Les enjeux de la notoriété de la marque
Adel OUERTANI
1
Doctorant, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis
Tél. : (+216) 22 59 15 53
Résumé :
Dans un univers de « pollution médiatique et communicative », selon l’expression de
Semprini (1992), l’évolution de la position de la marque dans l’esprit du
consommateur est un enjeu stratégique. Cet article a pour but de proposer une
description et un approfondissement de la notion de la notoriété de la marque ;
première étape de la relation entre un marché et une marque ; en précisant les
nouvelles tendances du marketing à ce sujet.
Mot(s) clé(s) : La notoriété de la marque.
1
L’auteur tient particulièrement à remercier encore une fois la même personne anonyme pour ses
encouragements, sa lecture attentive et, ses remarques pertinentes et constructives.
Les enjeux de la notoriété de la marque
2
a notoriété de la marque témoigne la force de sa présence à l’esprit du consommateur
constituant ainsi « la première étape de la relation entre un marché et une marque » (Dubois et
Duquesne, 1995). En ce sens, Aaker et Lendrevie (1994) la perçoivent comme « la capacité d’un
élément potentiel à reconnaître ou à se souvenir qu’une marque existe et appartient à une certaine catégorie de
produit ».
La littérature distingue trois types de notoriétés dont chacune représente un degré croissant de
difficulté, de plus accessible (la notoriété assistée) au plus coûteux (la notoriété Top of mind). En
poursuivant ce raisonnement, Aaker et Lendrevie (1994) ont déjà avancé la « pyramide de la notoriété ».
L’histoire nous enseigne qu’en marketing la fortune sourit à la première marque qui s’est imposée
dans l’esprit et qui en a pu « laisser des traces », selon l’expression de Lewi (1996). Heude (1990)
suggère qu’elle doit être « une trace qui sera le signe d’une présence forte et individualisée, de même que
l’animal laisse son empreinte lorsqu’il avance dans un chemin au sol mou et signale ainsi sa présence au
chasseur ».
Dans cette perspective, un bon nombre de chercheurs en marketing ont privilégié la notoriété
spontanée, signe que la marque est spontanément considérée par les consommateurs comme une
référence, un acteur clé de marché duquel tous les autres entrants sont jugés (Kapferer, 1996 ;
Krupicka, 2003 ; Grayson, 1996).
La littérature théorique explique une partie de cet avantage par le fait qu’en entrant le premier, le
pionnier va attirer une grande attention de la part du consommateur, en raison de son caractère
novateur, qui aura pour conséquence une meilleure mémorisation de la marque. L’explication
psychologique à ce phénomène revient à Kapferer (1996) qui tient à ce qu’à la création d’un marché,
« les acheteurs n’ont pas de système de préférences, pas de critères de choix stabilisés ».
Keller (1993) propose un modèle de la connaissance de la marque. Il met en évidence les deux
dimensions perceptuelles de la connaissance qui sont : la notoriété ou l’attention portée à la marque et
l’image de la marque. S’appuyant sur la psychologie cognitive, les recherches conceptualisent la
marque comme un réseau sémantique d’associations stockées en mémoire long terme. Le réseau
forme le concept de marque qui renferme les connaissances des consommateurs sur celle-ci ainsi que
la façon dont elles sont structurées, avec un noeud marque connecté à d’autres noeuds associations par
des liens plus ou moins forts.
Selon l’auteur, la notoriété ou l’attention portée à la marque traduit l’accessibilité du noeud marque, et
des connaissances qui lui sont liées, dans la mémoire des consommateurs, et se manifeste par la
rapidité des consommateurs à se remémorer ou à reconnaître la marque. La reconnaissance traduit le
fait que, quand on lui cite la marque, le consommateur est capable d’activer le réseau sémantique lié à
celle-ci. Le rappel en mémoire traduit le fait que, quand on lui cite la catégorie de produits ou tout
L
Les enjeux de la notoriété de la marque
3
autre stimulus, le consommateur pense à la marque (Keller, 1993 ; Delamotte, 1997 ; Changeur et Dano,
1998 ; Korchia, 1999 ; 2001 ; 2004).
Ces deux dimensions décrivent les deux processus, par lesquels la marque influence le consommateur.
D’une part, le choix du produit peut être directement déterminé par la simple émergence en mémoire
sans autre forme d’intermédiation du nom de la marque : « memory-based choice ». D’autre part,
l’environnement dans lequel s’effectue l’achat suscite un certain nombre de stimuli, qui favorisent la
reconnaissance et le choix d’une marque particulière : « stimulus-based choice » (Jourdan, 2002 ;
Ballantyne et al, 2006). Marion et al (1999) notent que « appliquées à des marques, les notions de
memory-based evocation et stimulus-based evocation correspondent à la notoriété spontanée (brand recall)
et la notoriété assistée (brand recognition) ».
Aaker et Lendrevie (1994) identifient quatre façons par lesquelles la notoriété donne de la valeur à la
marque :
- La notoriété est le point d’ancrage pour toutes les connotations de l’image de marque. Dans cette
perspective, Keller (1993) stipule qu’« une marque à forte notoriété assure la formation et le renforcement
des associations de marque que le consommateur peut établir dans son esprit ». La notoriété est alors
nécessaire à la formation d’une image : il faut connaître la marque pour s’en faire une image (Ratier,
2003). Joanis (1970) de son côté la considère comme l’un des traits de l’image. Toutefois, l’image de
marque ne doit pas être confondue avec la notoriété. Une marque peut avoir une bonne notoriété et
une mauvaise image et vice-versa. Ces deux notions sont complètement différentes mais très
complémentaires (Aaker et Lendrevie, 1994). Selon Heude (1990), « l’indice de notoriété indique
seulement un niveau de reconnaissance de la marque par un public donné tandis que l’image de marque chez ce
même public a une valeur uniquement affective et sentimentale : bonne, mauvaise, vieillotte ou moderne, etc. ».
- La notoriété exprime la familiarité avec la marque et développe la préférence : Selon Jourdan (2002),
« la notoriété spontanée ou assistée de la marque crée le sentiment d’une familiarité, d’une relation de proximité
propres à rassurer le consommateur et à l’inciter à choisir, parmi un ensemble de marques concurrentes, celle
qu’il connaît le mieux ». C’est dans ce sens, Korchia (1999 ; 2001 ; 2004), en s’appuyant sur les travaux de
Alba et Hutchinson (1987), considère la familiarité comme un antécédent des connaissances, puisque
c’est suite à ses expériences qu’un consommateur va stocker des informations, et l’expertise comme
une conséquence, puisque c’est à partir des informations stockées en mémoire qu’un consommateur
va ou non être capable d’accomplir les tâches liées au produit.
- La notoriété pousse les consommateurs à faire l’hypothèse que la marque est ancienne et intéressante.
Selon Michon et Changeur (2003), la présence de la marque dans l’esprit d’une majorité des
consommateurs, conjuguée par l’existence d’associations valorisées par ces consommateurs va se
traduire par une utilité additionnelle voire un attachement pour cette marque, utilité et attachement se
traduisant en un différentiel de préférence et de choix favorable à la marque
Les enjeux de la notoriété de la marque
4
- La notoriété est un critère de sélection des marques à considérer pour un achat dans la mesure ce
dernier ne peut pas traiter sur le même pied d’égalité toutes les marques qu’il rencontre sur le marché
lorsqu’il est confronté à une décision d’achat. Comme elle constitue un argument pour faciliter le
référencement pour les distributeurs. Moulins (2004) précise de sa part que « l'incertitude liée à la
décision d'achat conduit le consommateur à se réfugier auprès d'une marque de grande notoriété ». Michon
(2000) rappelle qu’il est important de « favoriser la mémorisation de la marque afin d’en développer la
notoriété et, par voie de conséquence, une intention d’achat ».
Cependant, nous sommes de l’avis de Marion et ses collaborateurs (1999) lorsqu’ils ont suggéré que
« la notoriété n’est pas une valeur immuable » du fait que le consommateur est un naturel oublieux à
capacité cognitive limitée, qui s’explique par le manque d’indices de récupération de plus son âge joue
son rôle dans la dégradation de cette capacité. Les actions de communication de la concurrence sont
susceptibles également de modifier le rang de citation des marques. C’est pourquoi chaque entreprise
se sent obligée de suivre une stratégie qui vise à multiplier à l’infini les occasions de montrer sa
marque et de lui faire gagner des points en termes d’image et de notoriété, ce qui lui procurer d’un
avantage économique sur ses concurrents (Chetochine, 1995).
Aujourd’hui la marque a de nombreuses occasions de prendre la parole (Goudey, 2008). C’est dans ce
sens Lambin (1989) déclare que « l’ensemble des efforts de communication consentis sur une marque se
cristallise sur la notion de capital de notoriété d’une marque ». Certes, la liste suivante ne peut être
exhaustive et contenir l’ensemble des occasions de prendre la parole. Nous avons choisi de les classer
quatre catégories à savoir :
Le nom de marque
Le code sémiotique
Le territoire de communication
Les nouvelles tendances
Le nom de marque
Le nom de marque est le premier élément constitutif de son image. Loin d’être le fruit d’une réflexion
hasardeuse, il constitue un atout stratégique pour l’entreprise (Batra et alii, 1993 ; Venkatasubramani et
Moore-Shay, 1998 ; Boyle, 2003 ; Kohli et alii, 2004 ; Del Rio et alii, 2001). Keller (1993) note qu’un nom
court est en général plus facile à mémoriser qu’un nom long.
Ainsi, le meilleur moyen pour permettre à chaque produit d’être visible et de sortir du lot est d’utiliser
un nom de marque qui doit être court et facilement mémorisable ; a une signification dans la langue
des consommateurs locaux ; mieux encore, renforce le positionnement ou les bénéfices du produit.
Dans cette perspective Pampers, la marque leader de couches-culottes impose comme contrainte de
prononcer au moins cinq fois son nom dans tout spot publicitaire. La Tokyo Tsushin Kogyo Kaisha est
Les enjeux de la notoriété de la marque
5
devenue Sony par la volonté de ses dirigeants qui souhaitaient se développer sur le plan international
en adoptant un nom à consonance anglo-saxonne plus court et plus facile à mémoriser.
Le code sémiotique
Les symboles de la marque : Michel (2004) rassemble les symboles de la marque au travers des notions
de logo, personnages publicitaires et personnages de la marque. En effet, le logo représente l’élément
physique indissociable des produits et de la communication de la marque. Il est caractérisé par son
type typographique, sa couleur et son graphisme qui ont pour fonction de reconnaissance et de
mémorisation de la marque. Il peut revêtir les formes les plus diversifiées comme le trident de Club
Med, le lion de Peugeot, le Bibendium de Michelin, la petite fleur de Yoplait. Souvent la seule vue du
logo d’une marque permet de la situer dans son univers de référence. L’adage « un petit dessin vaut
mieux qu’un long discours » n’est plus donc à démontrer. C’est en quelques sortes la carte d’identité
visuelle de la marque qui « donne du sens à la marque en transférant les valeurs de l’objet à la marque »
(Michel, 2004).
La couleur : La couleur joue également un rôle crucial en matière de la communication publicitaire,
d’identité visuelle des marques et pour les choix chromatiques en matière de packaging (Koch et
Boush, 2000 ; Divard et Urien, 2001). Elle est devenue un élément de différenciation pour des produits
dont les caractéristiques techniques subissent le poids de la standardisation et de la banalisation
corollaire (Pantin-Sohier et Bree, 2004 ; Pantin-Sohier, 2009). Elle offre ainsi une identification à la
marque et une distinction visuelle. A cet égard, Lewi (1999) suggère qu’« il peut suffire d’évoquer une
couleur pour que la marque vient à l’esprit ».
Pourtant, le choix de la couleur est très souvent fait de manière intuitive ou par goût personnel
(Divard et Urien, 2001). Les annonceurs seront donc davantage conduits à accepter le fait qu'il ne peut
y avoir réellement de mémorisation de la marque réussie sans une réflexion préalable pointue sur les
couleurs utilisées par les concurrents. Dans cette perspective, Pepsi ; consciente du rôle joué par la
couleur ; s’est appropriée en 1996 le bleu dans son emballage pour se différencier du rouge charnel de
son rival Coca Cola.
Mais, il importe que l’acheteur les accepte et quelles soient appropriées au contenu et n’apportent pas
de connotations négatives (Devismes, 1994). Lichtlé (2002) précise qu’il ne faut pas chercher à choquer
le consommateur pour qu’il se souvienne bien de la marque. Des couleurs « inadaptées » risquent, au
contraire, lui nuire. Darpy et Volle (2003) affirment que « les publicités en noir et blanc retiennent
également l’attention lorsque la marque veut créer une différence et une ambiance par rapport à ses
concurrents ».
Le packaging : A l’ère du libre service, le packaging constitue également une arme hautement
stratégique dans l’arsenal du marketing. Il joue le rôle d’un « vendeur silencieux ». C’est le premier
vecteur d’identification, de reconnaissance et de distinction de la marque et du produit sur un marché
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !