Lettre pastorale La bonne nouvelle de la Réconciliation par Mgr

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Lettre pastorale
La bonne nouvelle de la Réconciliation
par Mgr Lucien Fruchaud
Date : mardi 2 octobre 2007.
Lettre pastorale
adressée
• aux prêtres et diacres,
• aux religieux, religieuses et consacré(e)s,
• aux fidèles laïcs du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier
• et à tous les habitants des Côtes d’Armor.
La bonne nouvelle de la Réconciliation
1. En juin 2005, j’appelais le diocèse de Saint Brieuc et Tréguier à entrer dans une année de la
réconciliation. Je vous invitais alors « à vous interroger, à réfléchir, à poser des actes de miséricorde et de
réconciliation ».
2. Deux ans après, j’ai l’assurance que cette invitation a été entendue et reçue. Dans les Paroisses, de
nombreuses équipes ont travaillé sur les propositions du Service diocésain de la Formation permanente.
(Cf « Accueillir le bonheur d’être pardonné »" NDL Editions 2007). Des propositions identiques ont été
faites dans bien des Services du diocèse. Les prêtres et diacres y ont travaillé dans leurs diverses instances
de formation. Les paroisses ont proposé des formes liturgiques renouvelées de la célébration de la
Pénitence et de la Réconciliation. Je n’oublie pas non plus tout ce que vous m’avez rapporté, dans le secret
de la confidence, de vos propres efforts de conversion, des signes de réconciliation que vous avez osé
poser en écho à l’invitation que je vous avais adressée de la part du Seigneur. Oui, cette “année de la
réconciliation” a donné des fruits de paix, de réconciliation, d’authentiques pardons offerts et accueillis.
3. A la demande de beaucoup, cette démarche que nous avions entamée pour un an s’est prolongée d’une
nouvelle année.
4. Mon ministère épiscopal me fait le témoin émerveillé de la puissance de l’amour miséricordieux du Père
manifesté dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, et dans l’envoi de l’Esprit Saint qui renouvelle
toute chose.
5. Ce ministère épiscopal m’amène aussi à désirer adresser à tous les habitants des Côtes d’Armor des
paroles d’espérance sur l’homme et ses déchirures, sur le mal et le péché, sur le pardon offert par le Christ
et que l’Église a reçu comme un trésor à partager à tous parce que tous en ont besoin. J’aimerais pouvoir
parler à chacun de cette Bonne Nouvelle de la réconciliation. J’en connais les difficultés. Elles sont
multiples. Elles ne doivent pas empêcher l’Église de parler de la réconciliation mais au contraire inviter les
croyants de manière pressante à en vivre. Cette réconciliation est une Bonne Nouvelle que beaucoup
d’hommes, de femmes, d’enfants attendent et à laquelle ils ont droit. Les formes dans lesquelles l’Église a
annoncé et offert à tous la réconciliation, la ‘confession’, demandent à être revisitées, renouvelées.
6. Hier, dans les mots et les gestes de Jésus, la miséricorde de Dieu a surpris le monde. J’aimerais que les
mots et les gestes de notre Église diocésaine et de ses membres, leur audace à les proposer aujourd’hui de
manières diversifiées et renouvelées, étonnent et surprennent les hommes de ce temps.
7. Par cette lettre, je propose à tous de réfléchir tout d’abord sur l’immense besoin que nous avons tous, - le
monde, l’Église et chacun de nous - d’entrer dans ce grand mouvement de la réconciliation et d’accueillir
le pardon que Dieu nous offre. Dans une seconde partie, j’aborderai les moyens variés mis à notre
disposition par notre Église pour se réconcilier, accueillir en vérité le pardon des frères et recevoir le
sacrement de la Pénitence-Réconciliation.
« Il a plu à Dieu …de tout réconcilier… » (Colossiens 1,19-20)
Qui est Dieu à qui il a plu de tout réconcilier ?
8. Progressivement, le peuple de la Bible a découvert le visage de son Dieu. Il est passé peu à peu de cette
conception d’un Dieu qui châtie « Je vais les punir pour leurs fautes et les châtier pour leurs crimes » (Osée
9,9) à un Dieu conscient des fautes de son peuple « Mon peuple est malade de son infidélité » (Osée 11,7)
et à un Dieu désireux de leur offrir son pardon « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’inscrirai sur
leur cœur… parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché ». (Jérémie
31,33s.) – « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau… » (Ezéchiel 36,26)
– « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne se
perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde,
mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jean 3,16-17) – « l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du
monde » (Jean 1,29) – « « Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude, et par lui à réconcilier tous
les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix » »
(Colossiens 1,19-20).
Le monde a besoin de la réconciliation
Quel est ce monde qui a besoin de la réconciliation ?
9. Selon la Bible, c’est l’humanité et le lieu où vivent les humains. L’humanité avec ses limites, ses
pesanteurs et ses faiblesses, ses souffrances et ses divisions, ses oppositions et ses guerres qui la déchirent
mais aussi ses joies et ses espoirs, les efforts et les engagements de beaucoup pour sauver ou rétablir la
paix. L’homme dans son corps, qui le relie au monde matériel, organiquement, et qui implique une
véritable solidarité de destin, comme nous le dit le livre de la Genèse montrant Adam tiré de la terre
(Genèse 2,7) et le monde remis à l’homme pour qu’il l’habite (Genèse 1,28).
10. Ce monde-là se manifeste aussi par ses refus aux appels adressés par Dieu, d’une façon ou d’une autre,
à aller vers plus d’humanité. Il se met lui-même dans une sorte de servitude, d’esclavage comparable à
celui du peuple hébreu, autrefois captif en Egypte.
11.De ce peuple, Dieu avait dit en Exode 3 : « J’ai vu la misère de mon peuple ; j’ai entendu ses cris ; je
connais son angoisse ; je suis descendu pour le délivrer. » (Exode 3,7).
De ce monde, au chapitre 3 de l’évangile de saint Jean, il est dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a
donné son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle ».
De ce monde, il est dit dans l’épître aux Colossiens : « Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son
accomplissement total. Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux, en faisant
la paix par le sang de sa croix. » (Colossiens 1,19-20).
De ce monde, les évêques rassemblés au Concile Vatican II, en ont parlé dans la Constitution pastorale sur
“L’Église dans le monde de ce temps - Gaudium et Spes” « Le monde qu’il (le concile) a ainsi en vue est
celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où
se joue l’histoire du genre humain, le monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires.
Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur ; il est tombé,
certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du
Malin et l’a libéré pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son
accomplissement ». (Gaudium et Spes § 2,2).
De quelle réconciliation le monde a-t-il besoin ?
12. Parler de l’initiative de Dieu qui se réconcilie le monde, cela ne veut pas dire que le péché n’existe pas,
ou qu’on n’en tient pas compte, ou qu’on le considère comme négligeable. Cela veut dire que l’homme,
par le Christ, n’est plus prisonnier de son refus, qu’il peut redresser la tête, grandir et progresser en
humanité, devenir plus homme, homme « à l’image de Dieu » dont le Christ est l’image parfaite. Cela veut
dire que les relations entre les humains et leurs relations avec Dieu sont possibles, et cela parce que Dieu
guérit, parce que Dieu pardonne effectivement. « Le pardon crée une nouveauté de relations qui ouvre une
autre histoire » (Christian Duquoc).
13. Le Père Bernard Sesboüé a écrit : « La réconciliation est un autre nom du salut ». En effet elle est
guérison et proposition de vie nouvelle. Guérison et proposition de vie nouvelle qui regardent l’homme
dans son intégralité, dans son corps et dans son âme, comme le signifie la guérison du paralysé dans
l’évangile de saint Matthieu (Matthieu 9,1-8) et comme le souligne saint Paul dans sa lettre aux Romains
(Romains 6,12). Guérison et proposition de vie nouvelle qui regardent aussi le monde matériel,
mystérieusement mais réellement associé au destin de l’homme comme nous le rappelle encore saint Paul
« La création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement » (Romains 8,22).
Guérison et vie nouvelle dont le Maître d’œuvre est l’Esprit créateur, libérateur et vivificateur (Romains
8,11).
L’Église elle-même a besoin de la réconciliation
14. D’abord parce qu’elle est faite d’hommes, d’êtres humains, et qu’à ce titre elle appartient au monde
dont il vient d’être question : Église dans le monde de ce temps, Sainte Église de pécheurs !
Ensuite, parce qu’elle est envoyée en mission pour être dans ce monde, prophétiquement, témoin du Salut
et d’un Salut qui est réconciliation.
« Nous sommes en ambassade », dit saint Paul à ses communautés en évoquant le travail des ministres.
Mais ces communautés elles-mêmes, pourrait-on dire, sont en ambassade et s’adressent au monde en disant
: « C’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et, par nous, c’est Dieu lui-même qui vous
adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu ». (2
Corinthiens 5,20).
15. Telle est la mission de l’Église, telle est l’annonce dont elle est chargée, la Bonne Nouvelle qu’elle doit
proclamer. Elle ne peut se soustraire à sa mission. Cette Bonne Nouvelle, elle doit la dire dans et pour le
monde de ce temps avec des mots actualisés et sous des formes renouvelées. La “Lettre aux catholiques de
France” adoptée par l’Assemblée plénière des évêques de France en 1996, s’efforce d’en donner une
expression sous le titre « Proposer la foi dans la société actuelle ».
16. Mais l’Église n’est pas crédible si elle ne vit pas, si elle ne pratique pas ce qu’elle annonce. « Nous ne
serons crédibles aux yeux des autres que si nous avons appris ou réappris nous-mêmes en quel Dieu nous
croyons et ce qu’il fait pour nous » [1].
17. Cela veut dire qu’au sein de l’Église doivent se vivre la charité et le pardon. « Je vous ai lavé les pieds,
moi le Seigneur et le Maître : vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » (Jean 13,14).
« Où sont amour et charité, Dieu est présent ».
Chaque chrétien a besoin de la réconciliation
18. Chaque chrétien, faisant partie de l’Église, membre du Corps du Christ, est directement concerné par
l’appel qu’il doit à son tour transmettre : « Laissez-vous réconcilier ». Les pasteurs reprennent à leur
compte les termes mêmes de saint Paul, avec les mêmes accents d’urgence : « Nous vous en supplions :
laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5,20). Ce “laissez-vous réconcilier” ne doit pas
s’entendre comme si le pardon reçu n’appelait rien en retour. Dieu fait le premier pas, le Père va au devant
du fils prodigue, mais ce premier pas suscite une réponse. « Va, et désormais ne pèche plus » (Jean 8,11)
dit Jésus à la femme adultère. « Vous avez été pardonnés : pardonnez à votre tour » (Ephésiens 4,32). A la
parole qui fait vivre, il faut que je réponde par ma vie.
19. Pour vivre la réconciliation, le chrétien a besoin du sacrement de la Réconciliation. Il a besoin de
l’Église-Mère pour se situer en vérité devant Dieu, demeurer dans une attitude faite de confiance et
d’espérance et non pas de crainte, de remords ou de ressentiment. A l’expression de ‘tribunal de la
pénitence’ utilisée jadis, on préfère habituellement celle de ‘sacrement de la Réconciliation’, signe efficace
d’un retour, d’une conversion, d’une réorientation de la vie, d’une remise dans l’axe du baptême, d’une
redécouverte de la vie en fils du Père, en frère du Christ et en frère des hommes.
20. La réconciliation implique et provoque un renouveau, une redécouverte du péché. Elle invite à dépasser
le sentiment de culpabilité qui nous replie sur nous-mêmes. Elle nous demande de ne pas nous limiter à la
faute ; ce serait nous laisser en chemin, nous centrer sur l’aspect légaliste, le manquement à la loi. Il faut
aller plus loin : comprendre la relation personnelle avec un Dieu personnel toujours plus grand que notre
cœur [2]. La démarche sacramentelle nous y conduit ; elle nous place dans une vraie attitude de
conversion. “Sacrement pour l’espérance”, selon l’heureuse formule de Pierre Tripier [3], le sacrement de
la Réconciliation ne dispense pas, bien entendu, de la réconciliation en acte, mais au contraire la suscite.
Les chemins de la réconciliation
21. Si l’Église invite à la Réconciliation, elle ne se contente pas d’appeler. Elle offre, au monde et à
chacun, des chemins de la réconciliation et des moyens de se réconcilier. Ces moyens se présentent sous
des formes un peu oubliées, mais non moins traditionnelles. Je vous invite à les redécouvrir. Ils pourront
vous conduire jusqu’aux formes variées de la Pénitence-Réconciliation sacramentelle que nous proposent
les orientations pastorales du rituel de ce sacrement. Je vous invite à les recevoir et à les approfondir parce
que Dieu nous les offre.
La place de la Parole de Dieu
22. Avant même d’évoquer plus en détail les moyens offerts par l’Église, il convient de rappeler
l’importance et la nécessité de donner à la Parole de Dieu, proclamée au cœur de la vie des personnes, la
place centrale qui lui revient. Présence réelle du Christ à son Église [4], la Parole de Dieu situe la
démarche de Réconciliation dans un climat de confiance au Dieu de toute miséricorde : « Dieu est plus
grand que notre cœur » (1ère lettre de Jean 3,20). Elle manifeste que le Christ, venu annoncer aux captifs la
libération, continue son œuvre. C’est une Parole prophétique qui rend lucide, révèle le péché et permet la
conversion. C’est une Parole de méditation qui situe le péché dans l’Alliance, à partir de ce que Dieu veut
pour nous, et non pas de ce que nous voudrions être. C’est une Parole qui rappelle à tous ceux qui
l’entendent que chacun est appelé à se réconcilier. La Parole annoncée au monde, proclamée dans la
liturgie, méditée personnellement, en équipe, dans des groupes variés, les quartiers, les écoles, etc. suscite
toujours l’attitude spirituelle qui convient à toute démarche de réconciliation : faire sortir chacun de luimême. Ainsi l’amour de Dieu aide à prendre conscience du péché, contrairement à l’introspection qui
réduit la vie chrétienne à une dimension purement morale, le péché n’étant plus alors que la blessure d’un
idéal.
23. La Parole de Dieu sera donc antérieure à la démarche de réconciliation, comme un appel à la
conversion ; elle accompagnera aussi toute démarche sacramentelle. On veillera particulièrement au bon
usage de la Parole de Dieu : elle n’est pas une aide à trouver les péchés, à vérifier une liste quelconque,
mais avant tout l’annonce de la Bonne Nouvelle de la miséricorde et la dénonciation du péché que révèle
l’amour de Dieu pour nous.
Des démarches trop oubliées
24. Pour répondre à cette sollicitude de Dieu et lui donner le signe de notre conversion, nous disposons de
nombreuses démarches.
25. Certaines sont plutôt intérieures, par exemple « communier par sa patience aux souffrances du Christ ».
(1 Pierre 4,13) « Pratiquer l’aumône, la prière et le jeûne ». (Matthieu 6, 1-18) « Endurer la persécution à
cause de la justice » [5] ou encore la révision de vie et la direction spirituelle.
26. D’autres démarches se traduisent extérieurement : accomplissement des œuvres de miséricorde et de
charité, pardon mutuel, partage et entraide, accompagnement des malades, des personnes en fin de vie, des
prisonniers, lutte pour la justice, engagement apostolique, participation à l’Eucharistie célébrée pour le
pardon des péchés. Cette énumération montre que Dieu invite sans cesse à des démarches de réconciliation
et que le sacrement lui-même est étroitement lié à nos gestes et attitudes évangéliques. Et l’on n’oubliera
pas les pèlerinages et les pardons comme autant d’occasions privilégiées de vivre la Réconciliation [6].
Grâce à ces démarches individuelles se renouvelle déjà le visage de l’Église et du monde.
La célébration liturgique du sacrement
27. Ces démarches précédentes sont comme des portes d’accès à la célébration liturgique du sacrement de
pénitence et de réconciliation. Il faut en mesurer l’importance et la signification.
28. Don de Dieu, la Réconciliation se fait en Église, selon un rite : Dieu se sert des éléments du rite tels
que la rencontre, la Parole proclamée, le dialogue personnel, les signes posés, pour rendre visible sa grâce.
Accueil d’un don offert par Dieu avant même qu’on le lui demande et sans attendre qu’on l’ait mérité, la
Réconciliation conduit à l’action de grâce en communauté. Ceux qui célèbrent le sacrement sont soutenus,
encouragés par la présence des autres chrétiens et par le caractère public de leur geste de foi. Ils sont
appelés à faire des passages qui sont autant de conversions.
29. Pour déployer toute la richesse du sacrement, le rituel propose deux formes sacramentelles
développées en quatre temps [7] :
s’accueillir mutuellement, comme le Christ a accueilli les pécheurs.
écouter la Parole de Dieu qui annonce la réconciliation en même temps qu’elle invite à la conversion,
à la pénitence.
‘confesser’ l’amour de Dieu en même temps que notre péché.
accueillir le pardon de Dieu pour en être les témoins.
30. Et ces deux formes sont :
la réconciliation d’un pénitent que l’on appelle aussi confession individuelle.
la réconciliation de plusieurs pénitents au cours d’une célébration communautaire.
31. Cette dernière forme peut se décliner sous plusieurs modalités :
avec confession et absolution individuelles au cours de la célébration ;
avec confession et absolution collective (dans les cas prévus par le Droit et soumis à l’approbation de
l’évêque) ; (cf. Notes doctrinales et pastorales du Rituel n° 43 à 50 - 1978)
sans absolution. Il s’agit alors d’une célébration pénitentielle non sacramentelle qui peut constituer
la première étape d’une mise en chemin vers le sacrement, sachant qu’il faut du temps pour
parcourir les étapes vers la lumière. Cette dernière forme permet de prendre en compte celles et
ceux, par exemple les divorcés-remariés, qui ne peuvent recevoir le sacrement, mais qui désirent en
vivre la démarche.
La dimension de conversion essentielle à la vie chrétienne
32. Le sacrement de Pénitence et de Réconciliation n’est pas le seul sacrement à porter la dimension
de conversion, essentielle à la vie chrétienne. Quand nous rencontrons le Christ dans l’un ou l’autre
sacrement, nous sommes recréés. Tous les sacrements nous rendent participants de la Pâque du
Christ, chacun mettant l’accent sur un aspect particulier. Ainsi le Baptême manifeste la conversion
et le pardon, et le sacrement de Réconciliation est considéré à juste titre comme le rappel du
Baptême. Quant à l’Eucharistie, elle est une invitation permanente à la conversion pour que le don
de Dieu porte ses fruits en nous. Et l’Église a toujours affirmé que « l’Eucharistie, elle-même, était
sacrement du pardon et de la réconciliation en Jésus Christ » [8].
33. Je vous invite donc, pour une pastorale ajustée, à mettre en place, dans toutes les paroisses, une
pédagogie de l’apprentissage de la Réconciliation. Cette pédagogie d’apprentissage concernera
toutes les générations. Elle s’inscrira dans le cadre de la catéchèse et de sa réforme entreprise, avec
une attention particulière aux parents des enfants catéchisés. Les propositions qui suivent visent,
dans leur progression, à conduire chacun vers le sacrement, en tenant compte des situations
personnelles variées. Il ne s’agit pas de les mettre toutes en œuvre, mais de choisir, en équipe
d’animation paroissiale ou pastorale (E.A.P), celles qui conviendraient le mieux à la situation
pastorale de chaque paroisse :
34. en pensant la Réconciliation comme un chemin de conversion où, dans la liberté, chacun peut
aller à son rythme et trouver des portes d’entrée qui correspondent à sa situation personnelle [9] ;
en rappelant les formes multiples et traditionnelles de réconciliation que j’évoquais ci-dessus ;
35. en organisant des ‘journées du pardon’, ‘journée d’écoute et de réconciliation’, avec une
invitation largement lancée à tous les hommes et femmes de bonne volonté ;
en redonnant aux célébrations des Pardons dans nos villes et villages leur dimension traditionnelle
de réconciliation ;
en associant toute la communauté à la célébration des scrutins là où des catéchumènes se préparent
aux trois sacrements de l’initiation chrétienne.
en proposant des pèlerinages comme autant de mises en chemin et de possibilités offertes de se
réconcilier avec soi-même et avec les autres ;
en encourageant des temps de retraites, de récollections, de réflexion à partir de documents et de
témoignages ainsi que des engagements multiples dans la société civile, vos lieux de travail, vos
familles ;
36. en proposant au moins une fois par an dans les paroisses toutes les formes offertes par le rituel
[10] ;
en rappelant l’importance de la parole personnelle dans l’aveu : “en nommant le péché l’aveu le fait
exister”. On trouvera alors des modalités pratiques, lors de célébrations communautaires, pour que
le temps de l’aveu ait bien sa place sans devenir le tout du sacrement ;
en proposant aux chrétiens un engagement concret au service de la charité, pour manifester la
dimension missionnaire du sacrement reçu et souligner qu’il se prolonge dans la lutte pour un monde
plus juste et plus fraternel ;
en prévoyant, dans chaque paroisse, des lieux aménagés qui permettent les mises en œuvre variées
du sacrement, telles que nous les propose le rituel, et qui mettent en relation la Réconciliation avec le
Baptême et l’Eucharistie ;
en articulant entre eux les trois sacrements de la Réconciliation, du Baptême et de l’Eucharistie,
particulièrement à l’occasion des journées du pardon, des Pèlerinages et des Pardons. Ainsi, on
veillera à proposer qu’un geste baptismal, comme celui d’aller se signer au baptistère, soit effectué
après la réception de l’absolution et que l’Eucharistie soit célébrée, en fin de journée de pèlerinage
ou le dimanche suivant, en action de grâce pour le pardon donné et reçu ;
en appelant des chrétiens de vos communautés à se former au ministère de l’écoute, non pour
remplacer les prêtres, mais pour signifier que c’est l’Église tout entière qui porte le souci de la
réconciliation.
De l’audace pour inviter à la démarche de réconciliation
37. Dans cette pastorale de la réconciliation et ses propositions sacramentelles, sans doute nous
faudra-t-il de l’audace pour inviter le monde, mais d’abord les chrétiens, à retrouver le chemin de la
pénitence et de la réconciliation.
38. La diminution du nombre des prêtres et la complexité de leur ministère nous invitent aussi à
penser des pratiques nouvelles du sacrement de réconciliation. C’est pourquoi, j’invite les prêtres
responsables de zones, avec leurs confrères prêtres, les religieux et religieuses, les E. A. P. à réfléchir
à la mise en place, dans chaque zone, de lieux repérés et aménagés où le sacrement de pénitence et de
réconciliation serait régulièrement proposé sous des formes variées.
39. Mais j’invite aussi des laïcs à se former à l’écoute et au discernement. Ils pourraient accueillir et
orienter tous ceux qui, blessés, marqués par leur culpabilité dans leur relation à Dieu et aux autres,
attendent de l’Église le secours de l’amour d’un Dieu qui aime pardonner.
40. Depuis deux ans, nous avons réalisé de grands pas sur ce chemin de la réconciliation. Il nous faut
progresser encore.
41. Cette progression nécessite, de notre part à tous, des efforts coordonnés pour mettre en place tout
le dispositif pastoral nécessaire pour bien accueillir les innombrables moyens, riches et variés, que
l’Église met à notre disposition pour vivre la réconciliation et recevoir le sacrement du pardon.
42. Mais cette progression nécessite surtout que nous soyons toujours et de plus en plus enracinés
dans le Christ Jésus. L’Apôtre encourageait les Ephésiens en leur écrivant : « Fortifiez-vous dans le
Seigneur. » (Ephésiens 6,10). Cette vie dans le Christ grandira et s’épanouira si nous laissons sa
Parole devenir notre nourriture quotidienne, si nous ravivons sans cesse notre foi par la prière
personnelle, communautaire et liturgique et si nous nous ressourçons dans les sacrements, tout
particulièrement l’Eucharistie et la Réconciliation.
43. Ainsi, conduits par l’Esprit Saint toujours présent dans nos vies de baptisés-confirmés, laissonsnous renouveler intérieurement comme nous appelaient les Pères du Concile Vatican II. Nous
deviendrons alors capables d’entendre les appels du Christ : « Avance en eau profonde – Va au large.
» (Luc 5,4)
44. Conduits par l’Esprit Saint, nous marcherons à la suite du Christ comme ont su le faire les
grands évangélisateurs de notre diocèse, de saint Brieuc et saint Tugdual aux grands témoins du
Christ qui sont aujourd’hui parmi nous en passant par saint Guillaume, saint Yves, le bienheureux
Maunoir et tant d’autres.
45. Conduits par l’Esprit Saint, nous serons vraiment rendus capables de proposer la foi au Christ,
de faire avancer les hommes d’aujourd’hui sur les chemins de l’Evangile et de faire grandir notre
monde dans la justice, la paix et le véritable amour qui ne peut exister sans pardon.
46. Oui, au nom du Seigneur Jésus, je vous le demande : tous, jeunes et adultes, enfants et grands
anciens, laissez-vous réconcilier par et dans le Christ.
Donnée aux fidèles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier
et à tous les habitants des Côtes d’Armor
le 21 septembre 2007, en la fête de Saint Matthieu, apôtre et évangéliste.
+ Lucien Fruchaud
Évêque de Saint-Brieuc et Tréguier.
[1] Lettre aux catholiques de France – éditions du Cerf p. 52.
[2] 1 Jn 3,20
[3] La réconciliation, un sacrement pour l’espérance, Editions Centurion, coll. Croire et comprendre, 1976.
[4] Cf Concile Vatican II Sacrosanctum Concilium n° 7
[5] Catéchisme de l’Église Catholique n° 1435.
[6] Pour plus de renseignements, on se réfèrera au Rituel notes doctrinales et pastorales n° 8 et dans notre
revue diocésaine Église en Côtes d’Armor, hors série n°1 de février 2006, pages 12 à 15.
[7] Rituel de la pénitence n°16
[8] Rituel de la Pénitence n° 2 et 11 (cf. Catéchisme de l’Église Universelle n° 1436).
[9] cf. Église en Côtes d’Armor, hors série n° 1, février 2006, pages 22 à 26
[10] cf. Église en Côtes d’Armor. Hors Série n° 1 février 2006 - pages 20 à 21.
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