Thème : Stratification sociale et inégalités/Dissertation (France, juin 2002)
Sujet : Dans quelle mesure la croissance permet-elle de réduire les inégalités?
DOCUMENT 1
La croissance de l'économie française a débouché sur une transformation profonde des modes de vie au cours du siècle [...]. Ce processus s'accompagne d'une
amélioration, lente mais bien réelle, des conditions de vie, permise par l'élévation des revenus des ménages: aussi bien les revenus directs, du fait de la répartition des
gains de productivité, que les revenus indirects, à travers la redistribution et les biens collectifs offerts par les pouvoirs publics et les organismes de sécurité sociale
(éducation, santé.. .).
[...] La société de l'abondance demeure pourtant bien loin. Les progrès réalisés n'ont pas été partagés par tous de la même façon, qu'il s'agisse du logement, des soins ou
des loisirs. La montée du chômage nourrit les inégalités sociales et une exclusion croissante de cette société riche. Les plus touchés sont les moins qualifiés et les jeunes
[...]. Le ralentissement de la croissance fige les hiérarchies sociales et aiguise la « lutte des places ».
Alternatives économiques, hors série, n° 42, 1999.
DOCUMENT 2 Quelques indicateurs concernant la France
1989 1991 1993 1995 1997 1999
Croissance du PIB en volume (en %)
4,3 1,1 -0,9 1,9 1,9 2,9
Taux de chômage BIT (1)
(en %) 9,3 9,4 11,7 11,6 12,4 11,1
Total des emplois précaires
(en milliers) 1367 1231 1374 1675 1830 2039
Allocataires minima sociaux
(en milliers) 2194 2214 2318 2401 2411 2399
(1) BIT: Bureau international du travail. Sources: OCDE, INSEE, Enquête emploi, Direction de la sécurité sociale, SESI.
DOCUMENT 3
Par les possibilités de croissance supplémentaire qu'elle ouvre, la libéralisation commerciale est potentiellement bénéfique aux nations prises, chacune, comme un tout.
Mais, à l'intérieur de chaque pays, certains gagnent et d'autres perdent, surtout si la croissance n'est pas au rendez-vous. Ceux qui produisent des biens importés du Sud
sont en effet soumis à une pression qui lamine leurs revenus, quand elle ne leur fait pas perdre leur emploi. Ceux qui consomment les biens importés tirent, eux, un
avantage appréciable de l'échange [...]. Quelques-uns perdent leur emploi, parfois sans espoir d'en retrouver, le très grand nombre bénéficie d'une amélioration de
pouvoir d'achat.
[...] Comme pour le progrès technique, encore une fois, l'échange international ne mène pas magiquement au progrès social !
Anton Brender, L’impératif de solidarité, La Découverte, 1996.
DOCUMENT 4
Si le commerce international ou l'immigration étaient la cause principale des inégalités contemporaines, on observerait un phénomène inégalitaire qui se « limiterait» à
une inégalité intergroupe : les travailleurs sans diplôme s'appauvrissent, les autres s'enrichissent. Or une force beaucoup plus sourde est à l'œuvre : celle d'un éclatement
des inégalités au sein de chaque groupe socioculturel. C'est en effet au sein de chaque tranche d'âge, de chaque catégorie de diplôme, de chaque secteur de l'économie
que le phénomène inégalitaire se produit.
[...] La société passe sous l'effet de la scolarisation à un mode de production inégalitaire où les diplômés restent entre eux, sous-traitant à d'autres les tâches « viles»
qu'ils ne veulent pas faire [...]. Cette nouvelle logique d' « appariements sélectifs » (1) serait donc en fait la réponse logique de la société au changement de la
composition de sa force de travail.
(1) Rapprochement d'individus selon certains critères. Daniel Cohen, Richesse du monde, pauvreté des nations, Flammarion, 1997.
DOCUMENT 5
La seconde moitié des Trente Glorieuses a, en quelque sorte, « inventé» les classes moyennes par une réduction de la hiérarchie économique, c'est-à-dire par un
moindre écart entre les riches et les pauvres [...]. Cette évolution est en fait la conséquence de mouvements complexes et divers qui ne concernent pas seulement
l'intensité des inégalités, mais aussi leur structure : la société française de 1956 était encore fortement agricole [...] et plus généralement formée de petits indépendants
ruraux dont beaucoup périclitaient. La hiérarchie salariale était plus importante, malgré l'émergence du plein-emploi, les salaires des ouvriers et des employés des
services étant nettement plus faibles que la moyenne. Surtout, les victimes silencieuses des années 1950 et 1960 étaient les personnes âgées [.. .].
Depuis, la situation a changé : les agriculteurs ne représentent plus que 4 % de la population active et sont soutenus par une politique agricole volontariste; les
travailleurs indépendants croissent de nouveau et leur revenu s'élève plus rapidement que la moyenne. Le troisième âge contemporain, dont les retraites sont issues de
carrières complètes et de salaires plus élevés, a un niveau de vie comparable à la moyenne de la population, et dispose de plus de patrimoine que la génération
précédente.
Louis Chauvel, « La toupie et le sapin », Sciences humaines, n° 72, mai 1997.
DOCUMENT 6 Quelques indicateurs socio-économiques en France
Sont allés au
cinéma au cours
des 12 derniers
mois (en %)
Espérance
de vie à 35 ans
(en années)
Salaires féminins
en % des
salaires masculins
PCS 1973 1997 1960-19691982-1996
1984 1999
Agriculteurs exploitants 17 23 38.4 43 - -
Artisans, commerçants, chefs d'entreprise 28 34 37,9 41,5 - -
Cadres, professions intellectuelles supérieures 56 65 41,7 44,5 67 75,6
Professions intermédiaires 48 46 39,8 42 79 85,6
Employés 34 34 38,2 40 80,4 90,1
Ouvriers 25 24 36,2 38 77 81,5
Note: nomenclature des catégories socioprofessionnelles avant 1982, et des professions et catégories socioprofessionnelles après 1982.
Sources: d'après INSEE, TEF, cédérom 2000/2001 et Données sociales, 1999.