fréquenté juifs et chrétiens, en est-il venu à reprendre, à sa manière, le flambeau juif
de la transcendance divine, d’une manière qui ne laisse pas place à son Incarnation ?
Des personnages bibliques sont cités dans le Coran, souvent comme des justes. Mais
comment expliquer qu’aucun de ceux que nous nommons prophètes dans l’Ancien
Testament, les Isaïe… Jérémie, Amos ou Osée ne paraissent dans le Coran ? Or ces
prophètes annonçaient un Dieu aux entrailles de miséricorde. Les musulmans
invoquent le Dieu de miséricorde, mais seuls les mystiques vont jusqu’au bout de
l’expérience d’un Amour qui ouvre à une communion de vie où l’un demeure en
l’autre. Pour l’islam, le croyant demeure face à Dieu, devant Dieu.
Pour le chrétien, le croyant reçoit de demeurer en Dieu…
… Comme le Coran y invite nos frères musulmans, rivalisons dans la piété et les
bonnes œuvres (9)
Notre regard permet aussi de comprendre la distance, voire le fossé entre l’islam et
la foi chrétienne. A cause de sa dimension politique, sociopolitique, parfois
idéologique, à cause de la centralité de la loi religieuse, l’appartenance à l’islam
sépare de ceux qui n’en sont pas. Ceux qui, venant de l’islam, deviennent disciples du
Christ, vivent parfois douloureusement le fait de quitter cette appartenance quasi
biologique, très sécurisante. En revanche, l’appartenance à Jésus ouvre à l’universel
humain. La sécurité n’est plus celle d’un englobant, de la matrice communautaire de
l’Oumma, elle est celle de l’appui intérieur que donne une foi, jamais possédée,
toujours renouvelée par un oui, un « fiat » de confiance à redire chaque jour.
Ce détour plus théologique était nécessaire pour comprendre et fonder le
témoignage des chrétiens. Il permet aussi, je crois, de situer à sa vraie place le
dialogue islamo-chrétien. Le respect, l’accueil parfois émerveillé de la foi de l’autre
n’empêche pas l’urgence du témoignage….
Le dialogue interreligieux
Le dialogue qui cherche la rencontre de l’autre, au meilleur de lui, peut se vivre de
bien des manières, selon les grâces du moment, depuis l’émerveillement devant la foi
de l’autre, la confiance dans l’amitié partagée, jusqu’à l’épreuve douloureuse devant
le refus de ce qui nous brûle le cœur. Il peut aussi prendre la forme du dialogue
théologique toujours nécessaire où nous apprenons à connaître l’autre comme il se
connaît lui-même, comme il se dit lui-même. Il nous faut dans notre Eglise continuer
à étudier l’islam pour bien le connaître…
… Ce dialogue de la vie qui peut devenir dialogue spirituel ou dialogue théologique ne
cherche pas à conquérir, il cherche à mieux connaître l’autre pour mieux l’aimer et le
servir.
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9 – Le Coran, sourate V, 2 « Ô vous qui croyez… encouragez-vous mutuellement à la piété et à la crainte
révérencielle de Dieu ».
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