics (contrats de l’ordonnance du 6 juin 2005) dans leur spécialisation. En dehors de ce cas, elle peut aussi être économique utile pour un lectorat habitué à y rechercher des annonces de marchés publics (cf. secteur BTB). - La publicité de niveau européen : à la recherche d’un seuil C’est l’un des moyens d’assurer une publicité de niveau adéquat. Elle présente l’avantage d’être gratuite. Les nouvelles directives s’ouvrent désormais à ces publicités qualifiées de « publication non obligatoire ». Le juge a estimé que « Compte tenu notamment du prix et de la durée du marché en cause, il n'était pas tenu de faire paraître un avis d'appel public à la concurrence au journal officiel de l'Union européenne. » On remarquera en premier lieu que l’objet même du marché n’est pas évoqué, mais uniquement un Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 8 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir critère de prix et de durée. On peut supposer sans grand risque que la problématique sur le terrain de la publicité européenne ne se pose qu’à partir des seuils européens, et donc pour les seuls marchés à procédure adaptée en raison de leur nature. Il est nécessaire de comprendre que dans le cas d’espèce, le marché relevait du droit européen applicable aux entités adjudicatrices. La date de l’ordonnance de suspension par le tribunal administratif datant du 23 mai 2006, l’avis a probablement été passé sous l’égide de la nouvelle directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (JOUE du 30 avril 2004, L 134/1), à mettre en œuvre au plus tard le 31 janvier 2006. Or, le seuil de publicité pour les marchés de services qui ne sont pas à procédure adaptée en raison de leur nature, est de 422.000 € HT pour les entités adjudicatrices (arrondi à 420.000 € par le CMP). Le calcul comprend les reconductions : « Le calcul de la valeur estimée d'un marché est fondé sur le montant total payable, hors TVA, estimé par l'entité adjudicatrice. Ce calcul tient compte du montant total estimé, y compris toute forme d'option éventuelle et les reconductions du contrat éventuelles. » (art. 17-1). Ce n’est que dans le cas où le marché de services n'indique pas un prix total que le seuil est plafonné à 48 fois sa valeur mensuelle (art. 17-11). Dans le cas d’espèce, le marché se situait entre 100.000 et 400.000 euros annuel (HT ou TTC ?), reconductible deux fois. Le droit européen ne précise pas la règle de calcul dans un marché à minimum et maximum. Mais l’article 17-7 de la directive précise le mode d’évaluation des services réguliers : « Lorsqu'il s'agit de marchés de fournitures ou de services présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d'une période donnée, est prise comme base pour le calcul de la valeur estimée du marché : a) soit la valeur réelle globale des contrats successifs analogues passés au cours des douze mois précédents ou de l'exercice précédent, corrigée, si possible, pour tenir compte des modifications en quantité ou en valeur qui surviendraient au cours des douze mois suivant le contrat initial ; Cette évaluation annuelle ne dispense pas de la multiplication à chaque répétition du marché, selon Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 9 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir l’interprétation donnée par le Guide européen sur l’ancienne directive 92/50 rédigée en des termes très proches (page 20 et 21) Dans le cas d’espèce : - si on ne prend que le minimum (100.000 € x 3 ans), on arrive à 300.000 €, soit à un seuil inférieur à celui des procédures formalisées européennes, - si on ne prend que le maximum (400.000 € x 3 ans), ce qui est la doctrine en droit national, on arrive à 1.200.000 €, soit à un seuil supérieur à celui des procédures formalisées européennes, - si on ne prend que l’intermédiaire (250.000 € x 3 ans), on arrive à 750.000 €, soit à un seuil supérieur à celui des procédures formalisées européennes. On se trouve face à trois d’interprétations possibles par le juge : - soit, en référence à l’article 17-7 de la directive 2004/17/CE, il a pu considérer au titre de l’estimation des consommations des 12 derniers mois éventuellement corrigé de l’estimation des 12 mois suivants, que le seuil ne dépassant pas 140.000 € HT x 3 ans (420.000 € HT), même si par précaution un seuil maximal annuel a été porté à 400.000 € HT ; - soit, il a mal assimilé la notion de reconduction en droit européen, - soit, il a estimé que le seuil de publication au JOUE des marchés à procédure adaptée en raison de leur nature, en application des principes du Traité CE, n’avait pas à être calquer sur le montant des directives, mais sur d’autres considérations de montant et de durée inconnues à ce jour. Le contenu de l’avis et du dossier de consultation - L’avis de publicité : contenu élémentaire et points de contact Le juge a validé le contenu de l’avis de publicité qui comportait les principales caractéristiques du marché et précisait aux candidats éventuels le nom et les coordonnées de la personne responsable du marché. Les candidats étaient donc à même de demander la communication des documents de la consultation dans lesquels figuraient des précisions sur le marché et les modalités du dépôt des offres. Le raisonnement est logique. Il faut que l’avis puisse susciter l’intérêt des candidats potentiels et n’a pas à être aussi détaillé qu’un avis de procédure formalisée. Par contre, le dossier de consultation doit fournir les précisions et être aisément disponible. Si cette disponibilité ne peut être réalisée par la mise à disposition électronique, le candidat doit disposer d’un point de contact identifié pour l’obtenir : en l’occurrence le nom et les coordonnées de la Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 10 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir personne responsable du marché. En pratique, les coordonnées de la personne (ou du service) qui instruit le dossier doivent être aisément identifiées par les candidats. Depuis, le Code des marchés publics de 2006 à son article 42, 2ème alinéa, impose un règlement de consultation « Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, le règlement de la consultation peut se limiter aux caractéristiques principales de la procédure et du choix de l’offre. » Mais comme toute procédure, « Ce règlement est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l’avis d’appel public à la concurrence » (article 42, 1er alinéa) - Les documents de la consultation peuvent laisser une place à l’initiative des candidats et être adaptés avant la remise des offres Les honoraires constituaient un critère important de sélection des offres (le second), Le juge estime néanmoins que les documents de la consultation, n’avaient pas à préciser si ces honoraires devaient être exprimés en tarifs horaires, journaliers ou forfaitaires. L'absence de cette précision n'était susceptible ni de nuire à l'égalité entre les candidats, ni d'empêcher la comparabilité des offres. Dans le cadre d’une procédure relativement libre, des formulations originales des offres sont ainsi possibles. De surcroît, le Code de 2006 par son article 6 sous l’emprise du droit européen, permet aux autorités adjudicatrices (pourvois et entités), d’exprimer leurs besoins en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles pour tous leurs marchés. Il s’en suit nécessairement une certaine difficulté de comparaison des réponses techniques et financières. C’est la conséquence de l’imagination au pouvoir. Dans ce cas, l’autorité adjudicatrice s’attend à des difficultés d’analyse et de motivation du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, éléments susceptibles d’être également attaqués en référé pré-contractuel. Dans cette affaire, cette difficulté n’ayant pas échappé à l’entité adjudicatrice qui a été alertée par un candidat, à précisé à l’ensemble des candidats ayant retiré un dossier qu’ils devaient formuler leur offre sur la base d’un tarif horaire. Cette procédure aurait pu être considérée comme cavalière dans le cadre d’un appel d’offres qui ne permet que l’envoi renseignements complémentaires. La solution n’est guère choquante dans des procédures laissant un espace de négociation avec les candidats et par conséquent, une certaine adaptation du cahier des charges, même avant le dépôt des offres. Le principal est de respecter le cadre de concurrence d’origine tel qu’il a été fixé dans l’avis de publicité. Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 11 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir On notera également que l’autorité adjudicatrice a procédé par simple envoi de courriel alors que le dossier d’origine n’était pas disponible par cette voie. Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) - Privilégiez une publicité au BOAMP pour vos avis de publicité des procédures adaptées, sauf cas manifeste d’inadéquation de ce support. - Publiez des avis dans les journaux locaux d’annonces légales ou dans les publications spécialisées que si l’enjeu économique le justifie. - Par sécurité juridique, publiez au JOUE vos marchés de services à procédure allégée qui atteignent un seuil européen de procédure (135.000, 210.000 ou 420.000 € HT selon les cas) - Assurez-vous que le dossier de consultation soit facilement accessible. - Votre avis d’appel public à la concurrence doit être suffisamment renseigné pour susciter l’intérêt des candidats potentiels. Si vous n’y faites pas figurer les caractéristiques principales de la procédure et du choix de l’offre, vous devez produire au dossier de consultation un règlement de consultation. Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 12 sur 28 ► Références Conseil d'État, 26 janvier 2007, n° 256819, Société Baudin-Châteauneuf, à publier au Recueil Lebon ► Thème - Qualité de personne responsable du marché au sens du CCAG-marchés publics de travaux et intervention d’un mandataire - Effets du décompte général sur la revendication des intérêts moratoires des acomptes - Effet relatif de l’autorité absolue de la chose jugée ► Résumé Les dispositions de l’article 178-II du Code des marchés d’avant 2001 du Code des marchés publics ont pour seul objet de prévoir que les intérêts moratoires sur les acomptes et le solde courent de plein droit à l'expiration des délais de mandatement impartis à l'administration. Elles portent uniquement sur les conditions de constitution du droit aux intérêts, et non sur les conditions dans lesquelles le versement des sommes faisant l'objet de la créance d'intérêts ainsi constituée à son profit peut être demandé par le titulaire du marché, notamment en cas de contestation. Il n’est pas nécessaire, pour le titulaire du marché, d'adresser à l’administration une sommation de payer ces acomptes ou ce solde. Le titulaire ne peut se prévaloir de ces dispositions pour contester l'application de l’art. 13.44 du CCAG - marchés publics de travaux, relative tant à la procédure de règlement des différends entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre qu'à la procédure d'établissement et de contestation du décompte général. Lorsqu'au nombre des attributions du mandataire désigné par le maître de l'ouvrage, dans les conditions prévues par les articles 3 et suivants de la loi du 12 juillet 1985, figure la gestion du contrat de travaux, le représentant légal du maître d'ouvrage délégué ou la personne physique désignée par celui-ci pour le représenter dans l'exécution du marché doit être regardé comme la personne responsable du marché et sauf clause contraire du contrat, pour l'application de l’art. 13.42 du CCAG - marchés publics de travaux. Le directeur opérationnel de la société, maître d'ouvrage délégué, avait donc la qualité de personne responsable du marché pour l'application de l’art. 13.42 du CCAG et était compétent pour signer le décompte général de ce marché. Si le titulaire produit une télécopie du 16 décembre 1994 par laquelle un agent du service marchés de la Commune, maître d’ouvrage, lui confirme que la personne responsable du marché est M. le Maire pour tous les marchés passés au nom de la ville, il ne peut s’en prévaloir, à l'appui de son pourvoi en cassation, car : - cet élément ne figurait pas dans le dossier soumis aux juges du fond, - la circonstance que, par un arrêt du 17 février 2004, la cour administrative d'appel de Douai a jugé, au vu notamment de cette télécopie, que le décompte général du marché dont elle était titulaire n'avait pas été régulièrement signé par la personne responsable du marché, seule autorisée à le faire en vertu de l'art. 13.42 du CCAG marchés publics de travaux, n'avait donc pu acquérir un caractère définitif, dès lors que cet arrêt est postérieur à l'arrêt attaqué. Cet arrêt du 17 février 2004 n'est pas au nombre des décisions de Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir L’affaire concerne le recouvrement d’intérêts moratoires dans la cadre d’une opération faisant intervenir un maître d’ouvrage délégué mandataire. Elle comporte de nombreux apports juridiques sur la définition de la personne responsable du marché et sur l’effet relatif de la chose jugée. Par ailleurs, le juge confirme sa jurisprudence sur les effets d’une absence d’appel de garantie devant le tribunal et sur la revendication des intérêts moratoires des acomptes dans un marché régis par le du CCAG - marchés publics de travaux. Le représentant du mandataire du maître d’ouvrage est la personne responsable du marché. En application du CCAG - marchés publics de travaux visé au marché, le maître d’ouvrage doit signer et notifier au titulaire du marché son décompte final (at. 13.42) afin de pouvoir lui opposer les délais de contestations de 30 jours, ou de 45 jours si la durée d’exécution du marché est supérieure à 6 mois (art. 13-45) - CE, 28 septembre 2001, Sté Quillery, nº 182761 (sanction du défaut de signature par le maître d’ouvrage) - CE 26 mars 2004, n° 219974, Sté Marc (sanction du défaut de notification par ordre de service) - CAA de Paris 7 mai 2002, nº 00PA02137, Sté Idex : Contrats - Marchés publ. 2003, comm. 252, note F. Llorens (le maitre d’ouvrage doit apporter la preuve que le signataire à la qualité de personne responsable du marché et la date de notification du décompte final) - CAA de Paris, 19 févr. 2004, n° 99PA00376, Société Sachet Brulet (sanction du défaut d’établissement et de notification du décompte par le maître d’ouvrage). - CAA de Douai, 17 février 2004, n° 01DA00448, Commune de Lille (confusion dans la qualité de personne responsable de marché par le maître d’ouvrage, l’opération étant sous mandat) : affaire également évoquée dans la présente instance, le requérant y étant également partie pour la même opération de travaux. L’entreprise n’ayant pas contesté à temps le décompte final, a recherché à mettre en cause la qualité de responsable du marché telle que définie au CCAG L’art. 2.1 du CCAG stipule que « […] La "personne responsable du marché" est le représentant légal du maître de l'ouvrage ou la personne physique désignée par le maître de l'ouvrage pour le représenter dans l'exécution du marché […] » e-rjcp Page 13 sur 28 justice revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée. Il statue sur des conclusions qui tendent au paiement de travaux supplémentaires et au remboursement de pénalités de retard et n'avaient pas le même objet que les conclusions sur lesquelles a statué l'arrêt attaqué. Le titulaire n'a à aucun moment soutenu devant les juges du fond, que le décompte général du marché n'avait pas été notifié par ordre de service en méconnaissance de l’art. 13.42 du CCAG - marchés publics de travaux. Même si le titulaire fait valoir que le décompte n'avait pu devenir définitif compte tenu de ce qu'un litige portant sur le même marché était pendant devant la même Cour, l’argument tiré de la méconnaissance du CCAG qui n'est pas d'ordre public est nouveau en cassation et donc irrecevable. Le titulaire n'avait pas renvoyé dans le délai de 45 jours le décompte général au maître d'oeuvre en faisant valoir que ledit décompte ne reprenait pas les intérêts moratoires dont elle demandait le paiement. Ce décompte était, dès lors, devenu définitif et ne peut être contesté. Le mémoire en réclamation présenté par le titulaire en application de l’art. 50.11 du CCAG - marchés publics de travaux (différends survenant entre l'entrepreneur et le maître d'œuvre) avant l'établissement du décompte général, ne peut être regardé comme constituant le mémoire de réclamation mentionné au 44 de l'article 13 du même cahier. En outre, le titulaire ne peut utilement se prévaloir à l'appui de son pourvoi en cassation, cette pièce n’ayant pas été produite devant les juges du fond. Les stipulations des deux premiers alinéas de l'article 13.44 du CCAG - marchés publics de travaux permettent la discussion des intérêts moratoires même après la signature du décompte général, exclusivement sur ceux qui courent sur le solde résultant de ce décompte. Les stipulations de l'article 13.44 du CCAG - marchés publics de travaux : - ne sauraient concerner les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général, eu égard au caractère définitif du décompte accepté, - n'ont ni pour objet de dénier au titulaire le droit d'obtenir le versement des intérêts moratoires, ni pour conséquence de priver d'effet utile l'exercice de ce droit, - ne peuvent être regardées comme constitutives d'une renonciation aux intérêts moratoires au sens des dispositions de l'article 67 de la loi du 8 août 1994. ►Décision Conseil d'État Statuant au contentieux N° 256819 Mentionné aux Tables du Recueil Lebon 7ème et 2ème sous-sections réunies Mme Marisol Touraine, Rapporteur, M. Boulouis, Commissaire du gouvernement, M. Martin Laprade, Président SCP BARADUC, DUHAMEL ; LE PRADO Lecture du 26 janvier 2007 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai et 15 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF, représentée par Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir Fort logiquement, le Conseil d’État a constaté que le mandataire du maître d’ouvrage, avait la capacité de représenter le maître d’ouvrage et devait être considéré comme personne responsable du marché au sens de l’article 3 de la loi du 12 juillet 1985 (loi MOP), à défaut de clause contraire dans le marché. Le titulaire aurait pu aussi tenter de rechercher si le directeur opérationnel du mandataire avait bien la capacité juridique de représenter la SEM mandataire selon ses règles internes de délégation, mais l’argumentaire n’a pas utilisé, le titulaire requérant ayant tenté de soulever un motif d’incompétente au titre d’un contentieux parallèle (point développé plus loin) De simples erreurs de procédure de l’administration ont couté fort chères aux contribuables Un agent du service des marchés de la Commune, maître d’ouvrage, avait commis la maladresse de télécopier en décembre 1994 un document au titulaire confirmant que la personne responsable du marché était le Maire de la Commune alors que le décompte définitif a été signé et notifié par le maître d’ouvrage délégué, mandataire du maître d’ouvrage, en janvier1995. L’entrepreneur qui n’a adressé son mémoire en réclamation à la Commune qu’en juillet 1995 (6 mois plus tard au lieu des 45 jours), a obtenu dans une autre instance (CAA de Douai, 17 février 2004, nº 01DA00448, Commune de Lille) l’absence de forclusion de sa réclamation et s’est fait indemnise des multiples fautes commises par le maître d’ouvrage et le maitre d’oeuvre dans ce marché traité à prix forfaitaire : - retard dans la souscription par le maître d’ouvrage d’une police unique de chantier ayant engendré des frais supplémentaires par l’entrepreneur, - modification de contenu du marché, ayant engendré des travaux supplémentaires, - détails d’exécution erronés. Le maître d’ouvrage ayant omis d’appeler en garantie devant les premiers juges, le maitre d’œuvre et le mandataire, garantie devenant infondée devant les juges d’appel, a supporté seul le paiement des indemnisations Cette double erreur qui aurait pu être aisément évitée a couté la modeste somme de 1.526.457 € au contribuable local. L’entrepreneur a tenté de revenir à la charge dans la présente affaire, sur le même argumentaire de confusion de la qualité de personne responsable du marché et de non-forclusion de son mémoire en réclamation sur des intérêts moratoires. e-rjcp Page 14 sur 28 son président-directeur général en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, 60, rue de la Brosse, B.P. 19 à Châteauneuf-sur-Loire (45110) ; la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF demande au Conseil d'Etat ; 1°) d'annuler l'arrêt du 11 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le rejet, par un jugement du tribunal administratif de Lille en date du 20 septembre 2000, de sa demande tendant à ce que la commune de Lille et la société Euralille soient solidairement condamnées à lui verser les sommes de 385 276,32 francs hors taxes à titre d'intérêts moratoires pour retard dans le règlement des acomptes mensuels du marché de travaux dont elle était titulaire dans le cadre de l'opération de construction d'un bâtiment à usage de congrès, d'expositions et de spectacles, 500 452,19 francs hors taxes au titre de la majoration pour intérêts non mandatés avec le principal et 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de condamner la commune de Lille à lui verser les sommes de 58 735 euros hors taxes au titre des intérêts moratoires auxquels elle a droit, capitalisés à compter du 11 octobre 1999, de 132 679,04 euros hors taxes au titre de la majoration pour intérêt non mandatés avec le principal ainsi que de 22 870 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des marchés publics ; Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée ; Vu la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, notamment son article 67 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Marisol Touraine, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF et de Me Le Prado, avocat de la société EuraLille, - les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ; Considérant que la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF, membre du groupement conjoint titulaire des lots numéros 1 à 3, portant sur le grosoeuvre étendu, de l'opération de construction de l'ensemble immobilier dénommé Congrexpo, à Lille, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête contre le jugement du 20 septembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Lille et de la société Euralille, en leur qualité, respectivement, de maître d'ouvrage et de maître d'ouvrage délégué, à lui verser les sommes de 385 276,32 francs hors taxes au titre des intérêts moratoires dont elle s'estime créancière en raison de retards dans le paiement des acomptes du marché, 500 452,19 francs hors taxes au titre de la majoration pour intérêts non mandatés avec le principal et 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement ; Sur la régularité de l'arrêt attaqué : Considérant que la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance, par certaines stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, des dispositions du II de l'article 178 du code des marchés publics selon lesquelles : Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date de mandatement du principal ; qu'aux termes des deux premiers alinéas du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir Méprise n’est pas incompétence, du moins sur le terrain juridique. L’argumentaire sur l’irrégularité du décompte n’avait pas été invoqué devant le tribunal administratif. Ce vice n’étant pas de ceux à relever d’office par le juge, cette irrégularité ne peut plus être invoquée en cassation, et ne le suppose même en appel. L’incompétence du signataire d’un acte entraine sa nullité absolue et constitue un motif d’ordre public qui peut être valablement invoqué à tout moment de la procédure, en appel comme en cassation (Conseil d'État, 8 février 1999, n° 185749, Commune de Cap d’Ail). Mais dans le cas d’espèce, le décompte était contestable, non au titre de la compétence du mandataire à signer le décompte, mais uniquement en raison de la méprise commise par l’agent de la Commune. L’autorité absolue de la chose jugée ne s’applique qu’aux seuls objets des contestations. Bien que le Conseil d’État ait pu en faire l’économie, il profite de ce litige pour poser un principe sur la portée de la chose jugée par les décisions définitives des juridictions. Si l’entreprise a pu avoir gain de cause dans un jugement rendu définitif qui a admis implicitement la prise en compte de la télécopie du service qui a fait échec à la forclusion du mémoire en réclamation et permis l’indemnisation de travaux supplémentaires et remboursement de pénalité, l’entrepreneur n’avait réclamé lors de cette instance, le paiement des intérêts moratoires. Le Conseil d’État affirme donc le caractère relatif des effets des décisions de justice revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée. Une qualification juridique retenue par une décision de justice ne peut plus être contestée par voie d’appel ou de cassation, mais uniquement au titre de l’objet même de cette contestation ainsi jugée. L’argumentaire sur la non-forclusion du décompte aurait également dû être présenté devant le tribunal administratif. En outre l’arrêt et à titre superfétatoire, l’autre affaire en Cour d’appel n’avait pas été définitivement jugée lors de l’appel à la présente instance. En application du CCAG-Travaux, les paiements des intérêts moratoires des acomptes doivent être contestés au plus tard au stade du solde du marché Dans la présente affaire, le Conseil d’État précise qu’il n’est pas nécessaire, pour le titulaire du e-rjcp Page 15 sur 28 de le signer. ( ) / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché ; que les dispositions précitées du code des marchés publics , qui ont pour seul objet de prévoir que les intérêts moratoires sur les acomptes et le solde courent de plein droit à l'expiration des délais de mandatement impartis à l'administration, sans notamment qu'il soit nécessaire, pour le titulaire du marché, d'adresser à cette dernière une sommation de payer ces acomptes ou ce solde, portent uniquement sur les conditions de constitution du droit aux intérêts, et non sur les conditions dans lesquelles le versement des sommes faisant l'objet de la créance d'intérêts ainsi constituée à son profit peut, en cas notamment de contestation, être demandé par le titulaire du marché ; qu'ainsi, la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions en cause pour contester l'application, au litige l'opposant à la société Euralille et à la commune de Lille, des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux relatives tant à la procédure de règlement des différends entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre qu'à la procédure d'établissement et de contestation du décompte général ; qu'en s'abstenant de répondre à un tel moyen, la cour administrative d'appel de Douai n'a, dès lors, entaché son arrêt d'aucune irrégularité ; Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué : En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire du décompte général : Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : / ( ) 4° Préparation du choix de l'entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de travaux ( ), et l'accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus ( ). / Le mandataire représente le maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu'à ce que le maître de l'ouvrage ait constaté l'achèvement de sa mission ( ) ; que, d'autre part, selon le 42 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, le décompte général établi par le maître d'oeuvre doit être signé par la personne responsable du marché ; qu'aux termes du 2 de l'article 1 du même cahier : La personne responsable du marché est le représentant légal du maître de l'ouvrage ou la personne physique désignée par le maître de l'ouvrage pour le représenter dans l'exécution du marché ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions et stipulations que, lorsqu'au nombre des attributions du mandataire désigné par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues par les articles 3 et suivants de la loi du 12 juillet 1985 figure la gestion du contrat de travaux, le représentant légal du maître d'ouvrage délégué ou la personne physique désignée par celui-ci pour le représenter dans l'exécution du marché doit, pour l'application des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, et sauf clause contraire du contrat, être regardé comme la personne responsable du marché ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de l'article 1.6 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché litigieux, que la société Euralille avait, en ce qui concerne l'opération de construction de l'ensemble immobilier dénommé Congrexpo, la qualité de maître d'ouvrage délégué de la commune de Lille ; qu'ainsi, en l'absence de toute stipulation contraire, et dès lors qu'il n'était pas contesté que figurait au nombre des attributions de la société Euralille la gestion du marché dont était titulaire la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF, la cour administrative d'appel de Douai a pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que le directeur opérationnel de la société Euralille, qui a signé le décompte général de ce marché, avait la Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir marché, d'adresser à l’administration une sommation de payer les acomptes ou le solde, ce qui parait évident. Les intérêts moratoires se comptabilisent dès le dépassement des délais de paiement (45 ou 50 jours) à compter de la présentation des projets de décomptes et du projet de décompte général, la créance étant exigible à la date de leur présentation au maître d’œuvre, sous réserve des vérifications opérées par le maître d’œuvre et le maitre d’ouvrage (Circulaire technique du 9 avril 2002, d'application NOR : ECO RO2 06087C du décret n° 2002-231 du 21 février 2002 modifiant le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics et du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics – BOCCRF). Selon l’article 13.44 CCAG du CCAG - marchés publics de travaux : « Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ». Mais l’application est différente selon que les intérêts moratoires portent sur acomptes ou sur le solde du marché L’entrepreneur ne peut plus réclamer les intérêts moratoires des acomptes à défaut de contestation du décompte général. Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, l’approbation du décompte (express ou tacite) par l’entrepreneur lui interdit toute réclamation ultérieure sur les acomptes, y compris leurs intérêts moratoires en cas de retard de paiement « les intérêts moratoires dont ces dispositions permettent la discussion même après la signature du décompte général sont exclusivement ceux qui courent le cas échéant sur le solde résultant de ce décompte ; qu'eu eu égard au caractère définitif du décompte accepté, ces dispositions ne sauraient, en revanche, concerner les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général […] ce décompte est devenu définitif et ne peut donc plus faire l'objet de contestation devant le juge du contrat sur aucun point y compris sur les intérêts moratoires afférents aux acomptes inclus dans le solde général » (CE, 28 septembre 2001, n° 213395, Entreprise de construction et de prestations de services -SCP, publié au Recueil Lebon) En effet, bien que les intérêts moratoires des acomptes n’aient vocation à figurer sur un décompte général, la conséquence de son effet définitif en cas d’acceptation éteint les réclamations financières entre les parties. La CA de Marseille, (n° 00MA01225, 10 janvier 2005, SA Carillon BTP – Nicoletti) a précisé cette e-rjcp Page 16 sur 28 qualité de personne responsable du marché pour l'application des stipulations du 42 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et était, par suite, compétent à cet effet ; que, si la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF produit une télécopie du 16 décembre 1994 par laquelle un agent du service marchés de la commune de Lille confirme à la société que la personne responsable du marché est M. le Maire de Lille pour tous les marchés passés au nom de la ville de Lille, elle ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, à l'appui de son pourvoi en cassation, d'un tel élément, qui ne figurait pas dans le dossier soumis aux juges du fond ; qu'elle ne peut pas davantage utilement se prévaloir de la circonstance que, par un arrêt du 17 février 2004, la cour administrative d'appel de Douai a jugé, au vu notamment de cette télécopie, que le décompte général du marché dont elle était titulaire n'avait pas été régulièrement signé par la personne responsable du marché seule autorisée à le faire en vertu du 42 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et n'avait donc pu acquérir un caractère définitif, dès lors que cet arrêt est postérieur à l'arrêt attaqué ; qu'en tout état de cause, l'arrêt du 17 février 2004, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, n'est pas au nombre des décisions de justice revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée, statue sur des conclusions qui, tendant au paiement de travaux supplémentaires et au remboursement de pénalités de retard, n'avaient pas le même objet que celles sur lesquelles a statué l'arrêt attaqué ; En ce qui concerne les autres moyens du pourvoi : Considérant que si, devant la cour administrative d'appel de Douai, la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF a fait valoir, de façon d'ailleurs incidente, que le décompte général du marché dont elle était titulaire n'avait pu devenir définitif compte tenu de ce qu'un litige portant sur le même marché était pendant devant la même cour, elle n'a à aucun moment, devant les juges du fond, soutenu qu'il n'avait pas été notifié par ordre de service, en méconnaissance des prescriptions du 42 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance, sur ce point, des prescriptions de cet article, qui n'est pas d'ordre public, est, ainsi que le soutient la société Euralille, nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ; Considérant qu'en relevant que la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF n'avait pas renvoyé dans le délai de 45 jours le décompte général au maître d'oeuvre en faisant valoir que ledit décompte ne reprenait pas les intérêts moratoires dont elle demandait le paiement et en en déduisant que ce décompte était, dès lors, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas dénaturé les pièces du dossier et n'a pas commis d'erreur de droit ; que, notamment, elle a pu, sans dénaturation, estimer que le mémoire de réclamation en date du 13 septembre 1994, présenté, en application du 11 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatif aux différends survenant entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, avant l'établissement du décompte général, ne pouvait être regardé comme constituant le mémoire de réclamation mentionné au 44 de l'article 13 du même cahier ; qu'à supposer que le courrier en date du 8 août 1995 adressé par la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF à la société Euralille puisse être regardé comme constituant un tel mémoire, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son pourvoi en cassation, d'une telle pièce, qui n'a pas été produite devant les juges du fond ; Considérant que les intérêts moratoires dont les stipulations des deux premiers alinéas du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux suscitées permettent la discussion même après la signature du décompte général sont exclusivement ceux qui courent, le cas échéant, sur le solde résultant de ce décompte ; qu'eu égard au caractère définitif du décompte accepté, ces stipulations ne sauraient, en revanche, concerner les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général ; qu'ainsi, en jugeant que la demande de la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF, qui portait sur des intérêts afférents à des acomptes inclus dans le décompte général, était irrecevable en raison du caractère définitif de ce dernier, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'ainsi Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir différence de traitement des intérêts moratoires à devoir sur le décompte général et au titre des acomptes : - À défaut de contestation par l'entrepreneur du décompte général dans un délai de 45 jours (expiration au 46éme jours), le non-paiement du décompte devenu définitif ouvre droit à intérêts moratoires sur le solde qu'il dégage, et non sur les intérêts moratoires à devoir sur les acomptes inclus dans le décompte général. - L'entreprise pour les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général du marché, aurait dû exposer pendant le délai de contestation, les raisons de ses réserves par un mémoire de réclamation motivé et assorti des justifications nécessaires. - Le refus du maître d'ouvrage de régler les intérêts moratoires pour paiement tardif du solde, à la suite d'une réclamation de l'entrepreneur, peut faire l'objet d'un recours de recours contentieux par l'entrepreneur devant le tribunal administratif, dans un délai de 6 mois suite au refus du maître d'ouvrage selon les articles 50-22 et 50-32 du CCAG-Travaux. Dans la présente affaire, le Conseil d’État confirme sa jurisprudence qu’il estime que le CCAG-Travaux qui limite le temps la réclamation des intérêts moratoires des acomptes jusqu’au décompte définitif, ne prive pas d’effet utile le droit au paiement des intérêts moratoires et ne saurait être interprété comme une renonciation à ces mêmes intérêts qui sont de droits. À titre d’exception, la contestation est encore possible en cas de fraude ou d’erreur de calcul Le Conseil d’État a déjà admis la contestation des intérêts moratoires au-delà des effets définitifs du décompte dans un cadre limité. Le caractère définitif du décompte général non contesté s’applique « en dehors du cas de fraude ou du cas […] où l'une ou l'autre des parties sollicite la rectification d'une erreur ou d'une omission dans les conditions limitativement énumérées par le code de procédure civile » (CE, 20 janvier 1989, nº 65460, Commune de Fronton). Il s’agit de l'art. 1269 du nouveau code de procédure civile : « Aucune demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un redressement en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte. La même règle est applicable à la liquidation des fruits lorsqu'il y a lieu à leur restitution. ». Des intérêts moratoires peuvent ainsi être critiqués même sur les acomptes et même si le décompte avait un effet définitif, en application de cet article « en cas d'erreur matérielle, d'omission, de faux ou de double emploi » (CE 8 février 1989, nº 85475, OPAC de Meurthe-et-Moselle – erreur sur les bases d’acompte à réviser). e-rjcp Page 17 sur 28 qu'il a été dit plus haut, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du II de l'article 178 du code des marchés publics pour contester l'application par la cour des stipulations du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; que si, aux termes du premier alinéa de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance, ces dispositions ne sont applicables, en vertu du second alinéa du même article, qu'aux clauses de renonciation conclues à compter de l'entrée en vigueur de la loi et ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées par la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF pour contester la validité des stipulations du marché dont elle était titulaire, qui a été passé avant cette entrée en vigueur ; qu'en tout état de cause, si leur méconnaissance expose le titulaire du marché à ce que sa réclamation tendant au versement des sommes faisant l'objet de la créance d'intérêts moratoires qu'il détient soit, comme en l'espèce, rejetée comme irrecevable, les stipulations précitées du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, qui n'ont ni pour objet de lui dénier le droit d'obtenir un tel versement ni pour conséquence de priver d'effet utile l'exercice de ce droit, ne peuvent être regardées comme constitutives d'une renonciation aux intérêts moratoires au sens des dispositions de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Lille et de la société Euralille, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la société Euralille et non compris dans les dépens ; DECIDE : Article 1er : La requête de la SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF est rejetée. Article 2 : La SOCIETE BAUDIN-CHATEAUNEUF versera à la société Euralille la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BAUDINCHATEAUNEUF, à la société Euralille et à la commune de Lille. ► Ce qu’il faut retenir L’art. 1469 du Code de procédure civile est également évoqué par le CE dans sa décision n° 182761 du 28 septembre 2001, Société Quillery, publié aux Tables du Recueil Lebon (sanction d’un effet compensatoire d’une prime sur une autre tranche de travaux) Le titulaire peut également solliciter du juge du référé une provision sur les acomptes non mandatés en temps voulu, sauf si les acomptes sont contestables en raison de pénalités qui risquent d’être infligées en raison d'un retard dans l'exécution des travaux (CE, 2 avril 2004, nº 257392, Société IMHOFF) Par contre, les acomptes ont un effet définitif sur révisions et actualisations des prix Les acomptes mensuels sont provisoires en l’attente de décompte général et définitif. Cependant, les révisions et actualisation des prix des acomptes deviennent définitives en l’absence de réserve de l’entrepreneur sur l’ordre de service de l’état d’acompte, en application de l’art. 13.24 et 13.22 du CCAG (CE 6 juillet 2005, n° 259801, Société Bourbonnaise de travaux publics et de construction - SBTPC). Comme toute contestation sur les ordres de services, l’entrepreneur dispose donc d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’ordre de service pour formuler des réserves au maître d’œuvre (art. 2.52 du CCAG), ces réserves devant revêtir la forme d’un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de la réclamation (art. 50.11 du CCAG). Le maître d’ouvrage dispose de deux mois pour se prononcer à compter de la réception de la réclamation par le maître d’oeuvre qui entre-temps lui a transmis avec son avis (art. 50.12) Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) Sachez identifier impérativement qui est la personne responsable du marché qui a compétence pour représenter l’administration dans tous les actes susceptibles de lui faire grief et notamment pour l’acceptation des décomptes et les décisions de réception. Vérifiez les validités des délégations de signatures et faites circuler l’information entre les services. Si vous avez recours à un mandataire, vérifiez que celui-ci ait bien la compétence pour vous représenter, également que le représentant physique du mandataire est bien qualité pour engager le mandataire en votre nom. Si la responsabilité de l’administration est recherchée, veillez à appeler en garantie dès l’instance au tribunal administratif, les autres Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 18 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir intervenants dans l’exécution du marché, susceptibles d’avoir participé à la faute, même si a priori vous croyez pouvoir échapper à une condamnation. Notifiez à l’avocat qui vous représente dans le litige votre volonté de faire jouer ces garanties. En cas d’omission de sa part, vous pourrez engager sa responsabilité pour faute. Conseils pratiques pour les entreprises Vérifier la compétence des représentants de l’administration pour tous les actes susceptibles de vous faire grief, si ce n’est pas l’exécutif qui les signe (maire, président de conseil régional ou général, président d’un EPCI, etc.). Les motifs d’incompétence emportent annulation automatique de l’acte à tout moment de la procédure. Si des intérêts moratoires restent à devoir au moment de la présentation du décompte général du marché régi par le CCAG-Travaux, n’oubliez pas d’en demander le paiement à cette occasion. Vous ne pourrez plus le faire après. Si un paiement d’acompte est bloqué alors qu’il n’est pas contestable, vous pouvez demander au juge administratif un versement par une procédure rapide de référé provision. Si vous avez des contestations à formuler sur la révision ou l’actualisation des prix des acomptes, vous ne disposez que d’un délai de 15 jours pour les contester auprès du maître d’oeuvre à compter de la présentation de l’ordre de service de présentation des acomptes. Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 19 sur 28 ► Références Conseil d'État, 26 janvier 2007, n ° 297578, Société des mines de Sacilor – mentionné aux Tables du Recueil Lebon ► Thème - Définition des concessions de travaux autoroutières au regard du droit européen - Date de mise en application des directives européenne sur les contrats en cours des pouvoir adjudicateurs et entités adjudicatrices - Pouvoirs du juge administratif en cas de recours préjudiciel émanant du juge civil non répressif ► Résumé En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle que lui a renvoyée la juridiction de l'ordre judiciaire. Lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens. Elle ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte. Ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher s'ils avaient été invoqués dans l'instance judiciaire. Le tribunal de commerce dans sa décision de sursis à statuer, a mentionné le moyen soulevé par la Société requérante qu’une convention passée entre l'État et un concessionnaire pour la construction, de l'entretien et de l'exploitation d’une autoroute, approuvée par le décret du 29 octobre 1990, avait été passée sans respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence imposées aux concessions de travaux par la directive du 18 juillet 1989 modifiant la directive du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux. Le tribunal de commerce ayant mentionné ce seul moyen dans les motifs de ce jugement, la société requérante n’est pas recevable à soumettre au juge administratif un moyen tiré de ce que la convention litigieuse aurait été passée en méconnaissance des principes généraux de publicité et de mise en concurrence définis par le traité instituant la Communauté européenne. La convention litigieuse a été conclue entre l'État et le concessionnaire le 27 juin 1990. À cette date, le délai dont disposaient les autorités françaises pour transposer la directive du 18 juillet 1989 modifiant la directive du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, qui impose des mesures de publicité et de mise en concurrence pour le choix du cocontractant, n'était pas expiré. Le décret approuvant la convention, bien qu'il soit intervenu après l'expiration de ce délai de transposition a pu, sans méconnaître les dispositions de cette directive, approuver la concession de travaux litigieuse, conclue entre l'État et le concessionnaire sans mesure de publicité et de mise en concurrence préalable. ►Décision Numéro 5 – 11 février 2007 ► Ce qu’il faut retenir Cet arrêt comporte des éléments de droit fondamental dans le cadre de l’organisation des pouvoirs entre le juge civil et le juge administratif en cas de renvoi préjudiciel. Il pose également la question de l’application des nouvelles directives européennes aux contrats en cours. Il laisse des voies de contentieux sur les concessions de travaux ouvertes par l’application directe du Traité de la Communauté européenne et amène à s’interroger sur la sécurité juridique des contrats, notamment de longue durée. La mise en concurrence des concessions de travaux routiers Le Conseil d’État (6 février 1998, nº 138777 147424 147425, M. T. Publié au Recueil Lebon) dans un arrêt célèbre, avait donné raison à un conseiller d’opposition qui avait attaqué une délibération d’un EPCI du 19 juillet 1991 approuvant une concession routière passée par cet établissement et autorisant son président à la signer, car : - la directive n° 89-440 CEE du 18 juillet 1989, organisant la publicité des concessions de travaux devait être transposée au plus tard au 20 juillet 1990, - en l’absence de transposition nationale des obligations de publicité à l’échéance du 20 juillet 1990, l’établissement devait assurer une publicité de ses intentions de passer ce contrat de concession compatible avec les objectifs de la directive du 18 juillet 1989. Dans le cas d’espèce, la situation était plus complexe, car deux décisions portant des effets sur la conclusion du contrat avaient été prises, l’une avant la date limite de transposition du droit européen, et l’autre après cette date. La date d’application des directives communautaires sur les contrats en formation La concession autoroutière est sans conteste une concession de travaux (CJCE, 27 octobre 2005, aff. C-187/04 et C-188/04, Commission contre République italienne) Dans la présente affaire, le décret litigieux datait du 29 octobre 1990 – J.O. du 31/10 page 1371 (et non du 19 tel que mentionné plusieurs fois), soit plus de trois mois après la date maximale de transposition de la directive européenne, le 20 juillet 1990. Ce décret a approuvé la convention passée le 27 juin 1990 et le cahier des charges, donc à une date antérieure à celle maximale de transposition de la directive. Le juge se base sur la date de la passation de la convention qui était antérieure à l’échéance européenne exigeant des mesures de publicité, e-rjcp Page 20 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir pour repousser les prétentions du requérant. Conseil d'État Statuant au contentieux N° 297578 Mentionné aux Tables du Recueil Lebon 7ème et 2ème sous-sections réunies Mme Nathalie Escaut, Rapporteur, M. gouvernement, M. Martin Laprade, Président Lecture du 26 janvier 2007 Boulouis, Commissaire du REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu, 1°), sous le n° 297578, la requête, enregistrée le 21 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, représentée par son liquidateur amiable, M. Sauvage, dont le siège est 1-5 rue Luigi Cherubini à Saint-Denis (93200) ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d'Etat de déclarer illégal le décret du 19 octobre 1990 approuvant la convention passée entre l'Etat et la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A4 ; Vu, 2°), sous le n° 297579, la requête, enregistrée le 21 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE AIG EUROPE, dont le siège est tour AIG, Paris la Défense à Courbevoie (92400) ; la SOCIETE AIG EUROPE demande au Conseil d'Etat de déclarer illégal le décret du 19 octobre 1990 approuvant la convention passée entre l'Etat et la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A4 ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu la directive 89/440/CEE du Conseil du 18 juillet 1989 modifiant la directive 71/305/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ; Vu le décret du 15 décembre 1972 approuvant la convention de concession en vue de la construction et de l'exploitation de l'autoroute A 4 Noisy-le-Grand Metz ; Vu le décret du 29 mars 1979 approuvant la convention de concession en vue de la construction, de l'entretien et de l'exploitation des autoroutes A1, A2, A32 A34, A4 et A26 ; Vu le décret du 6 mars 1986 portant approbation des nouveaux statuts de la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France et autorisant le changement de concessionnaire de l'autoroute A4 Noisy-le-Grand - Metz ; Vu le code de la voirie routière ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ; Considérant que les deux requêtes de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES et de la SOCIETE AIG EUROPE tendent à ce que le Conseil d'Etat, en exécution du jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 21 juin 2006, apprécie la légalité du décret du 29 octobre 1990 approuvant la convention passée entre l'Etat et la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A4 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Considérant qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle que lui a renvoyée la juridiction de l'ordre judiciaire ; qu'il suit de là que, lorsque cette dernière a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître Numéro 5 – 11 février 2007 L’argument, basé uniquement sur la date de signature de la convention, peut paraître un peu court. Certains pourraient disserter sur la portée du décret. Produit-il des effets juridiques uniquement à la date de sa publication ou a-t-il pour conséquence de valider rétroactivement la convention à la date de sa signature ? La réponse est à rechercher dans la jurisprudence européenne. Le juge européen replace le contexte d’application des directives « marchés publics » et « secteurs spéciaux » (désormais 2004/18/CE et 2004/17/CE) à la date à laquelle le pouvoir adjudicateur a décidé de la procédure à suivre. Cour de justice des Communautés européennes, 5 octobre 2000, aff. C-337/98, Commission c/ République Française – Extraits : 36. Il importe de relever, d'autre part, que la décision d'un pouvoir adjudicateur relative au type de procédure à suivre et à la nécessité ou non de procéder à une mise en concurrence préalable pour l'adjudication d'un marché public constitue une phase distincte de la procédure, phase au cours de laquelle sont définies les caractéristiques essentielles du déroulement de cette procédure et qui, normalement, ne peut qu'avoir lieu au stade du lancement de celle-ci. 37. Dès lors, pour apprécier si la directive 93/38 est applicable à une telle décision et, donc, pour déterminer quelles étaient les obligations du pouvoir adjudicateur découlant du droit communautaire à cet égard, il convient, en principe, de prendre en considération le moment auquel ladite décision a été adoptée. Le juge administratif suit donc la même démarche pragmatique, sans avoir à qualifier la portée juridique dans le temps du décret de validation. Implicitement, il a recherché à quelle date le pouvoir adjudicateur a manifesté sa volonté de choisir une procédure. Un acte pouvait sans contestation prouver cette manifestation, sans que le juge n’ait à rechercher plus en arrière dans le processus de décision : la signature de la convention. Peu importe si la décision officielle validant l’attribution est postérieure à la date maximale de transposition. Cependant, le Conseil d’État dans une précédente décision, estime qu’un État ne peut contrecarrer une directive européenne dès son adoption, sans même attendre sa date maximale de transposition « dès qu'une directive a été adoptée et alors même que son délai de transposition n'est pas expiré, les États membres doivent, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des communautés européennes, e-rjcp Page 21 sur 28 d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; que ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher s'ils avaient été invoqués dans l'instance judiciaire ; Considérant que, par son jugement en date du 21 juin 2006, le tribunal de commerce de Nanterre a sursis à statuer sur les conclusions dont il était saisi jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du décret du 29 octobre 1990 approuvant la convention passée entre l'Etat et la SANEF pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A4 ; que le tribunal a relevé dans les motifs de son jugement que la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES soutenait que la convention passée entre l'Etat et la SANEF pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A4 et approuvée par le décret du 29 octobre 1990 avait été passée sans respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence imposées aux concessions de travaux par la directive du 18 juillet 1989 modifiant la directive du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ; qu'en mentionnant ainsi ce moyen et lui seul dans les motifs de son jugement, qui permettent d'éclairer la portée de son dispositif, le tribunal a défini et limité l'étendue de la question qu'il entendait soumettre à la juridiction administrative ; que la SOCIETE AIG EUROPE n'est dès lors pas recevable à soumettre au juge administratif un moyen tiré de ce que la convention litigieuse aurait été passée en méconnaissance des principes généraux de publicité et de mise en concurrence définis par le traité instituant la Communauté européenne ; Considérant que la convention approuvée par le décret du 29 octobre 1990 en litige a été conclue entre l'Etat et la SANEF le 27 juin 1990 ; qu'à cette date, le délai dont disposaient les autorités françaises pour transposer la directive du 18 juillet 1989 modifiant la directive du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, qui impose des mesures de publicité et de mise en concurrence pour le choix du cocontractant, n'était pas expiré ; que par suite, bien qu'il soit intervenu après l'expiration de ce délai de transposition, le décret du 29 octobre 1990 a pu, sans méconnaître les dispositions de cette directive, approuver la concession de travaux litigieuse, conclue entre l'Etat et la SANEF sans mesure de publicité et de mise en concurrence préalable ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Sanef, que la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES et la SOCIETE AIG EUROPE ne sont pas fondées à demander à ce que le décret du 29 octobre 1990 en litige soit déclaré illégal ; ► Ce qu’il faut retenir s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par celle-ci » (Conseil d'État, 24 mars 2006, n° 288460, 288465, 288474 et 288485, Sociétés KPMG, ERNST & YOUNG AUDIT et autres) Dans le cas d’espèce, la disposition de signature était bien postérieure à la publication de la directive imposant des mesures de publicité. Mais, selon nous, le contexte tiré de la décision KPMG du 24 mars 2006 se situe dans le cadre de l’exercice du pouvoir règlementaire du gouvernement, et non au titre de son pouvoir contractuel. En effet, il faut placer le débat sur un pied d’égalité entre les autorités soumises au droit européen des marchés publics et des contrats des opérateurs de raison. Une application de la jurisprudence KPMG aux décisions contractuelles de l’État viendrait à placer l’État dans des conditions de respect plus strict du droit communautaire que celles qui s’imposent aux autres pouvoirs adjudicateurs. On ne voit pas ce qui justifierait que l’État doive appliquer le droit européen des contrats dès sa publication, alors que les collectivités territoriales et autres autorités ne seraient uniquement assujetties à ce droit qu’après la date de limite de sa transposition. Le juge administratif incite le juge civil à ne pas limiter les moyens de contestation des actes administratifs Le juge civil saisi d’un litige dont le sort dépend de l’interprétation ou de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, doit statuer (T.C., 16 juin 1923, n° 00732, Septfonds), même si le contentieux porte sur l’interprétation de cet acte vis-à-vis du droit communautaire, comme c’est le cas (T. confl., 4 novembre 1991, nº 02676, CAMIF). DECIDE : Article 1er : Les requêtes de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES et de la SOCIETE AIG EUROPE sont rejetées. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, à la SOCIETE AIG EUROPE, à la société Sanef, venant aux droits de la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cependant, en application du principe de séparation des autorités judiciaires, le juge civil non répressif ne peut apprécier la légalité d’un administratif (T. confl., 16 juin 1923, nº 00732, Septfonds), sauf en matière de contentieux fiscal (L. 199-1 du Livre des procédures fiscales), ou en cas de voie de fait (T. confl., 30 oct. 1947 : Rec. CE, p. 511, Barinstein). Le juge civil n'est tenu de surseoir à statuer que si cette exception présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige (Cass. 1ère ch. civile, n° 84/11528, 19 juin 1985, Office national de la chasse -O.N.C). Le jugement de renvoi détermine le contenu de la saisine du juge administratif : « Considérant qu'il Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 22 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir n'appartient pas à la juridiction administrative, saisie sur renvoi préjudiciel ordonné par l'autorité judiciaire, de trancher des questions autres que celles qui ont été renvoyées par ladite autorité » (CE, 3 novembre 1997, nº 169907, Société Million et Marais et nº 165260, Société Intermarbres). Le présent arrêt se situe donc en continuité avec cette jurisprudence. Le juge administratif est tenu par les questions préjudicielles qui lui sont soumises par le juge civil. L’arrêt précise que le juge administratif ne peut connaître aucun autre moyen, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant lui à l'encontre de cet acte (donc implicitement qu’ils aient été soulevés devant le juge civil ou à l’occasion du recours préjudiciel) Mais l’innovation de cet arrêt réside en ce que le Conseil d’État précise que si la juridiction de l'ordre judiciaire n'a pas limité la portée de la question qu'elle entend soumettre, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, le juge administratif doit examiner tous les moyens présentés devant lui, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher s'ils avaient été invoqués dans l'instance judiciaire. Le Conseil d’État fait donc un appel du pied à son collègue de l’ordre judiciaire, l’incitant à ne pas limiter la portée de la question et à évoquer uniquement la question de la légalité de l’acte litigieux. Dans ce cas, les parties pourront alors librement évoquer leurs moyens de défense devant le juge administratif. L’application des principes du Traité de la Communauté européenne Du fait de la limitation de la question préjudicielle, l’argumentaire de la partie requérante sur le nonrespect des principes du Traité CE – la concession a été passée en méconnaissance des principes généraux de publicité et de mise en concurrence définis - n’a pu être traité par le juge administratif. Or, la jurisprudence communautaire récente a développé le principe de l’application directe des principes du Traité CE (dit « droit primaire »), même en l’absence de directive d’harmonisation des procédures de passation des contrats par les autorités adjudicatrices publiques ou sous leur influence : Ainsi, dans le domaine des concessions de service, la CJCE, grande chambre, 21 juillet 2005, aff. C231/03, Coname, a jugé que : « 16. Il y a lieu de rappeler que l’attribution d’une telle concession n’est régie par aucune des directives par lesquelles le législateur communautaire a réglementé le domaine des marchés publics. En l’absence d’une telle Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 23 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir réglementation, c’est à la lumière du droit primaire et, plus particulièrement, des libertés fondamentales prévues par le traité que doivent être examinées les conséquences du droit communautaire relatives à l’attribution de telles concessions. 17. À cet égard, il convient de relever que, dans la mesure où ladite concession est susceptible d’intéresser également une entreprise située dans un État membre autre […] l’attribution, en l’absence de toute transparence, de cette concession à une entreprise située dans ce dernier État membre est constitutive d’une différence de traitement au détriment de l’entreprise située dans l’autre État membre (voir, en ce sens, arrêt Telaustria et Telefonadress, précité, point 61). 18. En effet, en l’absence de toute transparence, cette dernière entreprise n’a aucune possibilité réelle de manifester son intérêt pour obtenir ladite concession. 19. Or, à moins qu’elle ne se justifie par des circonstances objectives, une telle différence de traitement, qui, en excluant toutes les entreprises situées dans un autre État membre, joue principalement au détriment de celles-ci, est constitutive d’une discrimination indirecte selon la nationalité, interdite en application des articles 43 CE et 49 CE (voir notamment, en ce sens, arrêts du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg, C111/91, Rec. p. I-817, point 17; du 8 juin 1999, Meeusen, C-337/97, Rec. p. I-3289, point 27, et du 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehr, C294/97, Rec. p. I-7447, point 33 et jurisprudence citée). » Cette décision d’application du droit primaire a eu de nombreux petits frères : - CJCE 20 octobre 2005, aff. C-264/03, Commission contre République française – au titre des mandats de maîtrise d’ouvrage (loi MOP) - CJCE 27 octobre 2005, C-153/03, Commission c/ Royaume d’Espagne, au titre des marchés de services l'annexe IB de la directive 92/50/CEE repris à l'article 30 du code des marchés publics et des concessions de services publics) - CJCE du 6 avril 2006, aff. C-410/04, ANAV au titre des concessions de services publics. On en trouvera les prémices dans la décision CJCE, 7 décembre 2001, aff. C-324/98, Telaustria visée dans l’arrêt. Elle imposait un niveau de publicité adéquat pour les concessions de services. L’ordonnance de la CJCE du 3 décembre 2001, aff. C-59/00, Bent Mousten, a aussi imposé les principes fondamentaux du Traité dans les marchés de faible montant (interdiction des marques). Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 24 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir Le juge national également fait application des principes du Traité CE et de ses obligations en matière de publicité, notamment pour les anciennes conventions publiques d’aménagement, qualifiée de concession de travaux : CAA de Bordeaux, 9 novembre 2004, «Sodegis commune de Cilaos», reg. n°01BX00381. On remarquera par ailleurs, que le considérant (77) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, tend à appliquer les principes européens : - de la liberté d’établissement de l’article 43 du Traité, si l'opérateur est établi dans l'État membre dans lequel il fournit le service concerné, - de la libre circulation des services de l’article 49 du Traité, si l'opérateur n'est pas établi dans l'État membre dans lequel il fournit le service concerné. Le non-respect des principes du Traité CE paraît donc pouvoir être évoqué au titre du libre établissement, même si l’absence de publicité et de mise en concurrence n’est susceptible de n’avoir lésé que des ressortissants de l’État de la prestation, donc à un niveau d’intérêt national et à des montants modestes (au-delà de 4.000 € HT selon l’article 28 du Code des marchés publics ?) Une question en devenir : l’application du principe de sécurité juridique lors d’un recours préjudiciel. Si l’acte en lui-même n’est plus susceptible d’être mis en cause du fait de l’extinction du délai de recours de deux mois, les tiers au contrat peuvent invoquer l’exception d’illégalité sans délai, comme ce fut le cas dans la présente affaire. Malheureusement pour la partie plaignante, non couronnée de succès devant le juge administratif pour des raisons de procédure liées à la séparation des juridictions. Cet effet de l’exception d’illégalité est redoutable quant à la sécurité juridique des contrats, ouvrant les plaintes des tiers notamment des usagers des services publics et des sous-traitants, (Faut-il brûler l'avis Préfet de la Côte-d'Or ? Par Étienne COLSON, Contrats et marchés publics, avril 2004 page 4 à 14) Le législateur est déjà intervenu pour assurer des validations de contrats illégaux de longue durée et plus particulièrement au titre des concessions de travaux : - La loi nº 2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement – J.O. du 21/07 : art. 11 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 25 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir présentation de plusieurs offres concurrentes : 1° Les concessions d'aménagement, les conventions publiques d'aménagement et les conventions d'aménagement signées avant la publication de la présente loi ; 2° Les cessions, locations ou concessions d'usage de terrains ainsi que l'ensemble des actes effectués par l'aménageur pour l'exécution de la concession ou de la convention. » [Note : le feuilleton n’est d’ailleurs pas terminé, le régime de ces nouvelles concessions paraissant également très critiquable au regard du droit communautaire] - La loi nº 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) – JO du 12/12 Article 1 : Sans préjudice des droits éventuels à l'indemnisation des tiers, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi nº 93-1435 du 31 décembre 1993 relative à la réalisation d'un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la Coupe du monde de football de 1998, entre l'État et la société Consortium Grand Stade S.A. (nouvellement dénommée Consortium Stade de France) pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du grand stade (dénommé Stade de France) à Saint-Denis (SeineSaint-Denis), équipement sportif d'intérêt national. L’argumentaire de l’exception d’illégalité pour non-respect des principes du Traité CE dans le cas d’espèce, s’il est juridiquement pertinent, n’est pas sans poser des difficultés d’application pratique. En effet, la jurisprudence européenne sur l’application directe des principes du Traité CE n’a débuté qu’en 2001. En application du principe de sécurité juridique, il paraît donc critiquable de fragiliser toute une série de contrats de longue durée (toutes les concessions de travaux conclues avant leur harmonisation européenne, notamment autoroutières), sur la base d’une construction jurisprudentielle qui n’est apparue que bien des années après leur conclusion. Le juge administratif, dans la théorie des actes détachable, estime que « l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu'il appartient au juge de l'exécution, saisi d'une demande d'un tiers d'enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l'acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général» (CE 10 décembre 2003, n° 248950, Institut de recherche pour le développement, publié au Recueil Lebon) Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 26 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir Cette décision a été reprise dans d’autres arrêts (CA de Douai, 9 juin 2005, 03DA00269, Compagnie générale des eaux, CAA de Bordeaux, 14 février 2006, nº 04BX02064, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable du Confolentais) Le Conseil d’État a admis qu’il puisse limiter dans le temps les effets d’annulation d’un acte aux conséquences manifestement excessives (CE, 11 mai 2004, n° 255886, Association AC ! et autres, publiés au Recueil Lebon) Le projet de réforme des directives recours (4.5.2006 COM(2006) 195 final) admet également qu’un contrat illégal puisse être maintenu pour un motif d’intérêt général. Cependant, la question reste posée au titre de l’exception d’illégalité. En effet, le juge ne s’est jusqu’alors pas prononcé dans le cadre de recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une décision, ou d’un acte détachable qui a permis la conclusion du contrat (une délibération par exemple). À notre avis, le juge paraît être d’autant mieux fondé à appliquer ce principe de sécurité juridique sur les effets collatéraux des contrats existants depuis des années, et de surcroît au cas d’espèce, irréguliers au titre d’un vice non identifié par la jurisprudence et de la doctrine à l’époque de sa passation. Reste à connaître au titre du recours préjudiciel, à quel juge reviendrait le soin d’invoquer cette application du principe de sécurité juridique : le juge administratif censé apprécier la légalité ou la portée de la décision administrative litigieuse, ou le juge civil du fond du litige ? A priori, la définition de l’intérêt général relève plutôt du juge administratif, le juge civil s’attachant à régler le litige ne touchant qu’à la sphère privée. En enfin, si le juge administratif statue, le juge civil sera-t-il lié ? Voilà donc de belles perspectives, non seulement pour les juristes, mais également pour les particuliers et tiers aux contrats. Conseils pratiques pour les autorités adjudicatrices (pouvoirs et entités) Lorsque - le droit européen évolue, - vous lancez une procédure de passation de contrat qui risque de ne plus être conforme à ce nouveau droit, - l’attribution du contrat se fera après la date limite de transposition de la nouvelle règle de droit européen, Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 27 sur 28 ► Ce qu’il faut retenir alors, vous avez tout intérêt à faire acter officiellement du choix de votre procédure par un organe compétent avant la date limite de transposition du nouveau droit européen. - Soumettez aux règles de concurrence du droit européen tous les marchés susceptibles d’être qualifiés de concession de travaux, même en l’absence de transposition en droit national (baux emphytéotique administratifs ayant pour objet de réaliser un ouvrage public non encadrés par une procédure nationale de mise en concurrence) ou de transposition partielle (concession d’aménagement – voire e-rjcp n° 4, CJCE du 18 janvier 2007, aff. C-220/05) Numéro 5 – 11 février 2007 e-rjcp Page 28 sur 28 Bon de commande de la Revue électronique - jurisprudence de la commande publique À adresser à Localjuris Formation, 5, rue Henry Chambellan, 21000 DIJON Fax : 03.80.56.87.76 Abonnement annuel (pas de renouvellement automatique), environ 40 n° selon l’actualité - individuel : 120 € TTC (personne physique ou pour les personnes morales, un abonnement par mise en circulation d’un seul tirage papier et un seul archivage) - pour les personnes morales avec libre droit de reproduction interne à leurs personnels et dirigeants : 250 € TTC par tranche commencée de 250 salariés en effectif total de l’établissement ou de l’organisme public ordonnateur (plafonné à 1.000 euros) - Effectif - Nombre de tranches commencées de 250 salariés (de 0 à 250, de 251 à 300, etc.) - Prix : 250 € TTC x nombre de tranche Plafond 1.000 € - vente au n° 15 € TTC - N° et date : - Prix : nombre de n° x 15 € TTC Adresse de courriel d’expédition de la revue (e-mail) Attention de bien calligraphier notamment les points (.), les tirets (-), les soulignements (_) Référence de facturation Adresse de facturation S’il y a lieu : mentions à faire porter sur la facture et nombre d’exemplaires Nom et Prénom du signataire Qualité du signataire pour les personnes morales Signature Payable d’avance : joindre un chèque ou un effectuer un virement. 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