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III- Jean Eudes et la réconciliation
Marie-Françoise Le Brizault
Angers, 06–06
A- Textes
1- Textes de base sur la réconciliation réalisée en Christ
« C’est par lui (Dieu) que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour
nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et délivrance, afin, comme
dit l’Ecriture, que celui qui s’enorgueillit, s’enorgueillisse dans le Seigneur ».
1Co 1, 30
« L’amour du Christ nous presse, à cette pensée qu’un seul est mort pour tous,
et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne
vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour
eux. ….
Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est
passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a
réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la
réconciliation.
Car de toutes façons, c’était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec luimême, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous
la parole de réconciliation.
C’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et, par nous, c’est
Dieu lui-même qui en fait vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous
en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n’avait pas connu le péché, il l’a, pour nous, identifié au péché, afin
que, par lui, nous devenions justice de Dieu. »
2Co 5, 14-21
Ces deux textes sont extraits des deux lettres aux Corinthiens, communauté chère au
cœur de Paul, dans laquelle il y avait des divisions, et où la réconciliation apparaissait
comme une nécessité. C’est dans cette situation que se manifeste la Sagesse de
Dieu, sa justice, sa délivrance : le fondement de la réconciliation, c’est
l’expression même de la volonté de Dieu et la réalisation de la vie du Christ en nous,
pas un vague sentiment de regret ou la nécessité de vivre en paix.
1er texte :
Dans ce premier texte, Paul nous donne une présentation synthétique de Jésus et de
sa mission de salut, à travers quatre expressions significatives :
/ Sagesse créatrice = la rédemption par Jésus est présentée comme une nouvelle
création,
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/ Justice
/ Sanctification
/ Délivrance
= Jésus nous a obtenu la possibilité de nous tenir
devant Dieu, comme des justes,
= Jésus nous refait à l’image de Dieu, nous rend saints comme
Dieu est saint,
= Jésus est le nouveau Moïse qui réalise notre libération
définitive.
Par conséquent, si nous reprenons ce texte dans la perspective de la réconciliation,
nous pouvons affirmer deux vérités complémentaires :
La réconciliation prend sa source en Dieu
et elle est une réelle transformation de la personne.
2ème texte :
Paul synthétise le ministère apostolique :
Ayant reconnu l’action du Christ qui réconcilie les hommes avec Dieu,
c’est cette Bonne Nouvelle qu’il va annoncer.
La réconciliation fondamentale, c’est celle qui se vit au baptême. Elle est opérée par
Dieu lui-même, et toutes les réconciliations quotidiennes sont en lien avec cette
réconciliation première. Le ministère apostolique exercé par Paul vise à rendre
pleinement vivante, à maintenir et à consolider la réconciliation réalisée par Dieu
dans le Christ.
Pour chacun de nous, c’est le baptême qui nous engage dans une « qualité » de
réconciliés pour toute la vie. Il y a urgence d’abandonner les comportements anciens,
puisque Dieu a fait une nouvelle création, et qu’il nous donne la force de vivre
désormais une vie nouvelle.
Noter la place de la vertu d’humilité : tout vient de Dieu !
Autant Paul est convaincu que la réconciliation vient de Dieu, autant il est persuadé,
avec la même force, que Dieu lui a confié le ministère de la réconciliation, a fait de
lui son ambassadeur, pour le monde entier : Dieu utilise la parole de ses envoyés
comme sa propre parole. Nous retrouvons cette même conviction chez Jean Eudes,
par exemple lorsqu’il parle devant la Reine-Mère, qu’il exhortait à accueillir ses
paroles, « … non comme de la part d’un homme, mais de la part de Dieu …(car) au
lieu où j’étais, je faisais l’office d’ambassadeur de Jésus-Christ … ». (Lect. Nº 37 ;
lettre de 1661)
Ces deux textes visent aussi la réconciliation universelle apportée par le Christ, qui
trouve son application concrète, dans le contexte de Corinthe, au cours d’un conflit
violent entre frères, où des groupes rivaux s’opposent.
D’autre part, dans le 2ème texte, on retrouve l’expression « devenir justice de Dieu ».
et c’est parce que Jésus « a été fait péché pour nous », que notre justification a été
rendue possible. Jean Eudes était très frappé par l’anéantissement de Jésus, tel qu’il
est décrit par Paul :
« La Sagesse incréée est traitée, par les soldats et par Hérode, comme un faquin … ô
étrange et épouvantable avilissement ! Il a été fait péché par la puissance et la
justice de Dieu …. » (OC I, 226)
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« Notre Seigneur a été traité par son Père éternel comme le dernier de
tous les hommes : Car il l’a regardé comme tenant la place de tous les
pécheurs, et l’a traité en cette qualité ; voire il l’a traité en quelque manière comme
le péché même : il l’a fait péché pour nous. » (OC II, 212)
Jean Eudes combine les deux textes ensemble, dans un bref verset utilisé tous
les jours par la Congrégation de Jésus et Marie, à un moment de « relecture » de
vie, au milieu de la journée, au terme d’une contemplation de Jésus dans une de ses
vertus ou l’un de ses mystères :
Le Christ Jésus s’est fait, de par Dieu, notre salut, notre justice et notre
sanctification.
Il est mort pour nous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais
pour lui, qui est mort et ressuscité pour eux.
Nous voulons, Seigneur Jésus, que tu règnes sur nous.
(Exercice du milieu du jour)
2-Textes utilisés pour la réconciliation fraternelle
Mt 5, 23-24
« Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton
frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord
te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande »
Les citations de Jean Eudes où se trouve Mt 5 sont toutes consacrées à la charité
envers le prochain, et en particulier au pardon, ne pas rendre le mal pour le mal,
aimer ses ennemis. On est dans des situations concrètes, au cœur de relations
brisées par le péché. On reconnaît l’appel à continuer la vie de Jésus, à revêtir les
mœurs et les vertus de Jésus, lui qui s’est fait péché pour nous.
Dans Matthieu, Jésus présente sa charte, ce qu’il demande à ses disciples de mettre
en oeuvre : « On vous a dit ; moi je vous dis… »
En lien avec le commandement sur l’homicide, il nous faut aller jusqu’au respect de
l’autre, au plus concret de la vie. Mais cette exigence est aussi en lien avec toute une
tradition de l’Ancien Testament : chercher à mettre en accord la vie de foi et l’amour
du prochain. Cf Amos, Jérémie, Ps 50.
On se rend compte alors que la réconciliation avec l’autre n’est pas quelque chose
d’accessoire…. Il faut remarquer la force du « Laisse là ton offrande, devant l’autel »,
dans une culture et dans une foi où l’offrande est le moyen privilégié de la relation
avec Dieu.
En fait, Jésus nous dit qu’il ne peut y avoir de relation vraie avec Dieu luimême s’il n’y a pas de réconciliation fraternelle.
VR OC I / 263 (pratique de la charité chrétienne)
« Si on vous a offensé, ou si vous avez offensé quelqu’un, n’attendez pas qu’on
vous vienne rechercher, mais souvenez-vous que notre Seigneur a dit : Si tu
apportes ton oblation à l’autel, et là il te souvient que ton frère a quelque chose
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à l’encontre de toi, laisse là ton oblation, et t’en va premièrement
te réconcilier avec ton frère.
Et pour obéir à ces paroles du Sauveur, comme aussi en l’honneur de ce qu’il
est le premier à nous rechercher, lui qui ne nous fait que toutes sortes de
faveurs, et qui ne reçoit de nous que toutes sortes d’offenses : allez
rechercher celui que vous avez offensé, ou qui vous a offensé, pour
vous réconcilier avec lui, vous disposant à lui parler avec toute sorte de
douceur, de paix et d’humilité. »
Dans les Statuts et constitutions de la Congrégation de Jésus et Marie, il est question
de la ‘charité envers les externes’. Jean Eudes envisage le cas de ceux de l’extérieur
« qui ne se montreront pas affectionnés à la Congrégation » (il savait de quoi il
parlait !).
« On se gardera bien de témoigner, par parole ou par effet, aucun ressentiment
contre ceux qui ne se montreront pas affectionnés à la Congrégation, ou qui la
mépriseront ou traverseront.
Mais on aura soin, à l'imitation de Notre-Seigneur, de prier Dieu
particulièrement pour eux; on cherchera l'occasion de leur rendre le bien pour
le mal, et de gagner leurs cœurs par les voies de l'humilité et de la charité
chrétienne; et on tâchera d'avoir et de témoigner de bouche, par oeuvres et en
toutes façons, une très particulière charité vers eux, les regardant et traitant
comme nos bienfaiteurs signalés, lesquels nous aident à vaincre nos vrais
ennemis, qui sont notre orgueil, notre amour-propre et tous nos vices, et nous
donnent occasion de nous enrichir par la pratique des plus excellentes vertus.
Et aussitôt il envisage l’inverse :
« S'il arrive qu'un ou plusieurs de la Congrégation viennent à offenser ou
donner sujet de mécontentement à qui que ce soit, ils l'iront trouver au plus tôt
pour réparer leur faute et pour lui donner satisfaction, afin d'accomplir ce
commandement du Fils de Dieu : citation de Mt 5 ».
Suit alors un commandement important :
« Surtout on craindra et évitera plus que la peste, les émulations, froideurs et
divisions au regard des autres communautés, tant ecclésiastiques que
religieuses ; et on s’étudiera de conserver par toutes sortes de moyens la paix,
l’union et la charité fraternelle et cordiale au regard de toutes… »
« S’il arrive des discordes entre des seigneurs ou magistrats ou autres, on
n’embrassera point les intérêts des uns au préjudice des autres ; mais on aura
une charité universelle pour tous, et on priera Dieu qu’il leur donne l’esprit de
paix. » (OC IX, 233)
Bien noter le mot de paix… cf Eph 2,15-16 : « il a voulu ainsi à partir du Juif et du
païen, créer en lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier
avec Dieu tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix : là, il a tué la
haine »
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Ce texte de Paul est en partie utilisé dans le Cœur admirable, lorsque JE
évoque le Cœur de Marie, qui porte en lui une excellente ressemblance de
la paix de Dieu « qui a envoyé son Fils, le Prince de Paix, pour éteindre toutes nos
inimitiés en son sang ; pour nous réconcilier avec son Père, et nous réunir ensemble
et avec nous-mêmes ; et pour être lui-même notre paix, en détruisant le péché,
qui est l’unique source de la division, et en pacifiant toutes choses tant en la terre
qu’au ciel. »
(OC 7, p.73).
Conclusion
Quand nous développerons la réconciliation dans la vie de Jean Eudes et dans son
œuvre, nous aurons présents à la fois l’orientation de base de l’Ecole Française par
rapport à la vie en Jésus-Christ, et les textes que nous venons de citer : l’œuvre de
la réconciliation réalisée en Jésus, le ministère de la réconciliation, et la mise en
œuvre de la réconciliation fraternelle dans toutes les relations de la vie.
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