HÔPITAUX Deux rapports ont été rendus hier sur l'avenir de la chirurgie
Cent cinquante blocs opératoires menacés de fermeture
Catherine Petitnicolas
[14 septembre 2005]
«Il n'est pas question de fermer 150 établissements», a d'emblée tenu à rassurer le ministre de la Santé
Xavier Bertrand soucieux de ne pas raviver les tensions qui touchent la fermeture des services publics de
proximité. Il s'exprimait devant un parterre d'académiciens en chirurgie et en médecine, après avoir reçu les
rapports du Conseil national de la chirurgie et de l'Académie de chirurgie. Ces rapports fixent le seuil de
viabilité des blocs opératoires à un minimum de 2 000 interventions par an pour 50 000 habitants. Un état
des lieux qui risque de signer l'arrêt de mort des quelque 150 petits établissements qui pratiquent moins de
2 000 actes par an.
«Si un service peut, à court ou moyen terme, présenter un risque en termes de sécurité pour le patient, il
vaut mieux que celui se fasse opérer dans la même région, mais à 30 ou 40 km», a reconnu Xavier Bertrand
jugeant que la recomposition de l'offre de soins est une nécessité. A charge ensuite pour les petits hôpitaux
d'assurer le suivi post-opératoire du patient dans des lits «de suite» et de proposer également des
consultations de chirurgie pour préserver cette proximité. «Mais nous ne choisirons pas des critères
économiques pour décider si une activité chirurgicale doit être maintenue», a-t-il tenu à ajouter, précisant
que la priorité reste et restera la sécurité des patients et la qualité des soins. «Je ne souhaite ni un
immobilisme dangereux pour la pratique et les patients, ni des effets d'annonce profondément
déstabilisants.»
Car, après la crise des petites maternités, le personnel soignant, les maires et l'ensemble de la population
concernée par ces menaces de fermeture, risquent de monter au créneau et de manifester pour conserver
leurs services de chirurgie, tout près de chez eux. «Même si la proximité n'est pas un gage de sécurité», a
bien souligné le professeur Michel Malafosse, de l'Académie de médecine et de chirurgie.
Juste avant l'intervention ministérielle, le professeur Jacques Domergue, député de l'Hérault et président du
Conseil de la chirurgie avait présenté une série de recommandations destinées à «redonner de l'attractivité»
à cette spécialité. Car l'ancienne discipline reine des études de médecine traverse une période difficile.
Désaffection des étudiants, postes non pourvus dans les hôpitaux, pénibilité de la profession encore
aggravée par la judiciarisation galopante et la hausse exponentielle des tarifs d'assurance.
«Comme la démographie chirurgicale est en baisse, on ne pourra plus assurer la permanence des soins si
on ne regroupe pas les spécialistes sur des plateaux techniques performants», a-t-il souligné, plaidant pour
que l'on investisse dans des moyens de transport, voire même des hélicoptères pour acheminer au plus vite
les blessés et les urgences chirurgicales vers ces pôles de haute technicité. «Mais pour l'heure de tels
surcoûts n'ont pas été chiffrés», reconnaît ce spécialiste qui ne conserve une activité chirurgicale que d'une
journée par semaine à l'hôpital.
Pour le professeur Guy Valancien chirurgien à l'Institut mutualiste Montsouris, faisant une synthèse des
différents rapports. «Le concept de chirurgie générale est abandonné au profit de la reconnaissance de dix
spécialités chirurgicales. La formation pratique aux gestes chirurgicaux fera appel à des «écoles de
chirurgie» disposant de moyens modernes adaptés : simulateurs, robots, vidéo-transmission. Et il faut
renforcer la coopération entre secteur public et privé.»
Mais pour les plus jeunes, la crise de la chirurgie ne sera pas résolue par ces mesures. Selon le docteur
Stéphane Litrico, neurochirurgien à Nice et président de l'Intersyndicat national des chefs de clinique
assistants des hôpitaux. «Il est dommage que l'on se serve d'un rapport sur l'avenir de la chirurgie pour
nous présenter des mesures purement administratives et structurelles. Même si elles s'avèrent
nécessaires.» Et le docteur André Mazac, jeune chirurgien en urologie à l'Institut mutualiste Montsouris
(Paris) d'ajouter, «dans ces deux rapports, il n'y a pas de mesures concrètes sur la formation des jeunes
internes. Le compagnonnage avec un chirurgien senior a disparu. Il faudrait remettre l'enseignement
pratique sur le terrain, au coeur de la formation des jeunes.»