pouvoirs publics et politiques de revenu - E

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POUVOIRS PUBLICS ET POLITIQUES DE REVENU
I. Qu’est ce que c’est ?
La politique des revenus est souvent associées à la « Politique des Prix ou des Revenus » et plus
spécialement au « Contrôle des Prix et des Revenus ».
Définition de Guy Quaden (90)
« La politique des revenus consiste dans la définition, la publication et l’application contrôlée de
normes pour l’évolution des différentes catégories de revenus compte tenu des objectifs généraux de
politique économique ».
« Par politique des prix au sens strict, on entend le contrôle des prix des seuls produits. Elle ne
concerne donc pas les prix des facteurs de production (salaires, honoraires, dividendes, taux
d’intérêts,…)(…) ».
 L’idée est celle d’un contrôle nécessaire ; le « laisser-faire » n’est pas suffisant
« L’intervention de l’Etat en matière de prix et de revenus se fonde sur la constatation que les prix
des biens et des services ainsi que les salaires se fixent non pas sur des marchés pleinement
concurrentiels, mais bien sur des marchés où opèrent de grandes firmes et de puissants syndicats.
L’analyse des imperfections des marchés et de leurs conséquences se trouve donc à la base des
justifications avancées pour ces politiques, principalement appliquées dans les périodes où
l’inflation fait problème ».
 L’idée est qu’il y a des « market failures » : si les marchés étaient parfaits, tout irait bien
(vue microéconomique)
 L’idée est aussi celle de l’inflation (vue macroéconomique)
Publications
Depuis 90, il y a très peu de publications sur la politique des revenus, et même depuis 80. En effet,
le dernier « que sais-je ? » sur le sujet date de 91 et la dernière étude de l’OCDE sur le sujet date de
80.
Rappels :
 1979 – 1980 : modification du climat idéologique dominant (arrivées au pouvoir de Tatcher en
Angleterre et de Reagan aux USA)
 1981 : coalisation catholique – libérale Martens – Gol en Belgique et adoption de lois en faveur
du capital à risque
 En économie : le paradigme keynésien est remplacé par les monétaristes, les nouveaux
classiques,…
 Les idées sont que les politiques économiques sont influencées par :
 La (grande) politique
 Le climat idéologique (Zeitgeist)
 Le contexte économique (la réalité : quels sont les problèmes de l’heure ?)
 La science économique (elle-même influencée par les 3 précédents)
 Les rapports de force entre les groupes sociaux (par exemple, les travailleurs ont moins
d’influence s’ils sont moins organisés et donc qu’il y a une faible syndicalisation car l’appareil
productif favorise l’individualisation des modes de rémunération ; ils sont aussi moins forts si le
chômage est important ou encore si l’évolution technologique les défavorise)
Définition de Jean Boissonat (66)
« La politique des revenus touche à la répartition non pas de loin comme une décision d’investir, ou
obliquement comme l’inflation, ni après coup, comme la fiscalité ou la SS. Non, elle prétend
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atteindre le revenu sur le lieu même de sa naissance, au moment précis où il rétribue un travail, une
propriété, ou une innovation.
Car son originalité par rapport à toutes les autres interventions dans le domaine des revenus est de
ne pas attendre que les erreurs soient faites pour les corriger. Avec le sentiment qu’entre l’erreur et
la correction, un mal irréparable se produit : les coûts gonflés, poussent les prix en avant.
L’équilibre économique est compromis. Pour le rétablir, il ne reste plus qu’à compromettre
l’expansion ».
 Différentes idées se retrouvent ici :
 L’idée d’une action des pouvoirs publics visant à agir sur la formation de tout ou partie des
revenus primaires des agents (avant impôts et prestations sociales)
 L’idée de hausse des coûts et donc de l’inflation
 L’allusion au « stop and go »
Il y a-t-il des clivages par rapport aux politiques de revenu ?
Le grand clivage doctrinal est celui entre les partisans du laisser-faire et ceux de
l’intervention.
a) Selon la pensée libérale, la seule bonne politique des revenus doit viser la restauration de la
flexibilité des salaires basée sur un fonctionnement du marché du travail libéré de toute entrave.
Il faut donc bannir toute intervention à caractère dirigiste. L’action de l’Etat doit uniquement
servir à améliorer le fonctionnement des mécanismes de marché en s’appuyant surtout sur la
déréglementation et le désindexation, et non en les niant via un contrôle des prix et des salaires
ou en les réduisant.
b) Selon les keynésiens, la politique des revenus ne peut s’exprimer que dans la marche vers une
économie plus volontariste et consciente, laquelle passe par la mise en place de régulations
commandées.
Il y a aussi des clivages sur la délimitation conceptuelle des politiques de revenu.
a) « La politique des revenus est le plus souvent conçue comme la définition et l’essai de
traduction en actes d’une norme destinée à contenir la progression des diverses catégories de
revenus ou à fixer leur age de gravitation, par référence à l’évolution des prix et/ou la
productivité du travail ».
Dans cette vision, le cœur de la politique des revenus est égal à l’application d’une formule
d’ajustement ou d’indexation :
 partielle ou totale
 automatique ou contractuelle
 illimitée ou temporaire
La désindexation serait la négation de la politique des revenus.
b) La politique des revenus peut aussi être conçue comme la mise en place d’une discipline
applicable à certaines rémunérations ou à tous les revenus (salaires, revenus non-salariaux, aux
profits et aux revenus de la propriété).
La politique des revenus dans ce 2ème cas ne pourrait être réduite à la seule maîtrise de
l’évolution des salaires ; elle devrait s’étendre aussi à la politique des prix et à l’action sur les
marges de l’entreprise.
Dans ce cas, il existe souvent des critiques symétriques :
 le patronat dénonce le dirigisme et les atteintes à la libre-entreprise
 les syndicats sont hostiles aux politiques de revenus qu’ils assimilent à une tentative
d’instaurer une « police des salaires »
c) La politique des revenus peut être conçue comme :
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 Une politique fondée sur la concertation, la recherche d’un accord, voire d’une adhésion
entre les parties prenantes sur les modalités de partage du gâteau de la richesse nationale
 la politique des revenus se réduirait à une politique contractuelle ou conventionnelle
 La mise en place de ce partage par d’autres voies que le consensus  le recours des
pouvoirs publics à la contrainte ne marquerait qu’une de ses modalités (pas un échec)
Qu’est-ce qu’une politique des revenus ?
Idéalement, selon Sandretto
Pour qu’une politique de revenus ait plus de chance de réussir :
 Il faut qu’elle définisse durablement des lignes d’évolution précises économiquement efficaces et
socialement acceptables
 Il faut que les disciplines imposées à l’évolution des revenus portent équitablement sur toutes les
rémunérations (plutôt que de faire porter le fardeau par 1 seule catégorie sociale)
 Il faut que le contenu et la mise en œuvre de cette politique soient acceptés plutôt que subis
 Il faut que l’Etat use de l’incitation plutôt que de l’injonction
En pratique, il faut distinguer la politique des revenus idéale (dotée initialement de toutes les
chances de réussite) de celle « réellement existante ».
Définition proposée par Sandretto
« Nous préférons définir la politique des revenus comme l’ensemble des moyens par lesquels les
pouvoirs publics visent à agir sur la formation des revenus, càd sur la formation de tout ou partie
des revenus primaires des agents, que cette action revête un caractère indicatif, contractuel ou
impératif, en vue d’atteindre des objectifs de politique économique ».
 Action sur la formation des revenus primaires (donc avant impôts et bénéfices sociaux)
 Action informative (conseil), contractuelle (consensus, accord de volonté des parties) ou
impérative (autorité)
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II. Un cours sur la politique des revenus ?
Titre du cours : Pouvoirs publics et Politiques de revenus
 Pouvoirs publics : L’Etat est le représentant de l’intérêt général
 Politique des revenus : ou plutôt politique de prix ou de revenus, soit politique économique et
sociale
 L’idée sous-jacente est que l’intervention de la puissance publique peut aboutir à un
« mieux » par rapport au laisser-faire
Mais qu’est-ce qu’un mieux ? Cela touche au débat plus large de l’intervention versus la nonintervention, cette dernière étant au cœur de la pensée libérale selon laquelle l’économie laissée à
elle-même aboutirait à la meilleure solution possible.
1er thème du cours : Examen des critères qui peuvent justifier une intervention
 Quel « bien » est privilégié lorsqu’une décision politique doit être prise ?
 Qu’est ce que l’individu est libre de faire et de ne pas faire
 Qu’est ce que l’Etat peut faire ou ne pas faire
 Sphère d’exercice légitime de la puissance publique
3 philosophies :
 L’utilitarisme : le critère est la maximisation du bonheur social ou bien-être social (welfare
state), càd la maximisation du plus grand bonheur du plus grand nombre  on verra :
o que l’utilitarisme est la vision à la base de la majorité des interventions
o qu’il est compatible avec le libéralisme, le socialisme et le communisme
o les impacts des points de vue politiques de revenu
 Les droits naturels de l’homme : le critère est le respect de certains pouvoirs, càd des listes de
droits accordés aux individus tels qu’une fois laissés à eux-mêmes, leur interaction débouche
(sans garantie de ces droits naturels) sur une société paisible et ordonnée (compatible avec la
nature de l’homme)  on verra les implications en terme de politique économique et sociale et
donc en terme de politique de revenus
 L’ultra-libéralisme : le critère est la maximisation de la quantité de liberté dans une société
 On verra le panorama des justifications philosophiques pour ou contre l’intervention par des
analyses de textes et par le décryptage des philosophies à l’œuvre derrières les politiques publiques
2ème thème : Aperçu historique sur les politiques de revenu proposées dans le passé
L’analyse de théories plus anciennes permet d’identifier les grands objectifs de la politique
économique :
 Dans l’antiquité : Platon et son échelle de revenus de 1 à 4, Aristote et ses ides de justice
commutative, distributive, et Saint Thomas d’Aquin au Moyen-Age
 Au 15, 16 et 17ème siècles : le mercantilisme  obsession d’une balance du commerce extérieure
positive  l’or et l’argent sont perçus comme LA richesse et les salaires comme des coûts ;
objectif de compétitivité
Bois Guillebert : l’accent est mis sur les aspects de la demande, et le revenu du travail n’est pas
seulement un coût mais aussi un pouvoir d’achat
 Au 18ème siècle : les physiocrates  l’économie est vue comme un système naturel et la
répartition des revenus aux différentes classes est déterminées par la « nature des choses » (lien
répartition – croissance)  une politique des revenus qui va à l’encontre de la nature nuit à la
croissance
On examinera le modèle de Ricardo
 19ème siècle : quelques mots sur les socialistes utopiques comme Proudhon et sur Marx
 20ème siècle : 3 écoles, à savoir les néo-classiques, les keynésiens et les monétaristes
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3ème thème : Objectifs de la politique économique
2 vues : microéconomique (market failures) et macroéconomique
On essaiera de répondre aux différentes sources d’instabilité du système macroéconomique :
 chômage  plein-emploi
 inflation  stabilité des prix
 crises  croissance stable et durable
 déséquilibres extérieurs  équilibre extérieur (compétitivité)
La vision de la théorie classique est la dérégulation, celle des keynésiens consiste en un arbitrage
entre inflation et chômage (courbe de Philips), et celle des monétaristes et des nouveaux-classiques
démontre l’inexistence d’un arbitrage entre inflation et chômage.
4ème thème : Les politiques de prix et de revenu : vue générale
5ème thème : examen plus précis de quelques politiques de revenu

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



politique conventionnelle
politique d’indexation
politique fiscale des revenus
politique d’arbitrage
économie de partage
politiques des revenus non-salariaux
6ème thème : Travaux d’étudiants
Etudes de cas en Belgique, NL, UK, France, Autriche, Allemagne,…
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III. Rapide rappel sur l’optique des revenus dans la comptabilité nationale
A. L’activité économique d’un pays peut être ramenée à un circuit où :
 des biens et services sont produits (optique de la production)
 cette production engendre des revenus distribués à ceux qui participent à cette production
(optique des revenus)
 ces revenus sont dépensés pour l’acquisition de biens et services produits (optique des dépenses)
! On n’y compte que des flux, pas des stocks !!!
a) Optique de la production
 Valeur de la production sur une année par des agents économiques nationaux (PNB) ou à
l’intérieur des frontières (PIB)
 On ne somme pas tous les biens et services produits pendant un an sinon doubles comptes (1 kg
de froment  1 kg de farine  1kg de pain  il faut éviter de compter 3 fois le froment et 2
fois la farine)
 On comptabilise les seules valeurs ajoutées de chaque secteur économique :
Valeur ajoutée = valeur de la production – valeur des achats
VA = outputs – inputs
 V.Aj = valeur de la production
b) Optique des revenus
Revenus = revenus des facteurs de production « pour services rendus à la production »
 L’allocation de chômage est un transfert, pas un revenu
 Les impôts directs versés par les salariés à l’Etat sont partie du salaire (brut)
 V.Aj =  revenus
c) Optique des dépenses
Il s’agit des dépenses sur les biens finaux, càd ceux qui ne seront plus transformés dans l’économie,
par opposition aux biens intermédiaires.
! Le charbon, par exemple, peut être tantôt un bien final s’il est acheté par un ménage pour se
chauffer, et tantôt un bien intermédiaire s’il est utilisé comme input par une centrale électrique.
 V.Aj =  revenus =  dépenses sur biens finaux
A. L’optique des revenus stricto sensu
Pour rappel, le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes de toutes les branches de
l’économie. Il s’agit donc de la mesure de la production finale totale de biens et services dans
l’économie.
Le PNB quant à lui est égal à la somme du PIB et du reste du monde net, soit le solde des paiements
versés par le reste du monde aux résidents belges moins les paiements versés par les résidents
belges au reste du monde.
a) Du PNB au revenu national
PIN et PNB étaient calculés aux prix du marché, soit aux prix tels qu’ils se présentent sur le marché.
Dans l’optique des revenus, les revenus sont en gros les revenus des facteurs de production.
PM = CF + [ Ti – subsides ]
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Soit les prix du marché sont = aux coûts des facteurs de production + les impôts indirects lesquels
touchent directement les choses vendues et indirectement les personnes – les subventions versées
aux entreprises lesquelles permettent aux entreprises de réduire leurs prix
 Cette expression reflète plus ou moins l’idée selon laquelle l’entreprise-productrice transfère sur
les acheteurs les coûts des inputs indirects et peut retirer le montant des subsides.
b) Rappel : « brut » et « net »
Brut = remplacement + net
Le remplacement est destiné à remplacer les machines usées.
 Le revenu national est considéré net (càd rémunération des services productifs des facteurs qui
ont fait réellement augmenter la production par rapport à son niveau de la période précédente ; càd
sans les amortissements des biens de capital fixe qui ne constituent en aucun cas un revenu).
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IV. Le revenu national de la Belgique
A. Composantes du revenu national de la Belgique en 97 (en millions d’euro)
a) Rémunération des salariés : 111.552
 Salaires et traitements du secteur privé dont salaires bruts et cotisations patronales à la SS
 Revenu du travail du secteur privé = salaires bruts + cotisations patronales
Rem : le coût salarial est le coût du travailleur pour le patron (il existe donc une différence entre
le coût d’un salarié et le revenu net que le travailleur touche en fin de mois)
o coût salarial employeur = salaires bruts + cotisations patronales à l’ONSS + primes
(allocations de fin d’année et pécule de vacances)
o salaire net travailleur = salaires bruts – cotisations du travailleur à l’ONSS – impôts
directs (taux varie en fonction de la tranche de revenu  souci redistributif par un impôt
progressif ; peut aller jusqu’à 50 % du salaire brut)
 Salaires du secteur privé = salaires directs (63 %) + salaires indirects (37 %) : 76.525
o salaires indirects = intégralité des cotisations à la SS ( moitié du salaire brut) 
cotisations patronales + cotisations salariales
Fonction : l’Etat perçoit des cotisations (parafiscalité) et un financement de l’Etat
(fiscalité)  mécanisme d’assurance (on cotise quand on est jeune, au travail et en
bonne santé, et on touche des allocations dans diverses situations ou aléas de la vie) 
concrétisation d’un principe de solidarité entre actifs occupés et chômeurs, bien portant
et malades, jeunes et âgés et ceux qui ont des enfants et ceux qui n’en n’ont pas
o salaires directs = salaires bruts – cotisations versées par les travailleurs à l’ONSS
Fonction : permet au salarié de subvenir à ses besoins quotidiens, et éventuellement
d’épargner
 Rémunérations du secteur public
 Rémunérations du secteur public = rémunérations + pensions + charges sociales : 27.119
 Corrections et compléments
 Primes de fin d’année, pécules de vacances,…  coût patronal : 7.561
b) Revenu des entrepreneurs individuels et des sociétés de personnes : 23.773
On appelle ces revenus des revenus mixtes (revenus du travail et du capital) où Yk et Yl ne peuvent
être scindés car le propriétaire est en même temps le travailleur.
 Agriculture, horticulture et syviculture : 1.314
 Il est difficile de connaître directement le revenu de l’exploitation agricole mais on procède
de la façon suivante : Y = chiffre d’affaire – frais d’exploitation (achats d’inputs matériels,
amortissements du capital fixe, loyers, intérêts des capitaux empruntés, primes d’assurances,
services achetés, salaires versés aux travailleurs agricoles,…)
 Professions libérales : 10.114
 Plus ou moins la moitié vient des médecins, dentistes et pharmaciens, le reste provenant des
avocats, notaires, architectes,…
 Commerçants et artisans indépendants : 10.337
 Il s’agit de toute la petite distribution (boulangers, bouches, épiciers,…) et d’une grande
partie du secteur horeca
 Revenu des sociétés de personnes : 1.934
 Il s’agit de très petites firmes non reprises dans la rubrique précédente
c) Revenu de la propriété échéant aux particuliers : 38.795
! Tous les revenus de la propriété ne sont pas versés aux particuliers ou aux ménages
 Intérêts : 14.527
 Il s’agit des revenus fixes ! (dépôts d’épargne, carnets d’épargne, dépôts à terme, obligations
émises par les sociétés privées et fonds publics)
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

NB : en raison de l’importance de la dette publique, les intérêts de la dette publique versés aux
particuliers sont forts élevés
En 97, 38 % de ces revenus étaient les intérêts de la dette publique, les 62 % restants étant logés
en banque, en caisse d’épargne, en compagnies d’assurance et en entreprises diverses
Loyers (nets) : 11.899
Quand un propriétaire d’un appartement touche un loyer, il s’agit d’un revenu brut  il lui
incombe de débourser des frais d’entretien de l’immeuble, des intérêts hypothécaires s’il a dû
emprunter pour acheter son immeuble, des frais de réparation et des frais d’amortissement
 Loyers nets = loyers bruts – charges
NB : les revenus immobiliers échéant aux particuliers sont beaucoup moins importants que les
revenus mobiliers échéant aux particuliers
Dividendes, tantièmes, dons : 12.246
o Les dividendes proviennent soit des sociétés belges, soit de sociétés non résidentes.
o Les tantièmes sont les revenus des administrateurs de société
o Les dons ici sont les dons des sociétés à des particuliers mais le plus souvent à des asbl
au service des particuliers
 Les revenus de la propriété échéant aux particuliers est donc de 38.795 millions d’euro
!!! Evolution du ratio intérêts/revenu du capital :
o 1972 : 42 %
o 1981 : 63 %
o 1987 : 58 %
o 1997 : 37 %
 De 72 à 81, le ratio augmente : les taux d’intérêts se sont envolés à l’époque (13 % en 81) et le
poids de la dette publique s’alourdissait d’année en année
 De 81 à 87, le ration diminue : les taux d’intérêts ont diminué (8 % en 87) et la dette publique
s’est tassée ; de plus, la bourse a repris vigueur  le poids relatif des actifs procurant des revenus
fixes a diminué et cette tendance s’est poursuivie jusqu’en 97
d) Bénéfices non distribués des sociétés : 7.933
La part des bénéfices non distribués par rapport au revenu national a fort augmenté ces dernières
années : de 0,5 % en 76 à 4,6 % en 87 puis 4,5 % en 97  il y a eu une stabilisation vers 86 / 87 ; la
hausse connue entre 76 et 87 témoigne du redressement de la rentabilité des entreprises
e) Impôts directs des sociétés : 7.561
Il s’agit d’un impôt sur les bénéfices des sociétés qui correspond +/- à 30 % des bénéfices.
Ces impôts sont passés de 1,8 milliards d’euro en 76 à 7,5 milliards d’euro en 97, mais sa part dans
le revenu national demeure relativement faible (4% du revenu national en 97).
f) Revenu de la propriété et de l’entreprise échéant à l’Etat : 2.033
L’Etat est entendu ici au sens large et comprend donc les régions, provinces et communes.
Il détient une propriété immobilière importante (par exemple plus de la moitié des forêts ardenaises)
laquelle rapporte des revenus.
Les bâtiments publics appartiennent le plus souvent à l’Etat. En effet, si ces bâtiments n’avaient pas
été sa propriété, l’Etat aurait dû s’acquitter d’un loyer. Pour tenir compte de cette réalité, on inclut à
cette rubrique ce que l’on appelle « l’intérêt imputé des bâtiments publics », càd que le gain lié au
fait d’être propriétaire est considéré.
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g) Intérêts à déduire (négatif) : -17.749
On part de l’hypothèse que l’Etat, tout comme les ménages, est un consommateur et non un
producteur. Aussi estime-t-on que les emprunts qu’il contracte ne sont pas destinés à des fins
productives et ne font donc pas partie du revenu. Ils apparaissent dès lors négativement dans les
comptes.
Cette rubrique est constituée des intérêts de la dette publique et des intérêts sur les crédits à la
consommation (la 1ère étant la plus importante).
 Revenu national = revenus du travail + revenus mixtes + revenus du capital + bénéfices
non distribués des sociétés + impôts directs des sociétés + revenu de la propriété et de
l’entreprise échéant à l’Etat – (IDP + IDC)
Note sur les salaires indirects et la SS
La parafiscalité est constituée des cotisations patronales et salariales et la fiscalité est constituée
d’une intervention de l’Etat. Ces montants sont versés à l’ONSS pour financer ses différentes
branches (chômage, pension, maladie/invalidité, allocations familiales et vacances annuelles).
Ces systèmes de protection sociale existent dans l’ensemble des pays de l’union européenne, mais
leur financement est différent. En effet, il existe des pays où il s’agit d’un système de cotisations
(France, Belgique, NL, Grèce), tandis que dans d’autres il s’agit d’un système où la fiscalité domine
(Danemark, Irlande, UK,…).
On constate aussi un double système de redistribution : le 1er est celui qui assure la solidarité entre
actifs occupés et chômeurs, jeunes et retraités,… ; le 2ème est celui lié aux différences de revenu.
Dans ce 2ème système, les cotisations sont proportionnelles au revenu et les allocations sont fonction
du risque.
! Les impôts indirects versés par les travailleurs (IPP)  salaire indirect  les IPP financent
l’ensemble des dépenses de l’Etat (armée, circulation, administration,…) et ne reviennent pas que
dans l’escarcelle des travailleurs.
B. Evolution des parts relatives des différentes composantes du revenu national
a) C’est l’approche macro-économique de la répartition des revenus :



Se fondant sur la comptabilité nationale, elle en hérite la cohérence et les limitations :
o La comptabilité nationale ne tient pas compte des revenus non monétaires (à part les
loyers fictifs)
o La dimension du temps consacré à l’obtention du revenu est également absente
Or, l’économie aimerait souvent définir le « bien-être », sa norme de référence ultime (« bienêtre » ici pouvant être qualifié de « jouissance » effectivement retirée du revenu).
Cette approche macroéconomique nous indique comment évolue le partage du revenu primaire
entre les particuliers et les entreprises
Elle nous indique également comment a évolué l’ampleur de la redistribution : en passant des
revenus primaires au revenu disponible, elle intègre dans l’analyse les transferts aux ménages
ET les prélèvements sociaux et fiscaux
b) Chiffres de Valenduc (2000) sur le partage des revenus primaires (en % du revenu
national, avant déduction des intérêts de la dette publique)
Y salariaux (Yl)
Y de l’activité indépendante (Ykl)
Y de la propriété des particuliers (Yk)
Y primaire des entreprises
1953
49,9
32,3
14,5
5,8
1960
52,8
28,4
14,5
5,3
1970
57,3
22,3
13,8
7,1
1980
69,2
15
12,7
3,7
1990
59,7
12,2
18,7
7,9
1998
58,6
11,8
21
7,3
11
Pour ce qui est de la part des salaires :
 Les revenus du travail augmentent quasi continûment de 53 à 80 (+ 19 % en 30 ans)
 Les revenus de l’activité indépendante sont en chute libre pour cette même période (de 32,3 à 15
%) et continuent de chuter jusqu’à 11,8 % en 98
 Les revenus de la propriété des particuliers sont +/- stables, sauf quelques fluctuations cycliques
 Une césure a lieu en 80 ; pourtant, le choc majeur au plan éco, c’est le 1er choc pétrolier en 73
De 73 à 90, on observe la poursuite des tendances antérieures dans le partage du revenu primaire
des particuliers ; la force d’inertie prévaut en raison du maintien de l’indexation des salaires et ce
malgré une forte dépréciation des termes de l’échange
La contrepartie de cette tendance se retrouve dans l’endettement extérieur d’une part et dans
l’évolution du revenu primaire des entreprises d’autre part.
 Ceci montre que les politiques menées de 73 à 80 après le 1er choc pétrolier ont davantage
cherché à protéger le pouvoir d’achat des revenus salariaux que la rentabilité des entreprises
Qu’est-ce qui explique à plus long terme l’évolution des ratios de 53 à 81 ?
Jusqu’en 73/74, il existe une forte croissance économique nourrie par une forte augmentation de la
productivité du travail.
Une série de facteurs ont favorisé les salariés :
 La salarisation
o Les secteurs où les revenus mixtes prédominent sont en forte baisse (petite distribution,
artisanat, paysannerie)
o Les activités qu’ils exerçaient sous forme d’entreprise familiale sont reprises par des
sociétés plus grandes où le capital et le travail sont scindés (par exemple le passage de la
petite distribution aux grandes surfaces)
 La diminution du nombre d’ouvriers et l’augmentation de la qualification des travailleurs
o Les ouvriers ont un salaire moyen faible car ils effectuent du travail manuel nonqualifié ; or, la période étudiée est celle de la décroissance des branches d’activité où
leur concentration est forte (par exemple, dans le charbonnage et les industries
manufacturières, leur part cumulée dans la V.Aj. passe de 37 % en 48 à 26 % en 81)
o De plus, la main de l’homme est de plus en plus remplacée par les robots et les
machines, cette tendance étant en processus continu jusqu’à aujourd’hui
 Le travail des ouvriers étant moins rémunéré que celui des autres catégories de travailleurs,
la diminution de la part relative du nombre d’ouvriers redresse le salaire moyen
 La croissance du niveau des salaires et traitements
o Pendant une période de plain emploi et de forte croissance de la productivité dans le
secteur secondaire, les rémunérations des salariés des entreprises manufacturières ont
augmenté plus vite que la croissance du revenu national
o La croissance de la productivité du secteur manufacturier a induit des hausses salariales
qui se sont diffusées dans l’ensemble de l’économie
 L’augmentation de la concentration des entreprises : dans le secteur secondaire, le C.O.R. a
rapidement augmenté
 les capitaux nécessaires pour rehausser le seuil de rentabilité croissent
 csq : concentration de plus en plus grande des entreprises
Or, les syndicats sont beaucoup plus puissants dans les grandes entreprises que dans les PME
 csq : les salaires y sont, en moyenne, plus élevés
Evolution de ces ratios et de la situation depuis 80
Depuis 80, les revenus de la propriété des particuliers augmentent alors que les revenus du travail
diminuent.
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L’année 81 est considérée comme ayant été une « année terrible » :
 Le PNB est en chute de 1 %
 Le chômage touche +/- 10 % de la population active
 Les investissements reculent de 6 %
 Le taux d’inflation est de 8 %
 Les taux d’intérêts à long terme sont de 13,5 % (peu de confiance pour l’avenir)
 « STAGFLATION »
De plus, la Belgique connaît 2 déficits :
 Un déficit extérieur avec solde négatif de la balance commerciale à 7 % du PNB
 Un déficit public croissant (la dette publique a augmenté de 23 % entre 80 et 81), la seule dette
extérieure publique ayant augmenté de 254 % entre 80 et 81 pour se fixer à + de 10 millions €
 Après les golden sixties, il y a eu les « BLACK SEVENTIES » et le fonds est atteint en 81
Les politiques économiques keynésiennes n’améliorent pas la situation ; elles induisent de
l’inflation, un déficit public croissant et une perte de compétitivité.
Dès lors, on constate un retour aux idées économiques pré-keynésiennes remises au goût du jours
par les monétaristes et la nouvelle macro-économie classique (école de Chicago, Friedman,
Lucas,…).
En même temps sur le plan politique, Thatcher et Reagan sont au pouvoir. Cela eu un impact certain
en Belgique dans la mesure où l’on vit le 1er gouvernement de coalition social-chrétien/libéral
Martens (CVP) – Gol (PRL) lequel mis en place une nouvelle politique économique.
Cette nouvelle politique économique se traduisit par :
 La dévaluation du BEF en février 82  on veut restaurer l’équilibre extérieur
 La désindexation des salaires pendant 18 mois, de mars 82 à septembre 83 et le blocage des
salaires pendant la même période  on veut modérer le coût du travail en vue de restaurer la
compétitivité et de favoriser l’investissement
 Des incitants fiscaux  on veut favoriser l’achat d’actions de sociétés belges
 La libération du précompte mobilier  on veut rendre les revenus du capital opaques (elles ne
figurent plus obligatoirement sur les déclarations fiscales de contribuables)
 Une baisse de l’impôt sur les revenus mobiliers (de 25 à 12,5 %)
 Dès 81, l’objectif poursuivi est donc de diminuer le revenu du travail lequel est vu comme un
coût pesant sur la compétitivité et augmenter les revenus de la propriété des particuliers en incitant à
l’investissement
 On constate donc un transfert important vers les revenus de la propriété des particuliers :
 Les revenus du travail tombent de 68 à 59,1 % (moins 10 % !)
 Les revenus de la propriété des particuliers passent de 17 à 27,8 % (plus 11 %)
De même, les années 80 sont marquées par la hausse de la bourse : de 81 à 85, l’indice triple, et de
81 à 84, le volume des actions traitées quotidiennement est multiplié par 5,6.
Mais en même temps, ces années sont marquées par une cassure : la politique de « consensus
social » ou de « welfare state » est ébranlée.
Commentaires de Valenduc : « Le tournant qui intervient au début des années 80 est le reflet d’une
réorientation fondamentale de la politique économique, en ce compris la politique de revenus. Il est
apparu que la réponse initiale de la politique économique aux chocs pétroliers n’était pas tenable à
terme : les déficits extérieurs et publics ainsi que la chute de la rentabilité des entreprises ne
pouvaient perdurer.
La césure qui intervient au début des années 80 est le début d’une autre politique : à la croissance
salariale succède la modération salariale et il n’est pas fait appel à l’emploi public pour compenser
les pertes d’emploi privé.
13
La restauration de la rentabilité des entreprises est un objectif privilégié, et la part du revenu
primaire des entreprises dans l’ensemble des revenus primaires est plus que doublé en 10 ans.
C’est également au même moment que commence l’envol de revenus de la propriété. Si la
restauration de la rentabilité des entreprises y a contribué, elle ne permet pas à elle seule d’expliquer
la hausse de la part des revenus de la propriété dans les revenus primaires. La hausse de
l’endettement public a également joué un rôle majeur… ».
Pourquoi la hausse de l’endettement public a-t-il joué un rôle majeur ?
Rappels :
 Solde primaire des pouvoirs publics = recettes de l’Etat – dépenses de l’Etat (sans l’intérêt de la dette publique)
 solde positif
 Besoin net de financement des pouvoirs publics = solde primaire – intérêt de la dette publique  solde négatif
Une fois décomptés les intérêts de la dette publique, la part des revenus de la propriété échéant aux
particuliers serait restée quasiment stable pendant les années 80 et ne se serait accrue qu’au début
des années 90.
 Idée de Valenduc : on ne peut exclure que la hausse de l’endettement public ait eu un effet
important sur la modification de la structure des revenus primaires des individus
Remarque de méthode sur les revenus primaires :
Revenus primaires = revenus bruts, dont ne sont décomptés ni les cotisations sociales, ni les impôts
directs qui correspondent à la rémunération des facteurs de production ou de la détention d’un
patrimoine… MAIS il ne s’agit pas pour autant de revenus qui seraient le reflet d’un libre jeu du
marché avant toute intervention publique !
Outre l’équilibre des marchés, les pratiques de monopole, les pratiques de restriction d’accès
(numerus clausus en pharma et en médecine), les négociations bilatérales entre partenaires sociaux
et les pressions sur les gouvernements influencent la distribution des revenus dits « primaires ».
Par exemple, l’instauration d’une restriction d’accès à l’entrée dans une profession qui connaît une
demande croissante accroît les revenus primaires des prestations. Dès lors, la hausse des revenus ne
provient pas seulement des mécanismes de marché, mais aussi de rapports de force socio-politiques.
14
V. Revenu disponible des ménages
A. Revenu national et revenu disponible des ménages
Les ménages ne disposent que partiellement des revenus qu’ils perçoivent.
En effet, ils doivent verser des cotisations sociales à l’ONSS et des impôts directs à l’Etat.
Cependant, ils perçoivent des allocations sociales quand ils ont des enfants (allocations familiales),
quand ils sont sans emploi (allocations de chômage), quand ils sont malades,…
La différence entre les allocations sociales perçues et celles versées à l’ONSS est appelée « Relief »
(anglais).
 Revenu disponible des ménages :
Yd,h = Yl + Yk+l + Yk – Td,h + R
Soit revenus du travail + revenus mixtes + revenus du capital – impôts directs + relief
Que font les ménages de leur revenu disponible ?
Ils ont le choix entre des achats de biens & services de consommation (C) ou l’épargne (Sh).
 L’épargne des ménages se calcule par la formule suivante :
Sh = Yd,h – C
L’épargne existe sous différentes formes : livrets d’épargne, comptes d’épargne, comptes à terme,
obligations privées, fonds d’Etat,…
 Taux d’épargne des ménages :
s = Sh / Yd,h
En 97, ce taux était de 15 % en Belgique, ce qui constituait un record pour l’ensemble des pays de
l’OCDE.
Une raison est liée à la différence d’évolution entre la consommation privée et le revenu disponible
des ménages. En effet, jusque 1980, la consommation privée a évolué de manière parallèle à celle
du revenu disponible des ménages. A partir de 80, le Bureau du Plan constat des divergences :
 de 80 à 85, la consommation de b&s de consommation augmente alors que le revenu disponible
des ménages diminue
 de 85 à 93, cette consommation augmente nettement moins vite que le revenu disponible des
ménages
Une autre raison tient au lien avec la propension à consommer : elle diffère selon les catégories de
revenus. En effet, les ménages dont les ressources proviennent du travail ont une propension à
consommer beaucoup plus forte que ceux dont les revenus proviennent des capitaux mobiliers ou
immobiliers. Par conséquent, quand la part des revenus salariaux diminue et que la part des revenus
des capitaux augmente, la propension à épargner tend à croître. C’est le cas en Belgique depuis 81.
B. Transferts et prélèvements
L’approche macro-économique nous apporte quelques renseignements :
 La part des transferts dans le revenu des ménages n’a cessé de croître de 53 jusqu’au milieu des
années 80 (où elle atteint près de 30 % du revenu primaire des particuliers). Le taux de transfert
amorce ensuite un recul. Pourquoi ?
o Pourquoi la hausse jusqu’au milieu des années 80 ? En raison de l’émergence d’un
système de SS et de l’augmentation du taux de couverture et de la générosité des
prestations
o Pourquoi ensuite une baisse ? En raison de la réorientation de la politique des revenus au
début des années 80  l’assainissement de la SS est à l’ordre du jour, lequel se traduira
15
par un contrôle accru de l’évolution des prestations dans plus d’un secteur (surtout santé
et chômage)
 Les prélèvements sociaux ont logiquement suivi un même « trend ascendant » sur la période 5383 : exprimés en % des revenus salariaux, les cotisations personnelles et patronales progressent
de 25,6 à 33,2 % de 80 à 98, cette hausse de cotisation visant à assurer l’équilibre de la SS  ces
mesures ont rudement mis à contribution les revenus salariaux dont la croissance réelle nette
(soit l’évolution du pouvoir d’achat) est en moyenne négative pendant les années 80
 Autre fait marquant : le coup d’arrêt à la hausse des prélèvements fiscaux : Selon Valenduc
(2000), les prélèvements fiscaux exprimés en % du revenu primaire des particuliers n’ont cessé
de croître sur la période 53-85  ils culminent à +/- 20 % au milieu des années 80 pour ensuite
diminuer jusqu’au milieu des années 90
 Les années 80 ont vu un écart croissant entre taxation du travail et du capital :
o La politique fiscale a voulu diminuer le poids de l’IPP, mais la hausse des cotisations
sociales a plus que compensé cette tendance  globalement, la taxation du facteur
travail a augmenté
o La taxation du capital a diminué sous l’effet de la non-indexation des revenus
cadastraux, de la baisse du précompte mobilier, d’un recours croissant des ménages aux
actifs financiers non-imposés et d’une baisse du taux d’imposition effectif des sociétés et
donc des dividendes,…
16
VI. Les inégalités
A. Mesure de la distribution des salaires entre travailleurs et des revenus entre ménages
a) Mesure des inégalités via le coefficient de Gini
Le coefficient de Gini permet une mesure des inégalités de revenu dans la société. A noter que l’on
pourrait aussi s’intéresser aux patrimoines encore plus inégalement répartis,…
Courbe de Lorenz des revenus des ménages
Elle indique, pour tout pourcentage cumulé des ménages, classés du plus pauvre au plus riche, le
pourcentage cumulé de la somme des revenus qu’ils perçoivent.
Caractéristiques :
 Elle est nécessairement toujours croissante comme elle n’indique que des pourcentage cumulés
 Elle va de [0,0] à [1,1] : 0 % des ménages perçoivent 0 % des revenus, et 100 % des ménages
perçoivent 100 % des revenus
 On la présente donc dans un carré (1,1) = [100 %, 100 %], soit (x, y) où x = % cumulé des
ménages et y = % cumulés des revenus perçus
 S’il y a égalité parfaite, chaque tranche de revenu touche la même part du revenu global et la
courbe de Lorenz se rapproche de la diagonale du triangle
 S’il y a inégalité parfaite, le dernier 1 % des ménages (les + riches) prennent 100 % des revenus
3 courbes de Lorenz :
100 %
En orange : égalité parfaite
En vert : situation réelle
En bleu : inégalité parfaite
S’
0
100 %
On peut mesurer l’importance de l’inégalité de n’importe quelle variable dans une popu donnée :
 Courbe de Lorenz des revenus : mesure l’inégalité de perception des revenus
 Courbe de Lorenz du patrimoine immobilier : mesure l’inégalité de la possession des immeubles
 Courbe de Lorenz du capital : mesure l’inégalité de la détention du capital
 Courbe de Lorenz de la terre cultivée : mesure l’inégalité de la possession de la terre cultivable
 …
Coefficient de Gini
On peut déduire de la courbe de Lorenz un indicateur synthétique, soit S’ = la surface sous la
courbe de Lorenz  G = 1 – 2*S
 En cas d’inégalité parfaite, S = 0  G = 1 – 2*0 = 1
 En cas d’égalité parfaite, S = ½  G = 1 – 2*½ = 0

0
Distribution plus ou moins
égalitaire
1
Distribution très
inégalitaire
17
 Plus G est élevé, plus il y a d’inégalités
 G est un indicateur d’inégalité dans la distribution des revenus
Dans les pays occidentaux, la courbe de Lorenz ressemble à y = x² et G est de 0,33. On peut dire de
ce chiffre qu’il est « crédible ».
Inégalités dans le monde
Jacques Nagels en 2000 propose une typologie de 3 types de structures économico-sociales en liant
revenus par habitants et coefficients de Gini :
 Modèle sud-américain (Brésil, Venezuela, Chili,…)  faibles revenus par habitant et
distribution très inégalitaire
 Modèle socialiste d’avant 1990 (Roumanie, Russie, Hongrie, Tchécoslovaquie,…)  faibles
revenus par habitant et distribution plus ou moins égalitaire
 Modèle OCDE (Grande-Bretagne, Japon, USA, Allemagne,…)  hauts revenus par habitant et
distribution plus ou moins égalitaire
Les pays d’Amérique latine sont ceux où l’inégalité est la plus élevée (ces pays sont en transition
vers un développement économique à l’occidentale).
Les pays nordiques, par contre, sont les plus égalitaires.
La question que certains se posent néanmoins est de savoir si l’égalité est une bonne chose. En
effet, tolérer plus d’inégalité peut entraîner plus de croissance selon certains.
b) Autre classification : rapports inter-déciles et autres
Thomas Piketty, 1997, L’économie des inégalités
D1  D10 = ?
D1 représente les 10 % des salariés les moins bien payés, D2 les 10 % suivants, etc.
P10, P50, P90 = ?
P10 est égal à la limite de salaire séparant D1 et D2
P50 est égal à la limite de salaire séparant D5 et D6
P90 est égal à la limite de salaire séparant D9 et D10
Inégalité de salaires en France, 94
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Moyenne
4.820
5.470
6.180
6.850
7.540
8.390
9.390
10.890
13.770
23.700
9710
P10
4.875
P50
8.030
P90
15.980
Le rapport entre P90 et P10 est un indicateur pratique de l’inégalité totale des salaires : P90/P10 =
rapport entre la limite inférieure du dixième décile et la limite supérieure du premier décile. En
France en 94, ce rapport était de 3,2. Cela signifie que pour faire partie des 10 % les mieux payés, il
faut gagner au moins 3,2 fois plus que pour faire partie des 10 % les moins bien payés. Ce rapport
était par exemple en 90 de 2 à 2,2 pour la Norvège, la Suède et le Danemark contre 4,4 et 4,5 pour
le Canada et les USA. La Belgique connaissait cette même année un rapport de 2,3. Nous sommes
donc un pays relativement égalitaire.
18
Un autre rapport intéressant est le rapport entre le salaire moyen du 10ème décile et le salaire moyen
du 1er décile : D10/D1 = 4,9. Cela signifie que les 10 % les mieux payés en France gagnent en
moyenne 4,9 fois plus que les 10 % les moins bien payés. Ce rapport est par définition toujours plus
élevé que le rapport P90/P10.
Enfin, le rapport D10/moyenne représente la part totale de la masse salariale reçue par les 10 % les
mieux payés. Puisque le salaire moyen de D10 (23.700) est 2,44 fois plus élevé que le salaire
moyen total (9.710) et que les salariés de D10 représentent par définition 10 % du nombre total des
salariés, cela signifie qu’ils reçoivent 24,4 % de la masse salariale totale.
Comment calculer cela ?
Masse salariale totale = nombre total de travailleurs * salaire moyen des travailleurs
Masse salariale des travailleurs de la classe i = nombre de i * salaire moyen des i
 masse salariale des travailleurs de la classe i / masse salariale totale = part des salaires des 10 % les plus
riches dans le total de la masse salariale
La montée des inégalités salariales depuis 1970 mesurée par le ratio P90/P10 (Piketty)
1970
Allemagne
USA
France
Italie
Japon
RU
Suède
3,2
3,7
2,5
2,1
1980
2,5
3,8
3,2
2,3
2,5
2,6
2
1990
2,5
4,5
3,2
2,5
2,8
3,3
2,1
C’est aux USA que le fossé se creuse le plus. La Suède reste stable.
c) De l’inégalité salariale à celle des revenus
L’inégalité salariale, c’est l’inégalité des salaires entre salariés. L’inégalité des revenus par contre
représente l’inégalité des revenus entre ménages.
L’opération entre inégalité salariale et inégalité de revenus est complexe.
En effet, il faut :
 ajouter les revenus d’activité indépendante, les revenus et transferts sociaux ainsi que les revenus
du patrimoine
 puis appareiller salariés, non-salariés et leurs enfants pour former des ménages
Inégalité de revenus en France en 94 (revenus mensuels en ff)
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
P90-P95
P95-P100
Moyenne des D
3.070
5.480
7.290
9.010
10.740
12.660
15.000
17.930
22.390
28.800
47.740
14.190
P10
P20
P30
P40
P50
P60
P70
P80
P90
P95
4.530
6.425
8.150
9.880
11.700
13.730
16.270
19.790
25.890
32.040
19
Les montants ci-dessus comprennent les salaires, les revenus des indépendants, les retraites, les
transferts et les revenus du patrimoine. Ces revenus sont nets de cotisations sociales et de CSG,
mais pas des autres impôts directs.
Les 10 % des ménages les plus pauvres ont un revenu inférieur à 4.530 francs français par mois et
ont en moyenne un revenu de 3.070 ff.
Les 5 % les plus riches ont un revenu supérieur à 32.040 ff et un revenu moyen de 47.740 ff.
 Une régularité : l’inégalité des revenus entre ménages est plus élevée que l’inégalité des
salaires entre salariés (dû à l’existence en France de nombreux ménages sans emploi)
Inégalités des revenus > inégalités de salaires : causes
 Les revenus d’activité non salariaux (surtout les revenus du patrimoine) sont beaucoup plus
inégalement répartis que les salaires
Typiquement, la part des revenus du patrimoine perçue par les 10 % des ménages les plus riches
est de l’ordre de 50 % des revenus du patrimoine perçus par l’ensemble des ménages (tout
comme d’ailleurs la part du patrimoine total est possédée par les 10 % les plus riches), alors que
la part de la masse salariale reçue par les 10 % des salariés les mieux rémunérés se situe selon
les pays entre 20 et 30 % MAIS
o la part des revenus du patrimoine dans le revenu total est cependant faible  c’est la
raison pour laquelle la part des revenus perçue par les 10 % des ménages les plus riches
est seulement de 27 % du revenu total des ménages en France en 94
o ces très fortes disparités de patrimoine (beaucoup plus fortes que les inégalités de salaire
et de revenu) sont en outre beaucoup plus mal connues
NB : explications de l’inégalité des patrimoines :
o Inégalité des revenus présents et passés qui ont permis de les constituer
o Différences de comportement d’épargne et d’accumulation qui ne peuvent être expliquées par
l’inégalité des revenus

 Il existe des difficultés particulières liées au patrimoine, ce qui explique pourquoi la mesure
des inégalités se limite souvent à l’inégalité des revenus et des salaires
Cause principale : une majorité des ménages à bas revenus sont des ménages touchant des
petites retraites, ne comportant souvent qu’un seul membre, alors que les ménages à hauts
revenus sont généralement des couples, souvent avec 2 salaires et des enfants à charge
Si on calculait l’écart P90/P10 non pas pour les revenus des ménages, mais pour les revenus des
ménages ajustés par la taille des ménages afin de mieux mesurer l’inégalité des niveaux de vie
et non les revenus en tant que tels, alors on trouverait un écart de 4,3 – 4,4 et non de 5,7.
Si on s’intéresse à l’inégalité des revenus effectivement disponibles pour les ménages, il faudrait
également tenir compte du rôle de l’impôt sur le revenu (ce que ne fait pas le tableau précédent).
Selon Piketty, cela conduirait à diminuer l’écart P90/P10 d’environ 10 % puisque l’impôt sur le
revenu acquitté par un ménage ayant un revenu égal à P90 est en moyenne de l’ordre de 10 %
de son revenu, alors que les ménages de P10 ne paient pas d’impôt sur le revenu. On aboutirait
ainsi à un écart P90/P10 des revenus disponibles ajustés par la taille des ménages de l’ordre de
3,5 – 4, légèrement supérieur à celui de l’inégalité des salaires.
B. Inégalité de revenus dans les pays de l’OCDE
a) Comparaisons internationales
Il est difficile de faire des comparaisons internationales car il existe des systèmes fiscaux fort
différents. Il existe néanmoins un projet de construction d’une base de données comparables
appelée le LIS (Luxembourg Income Study).
En terme de revenus disponibles, un tableau page 75 montre qu’en Suède il faut gagner 2,7 fois plus
pour faire partie des 10 % les plus aisés que pour faire partie des 10 % les plus pauvres. Ce rapport
est de 5,9 pour les USA.
20
b) Et en Belgique ?
Selon Valenduc :
 Les statistiques fiscales permettent de retracer l’évolution de l’inégalité des revenus depuis 65,
mais la définition du revenu imposable n’a pas été constante. De plus, le revenu imposable n’est
pas un indicateur correct de la capacité contributive ni de bien-être.
 Néanmoins, il y aurait aussi ici une modification de l’évolution de l’inégalité au début des
années 80 :
o La plupart des indicateurs d’inégalité s’inscrivent en baisse pendant les années 70 et en
hausse pendant les années 80 et 90
o Compte tenu de l’analyse des effets estimés des limitations du concept de revenu imposable,
il s’avère que la hausse des inégalités qui apparaît au niveau des revenus imposables sousestime la hausse de l’inégalité des niveaux de vie CAR
 Les revenus imposables ne comprennent ni les revenus financiers, ni les plusvalues sur le patrimoine des ménages lesquels sont concentrés dans les classes
moyennes et supérieures de la distribution des revenus
 Les exemptions (par exemple la non-imposition des revenus de l’épargne) se
concentrent sur les classes de revenu supérieures
Effet redistributif de l’IPP
L’IPP a 2 objectifs :
 un objectif de financement des biens et services publics
 un objectif de redistribution
 L’effet redistributif de l’impôt se mesure par la différence entre l’inégalité des revenus
imposables et l’inégalité des revenus après impôts.
Le taux moyen correspond au rapport entre le total des impôts et le total des revenus imposables.
La progressivité se mesure quant à elle en comparant la distribution des impôts et celle des revenus
imposables  plus l’impôt est progressif (càd plus il est concentré dans les classes supérieures),
plus la valeur de l’indicateur augmente. Techniquement, cette progressivité est mesurée comme la
dispersion des charges fiscales relatives autour du taux moyen.
Evolution de l’inégalité des revenus imposables et de l’effet redistributif :
 Période 75-81 : période de réduction de l’inégalité des revenus imposables et d’augmentation de
l’effet redistributif de l’impôt
 Période 83-91 : se caractérise par un accroissement de l’inégalité des revenus imposables et une
réduction de l’effet redistributif de l’impôt  pendant 15 ans au moins, la politique fiscale, bien
que toujours redistributive, aurait donc plutôt renchéri sur l’évolution des revenus imposables
qu’elle ne l’aurait contrecarré
 Début des années 90 : on croît l’évolution de l’effet redistributif de l’impôt prendre une légère
tendance correctrice par rapport à l’évolution des revenus imposables
Ccl : La hausse de l’effet redistributif a renforcé le mouvement à la baisse des inégalités des années
70, et la moindre redistribution des années 80 a amplifié la hausse de l’inégalité des revenus
imposables  au tournant des années 80, la politique fiscale a renforcé quelque peu la courbure du
virage…
NB : c’est surtout après 92 qu’il y aurait une hausse de l’inégalité  selon Valenduc, « sur la
période 92-97, les enquêtes concluent à une perte de revenu par les 2 premiers déciles et à des gains
de revenus croissants pour les autres »
C. Pourquoi existe-t-il des inégalités dans les revenus du travail ?
a) Doit-on parler d’inégalités « naturelles » ou « nécessaires »? Pq il y a-t-il inégalité
croissante? Pourquoi accorder une telle importance aux inégalités des revenus du travail ?
21
Selon Piketty, « Même si l’opposition entre des revenus du capital très inégalement répartis et des
revenus du travail supposés homogènes a beaucoup marqué l’analyse de l’inégalité, le fait est que la
plus grande partie des inégalités de revenu s’explique aujourd’hui, et sans doute depuis très
longtemps, par l’inégalité des revenus du travail eux-mêmes ».
Par exemple, aux USA, c’est l’augmentation de l’inégalité des revenus du travail qui est à l’origine
du retournement de la courbe de Kuznets constaté depuis les années 70, laquelle dévoile une hausse
de 50 % de l’écart entre les 10 % les moins bien payés et les 10 % les mieux payés.
Qu’est ce qu’une courbe de Kuznets ?
Il s’agit d’une vieille croyance qui date d’avant les années 70 sur l’évolution des inégalités au cours
d’un processus de développement.
Inégalités
1770
1890 à 1945
1970
Temps
Processus de développement
Selon Kuznets en 55, l’inégalité est appelée partout à dessiner une telle courbe au cous du processus
de développement.
La 1ère phase est celle du 19ème et de la 1ère moitié du 20ème lors de l’industrialisation et de
l’urbanisation des sociétés agricoles traditionnelles. Elle se caractérise par des inégalités
croissantes.
La 2ème phase est celle de la 2ème moitié du 20ème siècle. Elle se caractérise par une stabilisation puis
une diminution substantielle des inégalités grâce au progrès technologique, à la scolarisation
obligatoire, à la hausse des compétences, à la démocratisation,…
 Pendant tout un temps, on a cru que tout développement économique s’accompagnait
nécessairement d’une hausse des inégalités et que l’évolution des civilisations tendait naturellement
à supprimer les inégalités.
 Aujourd’hui, on ne pense plus cela : les inégalités ne cessent d’augmenter  la courbe de
Kuznets a tendance à remonter (comment cela va-t-il évoluer ?)
b) Théorie la plus simple des inégalités de salaire : la théorie de l’investissement en capital
humain (Becker, 1964)
Pour faire court…
 Les salaires sont différents car les productivités du travail sont différentes
 Des travailleurs sont plus productifs car ils ont choisi d’investir davantage en capital humain via
l’éducation et la formation (par capital humain il faut entendre l’ensemble des aptitudes
productives utiles de l’homme)
 Pendant qu’ils s’éduquaient, ils ont renoncé à travailler, ce qui a entraîné une perte de revenu
mais dans l’espoir de revenus futurs plus importants, ce qui sera le cas car l’éducation transforme
les travailleurs en les rendant plus productifs
22
Profils âge-gains avec ou sans formation universitaire
3
1 : coûts directs
2 : coûts indirects
3 : surcroîts de revenus
sur le cycle de vie
2
18 ans
22 ans
1
65 ans (pension)
Soit l’individu décide d’entrer à 18 ans sur le marché du travail et gagne un profil âge-gains
correspondant à la ligne bleue.
Soit l’individu va à l’université de 18 à 22 ans (! risques d’échec) et supporte des coûts directs
(minerval, syllabi, logement,…) et indirects (revenus non-gagnés) bien que partiellement
compensés par les jobs d’étudiant.
A 22 ans, il entre sur le marché et obtient grâce à sa productivité plus élevée un revenu plus élevé
sur tout le cycle de vie.
 L’individu rationnel comparera la valeur actualisée nette de ses revenus futurs avec et sans
diplôme universitaire ( ! ses caractéristiques personnelles comme les aptitudes peuvent influencer ce
choix via l’impact sur les probabilités d’échec à l’université et de chômage sur le marché du
travail).
Exemple simplifié de calcul marginaliste
L’individu envisage un an d’études supplémentaires  calcul de la valeur présente (= actualisée) de
l’année en plus (= taux de rendement interne, le taux qui égalise bénéfices et coûts anticipés)
 Hypothèse :
 C = le coût d’opportunité de la formation, consenti en 0 (revenus du travail non gagnés)
 Coûts directs = 0 (par exemple parce qu’ils sont couverts par du travail étudiant)
 N = longueur de la vie professionnelle une fois la formation terminée
 Kt = accroissement de revenus anticipé l’année t grâce à l’année d’étude consentie
 R = valeur actuelle des excédents de revenus autorisés grâce à la formation
Actualisation : je renonce à 100 Bef aujourd’hui pour 1 an ; combien doit-on me rendre dans un an
pour que j’accepte ? par exemple 106 Bef  100 Bef d’aujourd’hui = 106 Bef demain
Si i = taux d’intérêt du marché, l’individu investira dès que R > C
Le taux de rendement interne est par définition celui qui va égaliser R à C. L’étudiant choisira
d’investir dans cette formation tant que r > i, ce qui signifie que la formation est plus rentable qu’un
placement sur le marché.
Si on suppose des rendements décroissants à l’investissement éducatif, l’individu investira jusqu’à
ce que r = i.
 Il vient des développements pages 88-89 :
C = k . [1- 1 ]
r
(1+r)N
23
Il apparaît ainsi clairement que l’investissement en capital humain donné par C sera d’autant plus
important que :
 k est élevé (= le surcroît annuel de gains monétaires lié à cet investissement)
 N est grand (= le nombre d’années de vie active restant)
 Dans le cadre très simple de ce modèle, on voit pourquoi l’investissement en capital humain
s’opère à un âge jeune
 On voit pourquoi une famille pauvre investira moins : la valeur du temps présent est pour elle
beaucoup plus importante de par ses revenus plus faibles (le coût d’opportunité des sommes
consacrées à l’investissement éducatif risque d’inclure des dépenses de nécessité dans une famille
pauvre, alors qu’elle n’implique que des sacrifices marginaux dans une famille faisant face à une
contrainte budgétaire moins serrante)
Conséquences de ce modèle de base pour la distribution des revenus
Ce modèle justifie des écarts de revenu assez importants.
Hypothèse :
 Des jeunes arrêtent leurs études à 18 ans et entrent sur le marché du travail comme « nonqualifiés »
 D’autres poursuivent une licence jusque 22 ans débouchant sur un « travail qualifié »
Supposons que le travail non-qualifié soit rémunéré sur une base annuelle de 500.000 Bef (par an,
en moyenne sur le cycle de vie). Étant donné ce salaire, que doit valoir, en suivant la logique de la
théorie de l’investissement en capital humain, le salaire du travailleur qualifié ?
 C = k/r
 r = k/C = i
Supposons que i = 10 %
Résolution
L’étudiant qui étudie ne travaille pas pendant 4 ans et perd donc 500.000 Bef par an, soit 2 millions
de Bef au total  C = 2.000.000
Or, r = 0,10
 C = k/r  C*r = k  2.000.000 * 0,10 = 200.000 Bef
Donc, étant donné que le diplôme de l’enseignement secondaire supérieur gagne 500.000 Bef,
l’universitaire doit gagner en moyenne 700.000 Bef sur le cycle de vie si on souhaite que les gens
consentent à entreprendre cet investissement éducatif (lequel doit être « cost-benefit »).
Le modèle justifie « économiquement » que le salaire du travailleur non-qualifié se situe à 70 % du
salaire de l’universitaire, ce qui constitue des écarts assez importants. Cette théorie est néanmoins
contestée par des économistes radicaux (cfr Bowles et Gintis en 75).
Action de l’Etat en terme de subsidiation de l’enseignement universitaire : quel effet sur la
structure des revenus ?
Si le système universitaire devient gratuit, le coût total de la formation C peut s’évaluer à :
500.000 Bef (revenus non gagnés = coût indirect)
- 100.000 Bef (minerval aboli)
400.000 Bef
* 4 ans
1.600.000 Bef
 Avec r = 0,10, le raisonnement précédent mène à k = 160.000 Bef et non plus 200.000 Bef
 L’universitaire doit maintenant gagner 660.000 Bef ; le différentiel de salaire s’est réduit
Cette théorie du capital humain met l’accent sur les conditions de l’offre (« supply-side »)
Le modèle présenté ici relie les différences de revenus par niveaux de qualification aux coûts de
24
production de ce talent : dans C = k/r, c’est l’importance de C qui détermine k (pour r donné). Or, C
est d’autant plus important que les études sont plus longues (càd que le capital humain accumulé est
important). L’accent est donc mis sur les conditions de l’offre.
La demande quant à elle n’influence les différentiels de revenus qu’à court terme. En effet,
supposons une situation où la demande relative pour les diplômés universitaires augmente aux
dépens des diplômés de l’enseignement secondaire supérieur.


A court terme, il y aura une hausse du revenu anticipé sur le marché des diplômés
universitaires. La demande augmentera et l’offre ne s’ajuste que lentement. Ce « signal »
poussera alors des jeunes à s’investir sur ce marché. A long terme, le salaire anticipé sur ce
marché restera inchangé, mais le nombre de travailleurs sur ce marché aura augmenté. Et à court
terme, le salaire des universitaires dépassera les 700.000 Bef (de par la faiblesse de l’élasticité
de l’offre de travail)
 Pour un temps, les universitaires auront un rendement supérieur à l’équilibre sur leur capital
humain, mais à long terme, la condition d’équilibre est supposée tenir
 On a une courbe d’offre de travail à long terme horizontale
Sur le marché des diplômés de l’enseignement secondaire supérieur, on assiste à une baisse de
la demande pour une offre inchangée. Le retour à l’équilibre peut s’effectuer via une baisse du
revenu (à moins qu’il n’y aient des rigidités à la baisse du salaire (wage stickiness) ou que le
salaire soit déjà un salaire de subsistance. Dans ce second cas, il y aura des ajustements via le
chômage. Les salaires anticipés sont diminués par cette hausse de la probabilité de chômage.
Les effets sont donc les mêmes qu’avec une baisse des salaires nominaux.
 Il y a un rééquilibrage via un déplacement des jeunes du marché de l’enseignement
secondaire supérieur vers celui des universités
!!! Ceci est de la théorie ; le « shift » d’un secteur à l’autre n’est pas aussi évident. Cela prend du
temps et il existe des « victimes ». Il faut notamment tenir compte du délai de formation (càd la
durée des études séparant le moment de la décision de l’entrée effective sur le marché). De plus, il
faut voir la façon dont se forment les anticipations des salaires futurs.
La théorie du capital humain ignore-t-elle l’inégalité des conditions dans lesquelles se
trouvent les décideurs ?
Cette théorie est une théorie basée sur l’offre (« supply-side »). Le revenu actuel est donc fonction
des choix passés de formation, càd d’investissement en capital humain. L’individu a donc une
responsabilité individuelle dans sa position sociale.
 Cette théorie est très critiquée par la « gauche ».
En fait, il existe un « bon usage » des théories économiques : on peut faire de la théorie du capital
humain le vecteur d’une vision très « libérale » des inégalités de revenu (le pauvre ou le chômeur
25
est responsable de son sort : il ne s’est pas assez bien formé ; il avait une vision trop court terme,
privilégiant le présent au futur…).
La théorie peut aussi rendre compte des contraintes économiques pesant sur les décideurs : cela
coûte de plus en plus d’investir en capital humain et cela rapporte de moins en moins au fur et à
mesure de l’accumulation. Finalement, après n années d’études, on atteint le point où r = i, ce qui
justifie l’arrêt de la formation à temps plein. Ceci explique la pente négative de la demande de
capital humain (la courbe d’offre étant positive et représentant les différences d’accès aux fonds liés
à l’origine sociale) (voir graphes page 99).
La théorie de base de l’investissement en capital humain fait l’hypothèse de marchés des capitaux
parfaits. Dans ce cadre, le taux d’intérêt des fonds pour financer l’investissement éducatif est
supposé constant pour tout niveau d’investissement et identique pour tous les individus (càd que les
individus sont censés pouvoir indéfiniment emprunter au taux du marché des capitaux pour financer
leur investissement éducatif)  l’offre de capitaux est une droite horizontale.
La courbe d’offre représente le coût marginal de financer une unité additionnelle de formation.
On peut considérer des variations d’aptitudes dans ce cadre d’analyse. Des individus moins aptes
auront une courbe de demande plus basse que les autres en ce sens que pour atteindre le même
niveau éducatif, ils devront supporter des coûts plus élevés (plus d’efforts par exemple).
 Si le marché des capitaux est parfait, il est évident que les différentiels d’investissement
éducatif reflètent entièrement des différentiels d’aptitude. Par exemple, la possession d’un DEA
au-delà de la licence signalerait sans ambiguïté une plus grande aptitude.
Il est peu probable que le marché des capitaux pour l’investissement en capital humain soit parfait.
Pourquoi ?
L’investissement a peu de garanties à offrir au prêteur. Le capital humain est en effet immatériel et
incorporé dans la personne qui a fait l’effort de l’acquérir.
 En l’absence de réel « marché » du capital humain (càd avec vente et achat de leurs possesseurs
qui se traduirait en esclavage), et en la présence d’une forte incertitude quant à la rentabilité de
l’investissement envisagé, l’hypothèse de marchés des capitaux parfait est hasardeuse
 La courbe d’offre de capitaux devient alors croissante car les individus choisissent par
priorité les sources de financement les meilleurs marché pour avoir ensuite accès à des
sources de plus en plus coûteuses au fur et à mesure qu’ils acquièrent plus de capital humain
Deux cas :
 Cette imperfection joue de façon identique pour tous les individus  dans ce cas, l’offre est la
même pour tous les individus  les individus plus aptes investissent relativement moins par
rapport aux individus moins doués si on compare avec un marché parfait des capitaux
r
O
D2
D1
Niveau éducatif
 Si on particularise la façon dont va jouer cette imperfection selon l’origine sociale, on va pouvoir
rendre le modèle plus apte à rendre compte de la réalité : il n’est pas absurde de penser qu’un
individu issu d’une famille plus riche peut se financer à moindre coût que celui issu d’une
famille pauvre (par exemple, l’un peut emprunter dans sa famille à des taux plus avantageux que
ceux du marché, lesquels incorporent une prime de risque dont celui lié à l’incertitude,
l’asymétrie d’information  l’offre de fonds pour une même quantité envisagée
d’investissement éducatif sera d’un coût plus faible pour l’individu venant d’une famille
économiquement plus favorisée  pour lui, la courbe d’offre sera plus basse
26
r
O1
O2
D2
D1
Niveau éducatif
 A la limite, l’étudiant brillant mais pauvre ne peut se distinguer de l’étudiant moins brillant mais riche en
termes d’ « educational achievement »
Cette théorie du capital humain (càd une théorie de l’inégalité des salaires comme pure
inégalité des productivités) permet-elle d’expliquer de façon satisfaisante les inégalités
salariales effectivement observées ?
La théorie du capital humain dit simplement que le travail n’est pas une entité homogène et que
différents individus, pour toutes sortes de raisons, sont caractérisés par différents niveaux de capital
humain, càd par différentes capacités à contribuer à la production des b&s demandés par les
consommateurs.
Etant donné cette répartition de la population en différents niveaux de capital humain (l’offre de
travail) et cette demande pour différents types de biens (la demande de travail), le jeu de l’offre et
de la demande détermine les salaires associés à différents niveaux de capital humain, et ainsi
l’inégalité des salaires.
!!! La notion de capital humain est très large et inclut :
 Les diplômes et qualifications en général
 L’expérience professionnelle
 Toutes les caractéristiques individuelles qui ont un impact sur la capacité à s’intégrer au
processus de production des b&s demandés
Quel est le lien avec les grandes inégalités historiques ?
On observe de très grandes inégalités de salaires quand on s’éloigne dans le temps et dans l’espace.
Par exemple, le salaire moyen en 1990 est 10 fois supérieur à celui de 1870 dans les pays
développés. Cela peut s’expliquer par le fait que les progrès des qualifications et des habitudes de
travail permettent aux salariés de produire 10 fois plus en 1990 qu’en 1870.
Quelle pourrait être l’explication alternative à celle du capital humain quand on sait que la part des
salaires dans la valeur ajoutée des entreprises était la même en 1990 qu’en 1870 et que
l’augmentation des salaires n’est donc pas, en longue période, la conséquence d’une baisse de la
part des profits.

A long terme, c’est bien la croissance de la productivité du travail qui a permis d’augmenter
sensiblement le pouvoir d’achat des salariés.
De même, si le pouvoir d’achat moyen dans les pays en voie de développement est 10 fois inférieur
à celui des pays industrialisés, l’écart de qualification entre le nord et le sud doit jouer un rôle
essentiel.
Il existe des facteurs aggravants :
 Imperfection du marché du crédit lequel prive les salariés du sud des investissements suffisants
 Fermeture des frontières, ce qui empêche les salariés du sud de venir bénéficier du capital
physique et humain élevé du nord
 reste que l’inégalité de la productivité du travail constitue un des facteurs explicatifs clés pour
rendre compte des inégalités nord / sud
 Dans un pays donné, il existe des inégalités (moins massives mais tout aussi frappantes) sur
une plus courte période, et la théorie du capital humain est aussi indispensable pour en rendre
27
compte (même si on doit aussi prendre en compte la demande !!)
Par exemple, en Grande-Bretagne, le salaire moyen des ouvriers non qualifiés par rapport au
salaire moyen des ouvriers qualifiés est passé de 2,4 en 1815 à 3,8 en 1851 et à 2,5 en 1911. Il y a
donc eu un écart de salaire de près de 60 % plus élevé au milieu du 19ème siècle par rapport aux
deux extrémités. Ici, le jeu de l’offre et de la demande va expliquer les choses. En effet, la 1ère
moitié du 19ème se caractérise par une mécanisation croissante de l’industrie et donc par la hausse de
la demande de travail qualifié, et par un exode rural fort lié à la hausse de la productivité agricole et
donc une hausse de l’offre de travail non qualifié. Il y a donc eu pénurie de travail qualifié. Ensuite,
au début du 20ème, l’offre de travail non qualifié des campagnes s’est stabilisée, et parallèlement il y
a eu une hausse de l’apprentissage et une progression des qualifications, ce qui a entraîné une
hausse de la croissance du nombre d’ouvriers qualifiés. Ainsi, l’écart entre les ouvriers qualifiés et
non qualifiés a diminué.
Un autre exemple est celui des USA : le salaire moyen des diplômés de l’enseignement supérieur
(min gradué) par rapport au salaire moyen des diplômés de l’enseignement secondaire supérieur a
diminué de 15 % entre 1970 et 1980 pour ensuite remonter de 25 % entre 1980 et 1990. La 1ère
évolution (celle entre 70 et 80) est intéressante car elle se situe aux USA dans un cadre d’une hausse
des inégalités de salaire. En fait, c’est pendant les années 70 que le taux de croissance du nombre de
salariés avec une éducation supérieure à la high school a atteint son niveau historique, pour ensuite
diminuer dans les années 80.
 Montée de inégalités salariales entre les salariés (càd des inégalités intra-groupes) depuis les
années 70
 Explications de la hausse des inégalités salariales et des inégalités face à l’emploi fondées
sur le jeu de l’offre et de la demande de capital humain :
 Phase de montée des inégalités de salaire (cfr courbe de Kuznets)
o Pendant la révolution industrielle, il y a une hausse des inégalités :
 Il existe des besoins croissants de l’industrie en qualifications
 Il existe un fort afflux de main-d’œuvre non-qualifiée en provenance des
campagnes
o Ensuite, les inégalités ont diminué de la fin du 19ème siècle aux années 70
 Il y a un développement rapide de la formation et de l’éducation de masse qui
se traduit par une baisse des écarts de qualification
 Il y a aussi des besoins élevés dans l’industrie pour une main-d’œuvre de
qualification moyenne
 Schéma classique de la courbe de Kuznets
 Changements observés depuis les années 70
o Les besoins de l’industrie pour une main-d’œuvre de qualification moyenne ont cessé de
croître
o On observe le début de la désindustrialisation (fin des années 60 aux USA)
 On entre dans une nouvelle phase : les « nouveaux secteurs » valorisent de plus en plus
des qualifications élevées (par exemple, le service aux entreprises, l’informatique et la
communication)
 Une partie importante de la population qui n’a pas ces qualifications se voit massivement
rejetée vers des secteurs à faible productivité, dans le chômage ou dans le sous-emploi
 Le système éducatif et l’offre de capital humain n’ont pas su répondre assez vite à la
demande de capital humain des nouvelles technologies et des nouveaux secteurs
 Hypothèse du « skill-biased technological change », càd qu’un changement technologique biaise
en faveur des qualifications et du talent sous toutes ses formes
28
Théorie développée aux USA pour les USA
Les USA est le 1er pays ayant été touché par ces transformations.
On observe donc aux USA une hausse des inégalités salariales liées au niveau de qualification.
Ainsi, depuis 1980, le rendement de la qualification a augmenté, càd que les effets sur le salaire
moyen observé d’une année d’étude supplémentaire, d’un niveau de diplôme plus élevé ou d’un
durée d’expérience professionnelle plus longue ont tous augmenté assez fort.
Néanmoins, un problème existe : une partie essentielle (+/- 60 %) de l’augmentation totale de
l’inégalité des salaires a eu lieu à l’intérieur de groupes de salariés qui ont tous les mêmes
caractéristiques observables : même niveau d’éducation, même durée d’expérience professionnelle,
même âge ! En réalité, depuis les années 80, seuls les diplômés les plus hauts (soit 9 % de la
population) ont connu une hausse de leur salaire réel.
D’ailleurs, c’est le fait que cette inégalité à l’intérieur des mêmes groupes de salariés homogènes
augmente depuis 1970 qui explique pourquoi l’inégalité totale de la distribution des salaires
augmente continuellement aux USA depuis 1970 ; les inégalités ne se résument pas à de simples
inégalités de diplôme !
De même, s’il est vrai que la montée du chômage et du sous-emploi a davantage touché les salariés
peu qualifiés dans tous les pays occidentaux, l’inégalité face à l’emploi a également augmenté
parmi des salariés de même niveau de qualification, y compris parmi les groupes de qualification
élevée.
La théorie du changement technique baisé implique que le chômage aurait dû toucher davantage les
moins qualifiés dans les pays où l’inégalité des salaires a peu ou pas augmenté (par exemple en
France) comparé aux pays où la dispersion croissante des productivités aurait été compensée par
celle des salaires (par exemple aux USA). Or, c’est vrai qu’en France le taux de chômage des
travailleurs les moins qualifiés est beaucoup plus élevé qu’aux USA, mais le taux de chômage des
travailleurs plus qualifiés l’est aussi…
Dans les analyses économiques et économétriques, il existe des problèmes de mesure : par exemple,
l’extrême pauvreté des caractéristiques individuelles qui sont reportées dans les enquêtes sur les
salaires sont les seules variables que les économistes peuvent observer pour obtenir une mesure
objective des qualifications individuelles. Ainsi, les mesures sont difficiles, tout comme le test des
théories.
De même, la signification des indicateurs disponibles varie très fort d’un pays à l’autre. Dès lors, la
comparaison internationale fondée sur ces données est extrêmement périlleuse. Par exemple, en
1990, moins de 25 % de la population active française avait un diplôme supérieur ou égal au
baccalauréat contre 85 % aux USA en prenant le critère d’un âge de fin d’études équivalent. Par là,
on pourrait croire que les « non-qualifiés » aux USA forment un groupe beaucoup plus étroit qu’en
France. Mais qu’en est-il de la réalité ? Une réalité est en tout cas que la qualité des high schools
n’est pas comparable aux lycées français !!
Cette pauvreté de données pose aussi le problème pour l’étude de l’évolution dans le temps dans un
pays donné. Par exemple, il existe des infos sur le nombre d’années d’études poursuivies au total,
mais rien d’autre (rien sur le type de diplôme par exemple).
Dès lors, le chercheur n’a pas toujours accès à des infos qui sont disponibles à l’employeur lorsqu’il
cherche à embaucher un salarié. Notamment, l’employeur sait faire la différence entre des niveaux
de formation très inégaux qui correspondent pourtant à un nombre d’années d’étude identique.
Ainsi, l’économiste ne pourra souvent observer qu’une portion de l’info pertinente observée par
l’employeur par exemple. Car la motivation et la capacité au travail sont des infos pertinentes
auxquelles le chercheur n’a bien sûr pas accès.
29
Ceci introduit l’idée de l’éducation comme « signal » : même si l’éducation n’augmente pas les
capacités productives, il peut être rentable d’en acquérir plus pour se « signaler » plus productif aux
employeurs potentiels et obtenir un salaire plus élevé.
L’économiste a donc peine à expliquer l’inégalité des salaires à partir des caractéristiques
individuelles observables (et surtout à prouver ses théories !) car il reste toujours une composante
considérable de l’inégalité totale qui est inexpliquée. Ceci entraîne en plus des conflits entre
économistes en raison de la difficulté à prouver ces « thèses économiques ».
 Ici, les tenants du « skill-biased technological change » disent qu’il existe des inégalités au
sein de groupes ayant les mêmes caractéristiques observables, mais il est possible que les
inégalités réelles de capital humain au sein de ces groupes aient fortement augmenté depuis
1970 à cause de caractéristiques non-observables, d’où le danger de dire que l’on a raison
D. Inégalités salariales qui augmentent et mondialisation
L’idée est que depuis 1970, il y a une ouverture du commerce nord / sud.
Il y a dès lors une mise en concurrence des salariés les moins qualifiés du nord avec ceux du sud
(travail substituable), ce qu augmente les inégalités salariales. Les plus qualifiés sont eux plus
protégés par rapport à la concurrence du sud.
Le problème est que la concurrence du sud reste « marginale ». Par exemple, les importations en
provenance des pays en voie de développement ont un peu augmenté par rapport à 1970. Mais en
1990, ces importations ont été en hausse de 2 à 2,5 % du PIB de tous les pays occidentaux, ce qui
représente environ 10 % du commerce international entre les pays développés. Ce serait un
pourcentage si faible de tous les b&s produits et consommés dans le « nord » qui serait à l’origine
du phénomène général de hausse des inégalités salariales ? Cela est douteux…
Certains prétendent qu’il y aurait diffusion du phénomène de montée des inégalités des quelques
secteurs touchés par le commerce international vers l’ensemble de l’économie, mais ce n’est pas du
tout prouvé.
De plus, il existe des phénomènes internes aux pays industrialisés, indépendants de la
mondialisation. En effet, selon Kramarz, il existe une ségrégation entre entreprises : celles, hightech, qui concentrent du capital humain élevé et paient bien, … et les autres. Il y aurait donc un
phénomène très général de séparation croissante entre unités de production ultraproductives et des
unités laissées de côté.
 Les inégalités ne sont pas tant causées par la mondialisation que par des transformations
internes aux structures de production des pays développés
30
VII.
Retour à la politique des revenus stricto sensu
Historiquement, l’économie est une pensée très liée à la philosophie (au moins jusqu’aux
« mercantilistes »). Quel est le lien avec la politique des revenus ?
A. Antiquité – Moyen-Âge : Platon, Aristote, Saint Thomas-d’Aquin
Ces personnes ont une vision philosophique et ont inspiré des objectifs d’équité.
Platon et Aristote ont vécu dans le monde de la Grèce antique à la fin du 5ème siècle avant J.C.
A cette époque, Athènes a connu une expansion économique rapide liée au développement de
l’économie monétaire, cette expansion étant de type « capitalisme commercial ». Ainsi, Athènes est
un grand atelier où les facteurs de production sont constitués de travail (esclaves !), où les
importations sont celles de matières premières (fer et cuivre), et où les exportations sont celles de
produits fini (poteries, vin, huile,…), le tout aidé par un flotte marchande imposante.
Athènes contrôle une vaste zone commerciale (réseau de cités-filles sur le pourtour de la
Méditerranée), et le marché du capital augmente via le développement de procédures de prêt (aux
armateurs).
 Le 5ème siècle avant J.C. est donc celui de l’apogée d’Athènes : on passe du troc aux
échanges marchands, et apparaît un capitalisme commerçant
Socialement, des petits commerçants deviennent de riches marchands. Il s’agit le plus souvent
d’étrangers ou d’esclaves affranchis, lesquels n’ont donc aucuns droits politiques.
Il y a donc une montée en puissance des inégalités, ce qui entraîne des frustrations. Ces frustrations
sont renforcées par les défaites militaires par rapport à Sparte.
 Cela entraîne une crise politique et sociale à Athènes : l’équilibre social est rompu en
raison de l’appauvrissement des uns et de l’enrichissement des autres
De plus, les réformes de Solon avaient favorisé la petite propriété, mais on assiste à un phénomène
de reconcentration des terres. Les conséquences sont les suivantes :
 Un exode rural vers Athènes : les petits agriculteurs vont vers les villes mais ils n’y trouvent
aucun travail (réservé en priorité aux esclaves)
 Les « nouveaux riches » ne sont pas citoyens et n’ont donc aucune influence politique
 Il y a déséquilibre social, des tensions,…
 Il y a une remise en cause des lois de la cité
Débats entre penseurs par rapport à la monétarisation de l’économie
Faut-il freiner voire supprimer le phénomène de monétarisation de l’économie ou l’encourager ?
Il existe par rapport à cela des positions différentes :
 Les sophistes, qui sont souvent des étrangers enrichis via le commerce, sont favorables à
nouvelle économie.
De plus, étant sans droits politiques, ces étrangers réclament des réformes ; ils :
o Réclament des mesures de libéralisation de l’économie
 Développement des échanges avec l’extérieur
 Suppression de l’esclavage
 Promotion du travail salarié
o Contestent le caractère sacré des lois de la cité
o Sont favorables à ce que les droits des individus priment sur les règles contraignantes
de la cité, soit à une souveraineté des personnes, laquelle devrait favoriser
l’expansion de l’économie marchande
 Conceptions libérales
 Platon et Aristote combattent ces idées.
31
Ainsi, selon Platon, l’introduction et surtout l’accumulation de la monnaie ont des effets négatifs
sur l’organisation sociale : il existe des effets économiques positifs, mais socialement négatifs.
Platon va chercher à définir la meilleure organisation possible de la cité : la « cité idéale ». La
vue platonicienne de la cité idéale est liée à sa vision de la justice. Du point de vue de l’individu,
la vertu de justice règnera lorsque chaque partie de l’âme exercera les devoirs et les activités qui
lui incombent : sagesse, persévérance et modérations. C’est cela qui permet l’équilibre interne et
crée vertu et justice. Platon y ajoute l’idée du pouvoir souverain de la raison.
a) Platon
La vie sociale sur terre doit être organisée de la façon la plus juste possible, ce qui entraîne la
recherche de lois qui garantiraient le règne de la justice dans la cité.
Mais qu’est ce que la justice et qu’est ce qui est « juste » ?
 Selon les sophistes, « est juste ce qui revient au plus fort » : cela revient, du point de vue
économique, à exalter les vertus de la concurrence
 Selon Platon, « la justice consiste à attribuer à chacun la fonction sociale qu’il mérite, d’après
ses qualités morales, politiques et/ou intellectuelles » : cela correspond +/- à l’allocation
rationnelle des ressources humaines, soit allouer les bonnes personnes aux bons emplois
Concrètement, Platon s’inspire du modèle de Sparte selon lequel il existe 3 classes :
 Ceux capables de commander (or)
 Les gardiens ou soldats (argent)
 Ceux qui font la production (fer et étain)
 Il existe une hiérarchie, mais la sélection des classes supérieures n’est pas fonction de la
naissance ; elle l’est des qualités de chacun, ces qualités devant être révélées via des examens avec
des règles du jeu clairement définies
 En rétablissant la justice, la société se réconcilie avec elle-même et les tensions diminuent
Platon se méfie de l’argent : la société juste rompt avec la logique marchande au profit d’une
logique plus communautaire avec une « économie naturelle » sans argent, MAIS Platon a une vision
constructiviste en construisant le modèle idéal, laquelle est utopiste
b) Aristote
Aristote, quant à lui, a un esprit universel (philo, physique, sciences naturelles,…), mais aussi des
réflexions politiques et économiques.
Il faut preuve de préoccupations d’ordre scientifique et recourt à l’observation systématique pour
comprendre la nature et la société.
Par exemple, Platon se cantonne au plan normatif, tandis qu’Aristote cherche à approcher le
fonctionnement réel de l’économie marchande.
Platon et Aristote partagent des préoccupations communes :
 créer l’harmonie dans la cité
 encourager le détachement par rapport aux richesses matérielles
Mais c’est du point de vue de la justification de ces buts et des moyens pour y parvenir que
Platon et Aristote s’opposent.
Ainsi, Aristote ne croît pas à l’immortalité de l’âme : le bonheur doit être atteint sur terre. Pour
Aristote, l’homme doit vivre en société (il ne peut vivre seul). Le bonheur humain est donc
concevable seulement dans le cadre de la cité.
Aristote donne la primauté aux activités de la pensée et à la pratique de la vertu pour améliorer la
vie sociale, mais non plus à la recherche du salut de l’âme. Aristote est conscient que cela n’est
possible que si et seulement si les besoins du corps sont préalablement satisfaits. Dès lors, il faut
résoudre le problème de l’approvisionnement en biens matériels.
32
Comment organiser la production et la répartition ?
Ariste accepte le principe de l’économie marchande. Il veut néanmoins en contrôler (freiner) le
développement et en corriger les excès (notamment en terme d’inégalités).
 La voie d’Aristote est +/- « sociale-démocrate »
Pourquoi Aristote accepte-t-il le principe de l’économie marchande ?
Tout d’abord, pour des raisons d’efficacité pratique, il s’oppose au communisme de Platon : il
existe de nombreux conflits engendrés par la communauté des biens  la propriété privée serait
meilleure du point de vue de l’efficacité.
Ensuite, on peut difficilement se passer de la monnaie : dès que la division du travail atteint un
certain degré de complexité, c’un un moyen commode pour réaliser les échanges.
 L’idée serait que la monétarisation de l’économie ne pose pas trop de problèmes à
condition d’en maîtriser le développement
Chrématistique
Aristote appelle les activités tournées vers l’acquisition de richesses « chrématistique ». Il en existe
2 formes :
 celle consistant à se procurer des biens pour la consommation domestique : elle est légitime
 celle orientée ver l’accumulation illimitée de richesses : elles est condamnable
Aristote est opposé au commerce, aux activités financières, aux pratiques spéculatives et aux
pratiques monopolistiques des commerçants. De plus, il méprise le travail manuel lequel dégrade le
corps et il s’oppose à l’activité salariale, le travail manuel devant être laissé aux esclaves.
Respect de la justice
Selon Aristote, les recommandations précédentes sont insuffisantes pour assurer la justice et faire
respecter l’harmonie sociale.
Il existe selon lui 2 formes de justice :
 la justice distributive : elle concerne la répartition des richesses et revenus dans la cité et
consiste à distribuer à chacun selon ses mérites
 la justice commutative : elle est relative aux échanges et contrats entre individus et se fonde sur
le principe de réciprocité, càd « que chacun donne autant qu’il reçoit » MAIS existe-t-il des
critères objectifs pour juger de l’équivalence des échanges ? Aristote ne donne aucune réponse
claire : tantôt c’est le travail, tantôt le besoin qui constitue l’étalon de mesure
Néanmoins, la modernité d’Aristote réside dans le fait que l’analyse précède le normatif ! Il
faut comprendre le fonctionnement réel de l’économie de marché avant de suggérer des moyens de
l’améliorer.
c) La chrétienté : Saint Thomas d’Aquin
C’est via Saint Thomas d’Aquin que l’enseignement d’Aristote est repris et diffusé en Europe au
13ème siècle après J.C.
A partir du 11ème siècle, il y a reprise économique et mutation politique, ce qui prit toute son
ampleur aux 12 et 13ème siècle.
Après une 1ère phase de déstructuration (en raison du démantèlement de l’Empire de Charlemagne
après sa mort en 843 et les invasions répétées des normands au 9ème siècle) et un émiettement
extrême du pouvoir politique, chaque fief devenant une petite nation, il existe un mouvement
inverse de restauration du pouvoir royal, de grandes transformations politiques et des progrès
économiques importants.
De nouvelles conditions économiques et politiques apparaissent donc, et l’Eglise se doit d’actualiser
sa doctrine officielle.
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Via l’Islam, on redécouvre les écrits d’Aristote, ce qui mènera à une crise intellectuelle. Apparaît
alors une approche nouvelle des problèmes politiques, laquelle place la réflexion sur le terrain
rationnel et scientifique.
Se dessine alors une perspective nouvelle que l’Eglise ne contrôle plus, ce qui constitua un défi à
relever.
C’est là qu’apparaît le rôle de Saint Thomas d’Aquin au 13ème siècle.
Ainsi, Saint Thomas d’Aquin est un dominicain italien qui fit des études de théologie à Naples et à
Paris. C’est à Naples qu’il apprit la philosophie arable, laquelle lui fit connaître Aristote. Ensuite, à
Paris, il devint élève d’Albert le Grand.
Il devint maître en théologie et professeur à la Sorbonne, laquelle était le centre le la philosophie
européenne au 13ème siècle, avant d’enseigner aussi à Naples et à Rome.
Il rédigea alors la « Somme théologique » à la demande du Pape, l’objectif étant de concilier la
doctrine de l’église avec la philosophie d’Aristote.
D’abord condamnée par l’évêque Tempier, cette œuvre fut diffusée.
Saint Thomas d’Aquin fut canonisé en 1323.
Le thomisme
Le point de départ est la doctrine du péché originel.
Saint Thomas la réinterprète et en vient à accepter la partition de l’univers en 2 mondes différents :
 un monde surnaturel  monde privilégié de la foi
 un monde naturel : monde que les hommes sont condamnés à habiter lors de leur passage
terrestre  monde privilégié de la raison
A ce partage de l’univers correspond une division de la connaissance en 2 parties :
 au monde surnaturel correspond une théologie surnaturelle
 au monde naturel correspond une théologie naturelle
Quelles sont les conséquences ?
Saint Thomas a conduit à accepter et défendre le principe aristotélicien d’une analyse rationnelle de
la vie terrestre. De l’autre, il met ce principe sous l’autorité de la foi, contrairement à Aristote, car le
monde surnaturel est plus important que le monde naturel.
Du point de vue politique, il y a maintien de la primauté de l’Eglise : « le statut des âmes ne
s’effectue plus comme chez Platon par la mise en place de la cité idéale, mais dans le cadre de la vie
religieuse régie par l’Eglise.
Au plan économique, il existe quelques évolutions par rapport à la pensée antique, à savoir la
condamnation de l’esclavage et la réhabilitation du travail manuel. Saint Thomas reprend
néanmoins la plupart des analyses et concepts d’Aristote, et le principe d’économie marchande est
admis. Il s’agit donc plutôt d’en contrôler l’expansion et surtout d’en « moraliser » le
fonctionnement selon les critères du christianisme.
Liens avec Aristote
Saint Thomas est favorable à la propriété privée, mais pour des raisons d’efficacité (pas une règle
de droit naturel).
Le commerce est admis, bien qu’il reste suspect.
Les pratiques monopolistiques, les prêts à intérêts et le change de monnaie sont quant à eux
condamnés.
Théorie de justice
Il faut faire en sorte que les actes d’échange et le partage des revenus restent justes.
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Saint-Thomas reprend les idées de justice distributive et commutative, mais développe en plus
l’idée de juste prix, juste salaire et juste profit.
Par juste prix, il faut entendre le prix demandé par l’artisan lequel doit simplement lui assurer une
existence matérielle convenable, càd couvrir ses dépenses de matières 1ères et d’outillage et lui
permettre d’effectuer l’achat de biens de consommation nécessaires à l’entretien de sa famille et de
ses compagnons (soit couvrir ses coûts de production et lui fournir un surplus raisonnable)
Par juste salaire il faut entendre celui considéré comme normal dans la collectivité.
On peut en dégager 2 idées :
 les exigences de chacun doivent rester modérées
 dans les échanges intérieurs et extérieurs, il convient d’appliquer un principe d’équivalence afin
d’éviter toute spoliation du vendeur ou de l’acheteur
Saint Thomas est toutefois nuancé, tant pour le juste prix que pour le prêt à intérêt : il reconnaît que
pour des raisons pratiques, il loi humaine doit s’écarter quelque peu de la loi divine.
Problèmes avec Saint Thomas
Il manque de précision. Par exemple, il ne fournit pas de critère objectif pour juger l’équivalence
des échanges.
De plus, l’exigence de modération reflète un rapport fragile entre villes et campagne (influence de
la réalité économique).
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VIII. Les objectifs sociaux d’une politique de revenus
Les objectifs sociaux d’une politique de revenu sont :
 l’équité, pour gérer les inégalités
 la garantie d’un minimum de rémunération
 l’assurance de la participation de toutes les parties prenantes au progrès économique et aux
gains de productivité
 un objectif pédagogique de la politique des revenus
A. Objectif d’équité
On a étudié l’évolution de l’inégalité de revenus.
a) La vue optimiste de la courbe de Kuznets est tempérée par la remontée des inégalités
inter-groupes et intra-groupes :
 Inter-groupes : il y a des disparités  elles désignent les écarts de revenus moyens de divers
groupes d’agents :
o Selon la nature de leur revenu (salarial, non salarial, d’indépendant ou de la
propriété)
o Selon la profession, les qualifications, les catégories socio-professionnelles
o Selon le sexe (écart hommes/femmes pour chaque niveau de qualification)
o Selon la région géographique, le secteur d’activité,…
 Intra-groupes : il y a dispersion  elle caractérise la distribution des revenus à l’intérieur d’une
même catégorie
b) Il y a donc une remontée des inégalités dont les causes principales sont :
 le « skilled-biased technological change »
 la croissance des revenus du capital (lesquels sont plus inégalement répartis)
 le changement des modes de rémunération vers une individualisation croissante des salaires
(bonus, primes gratifications / participation au capital de l’entreprise / stock-options,…)
 Objectif d’équité : la politique des revenus tend à prévenir la formation d’inégalités intolérables
Pour définir les termes d’inégalités intolérables, on peut se référer à des notions plus ou moins
philosophiques, mais de manière plus précise, on peut recourir aux mesures de disparité, de
dispersion, et aussi aux indicateurs de concentration, càd la part du revenu national détenu par tel ou
tel pourcentage de la population.
 La politique des revenus doit jouer sur ces différentes dimensions en évitant l’apparition
d’écarts excessifs entre les différentes catégories d’agents et au sein de chacune d’elles
!!! Au nom de l’équité, la politique doit être symétrique en s’appliquant à tous les revenus et non
exclusivement à tel ou tel d’entre eux ; au minimum, elle doit agir sur les prix et les salaires. A
noter que si on contrôle les salaires, seuls les salariés sont touchés…
c) Mais qu’en est-il des profits ?
Ils sont difficiles à mesurer. Néanmoins,
M = P * Q(L) – W . L
où L représente la quantité de travailleurs employés et où Q(L) est fonction de production.
A partir de là, on peut contrôler P et ainsi contrôler les profits.
Mais tout ceci ne nous aide pas pour définir les écarts « excessifs », « intolérables » ou encore
« inadmissibles ».
En accord avec les visions communistes « idéales », il faut abolir les inégalités. Pourtant, l’école du
capital humain soutient que les inégalités sont indispensables à la croissance. Dès lors, réduire les
inégalités au nom de l’équité ne signifie pas les supprimer.
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d) Mais où alors placer le degré équitable d’inégalité ?
Pour y répondre, on peut se référer à la question philosophique des théories de justice sociale.
 Par justice commutative, il faut entendre la justice dans l’échange : l’équivalence doit être le
principe directeur des contrats et des échanges. Cela fait référence à l’idée que le marché libre
réalise cette justice ; c’est le modèle de l’équilibre général par Walras et Pareto à la fin du 19ème
siècle.
Les entreprises maximisent leurs profits. En concurrence parfaite sur le marché des biens et de
facteurs de production, avec une infinité de producteurs et de consommateurs, une information
parfaite, une divisibilité parfaite des bien et pas d’externalités, la loi du marché réalise une
forme de justice sociale selon Hayek. Ainsi, chacun est payé en fonction du degré de rareté de
ses aptitudes et de leur utilité pour tous. L’attitude de laisser-faire est juste la distribution qui
donne à chacun la mesure de sa contribution à la production sociale.
 Par justice distributive, il faut entendre le justice de l’égalité proportionnelle : les richesses et les
charges doivent être réparties en fonction des compétences socialement reconnues. Cette vue
peut ainsi justifier les inégalités.
 Par justice corrective, il faut entendre la justice dont l’objet n’est ni d’assurer la symétrie et
l’équivalence des avantages, ni de rémunérer les mérites ; son objet est de corriger les inégalités
de situation et de fortunes
 Lien avec « compensating differentials » : l’inégalité est acceptée pour des raisons d’efficacité
ou d’équité (mieux payer les travaux dangereux, pénibles,…)
 Un certain degré d’inégalité serait juste mais trop d’inégalités devrait être corrigé pour des
raisons d’efficacité et d’équité
e) Débat pour ou contre l’égalité
Le débat n’est pas simple. En effet, si la notion d’égalité n’est pas précisée, elle est vide de sens.
Chacun aspire à l’égalité, mais chacun donne un contenu différent à cette aspiration !
Selon Sen, prix Nobel de la d’économie, « l’idée d’égalité est confrontée à 2 types différents de
diversités : l’hétérogénéité des êtres humains et la multiplicité des variables en termes desquels
l’égalité peut être appréciée ».
 On peut donc dire que le débat sur l’égalité ne se conçoit pas avant tout en termes de pour
ou contre, mais plutôt en terme de choix de la variable de référence
Si on examine les théories sociales, il n’en est pas une qui ne soit fondée sur l’exigence de l’égalité.
Si on se prévaut d’une attitude éthique, comment ne pas souhaiter accorder à chaque individu une
égale considération dans un certain domaine…celui jugé important dans la théorie qu’on défend.
La difficulté réside dans le fait que l’espace auquel peut s’appliquer le concept est
multidimensionnel. Ainsi, la définition de l’égalité dans une de ses dimensions implique
l’acceptation d’inégalités dans d’autres dimensions.
Par exemple, même ceux qui proposent de supprimer le salaire minimum garanti le font au nom
d’un critère d’égalité. Cette égalité est celle devant l’emploi, le salaire minimum garanti étant
supposé constituer une barrière à l’emploi, notamment des jeunes peu qualifiés.
Et si on accepte un critère d’égalité plus substantiel comme par exemple l’égalité devant la vie, on
accepte une assez grande inégalité dans le domaine des contributions au financement des services
publics ou sociaux.
Dans ce cadre, on peut définir l’équité comme étant une propriété du ou des critères d’égalité que
l’on a choisi. Il apparaît donc vain de vouloir opposer équité et égalité. L’équité peut conduire à
rechercher une dimension plus exigeante de l’égalité, mais en aucun cas à y renoncer.
Par exemple, Sen considère plus équitable de définir l’égalité non pas dans l’espace des revenus ou
de celui de l’accès aux biens sociaux primaires, mais dans l’espace de la liberté de réalisation de ses
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projets et de la capacité de le faire. Ainsi, si 2 personnes disposent d’un même revenu mais que l’un
est handicapé, ces 2 personnes ne jouissent pas de la même liberté de poursuivre leurs objectifs.
L’égalité de revenus peut dès lors masquer une très grande inégalité de bien-être.
Dans ce cadre, l’équité, sur la base d’un critère d’égalité d’ordre supérieur, exige une plus grande
inégalité dans la répartition des revenus. Il s’agit d’une inégalité correctrice destinée à réduire ou à
compenser une inégalité première !
 L’équité ne doit pas nécessairement être toujours comprise comme un nouveau terme légitimant
la différenciation sociale (même si c’est parfois le cas)
 On pourrait voir l’équité comme la recherche de critères d’égalité plus exigeants…
B. Objectif de garantie d’un minium de rémunération
L’idée est d’assurer un minimum de subsistance à tous les membres de la société. Cela implique
divers projets, notamment d’instituer un revenu minimum garanti.
a) Il faut néanmoins bien distinguer le salaire minimum de l’allocation universelle :
 en accord avec le salaire minimum, tout travailleur a droit à un minimum de rémunération
 en accord avec l’allocation universelle, toute personne à droit à un revenu inconditionnel, du
simple fait d’être là
b) Autant les libéraux sont pour l’allocation universelle, autant ils s’opposent au salaire
minimum
Le salaire minimum est une distorsion du marché qui touchera surtout les travailleurs peu qualifiés
et les jeunes.
Pourtant, ce n’est pas toujours ce qu’on observe : ainsi, en 92, on a pu observer une forte hausse du
salaire minimum dans le New-Jersez, ceci s’étant traduit par une hausse de l’emploi dans la branche
des fast-food.
L’idée est que le salaire minimum peut augmenter l’emploi s’il y a des imperfections de marché.
C’est par exemple le cas des employeurs en monopsone, càd un seul employeur qui engage les gens
d’une ville : il peut réduire sa demande pour réduire les salaires. Dès lors, une loi de salaire
minimum peut remédier à cela.
Mais même si c’est vrai qu’augmenter le salaire minimum peut augmenter l’emploi des moins
qualifiés, il peut y avoir des effets plus subtils contaminent le reste de l’économie comme par
exemple de l’inflation.
Cela amène à l’idée qu’un chômage plus élevé est nécessaire pour stopper l’accélération de
l’inflation. De même, le chômage pourrait « tomber » sur d’autres travailleurs que les moins
qualifiés. D’ailleurs, selon Peter Tulip en 2000, c’est bien ce qui est arrivé, et cela expliquerait
pourquoi le taux de chômage d’équilibre est plus haut en Europe qu’aux USA (l’Europe a de plus
hauts niveaux de salaire minimum).
L’idée sous-jacente est aussi celle que la recherche d’équité peut entrer en conflit avec
l’efficacité…et même manquer son but d’équité !
c) Pourquoi une allocation universelle serait-elle plus « sympathique » aux yeux d’un
libéral ?
L’exemple qui illustre bien cela est la proposition de Duchatelet en 99 pour la création du parti
« vivant ». La proposition majeure de Duchatelet consistait en l’octroi d’un revenu citoyen qui
constituerait une sorte de revenu de base accordé inconditionnellement à tout citoyen.
Inconditionnellement signifie ici que l’on y a droit, peu importe que l’on travaille ou pas. Et citoyen
implique que des résidents seraient exclus (les non-citoyens), à moins que l’on revoie les règles
d’octroi de la citoyenneté.
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Désir exprimé par les partisans de ce système :
 libérer l’homme de l’esclavage de la production
 trouver un système qui accorde un revenu à chacun pour satisfaire au moins partiellement ses
besoins
 faire du travail un espace d’expression de soi, et non d’aliénation
Cela constitue-t-il la réalisation du vieux désir marxiste de libération de l’homme ? Et qu’en est-il
du côté « socialiste utopique » de la proposition ?
Analysons un peu plue en profondeur…
 Système actuel : plus de sécurité en échange de liberté
Le revenu-citoyen n’est la contrepartie de rien. En ce sens, il restaure les conditions pour que la
liberté individuelle puisse théoriquement s’épanouir.
Le système actuel de SS est davantage un mécanisme d’assurance : ceux qui travaillent, sont
jeunes et en bonne santé ont consenti par une sorte de « contrat social » de restreindre
volontairement leur liberté en cédant une part de leurs revenus pour constituer un pot commun
assurant les moyens d’existence en cas de maladie, accident, vieillesse, chômage,… Ainsi, on
paie quand tout va bien pour pouvoir bénéficier du système en cas d’accident de vie. Mais le
système impose ses contraintes : travailler à temps plein tout au long de la vie. La liberté est
ainsi limitée : quitter la position de salarié pour reprendre les études, devenir artiste ou fonder
une entreprise par exemple se solde dans ce système par la perte de tout ou partie des avantages
de la SS. Dès lors, les activités créatrices sont peu incitées et, en un sens, le système privilégie la
sécurité de tous au détriment de la liberté de chacun.
A noter que le système de SS n’est pas seulement guidé par un souci moral de justice sociale : il
l’est aussi par une logique économique keynésienne. L’idée est que la SS est bonne pour
l’économie car elle stabilise les revenus sur le cycle de vie et assure ainsi un mécanisme contrecyclique amortissant les crises économiques en soutenant le pouvoir d’achat.
 Le revenu-citoyen, un système individualiste : plus de liberté, moins d’équité
Duchatelet propose la suppression du système de SS dans sa forme actuelle et son remplacemetn
par le revenu-citoyen : passage d’une logique « collectiviste » à une logique qui met l’individu
au centre.
En effet, Duchatelet propose une redistribution vers tout le monde des sommes qui allaient dans
le système de SS vers ceux qui en avaient le plus besoins (malades, chômeurs, pensionnés,…).
Cela revient à donner moins à ceux qui sont dans la nécessité pour donner la liberté à tous de
jouir d’un revenu minimum inconditionnel.
Grâce à un tel système, il n’y aurait plus de désincitations à acquérir le statut d’indépendant, à
abandonner un travail pour reprendre des études ou encore à recommencer une nouvelle vie.
Dans un sens, il n’y aurait plus d’obstacles à l’épanouissement des libertés d’entreprendre.
Ainsi, le nouveau système accroît l’espace de liberté.
! Si les économistes sont en général d’accord pour considérer que les mesures forfaitaires ne
distordent pas les comportements (par exemple un impôt forfaitaire versus un impôt progressif
sur le revenu), ils sont aussi d’accord pour considérer qu’elles peuvent poser un problème en
terme d’équité. En effet, le système de SS cherchait à réduire les écarts entre ceux que la vie
avant privilégié et ceux qui étaient touchés par les coups du sort. Mais le système de revenucitoyen ne corrige pas ces inégalités : il les maintient.
Par exemple, la personne handicapée, vieille, au chômage,…toucherait 20.000 bef/mois certes,
mais l’avocat d’affaires, l’informaticien ou le prof d’unif les toucheraient également en plus de
leur traitement déjà élevé !
Par conséquent, le rapport entre les revenus les plus élevés et les plus bas resteraient inchangés ;
les disparités de revenu maintenues (sans parler du fait qu’un revenu de 20.000 bef est
insuffisant pour vivre si les personnes n’ont que cela).
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De plus, ce raisonnement est simpliste : il suppose que l’argent distribué tombe du ciel. Car
quant est-il du financement du système « Duchatelet »…s’il est finançable (et soutenable à
terme puisqu’une des critiques de Duchatelet à la SS est justement sa non-soutenabilité à terme :
« la base de financement de la SS se rétrécit d’année en année »).
 Le financement de ce système est-il équitable ?
Tout argent distribué implique quelque part dans ce système économique de l’argent prélevé :
o Soit d’autorité sur les particuliers et/ou les sociétés
o Soit sur les transactions économiques
o Soit via un emprunt
Si Duchatelet propose l’octroi d’un revenu-citoyen inconditionnellement à tout citoyen, qu’en
est-il de ses propositions par rapport au problème corrélatif de la distribution de la charge de son
financement ?
Duchatelet est favorable à un financement essentiellement au travers de la TVA, aux dépens des
autres formes d’impôt.
Cette proposition mériterait une analyse de sa faisabilité technique. En fait, on trouve du côté du
financement du système la même approche que celle qui préside à la distribution du revenucitoyen remplaçant les formes existantes de SS : une philosophie libérale, universaliste et
individualiste se substitue à une logique socialisante et solidaire.
En effet, comme le revenu-citoyen est accordé à tous et à chacun inconditionnellement, l’argent
qui sert à le financer est également perçu de façon indifférenciée sur toutes les couches de la
société.
Un impôt direct progressif sur les revenus tient compte des situations des personnes et cherche à
taxer davantage le riche que le pauvre. Et quand bien même le taux d’imposition est le même
pour toutes les classes de revenu, en terme de montant absolu, le riche paie plus que le pauvre.
La taxation indirecte fait payer à chacun le même montant de taxe quand il fait l’opération
économique sujette à taxation (par exemple acheter une voiture, de l’alcool,…). Dans ce cas, le
pauvre paiement relativement (à son revenu) plus que le riche car les montants absolus sont les
mêmes.
Duchatelet est conscient du problème et propose de jouer sur les taux de taxation en établissant
des taux élevés sur les biens de luxe afin de restaurer une forme d’équité. Il reste que sur les
biens de 1ère nécessité, le pauvre paiera toujours plus que le riche (les 2 étant soumis au même
taux) et que pour les biens de luxe, ils lui seront encore plus inaccessibles !
Marx a d’ailleurs souligné que « le droit est injuste en ce qu’il instaure les mêmes règles pour
des individus en fait inégaux ».
On en conclut un problème général de la taxation indirecte demandant à des individus de
capacité contributive différente de payer la même taxe, laquelle porte donc sur un pourcentage
de la valeur de la transaction et non sur les situations individuelles  l’incidence de cet impôt
s’amenuise à mesure que les revenus du consommateur augmentent !
On peut y voir une forme de retour au 19ème siècle où la taxation était surtout indirecte (en 1912
en Belgique, 75 % des recettes fiscales provenaient des impôts indirects).
 Une philosophie économique du 19ème siècle
Si on suppose (comme le fait la théorie économique standard) que le monde est composé de
consommateurs et de producteurs, le système, privilégiant les impôts, fait peser le fardeau de la
charge fiscale sur les 1ers et libère les 2nds.
Cette philosophie est en accord avec l’école classique d’économie politique (par ex Ricardo en
1817). Les producteurs sont les créateurs de richesse et donc toute forme d’impôt les grevant
risque de les désinciter à produire. Ainsi, il y a un risque de mise en route d’un cercle vicieux
d’appauvrissement.
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De plus, comme Duchatelet propose de distribuer vers tout le monde des sommes qui allaient
dans un système de SS vers ceux qui en avaient le plus besoin, on aura tendance à distribuer
moins à chacun pour permettre à tous de jouir d’un revenu minimum inconditionnel.
 Le revenu-citoyen : triomphe de la philosophie libérale
Ce système est imprégné de philosophie libérale. Il en reste des questions d’ordre éthique, de
faisabilité technique et de conséquences des points de vue de la structure de la consommation et
des rôles de l’Etat.
Car comment Duchatelet entrevoit-il l’Etat sinon comme un Etat minimal ? Et qu’en est-il des
autres rôles de l’Etat, même minimal, comme la justice, la police ou la défense ? Prévoit-il une
privatisation généralisée ? Car même la théorie économique la plus orthodoxe considère que la
présence d’externalités justifie un minimum d’interventions.
Duchatelet est proche d’une vision ultra-libérale où le marché seul, sans Etat, donnerait le
« meilleur des mondes ».
Or, il existe des dangers d’instabilité forte et des risques de destruction de la libre-concurrence.
Par conséquent, le projet de Duchatelet est peut être sympathique par le poids qu’il donne aux
libertés individuelles, mais il risque de s’avérer très déstructurant s’il est adopté comme projet
de société.
d) Justification des inégalités : théorie de Rawls ou théorie de la justice (1971)
La théorie de Rawls influence les socio-démocrates et est fondée sur un gedenk-experiment
(expérience de pensée).
L’idée de base est le « voile d’ignorance ». Cela signifie que l’on se réunit « avant de naître » dans
l’ignorance de notre future position sociale.
Quel « contrat social » serait alors optimal, càd rationnel pour chacun ? C’est celui qui met en place
une organisation sociale qui maximise la situation de celui qui se trouvera dans la position la plus
désavantageuse. C’est le critère Maximin.
Les autres idées sont les suivantes :
 Principe d’égalité démocratique : chacun doit pouvoir bénéficier des mêmes libertés
fondamentales (libertés politique, de pensée, d’expression, de propriété,…) compatibles avec un
« même système de libertés pour tous »
 Principe de différence : les inégalités sociales et éco doivent être organisées de telle sorte :
o qu’elles soient à l’avantage de chacun
o qu’elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous,
conformément au principe d’égalité des chances
 Ce principe de différence légitime les inégalités sous la condition de leur efficacité au sens
de la théorie économique
 Vue utilitariste et libérale : une action politique est jugée non d’après un critère mais d’après
ses conséquences sur le bien-être social, lequel est assimilé à un bien-être matériel sur un
horizon temps choisi
 Les inégalités sont acceptables pour autant qu’elles permettent d’améliorer la situation de
tous ; selon Anglietta, « les inégalités constatées à un moment donné seront tenues pour équitables
et par conséquent tolérées si elles sont compatibles avec une dynamique économique porteuse de
promotion sociale »
Ainsi, les inégalités seront acceptées si elles offrent, de façon non discriminatoire, des perspectives
de progrès, des possibilités de carrière ascendante et un accroissement du revenu réel qui profite à
tous…
A l’inverse, « l’injustice est simplement constituée par les inégalités qui ne bénéficient pas à tous ».
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 Les concepts de Rawls cherchent à réconcilier la liberté, l’égalité avec la différence, et donc
l’inégalité en vue de l’efficacité.
L’efficacité est soumise à une contrainte d’un avantage mutuel. Cela peut justifier la nécessité
d’interventions correctrices de l’Etat.
Causes de la difficulté à établir un juste niveau d’inégalité :
 Selon Sandretto, « L’éventail des rémunérations ne se forme pas en pratique, de facto, sur la
base de critères d’ordre éthique, mais dépend des pouvoirs de négociation et de blocage des
petites catégories d’agents, càd de leur capacité à faire prévaloir leurs intérêts spécifiques qui
elle-même est conditionnée par leur positionnement dans la société et une multiplicité d’autres
facteurs (besoin en main-d’œuvre, réglementation de l’accès à la profession, évolution
technologique,…). Or, le jeu de ces forces qui président à la formation des revenus ne garantit
nullement que la hiérarchie résultante des revenus soit socialement supportable et
économiquement efficace ».
 Il existe surabondance de normes pouvant justifier les différences de rémunération :
responsabilités assumées, compétences, niveau et durée des études, pénibilité,…
Les acteurs sociaux se saisissent d’une ou plusieurs de ces justifications pour promouvoir leurs
intérêts.
L’Etat doit gérer les inégalités et arbitrer ces intérêts antagonistes pour éviter qu’ils n’alimentent
une dynamique de revendications.
On débouche vite sur des questions d’efficacité. En effet, la lutte pour une « juste »
reconnaissance du rôle joué par telle ou telle catégorie risque, si elle aboutit, d’accroître la
pression d’autres catégories en vue d’obtenir la réduction du retard, le maintien de la parité ou la
préservation de la position relative, et partant, la reconstitution des différences.
 La dérive inflationniste, tout en semblant transitoirement concilier ces aspirations
incompatibles, alimente de nouvelles revendications et ainsi de suite.
Le risque est alors que le processus devienne cumulatif et donc que l’inflation devienne
permanente si chaque catégorie refuse toute délimitation de sa position relative.
C’est la raison pour laquelle un des objectifs essentiels de la politique des revenus est de
parvenir à contenir, à l’avantage de tous, les effets de la mécanique revendicative
C. Objectif de participation de toutes les parties prenantes au progrès économique et aux
gains de productivité
Cet objectif est lié à l’objectif d’équité (cfr. Rawls et son idée d’un avantage mutuel).
a) Plan macro-économique
Au plan macro-économique, il y a une volonté, en période de croissance, de faire participer toutes
les couches à l’enrichissement social. C’est l’idée de progrès social.
b) Plan micro-économique
Au plan micro-économique (càd au plan de l’entreprise), c’est l’idée de l’intéressement qui prévaut,
càd qu’on vise à faire bénéficier pécuniairement les salariés d’une fraction des résultats
d’exploitation de l’entreprise, d’une partie des gains de productivité ou encore en proportion de la
réalisation d’un objectif déterminé.
Les objectifs sont les suivants :
 Pacification des relations sociales dans l’entreprise
 Incitations
 Implication des travailleurs dans l’atteinte des résultats de l’entreprise, renforcement de leur
sentiment d’appartenance, contribution à l’émergence d’un nouvel état d’esprit où l’entreprise
est réhabilitée, stimulation de l’esprit d’épargne, sensibilisation du personnel aux contraintes
économiques qui pèsent sur l’entreprise, voire établissement de nouvelles relations entre patrons
et salariés en favorisant l’émergence d’un « capitalisme populaire »
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Mais qu’en est-il du partage des risques entre salariés et patrons ?
D. Objectif pédagogique de la politique des revenus
L’exemple précédent en est un exemple : objectif de changer l’état d’esprit.
Selon Sandretto, « l’enjeu pédagogique est un aspect essentiel de la politique des revenus. Il est
aussi, plus particulièrement, la raison d’être et la condition d’une politique contractuelle des
revenus, fondée sur la participation des partenaires sociaux à sa définition et à sa mise en œuvre ».
Une telle politique ne serait durablement et efficacement praticable que si elle conduit les
différentes parties prenantes à :
 prendre conscience de la nécessité de considérer les effets à moyen terme des options relatives
aux taux de rémunérations, et ne pas s’en tenir aux effets immédiatement apparents des
évolutions nominales
 considérer les coûts et avantages respectifs des différentes modalités d’ajustement par les prix et
les revenus ou par les quantités (notamment par la hausse du chômage)
 prendre en compte l’obligation de compétitivité (y compris pour préserver l’emploi) à laquelle il
es impossible de se soustraire dans une économie mondialisée
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IX. L’objectif d’efficacité de lutte contre l’inflation
L’objectif est d’éviter la spirale inflationniste, laquelle comporte des dangers pour la compétitivité :
A. Dangers pour la compétitivité
a) Les salaires sont vus comme un élément du coût pour les entreprises
Cette vision des salaires a entraîné :
 des politiques de modération salariale
 des luttes contre le pouvoir des syndicats
 une dérégulation / flexibilisation des marchés du travail…
 On veut baisser les salaires des travailleurs
b) Mais en même temps, de bas salaires confèrent un faible pouvoir d’achat et nuisent à la
qualité des services et produits
Cela constitue un autre danger dans la mesure où des travailleurs mal payés seront peu incités à la
formation (« low skill – low spec », spec pour spectrum, càd la gamme de produits).
Néanmoins, l’Allemagne constitue le contre-exemple dans la mesure où elle est restée longtemps
(avec le Japon) une économie très compétitive malgré des coûts du travail élevés, cette
compétitivité résultant de la stratégie de qualité adoptée.
B. Arbitrage inflation – chômage
a) Phillips
Phillips a mis en évidence en 58 une relation empirique inverse entre le taux d’augmentation des
salaires nominaux et le taux de chômage au Royaume-Uni entre 1861 et 1957. Il dégage ainsi un
dilemme inflation – chômage.
Inflation
salariale
En bleu, les salariés sont en force
(existence de goulots d’étranglement)
En rouge, par contre, les salariés sont
affaiblis et les employeurs sont en
force.
Chômage
b) Lipsey
En 60, Lipsey est passé de la courbe « inflation salariale – chômage » à celle « inflation –
chômage » en posant une équation de formation des prix.
L’équation suppose que les firmes veulent maintenir un certain taux de marge. Les prix qu’elles
fixent augmentent à chaque fois que les augmentations de salaires nominaux excèdent les gains de
productivité.
Ainsi, les prix montent pour compenser l’augmentation du coût unitaire du travail qui survient
lorsque les hausses de salaire excèdent les gains de productivité.
Par conséquent, les variations du niveau général des prix dépendant de celles du salaire nominal,
lui-même lié à la conjoncture du chômage.
dp = c . U + d
p
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 Cette relation indique que la baisse du chômage induit des tensions inflationnistes qui trouvent
leurs origines sur le marché du travail : l’inflation dépend de la situation de l’offre par rapport à la
demande sur le marché du travail
Dans la mesure où le coût salarial (lié à la productivité et au salaire nominal) est la variable à partir
de laquelle les entreprises fixent leurs prix, un élément structurel d’inflation par les coûts entre ici
en jeu.
Inflation
+
Chômage
0
_
C. Rôle de la politique des revenus
La courbe de Phillips a longuement servi de support théorique aux politiques conjoncturelles de
soutien à la croissance.
Ainsi, aux yeux de beaucoup, une telle courbe permettrait de cibler le couple inflation – chômage
compatible avec les préférences de la communauté.
!! Une telle courbe est gênante pour les économistes libéraux car la présence d’une multitude de
points cibles possibles pour la politique économique met en cause l’hypothèse d’une position
d’équilibre spontanée de l’économie correspondant à l’équilibre général des marchés.
La courbe de Phillips indique aussi que l’objectif de plein-emploi peut être maintenu malgré les
risques inflationnistes à condition que des politiques de revenu visant à modérer les hausses de
salaire sur le marché du travail soient appliquées conjointement à la relance de la demande
effective.
Dans ce cas, malgré la baisse du chômage, la hausse des salaires nominaux est faible et ne conduit
pas les entreprises à relever leurs prix pour maintenir leurs marges.
Le soutien à la croissance est dans ce cas non-inflationniste et la courbe de Phillips s’aplatit vers
l’horizontale.
Inflation
+
Chômage
0
P2
_
P1
P3
 Tel est l’effet recherché par les politiques de revenu que de nombreux gouvernements ont mis en
place durant les années 60 pour atténuer les tensions inflationnistes produites par les politiques de
soutien à la demande.
Dans les années 70, les tensions inflationnistes se sont avivées, alors que l’effet multiplicateur des
politiques des politiques de relance s’atténuait…
Par conséquent, empiriquement, on assistait dans de nombreux pays à un redressement de la courbe
de Phillips vers la verticale. Ainsi, les théoriciens libéraux (Friedman, Lucas) vont s’appuyer làdessus pour attaquer l’interprétation keynésienne.
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