AFAS Infos, N° 2008-5 (novembre-décembre 2008)
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BREVES
La quantité du carbone dans les sols gelés et ses conséquences... en hausse
La part prédominante du carbone des sols boréaux gelés (pergélisol ou permafrost) au
sein du stock global de carbone dans les sols mondiaux est une donnée maintenant
bien reconnue. Elle était estimée, en 2007, à environ 33 % des 1 500 gigatonnes de
carbone des sols mondiaux. Cette prédominance semblait contradictoire avec le fait
que la végétation des sols boréaux a une productivité inférieure (360 g C/m²/an) à
celle des sols des pays tempérés (560 g C/m²/an) ou des pays intertropicaux humides
(900 g C/m²/an). Cette apparente contradiction tient simplement au fait que la matière
organique se décompose activement dans les sols des pays les plus chauds alors que
sa décomposition est bien plus lente au sein des congélateurs naturels que constituent
les horizons gelés des sols boréaux.
Deux ensembles de données récentes, publiés respectivement en 2007 et 2008, vien-
nent de préciser les quantités de carbone contenu dans ces écosystèmes boréaux. Le
premier ensemble, rassemblé par G. Walker (dans Nature, vol. 446, 718-721) relate la
découverte de sols, sensu lato, gelés particulièrement riches en carbone organique, en
Sibérie. Ces formations, désignées sous le nom de « yedoma » occuperaient des surfaces
considérables et contiendraient des quantités de carbone jusque-là insoupçonnées et,
partant, non prises en compte dans les estimations des quantités du carbone présent à
la surface terrestre.
Le deuxième ensemble de données, révélé en 2008, paraît moins spectaculaire que le précédent, mais l’est, en vérité, tout autant. Ces données
concernent une estimation, revue et affi née, de la teneur moyenne en carbone des sols boréaux gelés en Alaska (Chien et al., 2008, Nature, vol. 454,
1033). Avec cette estimation, les valeurs de la teneur en carbone organique de ces sols passent de 20-29 kg/m² à 3-55 kg/m² - soit, en moyenne, à
34 kg/m². L’apparente discrétion de ce résultat ne doit pas faire illusion si on le croise avec la valeur des surfaces qu’il concerne, au Canada, en Alaska
et en Sibérie.
Au total, l’estimation de la quantité de carbone actuellement immobilisé dans les sols boréaux passe - « en 2 ans », 2007-2008 - de 300-500 gigatonnes
à 900 gigatonnes ! et la quantité de carbone dans les sols du monde de 1 500 à 2 000 gigatonnes, environ (soit à une valeur voisine de celle de la
quantité du carbone contenu dans les pétroles, voisine de 1 000 gigatonnes...).
L’affaire est d’importance car ce carbone est contenu dans des composés très sensibles à l’oxydation. Ces produits organiques ont été « oubliés »
pendant des centaines ou des milliers d’années dans un congélateur naturel.
Les activités génératrices de gaz à effet de serre ont donc une action sur l’augmentation de la température atmosphérique beaucoup plus complexe
qu’il n’y paraît. Non seulement elles en sont responsables d’une manière directe lorsque les gaz sont introduits dans l’atmosphère mais, à travers cette