les pratiques relationnelles territoriales des entreprises

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LES PRATIQUES RELATIONNELLES DES ENTREPRISES
DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Résumé
Les relations des entreprises ? C’est un sujet qui, nous l’avons vérifié, est peu
abordé dans la littérature et sur lequel les responsables de structures ont peu de
réflexion. Dans le cadre d’une étude sur la dimension relationnelle de l’attractivité
territoriale1, nous avons été amenés à analyser les pratiques et les logiques de
relations des entreprises de l’économie sociale et solidaire2 du Pays du TrégorGoëlo. A partir d’un parcours de lecture et d’une démarche d’enquête, nous rendons
compte des pratiques relationnelles telles qu’identifiées dans le cadre de cette
recherche. Cet article apporte des éléments d’identification et de compréhension des
relations inter-entreprises et soumet quelques perspectives opérationnelles en lien
avec le développement des pôles E.S.S.
Mots clés : économie sociale et solidaire, partenariat, pratiques relationnelles,
relations, entreprises, Trégor, Goëlo
Introduction
Cet article présente une analyse synthétique des pratiques relationnelles des
entreprises de l’économie sociale et solidaire du Trégor-Goëlo3. Elle prend appui sur
l’étude de préfiguration du pôle de développement de l’E.S.S. du Trégor-Goëlo et sur
Frédéric LE BRAS, la dimension relationnelle de l’attractivité territoriale, l’exemple des entreprises de
l’économie sociale et solidaire du Trégor-Goëlo, Rennes, Collège coopératif en Bretagne, avril 2012,
105p., coopérateur de recherche Alain PENVEN, Professeur de sociologie – UBO – sur Internet :
http://www.ccb-formation.fr/memoires/MemoiresDHEPS/FredericLEBRAS.pdf
2 E.S.S.
3 Le Pays du Trégor-Goëlo regroupe la Communauté d’Agglomération de Lannion - Trégor et 6
Communautés de communes : la Communauté de Communes de Paimpol – Goëlo, la Communauté
de Communes de Beg Ar C’hra, la Communauté de Communes de la Presqu’île de Lézardrieux, la
Communauté de Communes des Trois Rivières, la Communauté de Communes du Centre Trégor, la
Communauté de Communes du Pays Rochois. 2 communes ne s’inscrivent dans aucune
Communauté de communes : Mantallot et Perros-Guirec.
1
1
une recherche-action consacrée aux questions de l’attractivité territoriale. Nous
avons étudié plus particulièrement la dimension relationnelle de l’attractivité
territoriale en cherchant à identifier la structure des relations tissées par les
entreprises de l’E.S.S. avec d’autres entreprises du territoire.
Présentée comme une réponse au marasme économique, l’économie sociale et
solidaire est aujourd’hui projetée au devant de la scène. Méconnue du plus grand
nombre et même de ses acteurs, elle apparaît, par manque de reconnaissance,
comme une entité sans relation avec les autres composantes de l’économie. Nos
observations montrent au contraire que cette autre économie est fortement
encastrée dans les enjeux territoriaux et qu’elle développe des stratégies
relationnelles différenciées référées principalement à leurs projets de développement
d’activités. Après avoir présenté la méthode et les lectures qui ont éclairé notre sujet,
nous présenterons les résultats de notre recherche conduisant ainsi à une meilleure
connaissance des relations territoriales des entreprises de l’E.S.S.
A la rencontre des acteurs de l’E.S.S.
La recherche s’est appuyée, à la fois sur une démarche d’enquête auprès de
responsables de structures de l’E.S.S. et sur un parcours de lecture. Nous
présentons rapidement les détails de la mise en place de l’enquête et les éléments
de lecture orientés vers une meilleure connaissance des relations entre entreprises
sur les territoires. Nous avons choisi pour méthode, de compléter un diagnostic
territorial établi dans un cadre professionnel, par un questionnaire en passation
directe. Le diagnostic était intéressant pour notre recherche, dans le sens où ils
faisaient apparaître le besoin de partenariats des acteurs4.
4
Les entretiens réalisés au cours du diagnostic, centrés sur les besoins des acteurs territoriaux de
l’économie sociale et solidaire, s’adressaient à des responsables de structures choisies dans l’idée de
représentativité sectorielle et statutaire, et de diversité de taille. C’est ce même panel qui a été
mobilisé dans le cadre du questionnaire en passation directe. Celui-ci composé d’une douzaine de
questions ouvertes, brèves, affirmatives, ne portant que sur une seule idée à la fois, a exigé des
entrevues avec les personnes enquêtées et un traitement qualitatif des données. Cet outil, lors de la
mise en oeuvre, prend la forme d’une discussion avec les interlocuteurs. Ceci permet d’approfondir
avec eux les réponses, de vérifier la véracité des dires et ainsi d’obtenir de nombreux renseignements
et de mieux comprendre le fonctionnement des entreprises.
2
La force des liens pour le développement territorial
Bernard PECQUEUR5, dans son ouvrage sur le développement local, souligne que
les relations territoriales entre les entreprises ne sont pas uniquement structurées par
le marché. Elles comportent aussi une dimension sociale qui s’exprime à travers les
liens que les acteurs tissent avec leur environnement, et par des réseaux qui
facilitent la transmission de l’information. C’est ainsi, qu’à travers l’idée de solidarité
territoriale il donne une valeur sociale au développement local : « Le développement
local, comme projet, cherche à analyser les solidarités d’entreprises ou encore à
redécouvrir toute la richesse des échanges non marchands qui concourent au
développement économique.6 » Toujours selon Bernard PECQUEUR, les relations
entre entreprises se situent à plusieurs niveaux. En complément de l’inscription dans
un marché, « l’entrepreneur mobilise autour de lui deux types de réseaux à finalité
productive7». Le premier est constitué d’un ensemble d’institutions8 qui permet « les
transferts de savoir-faire et d’informations qui permettent d’initier et de faciliter
l’innovation.9» Le deuxième « beaucoup plus efficace », est celui qui regroupe les
relations personnelles et informelles10, « caractéristiques d’une culture locale ». Il
semble donc que les relations participant au développement local ne s’arrêtent pas à
l’organisation productive, elles se prolongent aux relations entre personnes, des
relations moins identifiables, moins visibles. Ce second réseau, composé de
relations de solidarité est, selon l’auteur, indispensable pour compléter le premier.
Ces relations sans règles forment « une chaîne de réseaux souples dont le frontière
n’est jamais clairement définie11». Elles sont composées des réseaux familiaux
permettant de mobiliser du capital et de l’énergie humaine ; des réseaux
professionnels favorisant la circulation informelle des savoir-faire, le prêt de
matériels, ou encore la mutualisation ; des réseaux amicaux jouant « un rôle de
ciment dans une communauté d’entrepreneurs12». L’auteur indique que la
combinaison de ces types de réseaux est bénéfique à l’émergence d’un milieu
5
Bernard PECQUEUR, Le développement local, pour une économie des territoires, 2ème édition
revue et augmentée, Paris, Syros, collection alternatives économiques, 2000, 132p.
6 Ibid p.36
7 Ibid p.42
8 Système financier, de formation, administration publique…
9 Ibid p.42
10 Réseaux familiaux, amicaux…
11 Ibid p.43
12 Ibid p.44
3
innovant et dynamique qui puise dans la ressource humaine proche, les moyens de
s’adapter à la complexification et à la mondialisation des marchés.
Pour réaliser leurs projets, les acteurs ne doivent pas uniquement compter sur leurs
réseaux structurés à partir des filières et des métiers. Ils doivent aussi s’ouvrir sur
d’autres réseaux. Dans leur article13 consacré au capital social, Antoine BEVORT et
Elisabetta BUCOLO définissent la notion en insistant sur la confiance et la qualité
des relations interpersonnelles. Ils révèlent que la sociologie des réseaux est un des
courants les plus anciens dans les théories du capital social : «l’hypothèse centrale
de cette approche est que le réseau de relations dans lesquels les individus sont
encastrés contribue significativement à la réussite de leurs projets». Ils font référence
aux travaux de PUTNAM14 et de GRANOVETTER15. Cette notion de capital social,
selon le premier, « se rapporte aux relations entre individus, aux réseaux sociaux et
aux normes de réciprocité et de confiance qui en émergent ». Le capital social est
appréhendé comme une ressource collective. Selon cet auteur, « Quand les gens
ont confiance et sont dignes de confiance, la vie quotidienne, les échanges sociaux
sont moins problématiques et l’action publique est plus efficiente16».
Dans les multiples formes de liens sociaux, formels, informels, professionnels,
familiaux, associatifs… « PUTNAM différencie les liens « ouverts » (bridging, qui font
le pont) des liens « fermés » (bonding qui unissent des égaux). Il rejoint et complète
à cet égard GRANOVETTER qui avait déjà souligné la force des liens faibles. Les
liens entre personnes évoluant dans des cercles différents sont plus utiles que les
liens forts qui me relient à mes proches. Les liens forts sont bons pour se ressourcer,
se réconforter, les liens faibles sont bons pour avancer, évoluer. Le capital social qui
unit (bonding) agit comme une « colle » sociologique, le capital qui relie (bridging)
agit comme un « lubrifiant » sociologique17 ».
Antoine BEVORT et Elisabetta BUCOLO, Article Capital social du Dictionnaire de l’autre
économie,Jean-Louis LAVILLE et Antonio David CATTANI, Paris, Desclée de Brouwer, 2005, p.79p.85
14 Robert PUTNAM, Bowling alone.The Collapse and Revival of American Community, New York,
Simon and Schuster, 2000, 541 p.
15 Mark GRANOVETTER, Getting a job : a study of contacts and careers, Chicago, University of
Chicago Press, seconde édition, 1995, 251p.
16 Antoine BEVORT et Elisabetta BUCOLO, Article Capital social du Dictionnaire de l’autre économie,
Jean-Louis LAVILLE et Antonio David CATTANI, Paris, Desclée de Brouwer, 2005, p.82
17 Antoine BEVORT et Elisabetta BUCOLO, Article Capital social du Dictionnaire de l’autre économie,
Jean-Louis LAVILLE et Antonio David CATTANI, Paris, Desclée de Brouwer, 2005, p.82
13
4
Pour GRANOVETTER18, les structures économiques sont des institutions sociales
fondées sur des réseaux de relations entre les acteurs. Il explique que l’action
économique ne se résume pas à la maximisation d’un profit personnel, elle s’inscrit
aussi dans une quête de reconnaissance, de liens, de statut et de pouvoir.
L’efficacité des acteurs ne tient plus seulement à la productivité mais repose sur la
qualité et la diversité de leur réseau, sur « la force des liens faibles ». Il souligne
même qu’il est moins important d’être fortement inséré dans un réseau que d’avoir
accès, par des liens faibles, à plusieurs réseaux. Les liens faibles lancent des ponts
entre les réseaux et s’avèrent pour cette raison décisifs.
BEVORT et BUCOLO19 font le lien entre capital social et économie solidaire. Pour
ces auteurs, « L’économie solidaire entretient dans ses dimensions de réciprocité et
de confiance des rapports étroits avec le capital social.20 » Selon eux : « une des
spécificités des expériences de l’économie solidaire est dans la capacité des
membres à mettre en place des actions par le biais d’un agencement en interne se
fondant sur des relations non hiérarchisées entre des catégories d’acteurs différents.
Même s’il n’y a pas réelle égalité, des relations paritaires peuvent s’établir du fait
d’une « mise en dialogue » des différentes parties prenantes. Par cette régulation
négociée les acteurs de l’économie participent à la création d’un espace public
autonome.21 » Toujours selon les deux auteurs : « la spécificité du capital social au
sein des structures de l’économie solidaire est d’associer autour d’un bien commun
(revendication militante, insertion sociale et professionnelle, aide aux personnes…)
des acteurs aux provenances multiples qui s’expriment ensemble, leurs relations
étant régies par le principe d’égalité formelle (...) Dans le cas des expériences de
l’économie solidaire, la similarité des références n’est pas associée d’une similarité
de statut entre les acteurs. La diversité des réseaux relationnels représente même
une ressource au bénéfice de tous.22»
Mark GRANOVETTER, sociologie économique, traduit de l’anglais (américain) par Isabelle THIS
SAINT-JEAN, préface de Jean-Louis LAVILLE, Paris, édition du Seuil, collection économie humaine,
2008, 304 p. Nouvelle édition augmentée de l'ouvrage paru en 2000 aux éd. Desclée de Brouwer sous
le titre : Le marché autrement.
19 Antoine BEVORT et Elisabetta BUCOLO, Article Capital social du Dictionnaire de l’autre économie,
Jean-Louis LAVILLE et Antonio David CATTANI, Paris, Desclée de Brouwer, 2005, p.79-p.85
20 Ibid p.82
21 Ibid p.83
22 Ibid p.83
18
5
Des structures relationnelles différenciées
Au cours de notre enquête, nous avons tenté d’identifier les partenaires des
établissements de l’E.S.S. Contrairement à ce que nous pouvions imaginer, nous
nous sommes rendu compte que les entreprises de l’économie sociale et solidaire
n’entretenaient pas de relations exclusives entre elles. Au regard des réponses
données, nous avons constaté que les rapports étaient divers et concernaient aussi
bien les entreprises de l’E.S.S., les entreprises privées et le service public. En
prenant de façon indifférenciée les trois formes de l’E.S.S. instituée du territoire 23, il
est apparu que ces entreprises fréquentaient peu les entreprises privées et que le
service public occupait une place prépondérante, même si celles entretenues avec
les entreprises de l’E.S.S. occupaient malgré tout, une place importante. Nous avons
analysé plus finement ces relations, et il s’avère que le poids financier des structures
ne semble pas impacter la direction des relations. Ainsi, en comparant les petites et
grandes structures en effectif et en budget, associatives ou coopératives, nous avons
remarqué qu’elles prennent le même sens. Concernant les associations, il est apparu
que les associations se dirigeaient, de façon significative, vers les services publics,
alors que les coopératives entretenaient plutôt des relations avec les entreprises
privées, et ceci, quels que soient leurs effectifs et leurs budgets. Il est donc possible
de parler de bipolarisation des relations : les associations s’orientant vers des
structures publiques et les coopératives se tournant plutôt vers des établissements
privés, vers le marché. Nous avons aussi tenté de savoir si le partenariat structuré
par métiers, fédérations, unions, avait un impact sur les relations locales. D’après la
majorité des personnes interrogées, le partenariat structuré a plutôt des
conséquences positives sur les relations locales. Il favorise l’action locale, les
relations locales, le partage d’informations. Il renforce donc les entreprises et leurs
activités. Il contribue à la reconnaissance des structures sur le territoire. Dans la
plupart des cas, ce partenariat n’induit pas l’exclusivité des relations. Certains
expriment que dans le passé la relation avec les fédérations, les unions, était
exclusive et qu’elle apparaissait comme pouvant être un obstacle à toutes autres
relations. Il semble que ça ne soit plus le cas aujourd’hui. Ces relations sont
complémentaires de celles existantes sur les territoires. Il se dégage que ces liens
23
Associations, coopératives et mutuelles
6
ne sont plus des obstacles aux relations territoriales, parce que les acteurs cumulent,
croisent, entrecroisent et complètent leurs partenariats. Nous pouvons ici faire
référence à « la force de liens faibles » évoquée Mark GRANOVETTER 24. Nous
pouvons dire, selon nos constatations, que les acteurs de l’E.S.S. sont à la
recherche d’une combinaison de liens forts et de liens faibles, et qu’ils sont présents
sur les réseaux verticaux et horizontaux.
Le développement des activités en priorité
Il apparaît aussi que de façon majoritaire, les entreprises de l’E.S.S. ne cherchent
pas à tout prix des rapports entre elles : elles ne les privilégient pas. Les raisons
évoquées sont au nombre de quatre.
La première est la difficile identification des entreprises de l’E.S.S. entre elles. C’est
un obstacle à leurs coopérations : comment peuvent-elles privilégier ce type de
relation si elles ne se connaissent pas ? Beaucoup de structures ignorent appartenir
à l’E.S.S. Il est alors aisé de comprendre qu’il est encore plus problématique
d’identifier les autres entreprises de l’E.S.S. Nous pouvons parler d’une faiblesse
apparente de l’interconnaissance des entreprises de l’E.S.S. La deuxième est
l’importance de tous les contacts pour le développement de la structure. Cette
réponse indique qu’il n’est pas question de mettre de freins aux coopérations.
Pourtant, si les acteurs de l’E.S.S. interrogés disent ne pas favoriser ces liens, une
majorité d’entre eux évoquent des valeurs communes partagées qui les rassemblent.
Celles-ci sont aussi exprimées par ceux qui privilégient les relations entre
établissements de l’E.S.S. Ces valeurs25, présentées dans la charte de l’économie
sociale et solidaire, sont très présentes dans les propos recueillis.
Les acteurs
interrogés vont pour moitié dans le sens d’une non restriction des liens, au nom du
maintien et du développement des activités. Pourtant, elles sont souvent nuancées
par un « mais » qui exprime qu’il existe des limites. De ce fait, la grande majorité des
acteurs disent s’interdire des relations avec des structures pouvant transgresser la
24
Mark GRANOVETTER, sociologie économique, traduit de l’anglais (américain) par Isabelle THIS
SAINT-JEAN, préface de Jean-louis LAVILLE, Paris, édition du Seuil, collection économie humaine,
2008, 304 p.Nouvelle édition augmentée de l'ouvrage paru en 2000 aux éd. Desclée de Brouwer sous
le titre : Le marché autrement
25 L’homme au centre des préoccupations, le respect, le partage, la solidarité…
7
loi, véhiculer des idées politiques inverses aux valeurs, ne pas partager les mêmes
valeurs ou prôner des valeurs contraires. La troisième raison est que la spécificité de
certaines activités ne concerne pas d’autres établissements de l’E.S.S. Cette
argumentation indique que les affinités de certains organismes de l’E.S.S. sont
souvent dirigées vers des structures qui travaillent dans les mêmes secteurs
d’activités. La quatrième est que l’économie sociale et solidaire ne propose pas les
activités, les services dont ils ont besoin.
A travers le questionnaire nous avons tenté de comprendre pourquoi les relations
étaient entretenues et à quoi elles servaient aux entreprises. Les personnes disent,
pour la plupart et de façon significative, que les relations les plus importantes servent
à maintenir et développer les activités et services de l’entreprise, à favoriser son
développement commercial, à mettre en place du projet, à augmenter la
fréquentation, à dynamiser la structure. Elles participent à la promotion de la
structure, à la faire connaître. Les réponses données vont vers une justification
utilitaire des relations partenariales. Nous avons essayé de savoir comment les
relations établies pouvaient permettre de développer les entreprises. Selon les
acteurs, les liens tissés avec les autres établissements participent au développement
des entreprises par l’apport d’opportunité d’activités, de clientèles, de finances, et
d’emplois. Ces rapports permettent aussi de mutualiser principalement des savoirs,
et d’identifier des besoins territoriaux et ainsi d’y répondre au mieux.
Conclusion
Les partenariats les plus importants pour les entreprises de l’E.S.S. interrogées,
quelques soient leurs effectifs, leurs budgets, leurs statuts, sont incontestablement
formels. Ils s’expriment par des contrats, des conventions, des appels d’offre, ou bien
par des actions communes et partagées sur le terrain, des moments de travail
communs. Les liens semblent être clairs, puisque très peu d’entre eux ont du mal à
déterminer les types de relations entretenues. Pourtant, le type de liens qu’ils
entretiennent a bien souvent été, pour eux, une découverte. Beaucoup d’entre eux
n’avaient jamais eu de réflexion à ce sujet, et la surprise fut grande. Il apparaît que
les acteurs de l’ E.S.S. sont partagés entre l’aspect formel/informel et marchand/non
marchand des relations qu’ils privilégient. En allant plus loin dans notre analyse,
8
nous nous sommes aperçu que les relations entretenues effectivement sont souvent
différentes de celles privilégiées dans les discours. Sur le panel, seules quatre
structures entretenaient des relations en accord avec celles privilégiées. Nous
pouvons supposer alors que les partenariats ne sont pas satisfaisants pour les
établissements, dans le sens où elles ne revêtent pas totalement les formes
favorisées. Bien souvent, les relations qu’elles ont, relèvent du formel et du
marchand par obligation pour donner de la crédibilité à l’établissement. Concernant
la qualification d’une relation partenariale de qualité recherchée, les interlocuteurs
sont plutôt unanimes, quelque soit le type de structure. Ils recherchent des relations
de qualité, qu’ils qualifient de confiance et de réciprocité comme le révèle le recueil
des qualificatifs de notre questionnaire. Ils emploient bien souvent les mêmes termes
concernant la qualité d’une relation partenariale : « gagnant – gagnant, réciprocité,
respect, durable, fidélité, honnêteté, convivialité ». Ces résultats vont dans le sens de
l’article d’Antoine BEVORT et d’Elisabetta BUCOLO26, dans lequel il est fait
référence à PUTNAM27 et à la notion de capital social. Les acteurs ont pleinement
conscience de l’importance des relations partenariales pour le développement de
leurs entreprises et du territoire.
Pour clore cet article nous proposons un plan d’action, aspirant à faire reconnaître
de façon territoriale l’ E.S.S., à favoriser les relations territoriales, à amenuiser les
difficultés de relations, à faire connaître l’E.S.S. et les pôles de développement,
auprès de la population, des entreprises de l’E.S.S., des entreprises privées et des
collectivités territoriales. Nous faisons suggestion, dans les tableaux ci-dessous,
d’actions que les pôles de développement de l’E.S.S. pourraient mettre en oeuvre
pour favoriser, amplifier les relations territoriales. Nous avons construit les tableaux
ci-dessous autour d’objectifs fixés pour lesquels sont proposer des actions en
direction de différents publics. Les pôles de développement pourraient être des
facilitateurs de relations qui s’exprimeraient à travers des espaces d’animation et de
médiation, dans lesquels chacun aurait sa place, que ce soient la population, les
collectivités territoriales, les entreprises de l’ E.S.S., les entreprises privées, en filière
ou en inter-filières.
Frédéric LE BRAS
Jean-Louis LAVILLE et Antonio David CATTANI, Dictionnaire de l’autre économie, Paris, Desclée
de Brouwer, 2005, 564p. - article Capital social, p.79 par Antoine BEVORT et Elisabetta BUCOLO
27 Robert PUTNAM, Bowling alone.The Collapse and Revival of American Community, New York,
Simon and Schuster, 2000, 541 p.
26
9
- Exemples de propositions d’actions des Pôles pour mieux faire connaître l’E.S.S.
Objectif
Actions en direction de la
société civile
Actions en direction
des acteurs de l’ESS
Actions en direction des
entreprises privées
Actions en direction des
collectivités territoriales
Présentation de l’E.S.S. aux
scolaires : intervention dans les
établissements scolaires
créer un label (une
accroche commune)
Proposer des interventions de
présentation auprès de la CCI, de
la Chambre des métiers et de
l’artisanat, des clubs
d’entrepreneurs
Proposer des interventions de
présentation de l’ESS et du
pôle auprès des collectivités
territoriales
Repas dans les établissements
scolaires sur le thème des
circuits courts dans le cadre de
la semaine du goût et rencontres
avec des producteurs
Mieux faire
connaître l’ESS
permettre aux
structures de
l’E.S.S. du Pays de
se reconnaître et de
se faire connaître
pour être identifiées
par tous
lors de réunions, auprès de la
jeunesse, promotion des
coopératives comme étant une
forme d’entreprendre auprès de
la jeunesse
participation à des
manifestations grand public
(expositions, forums associatifs)
soutien au montage des projets
individuels ou collaboratifs
(primo-accueil / orientation, mise
en réseau), diffusion
d’informations (appels à projets,
financements, propositions de
formation…)
devenir « porte d’entrée »
pour les appels à projets
du Conseil général 22 et
de ceux des communautés
de communes et
d’agglomération
organisation de
manifestations, prétextes à
la rencontre (petits
déjeuners à thème) sur
des thèmes transversaux
en filières et en
inter filières
soutien au montage des
projets des structures de
l’E.S.S. (financements,
aiguillage sur le
partenariat)
communication dans la
presse locale
organisation de
manifestations, prétextes à la
rencontre
Participation, collaboration du
pôle aux projets structurants du
territoire ( éco-construction,
filière bois énergie, circuits
courts…)
faire savoir que l’on soutient les
porteurs de projets, les structures
Présenter le poids territorial de
l’E.S.S. (panorama)
Inviter ces entreprises lors des
manifestations
S’imposer comme « porte
d’entrée » pour les appels à
projets des collectivités
territoriales
communication dans la presse
locale
- organisation de
manifestations, prétextes à la
rencontre
faire savoir que l’on soutient les
porteurs de projets, les
structures
communication dans la presse
locale
organisation de manifestations,
prétextes à la rencontre
communication dans la presse
locale
10
- Quelques propositions d’actions des Pôles pour mettre en réseau
Objectif
Mise en réseaux
Actions en direction de la
société civile
-lors des permanences
aiguiller les porteurs de
projet vers les partenariats
au sens large
Faire profiter des
informations donner par les
chambres consulaires et les
transmettre aux porteurs de
projets pour qu’ils en
profitent
Repérage d’un référent ESS
sur le territoire
Actions en direction des
acteurs de l’ESS
Faire profiter des
informations donner par les
chambres consulaires et les
transmettre aux acteurs de
l’E.S.S. pour qu’ils en
profitent
soutien du pôle aux actions
de communication (mailing,
presse locale)
Faire profiter les entreprises
privées et les collectivités
territoriales des réseaux de
l’E.S.S. afin par exemple de
transmettre leurs
informations
Mettre en liens les acteurs
de l’E.S.S. dans l’idée
d’échanger et de mutualiser
des connaissances,du
matériel,des locaux…
Repérage d’un référent ESS
sur le territoire
11
Actions en direction des
entreprises privées
-lors des permanences
aiguiller les structures de
l’E.S.S. vers des
partenariats au sens large
Partager des informations
qui pourraient aussi les
concerner
Mettre en liens les acteurs
dans l’idée d’échanger et de
mutualiser des
connaissances, du matériel,
des locaux…
soutien du pôle aux actions
de communication (mailing,
presse locale)
Repérage d’un référent ESS
sur le territoire
Actions en direction des
collectivités territoriales
Profiter d’informations
donner par les collectivités
territoriales et les
transmettre aux acteurs de
l’E.S.S. pour qu’ils en
profitent
Faire connaître aux
collectivités les initiatives
d’échanges et de
mutualisation entre les
entreprises
soutien du pôle aux actions
de communication (mailing,
presse locale)
Repérage d’un référent ESS
sur le territoire
- Quelques propositions d’actions des Pôles pour favoriser l’inter coopération avec les autres acteurs
Objectif
favoriser
l’inter-coopération avec
les autres acteurs
Actions en direction de la
société civile
Organiser une veille
(environnementales,
juridiques, actualités des
structures, agendas…) et
diffuser l’information aux
porteurs de projets
Actions en direction des
acteurs de l’ESS
Le pôle doit être repéré
comme lieu d’échanges et
de recensement des besoins
Organiser une veille
(environnementales,
juridiques, actualités des
structures, agendas…) et
diffuser l’information aux
acteurs de l’E.S.S.
Formation des
accompagnateurs des
porteurs de projet aux
spécificités des entreprises
de l’E.S.S. (boutiques de
gestion, SCAE)
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement repérable
et en proximité avec d’autres
pans de l’économie
(bâtiment de l’Espace
Ampère)
12
Actions en direction des
entreprises privées
mutualiser des outils, des
démarches et des réflexions
pour construire des
stratégies communes et
impulser de nouvelles
actions.
Actions en direction des
collectivités territoriales
Organiser une veille
(environnementales,
juridiques, actualités des
structures, agendas…) et
diffuser l’information aux
collectivités
Organiser une veille
(environnementales,
juridiques, actualités des
structures, agendas…) et
diffuser l’information aux
entreprises privées
participation à l’élaboration
des politiques locales
Formation des
accompagnateurs des
porteurs de projet. (cabinets
comptables par exemples)
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement repérable
et en proximité avec d’autres
pans de l’économie
(bâtiment de l’Espace
Ampère)
Répertorier les acteurs de l’
ESS
Connaître le poids
économique de l’ESS
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement et en
proximité avec d’autres pans
de l’économie
mutualiser des outils, des
démarches et réflexions
pour construire des
stratégies communes et
impulser de nouvelles
actions.
- Quelques propositions d’actions des Pôles pour communiquer
Objectif
Actions en direction
de la société civile
Actions en direction des
entreprises privées
organisation de
manifestation de types
débats, rencontres,
films, expositions
organisation de
manifestation de types
débats, rencontres,
films, expositions
organisation de
manifestation de types
débats, rencontres, films,
expositions
Support Web : vidéo,
forum, site, agenda des
manifestations,
interviews
Support Web : vidéo,
forum, site, agenda des
manifestations,
interviews
Support Web : vidéo,
forum, site, agenda des
manifestations, interviews
création d’un logo,
identité visuelle
territoriale
Organisation du mois de
l’ESS
créer un événement
festif itinérant
Communication :
donner de la
visibilité,
promouvoir l’E.S.S.
sur
le territoire,
favoriser
l’interconnaissance
Actions en direction
des acteurs de l’ESS
Articles de journaux et
communiqués de presse
sur la présentation de
l’E.S.S., sur le pôle
comme
lieu
de
ressources
pour
la
création d’activités, sur
les
manifestations
organisées,
sur
les
permanences
Organisation d’un
colloque sur le thème
des relations entre
acteurs de l’E.S.S. et les
collectivités territoriales
Proposer des colloques,
des réunions, des petits
déjeuners sur des
thèmes intéressants la
population, les porteurs
de projets (les
financements, la
gouvernance, les
valeurs…) Ces
manifestations pouvant
être filière ou interfilières selon les sujets
Invitations aux
manifestations
organisées directement
ou par voie de presse
Constituer un annuaire
d’activités des acteurs
de l’ESS du Trégor
Goëlo
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement et en
proximité avec d’autres
pans de l’économie
Accompagnement des
porteurs de projets:
permanences régulières
sur les E.P.C.I. pour
aller vers les porteurs de
projets
création d’un logo,
identité visuelle
territoriale
Organisation du mois de
l’ESS
créer un événement
festif itinérant
Articles de journaux et
communiqués de presse
sur la présentation de
l’E.S.S., sur le pôle
comme
lieu
de
ressources et de soutien
aux
structures
de
l’E.S.S.,
sur
les
manifestations
organisées,
sur
les
permanences
Organisation d’un
colloque sur le thème
des relations entre
acteurs de l’E.S.S. et les
collectivités territoriales
Proposer des colloques,
des réunions, des petits
déjeuners sur des
thèmes intéressants les
acteurs (les
financements, la
gouvernance, les
valeurs…) Ces
manifestations pouvant
être filière ou inter
filières selon les sujets
Invitations aux
manifestations
organisées
Constituer un annuaire
d’activité des acteurs de
l’ESS du Trégor Goëlo
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement et en
proximité avec d’autres
pans de l’économie
Accompagnement des
acteurs : permanences
régulières
sur
les
E.P.C.I. pour aller vers
les porteurs de projets
13
création d’un logo, identité
visuelle territoriale
Actions en direction
des collectivités
territoriales
organisation de
manifestation de
types débats,
rencontres, films,
expositions
Support Web : vidéo,
forum, site, agenda
des manifestations,
interviews
Organisation du mois de
l’ESS
création d’un logo,
identité visuelle
territoriale
créer un événement festif
itinérant
Organisation du mois
de l’ESS
Articles de journaux et
communiqués de presse
sur la présentation de
l’E.S.S., sur le pôle comme
lieu de ressources pour la
création d’activités, sur les
manifestations organisées,
sur les permanences
créer un événement
festif itinérant
Organisation d’un colloque
sur le thème des relations
entre acteurs de l’E.S.S. et
les collectivités territoriales
Proposer des colloques,
des réunions, des petits
déjeuners sur des thèmes
intéressants aussi des
entreprises du privé (les
financements, la relation
clients…) Ces
manifestations pouvant
être ouvertes sur toutes les
entreprises du TrégorGoëlo, selon les sujets
Invitations aux
manifestations organisées
Constituer un annuaire
d’activité des acteurs de
l’ESS du Trégor Goëlo
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement et en
proximité avec d’autres
pans de l’économie
Faire savoir que les
permanences sur les EPCI
ont lieu pour accueillir,
conseiller, aiguiller les
porteurs de projets et les
acteurs
Articles de journaux et
communiqués
de
presse
Organisation d’un
colloque sur le thème
des relations entre
acteurs de l’E.S.S. et
les collectivités
territoriales
Inviter les élus et les
techniciens
économiques à ces
manifestations.
Quelques fois les
réaliser en partenariat
avec les collectivités
territoriales
Invitations aux
manifestations
organisées
Constituer un
annuaire d’activité
des acteurs de l’ESS
du Trégor Goëlo
Un pôle visible et
accueillant,
géographiquement et
en proximité avec
d’autres pans de
l’économie
Faire savoir que les
permanences sur les
EPCI ont lieu pour
accueillir, conseiller,
aiguiller les porteurs
de projets et les
acteurs
BIBLIOGRAPHIE
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University of Chicago Press, seconde édition, 1995, 251p.
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