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Hans Jonas :
La responsabilité envers la biosphère comme perspective éthique
universelle
« Qu'un tel monde doive exister à jamais dans l'avenir un monde approprié à
l'habitation humaine – [...], on le concédera volontiers comme un axiome universel. »
(Hans Jonas : Le Principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, Paris 1990,
p. 29)
« Hans Jonas est le premier à apporter une dimension concrète au concept
d'éthique planétaire en étendant la responsabilité à l'ensemble de la biosphère et à
l'avenir de l'humanité : nous ne pourrons vivre ensemble que si nous intégrons
également dans cette vie commune les générations à venir, ce qui implique que nous
leur léguions une planète encore habitable. Ce philosophe germano-américain en
1903 à Mönchengladbach et mort en 1993 à New-York s'impose comme l'un des
plus éminents penseurs ayant mis en garde face aux dangers planétaires de la
destruction de l'environnement et des technologies modernes au siècle dernier. Avec
l'ouvrage Le Principe responsabilité, il entreprend en 1979 l'élaboration d'une éthique
pour la civilisation technologique, probablement la plus aboutie qui soit, ce qui vaut
ce sous-titre à l'œuvre. »1
« Avant tout parce que la portée des actions humaines s'est considérablement
accrue, Hans Jonas requiert une réorientation complète de l'éthique, et en définitive
une nouvelle éthique, qui renonce à la vision anthropocentrique adoptée par toute la
tradition éthique depuis les sophistes. Lorsque le champ des possibilités techniques
permet la destruction totale de toute vie sur cette planète, il est indispensable de
préserver la biosphère, et ce dans son propre intérêt. Cette préservation sert
également les intérêts de l'être humain, mais elle n'est plus motivée uniquement par
des raisons purement anthropocentriques. C'est ainsi que la responsabilité de
l'homme s'étend à la nature dans sa globalité. ›Du moins n'est-il plus dépourvu de
sens de demander si l'état de la nature extra-humaine, de la biosphère dans sa
totalité et dans ses parties qui sont maintenant soumises à notre pouvoir, n'est pas
devenu par le fait même un bien confié à lʼhomme et quʼelle a quelque chose comme
une prétention morale à notre égard non seulement pour notre propre bien, mais
également pour son propre bien et de son propre droit.‹2
1 Hans-Martin Schönherr-Mann, Miteinander leben lernen [Apprendre à vivre ensemble],
Munich 2008, p. 174 sq.
2 Hans Jonas, Le Principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique,
Paris 1990, p. 26
2
L'homme, d'après Hans Jonas, ne doit plus se considérer comme le seul paramètre à
l'aune duquel juger ses actes et doit ainsi venir à bout de la vision anthropocentrique
adoptée par toute la tradition éthique jusqu'à Hans Jonas. »3
« Hans Jonas nous enseigne-t-il comment coopérer les uns avec les autres
dans des conditions plurielles ? Pas nécessairement au travers des diverses
justifications étayant son principe de responsabilité. Pas nécessairement non plus au
travers de l'emphase manifeste qu'il met sur l'État et l'homme d'État, à une époque
qui au vu des processus d'individualisation peut difficilement se passer de la société
civile et de la responsabilité de chaque homme ! Hans Jonas convainc-il les esprits
sceptiques qui doutent encore de la responsabilité ou de la nécessité d'apprendre à
vivre ensemble ? Pas nécessairement non plus, bien que les dangereuses évolutions
des technologies modernes et la destruction de l'environnement suscitent une
inquiétude croissante.
Hans Jonas a néanmoins profondément marqué la conscience
environnementale. Son principe fondamental qui, face à une civilisation moderne qui
dépasse toute mesure, exige que notre responsabilité ne porte pas exclusivement
sur nos contemporains, mais soit étendue aux générations à venir et à la nature toute
entière, façonne une éthique planétaire et donne au concept de responsabilité toute
son ampleur. Il est aujourd'hui difficile de revenir en arrière. Selon Sartre et Lévinas,
la responsabilité ne se limite plus aux seuls dirigeants politiques et institutions
nationales. Elle englobe aujourd'hui chaque individu et mérite à cette condition d'être
désignée sous le terme d'éthique planétaire.
Jonas transforme l'affirmation de Nietzsche ›Dieu est mort‹ en ›Dieu est loin‹,
en tout cas suffisamment loin, pour que l'on ne puisse plus imposer dans le cadre de
conflits culturels sa propre conception de Dieu, sa propre conception du monde,
comme une éthique obligatoire à tous les hommes qui nourrissent une conception du
monde différente de la nôtre. Loin d'apporter la paix, une telle attitude ne fait
qu'aggraver les différents conflits sociaux et internationaux. »4
3 Schönherr-Mann, Miteinander leben lernen [Apprendre à vivre ensemble], p. 177 sq.
4 Ibidem, p. 193 sq.
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