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sans la faire perdre à l’autre. Par exemple, quand un cocher s’assoit au
bord de la route et enlève sa veste pour chercher ses puces, ce n’est
pas grave. Si cela est effectué par une personne de haut statut social,
elle perdra la face (LU, 1981 : 126). En général, plus le statut de
quelqu’un est élevé, plus sa dignité est en jeu, plus fragile est sa face
et plus il lui faudra de vigilance pour ne pas la perdre.
Dans l’interaction, chacun a le droit de protéger sa propre face et
les autres ont le devoir de respecter l’image que l’autre veut donner de
lui. Mais la face chinoise est aussi celle dont parle GOFFMAN : ce
n’est qu’un prêt que la société consent à une personne : si elle ne s’en
montre pas digne, ce prêt lui sera retiré (GOFFMAN, 1974 : 13). On
peut donc perdre même le droit à sa face et les autres se débarrassent
en même temps de leurs devoirs à l’égard de cette face.
La perte de face est liée à la situation et/ou aux circonstances
spatiales. Si l’on commet une action coupable sans être vu ou dans un
endroit où l’on n’est pas connu, on a moins le sentiment de perdre la
face.
En résumé, d’un côté, la face est le bien le plus précieux de
l’individu et son refuge le plus confortable ; de l’autre côté, la face
étant une contrainte sociale et psychologique, elle est comme une
geôle pour lui.
Respecter la face des autres est une vertu prioritaire pour les
Chinois. Ceux qui font perdre la face aux autres perdent eux-mêmes la
leur. Un proverbe dit : « Da ren xiu da lian, ma ren xiu jie duan » (打
人休打脸,骂人休揭短) : quand vous frappez quelqu’un, il ne faut
pas toucher son visage ; quand vous insultez quelqu’un, il ne faut pas
toucher son point sensible. C’est-à-dire qu’il ne faut pas porter atteinte
à sa face ni la lui faire perdre.
« Perdre la face » peut être causé par un acte volontaire : vol,
crime, fraude, adultère, etc., mais aussi par un événement qui échappe
à la volonté : une jeune fille violée perd aussi la face.
Si l’on a perdu la face, on n’est plus digne de vivre dans une
communauté. Ce qu’on a de mieux à faire, c’est de changer de lieu de
travail ou de domicile, d’aller là où l’on n’est pas connu, pas plus que
n’est connue « l’affaire de perte de face » (diu lian zhi shi : 丢脸之事).
4) Mei lian jian ren (没 脸见 人 ) : ne pas avoir de face pour se
présenter devant quelqu’un.
Ce « quelqu’un » est souvent le groupe d’appartenance ou bien
quelqu’un d’un rang supérieur. Une fois la face perdue, il est naturel
qu’on n’ait plus la face nécessaire pour pouvoir se présenter devant