Le «schisme» chinois 28 novembre 1961 La Lutte de Classe 28 novembre 1961 n ° 28
Lors du Congrès du P.C.U.S.,le différend qui oppose la Chine à l ’U.R.S.S.à l ’intérieur
du «bloc socialiste » est apparu publiquement comme jamais encore..
La délégation chinoise conduite par Chou-En-Laï n ’a pas manqué une seule occasion
d ’affirmer son indépendance d ’esprit et son non-alignement sur la politique de Moscou :
que ce soit sur le problème de la coexistence pacifique,de la déstalinisation ou bien du
schisme albanais.Ce qui a permis à Krouchtchev d ’associer dans une même menace,
quoique nuancée,Mao-Tsé-Toung,Enver Hodja et Molotov.
Ce conflit,qu ’on dit idéologique,entre Mao-Tsé-Toung et Krouchtchev,la presse
nous en entretient depuis près de deux ans.
Mao-Tsé-Toung et les dirigeants chinois reprocheraient à l ’U.R.S.S.de faire une
erreur théorique grave en affirmant que la coexistence pacifique des deux systèmes
sociaux qui se partagent le monde est possible. Pour eux, il n ’y aurait de solution au pro-
blème de la paix dans le monde, que dans la disparition de l ’impérialisme ,grand respon-
sable des guerres. Mais si les chinois sont de purs idéologues fidèles aux principes
marxistes, qu ’attendent-ils pour «exporter »leur révolution ?A quelle révolution colo-
niale la Chine a-t-elle plus que l ’U.R.S.S.apporté son appui en dehors d ’une aide
inefficace et bavarde ,excepté et encore, les pays de son propre «glacis » ??Même , puisque
telles seraient ces divergences ,comment se manifeste son soutien particulier aux
communistes des pays «sous-développés »par rapport aux formations nationalistes de ces
pays ? Le soutien que la Chine accorde aux formations de «gauche »au Laos,res-
semble tout juste au soutien, qu ’a accordé, l ’U.R.S.S.aux partis communistes d ’Europe
orientale en 1945, pour des raisons de sécurité militaire. De plus , lorsqu ’il rend hom-
mage à la momie de Staline «grand marxiste-léniniste »,alors qu ’à la tribune,
Krouchtchev dénonce les crimes de Staline et donne le signal d ’une déstalinisation
accélérée (bien que superficielle),Chou-En-Laï oublie-t-il qu ’il n ’y eut guère plus grand
théoricien de la coexistence pacifique que Staline ?
Aussi ,quand la Chine reproche aux dirigeants d ’Union Soviétique leur opportunisme,
cela ne trompe personne. Les contradictions théoriques dans lesquelles s ’enferment les
communistes chinois sont des preuves ou de leur ignorance en matière de socialisme,
ou de leur hypocrisie, ou plus vraisemblablement des deux à la fois.
La Chine, immense pays de six cent millions d ’habitants ,occupe dans le «bloc socia-
liste »et vis-à-vis de l ’U.R.S.S.une position différente de celle des autres pays du bloc
oriental. Le Parti Communiste chinois y prit le pouvoir sans l ’aide de l ’URSS et en
s ’opposant à la bureaucratie stalinienne et à sa direction favorable à une coalition avec
Chang-Kaï-Chek (c ’est ce dernier qui refusa),ce qui lui assura une certaine indépendance
vis-à-vis de la bureaucratie soviétique en même temps que pas mal de prestige.
Mao-Tsé-Tung est la plus grande figure du mouvement stalinien...après Staline.
L ’importance de la Chine, son poids, la position privilégiée qu ’elle occupe au sein du
«communisme mondial »,conduisent tout naturellement la bureaucratie chinoise à
revendiquer la mise au service de ses intérêts propres et, éventuellement au service de
ceux de l ’U.R.S.S.,quand ils n ’entrent pas en contradiction avec les siens ,ce qui n ’est
pas toujours le cas, des différents partis communistes du Monde. De même que
l ’U.R.S.S.,la Chine aimerait pouvoir utiliser les partis communistes nationaux ,comme
autant de pions sur l ’échiquier international pour les besoins de sa politique extérieure et
de sa diplomatie .C ’est dans cette perspective que semble s ’inscrire la politique chinoise
de ces dernières années face à l ’Union Soviétique,«au bloc socialiste »et aux pays
coloniaux en voie d ’émancipation.
C ’est ce que pourrait signifier l ’appui qu ’elle accorda à l ’Albanie vis-à-vis de l ’U.R.S.S.
Pour s ’attirer les sympathies des «démocraties populaires »de l ’Europe de l ’Est, et les
faire basculer dans son orbite, la Chine est prête à saisir tous les prétextes qui puissent
remettre en cause l ’autorité de l ’Union Soviétique. En particulier,elle est portée à se
faire leur porte-parole, puisque de toutes façons, il lui est impossible de se livrer au
même pillage que l ’U.R.S.S.de leur économie (ce qui ne lui interdit absolument pas de
s ’y livrer dans les pays de son propre glacis).Et c ’est au nom de la «démocratie »au