Chrétiens-musulmans : un signal positif
A mois d’octobre dernier, il s’est passé dans les relations avec l’islam quelque chose que l’on
peut sans hésitation qualifier d’événement d’important.
Cent trente huit théologiens et responsables musulmans du monde entier ont adressé une
longue lettre d’une vingtaine de pages au pape Benoît XVI et aux responsables des différentes
Eglises chrétiennes. Intitulée « Une parole commune entre nous et vous », cette lettre est une
invitation réaliste et courageuse à prendre appui sur le double commandement de l’amour de
Dieu et de l’amour du prochain, fondement commun à l’islam et au christianisme, pour
travailler ensemble, musulmans et chrétiens, à un avenir pacifié. Comment ne pas être
d’accord et se réjouir ?
Puisque les fidèles des deux religions constituent ensemble plus de la moitié de la population
mondiale, précisent les signataires, il ne pourra pas y avoir de paix significative sans entente
entre les deux communautés. Cette idée est développée avec insistance et gravité : dans notre
monde dangereux et sur-armé, « l’avenir et la paix dépendent du dialogue et de la
compréhension réciproque entre islam et christianisme ». Et de conclure par des propos
inspirés du Coran mais élargis à l’universel alors qu’ils ne semblaient concerner jusqu’ici
que les musulmans : « Faisons en sorte que nos différences n’apportent pas la haine et la
violence entre nous. Rivalisons ensemble aux bonnes œuvres et à la justice. Respectons-nous
les uns les autres, soyons bons, justes et aimables entre nous, et vivons dans la paix sincère,
l’harmonie et la bonne volonté réciproque. ».
On verra un signe de cette volonté de respecter l’autre dans l’heureuse initiative de citer les
Ecritures juives et chrétiennes à partir de leur sources originales et non, comme cela est
habituel, à partir de ce qu’en retient le Coran.
Les observateurs se plaisent à souligner assez unanimement la nouveauté de cette démarche.
Le nombre et la diversité des signataires provenant de tous les continents et appartenant à des
courants variés de l’islam, aussi bien sunnites que chiites, donnent à cet appel une autorité
difficilement concevable jusque là dans le monde musulman. Mais surtout, les auteurs se
positionnent non pas en unique détenteurs de la vérité, mais comme partenaires respectueux
des autres et soucieux d’un avenir de paix et de justice pour l’humanité toute entière.
Différence et obstacles sont pas gommés : ainsi le problème épineux de la liberté religieuse
est évoqué et considéré comme un point crucial. « Musulmans, chrétiens et juifs devraient être
libres de suivre ce que Dieu leur a ordonné… ». Puissent-ils être entendus partout, y compris
dans les pays islamiques.
Comment ne pas se réjouir de l’émergence de ce nouveau regard ? En attendant que ces
grands et généreux principes soient maintenant concrétisés sur le terrain, en particulier là où
les relations entre musulmans et chrétiens posent problème.
Le Vatican devrait répondre rapidement à cette lettre qui démontre que la volonté de
dialogue finit par porter des fruits.
Jean-Pierre Nave
Délégué diocésain pour les relations avec l’islam