Trois demandes d`assistance - Références en santé au travail

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Questions-Réponses
Trois demandes d’assistance
Illustrant l’activité d’assistance de l’INRS, trois questions-réponses ont été choisies parmi les
demandes reçues, classées par type de risques (toxicologiques, biologiques, physiques ou
psychosociaux), mais aussi par thématique (travail et conduites addictives, organisation des
secours ou maladies professionnelles).
Question
© S. Boulet
Médecin du travail de
restauration collective, je
vous interroge sur l’obligation réglementaire et
l’utilité des prélèvements
ORL et de la coproculture
chez les travailleurs.
Réponse
La surveillance médicale des professionnels de la
restauration, quel qu’en soit le mode d’exercice, est
l’objet de fréquentes questions et discussions dues en
particulier à l'existence de deux approches différentes
dans les textes réglementaires qui traitent de la santé
des personnels de la restauration. La réglementation issue du Code du travail a, en effet, notamment pour objectif la prévention des risques d'atteintes à la santé des
travailleurs, tandis que la réglementation de santé publique vise à protéger de toute contamination les aliments destinés aux consommateurs.
Sur le cadre réglementaire de la surveillance
médicale des personnels de la restauration
Les dispositions du Code du travail relatives à la surveillance médicale visent à prévenir les atteintes à la
santé des salariés.
Dans ce cadre, le Code du travail précise que tout salarié doit faire l'objet d'un examen médical au moment
de l'embauche. Pour les salariés relevant d’une surveillance médicale renforcée, cet examen doit avoir lieu
avant leur embauche. Cet examen a pour but de s'assurer que le nouvel embauché est médicalement apte au
poste de travail et de vérifier qu’il n'est pas atteint d'une
affection dangereuse pour les autres travailleurs.
Le médecin du travail peut prescrire les examens
complémentaires qu’il juge nécessaires à la détermination de l'aptitude médicale. En l’absence de recommandation officielle pour ce secteur professionnel, le
médecin du travail est seul juge de la nature de ces examens dès lors qu’ils sont destinés à préciser l’aptitude
médicale de la personne. Mais ces examens ne sauraient s’inscrire dans le cadre d’une quelconque démarche du suivi de la qualité du produit fini.
L’article R. 4624-19 du Code du travail précise que
bénéficient d’une surveillance médicale renforcée notamment les salariés affectés à certains travaux comportant des risques ou des exigences déterminés par
des textes particuliers intéressant certaines professions
ou certains modes de travail. Les personnels travaillant
à la préparation, conditionnement, conservation et distribution de denrées alimentaires relèvent de ces dispositions (arrêté du 11 juillet 1977).
Ce même article prévoit la possibilité de préciser par
accord de branche, les métiers et postes concernés par
une surveillance médicale renforcée ou de convenir par
le biais des mêmes accords des situations de travail relevant d’une telle surveillance médicale en dehors des
cas prévus par la réglementation.
La restauration rapide est l’objet d’un accord de
branche en date du 20 avril 2006 qui précise en son article 10 :
« Les partenaires sociaux rappellent l’importance de la
maîtrise des règles d’hygiène, nécessitant une surveillance
médicale renforcée de l’état de santé des personnes travaillant en cuisine et amenées à être en contact direct ou indirect avec les denrées alimentaires. »
Nous n’avons pas connaissance d’autre accord de
branche dans la restauration.
D'autres dispositions réglementaires relatives à la
surveillance médicale des salariés de la restauration
ont, elles, pour objet de garantir la qualité sanitaire des
aliments et prévenir les risques pour la santé des
consommateurs.
Ainsi, l’article R. 231-12 du Code rural, dans sa dernière version issue du décret n° 2009-1658 du 18 décembre 2009, dispose que des arrêtés conjoints du
ministre chargé de l'Agriculture, du ministre chargé de
la Santé et, en ce qui concerne les produits de la mer,
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du ministre chargé des pêches maritimes peuvent établir des listes de maladies et d'affections qui rendent
ceux qui en sont atteints susceptibles de contaminer les
denrées alimentaires.
Ces mêmes arrêtés déterminent les conditions dans
lesquelles les exploitants des établissements sont tenus
de faire assurer une surveillance médicale appropriée
de leur personnel, en vue d'éviter tout risque de contamination des marchandises.
À ce jour, il n’y a pas eu à notre connaissance d’arrêté publié en ce sens.
Toutefois le règlement européen N° 852/2004 [1]
relatif à l’hygiène des denrées alimentaires est complété
par une annexe II qui, en son chapitre VIII, vise l’hygiène personnelle des travailleurs :
« 1. Toute personne travaillant dans une zone de manutention de denrées alimentaires doit respecter un niveau de
propreté corporelle et porter des tenues adaptées et propres
assurant, si cela est nécessaire, sa protection.
2. Aucune personne atteinte d’une maladie susceptible
d’être transmise par les aliments ou porteuse d’une telle maladie, ou souffrant, par exemple, de plaies infectées, d’infections ou lésions cutanées ou de diarrhée ne doit être autorisée
à manipuler les denrées alimentaires et à pénétrer dans une
zone de manutention de denrées alimentaires, à quelque titre que ce soit, lorsqu’il existe un risque de contamination directe ou indirecte des aliments. Toute personne atteinte d’une
telle affection qui est employée dans une entreprise du secteur alimentaire et est susceptible d’entrer en contact avec les
denrées alimentaires informe immédiatement l’exploitant du
secteur alimentaire de sa maladie ou de ses symptômes, et, si
possible, de leurs causes. »
Comme tous les règlements européens, celui-ci est,
par nature, directement applicable.
Sur l’utilité des prélèvements ORL et la coproculture
Tout membre du personnel appelé à manipuler des
denrées alimentaires doit avoir été déclaré médicalement apte à effectuer ces manipulations. Cette vérification n’impose pas la pratique systématique
d’examens complémentaires à la recherche d’un portage chronique d’agents biologiques susceptible de
contaminer les préparations alimentaires.
En fait, dans le domaine de la distribution alimentaire comme dans d’autres secteurs professionnels (métiers de la santé ou de la petite enfance par exemple),
aucun résultat de prélèvement de gorge, de selles… ne
peut garantir le statut sanitaire du travailleur pour les
jours, semaines ou mois à venir.
Il y a lieu de considérer que tout travailleur peut, à
un moment ou l’autre de l’année, être porteur d’agents
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biologiques pouvant être transmis à d’autres personnes. Le travail doit alors être organisé en conséquence, en mettant en place des règles universelles
applicables à tout instant et tout au long de la chaîne
de production, permettant d’assurer à tout moment la
protection du produit fini : lavage des mains aussi souvent que nécessaire, installations sanitaires correspondantes mises à disposition et correctement
entretenues, port d’une coiffe, de gants, d’un masque
bucco-facial anti-projection… Ces règles universelles
s’inscrivent par ailleurs dans la pratique de la méthode
HACCP (hazard analysis critical control point ou analyse des risques – points critiques pour leur maîtrise).
La méthode HACCP ne relève pas des missions du
médecin du travail. Néanmoins, la connaissance succincte de ses fondements est utile à la compréhension
des règles de protection du produit fini, règles qui ne
font pas intervenir le statut sanitaire des personnels
mais des mesures universelles elles-aussi. Certaines de
ces mesures peuvent également avoir un réel intérêt en
santé au travail.
En conclusion, au-delà de l’aspect purement réglementaire de cette question, il y a lieu de prendre en
considération certains principes concernant l’exercice
de la médecine ;
- aucun examen complémentaire systématique (prélèvement de gorge, coproculture…) ne peut avoir d’action de prévention ou de prédiction d’une infection ou
d’un portage, et donc n’a pas d’action de protection à
long terme ni du salarié, ni de son entourage (ni du produit fini par conséquent),
- aucun examen complémentaire ne doit être interprété en dehors du contexte clinique,
- a fortiori, aucun examen complémentaire ne doit
être suivi d’une prescription thérapeutique si celle-ci
n’est pas justifiée par l’état clinique du patient.
Vous pouvez également vous référez à l’aide-mémoire juridique : « Hygiène et sécurité dans le domaine
de la distribution alimentaire » [2].
Brochard G., Le Bâcle C., département Études et
assistance médicales, et Ferreira M., département
Études, veille et assistance documentaires.
Bibliographie
[1] Règlement (CE) N° 852/2004 du Parlement européen et du
Conseil du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires. +
Rectificatif. J Off Union Eur. 2004 ; L139, 30 avril 2004 : 1-54 ; L226, 25 juin
2004 : 3-21.
[2] FERREIRA M - Hygiène et sécurité dans le domaine de la distribution alimentaire. Aide mémoire juridique TJ 22. Paris : INRS ; 2003 : 25 p.
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