IP/03/1399 Bruxelles, le 15 octobre 2003 La Commission statue sur le financement public de la télévision en Italie et au Portugal La Commission a informé ce jour l'Italie et le Portugal, après avoir mené une enquête approfondie sur leurs systèmes de financement, que certaines mesures ad hoc adoptées dans les années 90 en faveur des radiodiffuseurs italien et portugais étaient conformes aux conditions en vigueur en matière d'aides d'État, car elles étaient limitées à la couverture des dettes liées à l'accomplissement de leur mission de service public. Les services de la concurrence de la Commission ont également lancé la procédure dite de "mesures utiles". La direction générale de la concurrence a adressé à trois États membres, l'Italie, le Portugal et l'Espagne, des lettres expliquant sa position provisoire sur la façon de rendre le financement de la télévision publique plus transparent et de mettre en place des sauvegardes suffisantes contre les aides publiques excessives permettant de subventionner indirectement des activités commerciales. Ces mesures utiles visent à faire en sorte que les radiodiffuseurs publics et privés se fassent concurrence à des conditions égales sur les marchés commerciaux tels que celui de la publicité télévisuelle. Le financement des radiodiffuseurs publics ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour garantir la bonne exécution de la mission de service public qui leur est impartie. Il incombe évidemment aux États membres de définir l'ampleur exacte de cette mission. L'affaire de la RAI en Italie Outre la redevance, l'Italie a accordé, pendant la période 1992-1995, deux aides ad hoc en faveur de RAI, mais cette mesure n'a pas porté les versements de compensation sur les fonds publics au-delà du coût supplémentaire net de la radiodiffusion de service public. De surcroît, aucune distorsion de la concurrence sur les marchés commerciaux (tels que celui de la publicité) n'a pu être établie. Par conséquent, ces mesures ad hoc sont conformes à l'article 86, paragraphe 2, du traité CE. La direction générale de la concurrence de la Commission a également établi que le bon fonctionnement de la concurrence et du marché unique requérait certaines modifications du mécanisme de la redevance. Elle a donc ouvert la procédure nécessaire pour proposer ces modifications en adressant aux autorités italiennes une lettre les invitant à rendre la redevance conforme à la communication concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État1. 1 GU 2001/C 320/5. Cette initiative vise notamment à rendre le système de financement transparent et à ce qu'il contienne des sauvegardes contre toute compensation excessive. C'est la société RAI qui est chargée de la radiodiffusion de service public en Italie. En 1996, Mediaset et sa filiale RTI ont déposé plainte auprès de la Commission pour le motif que l'Italie avait accordé diverses aides d'État à RAI. La plainte portait en particulier sur la redevance qui lui était accordée et diverses autres mesures ad hoc adoptées par le gouvernement italien pendant la première moitié des années 90 en sa faveur (dont certaines dans le cadre du décret dit "decreto salva RAI"). La redevance est le système qui finance actuellement la radiodiffusion de service public. Selon les plaignantes, lorsqu'elles ont été adoptées, les mesures ad hoc consistaient en un financement public supplémentaire unique en faveur de RAI. En 1999, la Commission a ordonné à l'Italie de lui fournir toutes les informations nécessaires afin de déterminer si le système de financement de la RAI doit être considéré comme antérieur au traité de Rome (voir IP/99/79). Les aides antérieures au traité de Rome constituent en effet des aides existantes si elles n'ont pas été modifiées substantiellement depuis. Sont considérées comme des aides nouvelles celles qui ont été accordées après la signature du traité CE. Le traité et ses dispositions d'exécution prévoient une procédure différente pour les aides existantes et les aides nouvelles. La Commission examine les aides existantes et peut proposer à l'État membre les mesures utiles exigées par le bon fonctionnement du marché unique. Ces mesures utiles peuvent comporter soit la modification, soit la suppression des aides, mais jamais la récupération des sommes versées. Par contre, toute aide nouvelle doit être notifiée à la Commission. Après avoir adressé cette injonction, la Commission a considéré que les mesures ad hoc adoptées entre 1992 et 1995 constituaient des aides nouvelles et a ouvert à leur sujet une enquête formelle (voir IP/99/532). Par contre, la Commission a traité la redevance dans le cadre de la procédure applicable aux aides existantes parce que cette mesure était antérieure à l'entrée en vigueur du traité de Rome et que ses caractéristiques essentielles n'avaient pas été modifiées depuis lors. Vu le lien intrinsèque entre les deux mesures, les aides ad hoc et la redevance servant à financer la mission de service public, la Commission les a analysées en parallèle. Financement public du radiodiffuseur public portugais RTP L'enquête menée par la Commission sur neuf mesures ad hoc a montré qu'elles devaient considérées comme un autre moyen de financer le coût de service public de RTP outre le système de compensations annuelles. De surcroît, les aides ad hoc ne dépassent pas les coûts nets du service public (compte tenu de l'avantage représenté par les compensations annuelles). Aucune distorsion de la concurrence sur les marchés commerciaux (tels que celui de la publicité ou de l'acquisition de droits de programmes télévisuels) n'a pu être établie. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission a conclu que l'aide ad hoc reçue par RTP entre 1992 et 1998 était compatible avec le marché commun conformément à l'article 86, paragraphe 2, CE. 2 La société SIC, organisme de radiodiffusion commerciale, a fait valoir dans des plaintes déposées en 1993, en 1996 et en 1998 que le système de compensation annuel ainsi que neuf mesures ad hoc adoptées par les autorités portugaises en faveur du radiodiffuseur de service public RTP constituaient des aides d'État illicites. Cette société affirmait que ce financement faussait la concurrence sur le marché portugais de la radiodiffusion. La Commission a statué sur une partie de cette plainte en 1996, mais le Tribunal de première instance a annulé sa décision en 20002. En novembre 2001, la Commission a ordonné au Portugal de lui communiquer tous les renseignements nécessaires pour déterminer si le système de versements annuels de compensation en faveur de RTP pouvait être considéré comme une aide existante (voir IP/01/1573). La Commission a également ouvert une enquête formelle sur neuf mesures ad hoc en invitant les tiers intéressés à lui faire parvenir leurs observations. Comme toutes ces mesures faisaient partie de la compensation accordée pour l'accomplissement d'une mission de service public, la Commission a analysé en parallèle le système des versements annuels de compensation et les mesures ad hoc. Elle a suivi à cet effet la méthode fixée dans sa communication concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État. En ce qui concerne le système de versements annuels, la Commission est parvenue à la conclusion provisoire que s'il doit être considéré comme une aide existante, ce système doit être modifié afin d'en améliorer la transparence et d'éviter toute surcompensation. La direction générale de la concurrence de la Commission a donc adressé une lettre aux autorités portugaises pour leur faire connaître sa position. Financement public du radiodiffuseur public national espagnol RTVE En ce qui concerne l'Espagne, cas dans lequel la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, la Commission a conclu que les subventions directes ne suffisaient pas à couvrir les coûts nets du service public. Par contre, la valeur de la garantie de l'État dépasse les coûts nets de la fourniture de ce service. Par conséquent, cette aide existante doit être modifiée. La direction générale de la concurrence de la Commission a donc écrit aux autorités espagnoles afin qu'elles rendent le financement de RTVE conforme à la communication concernant la radiodiffusion et à la directive sur la transparence. Ces modifications doivent prévenir toute surcompensation. Deux radiodiffuseurs privés espagnols, Telecinco et Antena 3, ont déposé plainte entre 1992 et 1994 au sujet d'aides d'État qui auraient été concédées au radiodiffuseur public espagnol. La Commission a adressé à l'Espagne une injonction en février 1999 afin que ce pays lui communique les informations nécessaires pour établir si les aides en cause devaient être considérées comme des aides existantes ou des aides nouvelles. La Commission a examiné plusieurs aides en faveur de RTVE comprenant une garantie publique illimitée liée à son statut d'organisme public, ainsi que des subventions annuelles. La loi n° 4/1980 fixant le statut de RTVE a établi le mécanisme de financement du radiodiffuseur public espagnol par le biais de versements sur le budget national de l'État ainsi que de recettes tirées des activités de cet organisme. 2 Affaire T-46/97, SIC/Commission, Rec. 2000, p. II-2125. 3 Les mesures examinées ont été fixées par des dispositions législatives mises en oeuvre avant l'adhésion de l'Espagne aux Communautés européennes (c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du traité pour ce qui concerne l'Espagne) et n'ont pas été modifiées substantiellement depuis lors. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, la Commission a donc tiré la conclusion provisoire que les mesures en question constituaient des aides d'État existantes. Aux termes de la loi n° 4/1980 fixant le statut de RTVE, la radio et la télévision constituent des services publics essentiels appartenant à l'État et l'organisme public est chargé de fournir des services publics de radiodiffusion. Bien que RTVE soit chargée d'une mission d'intérêt public, le mécanisme de financement ne fait pas partie d'un système de financement préétabli et la compensation accordée par ce biais n'est pas calculée sur la base du coût qu'une entreprise efficace devrait supporter. Par conséquent, suivant le récent arrêt Altmark, la qualification d'aide d'État de ce mécanisme de financement n'est pas remise en cause. Selon l'article 86, paragraphe 2, du traité et l'interprétation qu'en donnent la Cour de justice et la Commission, les aides d'État qui ne dépassent pas les coûts nets supportés par une entreprise pour fournir un service d'intérêt public sont conformes aux règles régissant le marché intérieur. 4