MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. II - avril 1998
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pour pouvoir examiner le malade, réaliser les examens com-
plémentaires et protéger le malade et son entourage des
conséquences des troubles comportementaux. Les sédatifs de
demi-vie courte sont à préférer. Les carbamates et les antihis-
taminiques sont habituellement bien tolérés, même lorsque
les doses doivent être augmentées. La posologie dépend de la
sévérité des troubles, de la dangerosité de la situation et de la
sensibilité du patient. Le méprobamate peut être utilisé de
750 à 1600 mg/j, l’hydroxyzine de 75 à 300 mg/j. Toutefois,
la non-réalisation de protocoles en double aveugle dans ce
domaine ne permet pas de donner de recommandations défi-
nitives.
LES TROUBLES DU COMPORTEMENT DE PLUS
LONGUE DUREE
En premier lieu, une identification qualitative des manifesta-
tions comportementales doit être réalisée afin de les rattacher
à une pathologie. Elles peuvent être en rapport avec une mala-
die psychiatrique surajoutée, préexistant au syndrome démen-
tiel comme une psychose maniaco-dépressive, ou de survenue
récente comme un épisode dépressif. L’entretien psychia-
trique permettra de faire la différence entre les modifications
comportementales observables dans une maladie
d’Alzheimer, par exemple, et les manifestations d’une mala-
die psychiatrique. L’entretien psychiatrique avec le patient et
avec un proche orientera ensuite vers le type de syndrome
démentiel, maladie d’Alzheimer, démence frontotemporale
ou démence à corps de Lewy, confirmant le diagnostic précé-
demment fait ou le remettant en question. Cette différence est
nécessaire pour le choix thérapeutique des molécules et la
posologie nécessaire. L’évolution des connaissances en
matière de syndrome démentiel, avec l’individualisation des
démences non Alzheimer, a fait revoir la validité d’anciens
outils et en a généré de nouveaux. Ainsi, les critères de Wells,
créés pour différencier dépression et démence en faisant réfé-
rence, sans l’exprimer, aux symptômes rencontrés dans la
maladie d’Alzheimer, ont perdu de leur pertinence avec
l’existence des démences frontotemporales, qui répondent
fréquemment aux critères de dépression d’après Wells (1).
Parmi les nouveaux outils d’évaluation des manifestations
psychiatriques aidant à la différenciation des pathologies et
au suivi des thérapeutiques, le psychiatre pourra utiliser des
entretiens semi-structurés (Neuropsychiatric inventory, par
exemple), des questionnaires destinés aux proches
(Questionnaire de dyscontrôle comportemental...), des outils
de diagnostic (Frontotemporal behavioural scale, Frontal
Behavioural Inventory...). L’entretien avec les proches per-
mettra aussi une analyse du contexte familial et social de sur-
venue des troubles qui peut les influencer.
L’année 1997 a vu la parution de “guidelines” pharmacolo-
giques pour le traitement des démences, comprenant l’abord du
traitement des troubles du comportement (2). Ces symptômes
ont été appelés “Behavioral and psychological signs and symp-
toms of dementia (BPSSD) (3).
Lors de manifestations psychotiques ou d’agitation
◗ Les antipsychotiques sont rapportés comme étant de faible
efficacité, équivalents entre eux, ayant de sévères effets indé-
sirables comme la sédation et l’aggravation de l’altération
cognitive, avec confusion, hypotension, effets anticholiner-
giques et effets extrapyramidaux nécessitant d’utiliser des
posologies très faibles. Ils rappellent que la survenue des
effets secondaires est beaucoup plus fréquente lors de syn-
dromes démentiels. Les effets extrapyramidaux seraient moins
fréquents avec la rispéridone et la clozapine mais pas les effets
secondaires en général.
◗ Les benzodiazépines sont indiquées pour les manifestations
d’anxiété, avec une préférence pour ceux n’ayant pas de méta-
bolites actifs comme le lorazépam et l’oxazépam.
◗ La carbamazépine, le valproate, la trazodone, la buspiro-
ne et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine pour-
raient être indiqués dans les états d’agitation compte tenu des
résultats de la littérature.
◗ En revanche, lithium et bêtabloquants ne sont pas recom-
mandés.
Les manifestations dépressives
Elles peuvent d’abord être améliorées par le contexte de vie
et par des méthodes de stimulation (sorties...) avant d’utiliser
les thérapeutiques pharmacologiques. Les inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine sont choisis préférentiellement en
raison de leurs faibles effets secondaires, mais pas exclusive-
ment ; la venlafaxine, inhibiteur de la sérotonine et de la
noradrénaline, pourrait être intéressante chez certains
patients. En revanche, ceux ayant des effets anticholiner-
giques sont exclus. En cas de non-réponse aux antidépres-
seurs, ils n’excluent pas l’utilisation de la sismothérapie, de
préférence unilatérale.
Les troubles du sommeil
Ils persistent après les mesures d’hygiène de vie habituelles
(suppression du café, alcool...) et peuvent être traités préféren-
tiellement par du zolpidem ou de la trazodone.
Ces consignes sont une avancée importante vers une approche
spécifique des troubles du comportement lors d’un syndrome
démentiel, c’est-à-dire différente de la prise en charge des
mêmes symptômes lors de maladies psychiatriques, mais une
analyse sémiologique plus fine permettrait sans doute encore de
meilleurs résultats. Ainsi, dans l’agitation, l’instabilité psycho-
motrice semble particulièrement sensible à la trazodone (4),
alors que parmi les manifestations psychotiques, les hallucina-
tions seraient améliorées par des agents cholinergiques (5). La
mise en évidence récente de l’effet délétère des neuroleptiques
lors de la démence, et pas seulement de la démence à corps de
Lewy (6), laisse espérer l’apparition de protocoles thérapeu-
tiques sur les traitements des troubles du comportement.