Problématique. Le sujet concerne la contribution extraordinaire sur les bénéfices suscités par la guerre, c'est-
à-dire le premier impôt sur les bénéfices introduit en France. Les étapes de la mise en place de cette taxation et
ses résultats seront étudiés à travers deux exemples régionaux, celui de la Bretagne (départements du Finistère,
des Côtes d’Armor, du Morbihan, d’Ille et Vilaine et de Loire Atlantique) et celui du Nord (départements du
Nord et Pas-de-Calais). Votée au terme de débats houleux, la loi du 1er juillet 1916 définit cette contribution
qui porte sur les bénéfices réalisés entre le 1er août 1914 et les six mois qui suivront la fin des combats. Elle
vise à rétablir un peu d’équité entre les assujettis à l’impôt de sang et ceux qui s’enrichissent dans la guerre.
Les agriculteurs sont exemptés. Pour lever l’impôt, la régie des Contributions directes s’appuie sur des
commissions administratives. Les sources disponibles, tant régionales que nationales, représentent une masse
considérable d’informations inexplorées sur les pratiques des producteurs et sur leurs relations avec le fisc.
Leur examen permettra de comparer l’acculturation de deux grandes régions à l’impôt moderne, d’éclairer et
de confronter deux situations régionales distinctes au regard de la proximité du front et de l’occupation
allemande et de se demander dans quelle mesure ces contextes induisent des comportements différents ou des
représentations et des attentes spécifiques par rapport aux bénéfices de guerre. Il informera également sur la
façon dont les acteurs s’adaptent à la situation de guerre, puis à la reconstruction et sur les premiers temps de
la confrontation entre le fisc et les contribuables, « petits » ou « gros », jusqu’en 1943, date de la fin des
poursuites. L’étude projetée doit aussi offrir une histoire sociale originale de la société civile française de
l'arrière pendant la Grande Guerre permettant à la fois de préciser, par exemple, la place des femmes dans les
économies régionales, de souligner l’extraordinaire capacité d’adaptation des acteurs économiques et sociaux à
des circonstances dramatiques et de s’interroger sur les finalités morales et patriotiques de l’impôt..
Contexte. Les dossiers sur les marchés de guerre comme ceux des bénéfices de guerre sont sous exploités.
Des premiers travaux (Sandrine Grotard, Pierre-Cyrille Hautcoeur, cf bibliographie) sont restés sans suite ou
inaboutis. Pourtant la contribution sur les bénéfices de guerre est le premier impôt sur les bénéfices introduit
en France et c’est également le premier impôt direct qui mette en pratique le principe déclaratif. Les archives
existent, toutes les conditions semblent réunies pour que l’on s’y intéresse, mais le volume imposant des
archives et l’aridité de la matière fiscale dissuadent sans doute nombre de postulants. Le projet de thèse vise
d’emblée à combler ce vide historiographique. Il s’agit ainsi d’éclairer la genèse de la fiscalité moderne et du
rapport des citoyens à l’impôt direct, complétant ainsi de récentes études qui abordent la question fiscale sous
l’angle du consentement et de l’acculturation ie. de la citoyenneté (voir Nicolas Delalande, Les batailles de
l'impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 2011). Cette étude permettrait aussi
de mieux comprendre les ressorts des capacités d’adaptation individuelles et collectives au conflit, et la façon
dont la contribution influence les comportements et la reconstruction. A l’heure où de nouveaux travaux
s’intéressent à la mesure et à la répartition de la richesse au XXe siècle (voir Thomas Piketty, Le capital au
XXIe siècle, Seuil, 2013), ce doctorat permettrait de réintroduire l’Etat et la fiscalité de guerre au cœur du
débat sur la répartition. Le projet peut s’appuyer et bénéficier du potentiel (ressources documentaires et
humaines) de deux UMR CNRS à forte assise régionale (L’IRHiS et le CERHIO) qui disposent d’une réelle
expertise en matière d’histoire des deux guerres mondiales. Il s’inscrit également dans un contexte historique
propice à savoir la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale.
Ce doctorat cherchera à mettre en évidence les différences et les similitudes des deux régions face à l’impôt en