16 | La Lettre du Rhumatologue • N° 357 - décembre 2009
ONCO-RHUMATOLOGIE
sous placebo, avec des différences statistiquement
significatives pour tous ces items (3). Pour l’exémes-
tane (4), 5,4 % d’arthralgies sont rapportées, tandis
que l’on en constate 3,6 % sous tamoxifène, la diffé-
rence étant donc statistiquement significative. Pour
l’anastrozole, dans l’étude ATAC, à 68 mois, 35,6 %
d’événements musculo-squelettiques, dont 10,6 %
sévères et 2,1 % menant à l’arrêt du traitement, sont
survenus sous anastrozole après un délai moyen de
13,9 mois (5).
➤
Dans les quelques études transversales et les
études prospectives menées sur cette question,
les fréquences des douleurs articulaires sont plus
élevées : 47 % des cas dans une étude transversale
avec questionnaire systématique (6) et entre 30
et 45,4 % dans 3 études prospectives (7-9) avec
questionnaires rhumatologiques et échographie
des mains. Ces douleurs articulaires ont débuté en
moyenne après 1,6 mois de traitement, avec une EVA
de douleur moyenne à 51 mm, allant dans 13 cas
sur 100 jusqu’à un arrêt de traitement pour toxicité
articulaire.
Au total, la prévalence des manifestations arti-
culaires survenant sous anti-aromatases se situe
entre 30 et 45 % des cas, sans donnée comparative
entre les différentes molécules à ce jour.
Description des douleurs
sous anti-aromatases
Il existe un nombre croissant de descriptions de
manifestations rhumatologiques douloureuses sur-
venant sous anti-aromatases, mais les publications
sont en majorité issues de la littérature cancérolo-
gique, principalement centrées sur les problèmes
oncologiques, et la description des symptômes n’est
pas toujours précise.
Les douleurs sont rapportées dans 23 à 61 % des
cas (6, 7, 9, 10), et apparaissent ou s’aggravent dans
un délai de 8 semaines en moyenne (2 semaines à
19 mois) après le début des anti-aromatases (9-11).
➤
Les signes fonctionnels les plus fréquents (6-11)
sont des arthralgies et myalgies accompagnées
d’une sensation de raideur articulaire pouvant
s’améliorer après des étirements, d’un dérouillage
matinal et d’une impression de gonflement des
doigts ; de localisation le plus souvent symétrique,
elles touchent, par ordre décroissant, les mains (arti-
culations interphalangiennes proximales et méta-
carpo-phalangiennes des doigts) et les poignets,
les genoux, le rachis lombaire, les épaules et, plus
rarement, le bassin et les hanches, les pieds et les
chevilles (6-8, 12, 13). Il existe parfois des synovites
et des ténosynovites (7, 9, 14, 15), voire d’exception-
nelles polyarthrites évoluant vers une polyarthrite
chronique d’allure rhumatoïde (16). Les analyses
biologiques sont le plus souvent normales (7-9).
Il existe également des tableaux douloureux diffus
proches du syndrome fibromyalgique.
➤
Les diagnostics évoqués lors de ces atteintes rhu-
matologiques sont nombreux : arthrose (des genoux,
des doigts, en particulier rhizarthrose), doigts à
ressaut, canal carpien, bursite, trochantérite, tendi-
nite (coiffe des rotateurs, poignets, coudes), ténosy-
novite ou syndrome fémoro-patellaire (7-9, 12, 15).
➤
La sévérité des symptômes ne conduit que
rarement à l’arrêt du traitement par anti-aroma-
tase : dans 2 à 5 % des cas pour l’étude ATAC (11),
mais jusqu’à 20 % des patients pour d’autres
auteurs (14). Le plus souvent, l’intensité est modérée
ou moyenne, les atteintes sont observées surtout au
début du traitement et peuvent céder après quelques
semaines, en général après 3 à 18 mois d’anti-aro-
matase (5, 10).
Facteurs de risque
de survenue de douleurs articulaires
liées à la prise d’anti-aromatase
de 3e génération
Peu d’études spécifiques ont été conduites pour
tenter d’identifier d’éventuels facteurs de risque de
survenue de complications rhumatologiques sous
anti-aromatases.
L’âge, la race, le mode de survenue de la ménopause
(naturelle versus chirurgicale), l’ancienneté de la
ménopause, le type d’anti-aromatase et la durée
de traitement par anti-aromatase ne semblent pas
être des facteurs de risque prouvés de la survenue
de douleurs articulaires liées à la prise d’un anti-
aromatase de troisième génération (6). Des données
sur le poids ont été publiées de façon contradic-
toire (6, 16). La prise préalable de tamoxifène ne
paraît pas être un facteur de risque et pourrait même
réduire le risque de survenue de manifestations rhu-
matologiques (6, 7, 10), contrairement à un traite-
ment hormonal substitutif antérieur qui serait, pour
certains, un facteur de risque majeur (17).
De façon plus nette, une chimiothérapie préalable
expose à un risque plus important de complications
rhumatologiques, avec un délai d’apparition des
symptômes plus court (18), en particulier après la
prise de taxanes (6, 19). En revanche, la radiothérapie
préalable ne serait pas un facteur de risque (17).