Groupe œcuménique du 13ème arrondissement Prière de la semaine de l’Unité : Mercredi 24 Janvier 2007, 20h Paroisse Luthérienne Saint-Marcel, 24 rue Pierre-Nicole, 75005- Paris. (Métro : Saint-Jacques, ou RER : Port-Royal, ou bus : 83, 91, 38) « Il fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7,37) Compte-rendu de la réunion du Vendredi 24 Novembre 2006 Accompagner la vie, accompagner la mort : Quel regard portent sur le malade et son évolution les soignants et les aumôniers d’hôpitaux ? 1. Témoignage du Père Éric Venot-Eiffel, ancien aumônier en milieu hospitalier et actuellement, chapelain de Notre-Dame de la Sagesse Après une première expérience à l'hôpital Bichat, le Père Venot-Eiffel a été pendant quatre ans aumônier de la clinique Jeanne Garnier, la plus grande maison médicale en France, spécialisée dans les soins palliatifs (15ème arrondissement). Cette institution est tenue par les dames du Calvaire dont la spiritualité s’appuie sur l'exemple de Marie debout, souffrant au pied du Calvaire (Stabat Mater). L’accompagnement de patients en fin de vie dépasse les particularités confessionnelles : l’appartenance du malade à une église différente de celle de l’accompagnateur n’est pas un problème. Face à des besoins anthropologiques fondamentaux, seule la qualité de l’accompagnement est importante. Une question doit toujours être présente à l'esprit : quel est le besoin spirituel fondamental de l'être humain en fin de vie ? Il semble important de distinguer entre « besoin spirituel » et « besoin religieux » : quelqu’un qui ne croit pas peut avoir des besoins spirituels, aussi bien que celui qui croit. Mais un croyant peut aussi avoir un besoin religieux et demander un sacrement ou un rite religieux. Le besoin spirituel qui apparaît le plus clairement est le besoin de réconciliation et de paix: réconciliation avec l'entourage proche ou moins proche, réconciliation avec soi-même, réconciliation avec sa vie. Faire le bilan de sa vie semble une nécessité pour chacun, avec souvent, l'impression d'avoir raté sa vie. Il y a des mots qui reviennent souvent dans les entretiens : « ma vie est manquée », « j'ai fait le mauvais choix », « j'ai raté le tournant », « maintenant il est trop tard ». Il est alors extrêmement important de faire valoir à chacun que leur vie n'a pas été manquée, qu’il y a eu des choses belles et positives. Chacun a été père ou mère, grand -parent, époux ou épouse, chacun a eu une activité professionnelle ou familiale. La relecture d’une vie modifie radicalement le paysage intérieur perçu par le malade, qui, après un tel bilan, peut être plus heureux. Ce qui est très important : le besoin de raconter les moments épiques de sa vie, le besoin de se redire qu'on a vaincu des obstacles et qu'on a franchi des étapes, le besoin de se rassurer sur la valeur de sa vie. Il peut s’agir d’une tâche difficile : le sacrement de réconciliation peut aider le croyant. Le besoin de réconciliation du croyant est parfois plus complexe et nécessite qu'on lui consacre plus de temps. D'ailleurs, d'une manière générale, le problème du manque de temps est une épreuve pour celui qui accompagne un malade en fin de vie. Le temps manque parce que la maladie progresse, parce que la morphine réduit peu à peu les « plages de conscience claire ». Ce manque de temps avec le malade peut être compensé, quelquefois, par un temps partagé avec la famille. Il est certain que la blessure profonde que constitue l'impression de n'avoir pas réussi sa vie empêche, en quelque sorte, de mourir en paix, de s’abandonner à la mort. Et il m’arrive de dire à des croyants d’accepter de « lâcher prise » pour partir. Je me souviens d'avoir dit en certaines circonstances : « Dieu vous attend, il faut mourir ». J'ai rencontré des prêtres et des religieuses qui ne voulaient pas lâcher prise. Sur ce plan, pas de différence entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Pour les croyants, se pose la question : « la foi correspond-elle à une réalité ? », « me suis-je trompé ? », « y a-t-il une vie après la mort ? ». Et, circonstance aggravante, ces doutes sont vécus avec un très fort sentiment de culpabilité. Le rôle de l’aumônier est alors de déculpabiliser. A l’hôpital Bichat, le prêtre catholique et le pasteur (le pasteur baptiste Stewart) travaillaient main dans la main. Le prêtre n’intervenait spécifiquement que lorsqu’il y avait demande de sacrement. Mais pour les visites et l’accompagnement, ce pouvait être indifféremment le prêtre ou le pasteur. A Jeanne Garnier, une dizaine de personnes assurent l’accompagnement, dont une étudiante en théologie orthodoxe. 2. Témoignage du Pasteur Christine Leis-Durand : pasteur de l’Eglise Réformée à la Paroisse d’Aubervilliers. Après dix années d’aumônerie en milieu hospitalier (Diaconesses de Reuilly, la Salpêtrière, Bicêtre) et dix années en maison de retraite. Le texte intégral de l’intervention de Christine Leis-Durand est envoyé en fichier associé avec ce document ou bien sera remis en main propre à la prière de la Semaine de l’Unité ou à une prochaine réunion. 3. Débat Que peut-on dire sur la rédemption par la souffrance ? Une question qui revient souvent : qu'ai-je fait pour mériter cela ? Certains se raccrochent au sens de leur maladie et refusent d’entrer dans la zone du non-sens, de l’absurde, du hasard : Dieu impuissant ? Pour eux, cette maladie est voulue par Dieu, car il y a rédemption par la souffrance. La peur d’être livré à l’absurde est plus forte que l’idée d’un Dieu père fouettard. D’autres acceptent le non-sens de la maladie et vont donner un sens à ce qu'il leur reste de vie. Accepter d’être démuni devant les événements qui nous arrivent et qui n’ont pas de sens : rebondir... L’accompagnateur aide la personne au coup par coup : qu’est-ce que la personne est capable d’écouter et d’exprimer ? L’Esprit souffle dans les hôpitaux Dieu ne provoque pas la maladie, mais Dieu est là au chevet du mourant. Importance des médiations : Dieu répond à travers la gentillesse d’une infirmière, la compassion des accompagnateurs. L’Esprit souffle dans les hôpitaux. La mission de l’accompagnateur est de discerner ce que l’Esprit révèle au patient dans la maladie. L’accompagnateur est là pour témoigner, attester, confirmer ce que l’Esprit révèle. Pour laisser parler l’Esprit, nous devons retenir notre parole. C’est un « ministère de confirmation ». Souvent, conscience de la présence de l’Esprit. Mais reconnaître que l’on peut se tromper : c’est aussi cela, la vie spirituelle. Pouvons-nous nous préparer à la mort ? Pour passer de la vie à la mort, il faut savoir lâcher prise. Pour se préparer à mourir bien, déjà, apprendre à lâcher prise dans certaines circonstances de la vie, accepter nos échecs. Leçon d’humilité que d’accepter le rétrécissement de l’espace dans lequel nous évoluons : cf. la chanson de Jacques Brel, « les Vieux ». Risque de voler la mort du patient ? Ce risque est réel. On meurt souvent sous le traitement par la morphine. Pas le temps, la conscience, la lucidité pour une guérison spirituelle qui aiderait à accepter la mort. Le concept de Rédemption est une métaphore pour dire la présence de Dieu dans cet espace particulier qu'est la mort. Dieu est plus proche que l’on ne pense. Bernanos : « Tout est grâce ». Recommandation par le Père Toni Drascek de l'ouvrage de Bertrand Vergely : « Le silence de Dieu en face des malheurs du monde » (Editions de la Renaissance), et de celui de Sylvie Germain : « L'écho du silence ». Recommandation par le Pasteur Christine Leis-Durand de l’ouvrage d’Elisabeth Kübler-Ross : Les derniers instants de la vie.