LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 1
BIOLOGIE DES INTERACTIONS
Karine MANDON – Marylène POIRIE
DIVERSITE DES I NTERACTIONS PLANTES-MIC ROORGANISMES
BIBLIOGRAPHIE
« La symbiose », Marc-André Sélosse, Vuibert, 2000
« Atlas de Biologie Végétale : Associations et Interactions chez les plantes », E. Duhoux, M. Nicole,
Dunod, 2004
« Plantes et Champignons : L’alliance vitale », La Recherche, n°411, 2007
« Cyanobacterium – plant symbioses », New Phytol., 147:449-481, 2000
« The actinorhizal symbiosis », J. Plant Growth Regul., 19:167-182, 2000
INTRODUCTION : DU MUTUALISME AU PARASITISME
DIVERSITE DES INTERACTIONS
Il existe différents types d’interactions entre les organismes : certaines associations pourront être bénéfiques
aux deux partenaires dans le cadre de symbioses mutualistes, bénéfique à l’un sans apport ni effet délétère sur
l’autre lors d’associations commensales, ou bénéfique à l’un au détriment de l’autre dans des situations de
parasitisme. Qu’elles aient lieu au sein du règne végétal ou animal, ces interactions sont très variées, et il sera
parfois extrêmement difficile de distinguer des interactions aussi antagonistes que mutualisme et parasitisme.
Au sein de ce cours, après avoir abordé différents types de symbioses mutualistes, nous nous pencherons plus
particulièrement sur les symbioses licheniques ainsi que sur les symbioses fixatrices d’azote. Ces dernières sont
d’une grande importance, puisque permettant à certaines plantes de s’affranchir de la pratique d’absorption
d’azote à travers la mise en place d’un comportement autotrophe d’origine bactérienne, leur permettant ainsi
la colonisation de sols très variés. Dans une troisième partie, nous traiterons des mycorhizes, structures
permettant l’augmentation de la surface racinaire ainsi que l’apport de
substances nutritives à la plante, avant de terminer en abordant les relations
de pathogénie, qui seront développées plus en détail au semestre 6.
LES INTERACTIONS PEUVENT AVOIR LIEU AVEC OU SANS
CONTACT ENTRE SYMBIONTES
Prenons quelques exemples permettant d’observer la variété des
interactions symbiotiques entre plantes et microorganismes.
La croissance du roseau « quenouille » à l’aide de bactéries du genre
Beggiatoa est un exemple de symbiose durable. La quenouille, dont les
racines sont ancrées dans les fonds vaseux peu oxygénés des marais,
nécessite un apport en sulfates. Or, dans ces conditions d’anaérobiose, ce
dernier n’est disponible que sous forme réduite H
2
S. Beggiatoa, bactérie
LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 2
sulfooxydante, a la capacité de transformer ce sulfure en sulfate en libérant néanmoins du peroxyde
d’hydrogène, dont une augmentation de concentration lui serait fatale. Le roseau intervient alors de par sa
capacité de sécrétion de catalases, enzymes décomposant la molécule toxique en eau. Les symbiontes
bénéficient ainsi l’un de l’autre sans contact direct.
Nous pourrons cependant observer des cas d’associations dans lesquels des enchevêtrements d’hyphes
peuvent entourer des microorganismes, lors de symbioses lichéniques par exemple, tout comme des cas de
colonisation cellulaire nous aurons un contact direct entre les deux organismes. Cette dernière association
peut être illustrée par l’entrée d’une bactérie dans la racine d’une plante, colonisant méats et sillons
intercellulaires, sans pour autant qu’il y ait différenciation en structure spécialisée ou pénétration des tissus par
la bactérie.
NATURE ET ENJEUX DES ECHANGES
Les microorganismes favorisant la croissance et améliorant généralement le fitness des plantes sont appelés
PGPB « Plant Growth Promoting Bacteria ». Tout comme lors de la symbiose riz-Azospirillum le
microorganisme synthétise de l’auxine, certaines bactéries permettront aux plantes hôte d’acquérir des
nutriments et interviendront dans la compétition contre les pathogènes de ces plantes à travers, par exemple,
une meilleure fixation des composés d’intérêt nutritif ou une libération de toxines.
Les échanges entre la plante et le microorganisme consistent alors en des échanges nutritionnels, mais aussi en
des fonctions de protection pouvant être favorables aux deux organismes. Pour cela, certaines interactions
les microorganismes colonisent les plantes de manière intracellulaire utilisent des systèmes très développés de
reconnaissance entre les symbiontes. Ainsi et d’une manière générale, plus le contact entre les symbiontes sera
étroit et la colonisation importante, plus la reconnaissance sera spécifique.
Certains cas de symbioses mutualistes ne seront pas aisés à mettre en évidence. Prenons l’exemple de
certaines graminées, pouvant être colonisées par des champignons endophytes pénétrant dans la plante à
partir de la fleur et se développant au sein de la tige et jusqu’à la graine dont la dissémination entraînera celle
du parasite. Certains de ces champignons ne pouvant ainsi plus se développer sans leur plante hôte, nous
pourrions alors dans certains cas considérer un cas de parasitisme. Mais en réalité, nous avons souvent affaire
à un commensalisme au bénéfice du champignon, quelquefois à une pathogénie de par la perte de la capacité
de reproduction de la plante, ainsi que parfois un bénéfice pour la plante, comme par exemple lors de la
symbiose entre l’ergot du seigle Claviceps purpurea et la fétuque.
Cette dernière étant en effet une plante fourragère très prisée des ruminants,
une consommation de celle-ci couplée à l’endophyte (produisant des acides
lysergiques) entraine chez les bovins une diminution de la production laitière,
une léthargie, un grossissement, puis la mort. Le champignon apporte ainsi une
protection contre les herbivores et insectes brouteurs qui pourraient décimer
des populations de fétuques par champs entiers, et favorise ici la croissance de
la plante, sans pour autant avoir un rôle nutritionnel.
Concernant l’épipogeon Epipogeum alphilum, une orchidée rare ne pratiquant
pas de photosynthèse et n’étant donc pas autotrophe, il est difficile de conclure
à un cas de symbiose ou de parasitisme. En effet, cette plante sera en
association avec des champignons mycorhiziens qui, en association avec
d’autres plantes, autorisent les échanges carbonés entre une première plante
et l’orchidée. Ce mécanisme permet ainsi la croissance d’un organisme relativement parasite, qui en échange
pourrait favoriser la stabilité de la structure : nous oscillons donc entre un cas de parasitisme et de
commensalisme.
LSVS – Semestre 5 – Biologie des interactions - 3
Nous pourrions également prendre pour exemple les interactions entre Erwinia amylovora et le pommier dans
le cadre de l’affection dite du « feu bactérien », explicitement parasite, caractérisée par une colonisation du
cortex de la plante par le pathogène et l’induction très rapide d’une nécrose des tissus infectés.
Au vu de l’étendue et de la diversité des interactions, nous aborderons différents axes d’étude de celles-ci :
Structure
Echange entre les partenaires
Modes de colonisation
Modes de reproduction
Spécificité d’hôte et mode de reconnaissance
LES SYMBIOSES LICHENIQUES
Les symbioses lichéniques sont des interactions caractérisées par la nature des deux symbiontes : l’un est un
champignon, le mycobionte, l’autre une algue unicellulaire ou une cyanobactérie, le photobionte. A l’heure
actuelle ont été recensées pas moins de 13500 espèces de champignons capables de réaliser des symbioses
lichéniques, dont 98% appartiennent au groupe des ascomycètes. Le photobionte est quant à lui représenté
dans 85% des cas par une algue (Trebouxia), dans 5% par une cyanobactérie (Nostoc), et dans 10% par les deux
simultanément, dont les espèces sont réparties dans 40 genres.
Le photobionte est un organisme photosynthétique pouvant fournir un certain nombre de composés au
mycobionte en échange de sa présence au sein d’un thalle protecteur. Cette combinaison efficace autorise la
colonisation d’un certain nombre de niches peu propices à la vie (froid arctique, déserts chauds, niches
difficiles d’environnements tempérés pousse sur écorce par exemple). En plus d’un apport de photosynthétats,
les cyanobactéries en particulier ont la capacité de fixer l’azote atmosphérique, permettant une totale
autonomie nutritionnelle de l’organisme symbiotique.
Les lichens peuvent aborder différentes morphologies :
Crustacé, comme Calopaca saxicola
Arbusculeux, comme Evernia prunastri, la « mousse des rennes »
Pendant
Foliacé
STRUCTURE DES LICHENS
La structure du thalle jouera un rôle crucial quant à la réalisation de la photosynthèse au sein
d’environnements extrêmes.
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La coupe du thalle d’un lichen nous permet d’observer une structure pluristratifiée comprenant :
un cortex supérieur composé d’un enchevêtrement serré d’hyphes offrant une protection aux UV des
appareils photosynthétiques,
une assise à photobiontes,
une médulle favorisant les échanges gazeux,
un cortex inférieur présentant des rhizines, permettant l’adhésion du lichen aux parois et rochers.
Nous pouvons également rencontrer au sein de
thalles foliacés des structures d’accueil spécifiques
aux cyanobactéries, les céphalopodies, permettant
à ces dernières de ne pas être mélangées avec les
algues. De par l’activité spécifique de fixation
d’azote de ces structures, les parois du thalle à
hauteur de ces structures seront épaissies.
Les cyanobactéries pratiquent une photosynthèse
oxygénique identique à celle des algues, à la différence près que leurs antennes collectrices comportent des
phycobilisomes. Le dioxygène produit ayant comme propriété de dénaturer irréversiblement les complexes
nitrogénase pratiquant la réduction du N
2
atmosphérique, la cohabitation des deux activités au sein d’une
même cellule est impossible. Pour pallier à cela, les cyanobactéries pratiquent une différentiation à la limite de
la pluricellularité en se disposant en chaînettes au sein desquelles une cellule sur douze ou treize, l’hétérocyste,
sera dédiée et morphologiquement adaptée à la fixation d’azote. Celle-ci, synthétisant l’enzyme nitrogénase,
comprendra donc une paroi épaissie, un photosystème II dénaturé ainsi qu’un système de collecte d’énergie
minimaliste permettant de subvenir à ses besoins de base. L’azote ainsi fixé pourra être transformé en
glutamine, qui sera évacuée sur les cellules adjacentes, lesquelles lui apporteront leurs photosynthétats.
Notons que certaines cellules pourront quant à elles se différencier en akinètes, cellules de survie qui pourront,
si les conditions de vie sont défavorables, se dissocier du filament et rester en condition latente jusqu’à la
venue de temps meilleurs.
ECHANGES ENTRE LES PARTENAIRES
Afin de favoriser les échanges entre les deux symbiontes, le champignon peut envoyer une extension de son
hyphe au contact direct du microorganisme, permettant l’augmentation de la zone d’interactions. On
distingue :
Appressorium, hyphe ne pratiquant qu’un
simple contact
Haustorium ou suçoir, hyphe provoquant
l’invagination sans pénétration de la
membrane cellulaire du microorganisme
se rapprochant de ceux présents lors
d’interactions pathogènes
Dans ces deux cas, on parle d’une colonisation intercellulaire.
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ECHANGES TROPHIQUES
Le microorganisme permet de fournir au champignon 90% du CO
2
fixé
sous forme de polyols. Lors de symbioses tripartites faisant intervenir
champignon, algue verte et cyanobactérie, l’enzyme RubisCO bactérienne
est inhibée : les cyanobactéries contribuent donc majoritairement à un
apport d’azote. De par la structure du thalle, le champignon contribue
majoritairement à l’apport d’eau en permettant l’absorption d’une
grande quantité de gouttelettes présentes dans l’air, assurant
l’hydratation du mycobionte et du photobionte même en conditions
difficiles. Le champignon pratique enfin l’absorption de sels minéraux via
l’attaque par le biais d’acides organiques (en particulier acide lichénique,
dérivé benzénique légèrement acide) des minéraux sur lequel le lichen
sera posé.
PROTECTION
Il existe dans ces échanges des intérêts autres que nutritionnels. En effet, nous observons que le champignon
ne synthétisera de substance lichénique qu’en présence d’un photobionte : il existe donc un système de
signalisation entre les deux symbiontes.
Les substances lichéniques, représentant 40% du volume du thalle, seront disposées selon une couche
hydrophobe cristalline autorisant au lichen de subir une importante déshydratation sans effet faste. Les
chercheurs pensent en effet que ces substances protectrices permettent la conservation des structures ainsi
que le maintien de l’activité photosynthétique dans des conditions de faible concentration en eau. C’est ainsi
que la teneur en ce compopourra atteindre 2%, et que la croissance des lichens pourra être à partir de la
simple captation d’eau atmosphérique.
Certaines de ces substances peuvent être toxiques pour les herbivores, offrant une protection supplémentaire
au vu de la lenteur de croissance du lichen. Certaines autres substances correspondent à des pigments, dont le
rôle est de protéger les appareils photosynthétiques des symbiontes. Avec cette synthèse de substance
lichénique, l’association entre symbiontes permet donc la mise en place de nouvelles voies métaboliques.
MODES DE COLONISATION ET DE REPRODUCTION
Les lichens peuvent se reproduire de
manière végétative par l’utilisation
de sorédies ou isidies, propagules
différenciés correspondant à des
fragments relargués du thalle
incluant le photobionte. Leur
dissémination peut être dépendante
ou non des symbiontes.
Le champignon peut également
pratiquer seul une reproduction
végétative ou sexuée, durant
laquelle 98% des ascospores seront
disséminées. Le photobionte n’étant
alors pas inclus lors du phénomène
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