Pour pouvoir soigner quelqu`un, je dois me connaître. Pour pouvoir

Marie-Laure Deneffe-Dobrzynski - INTERACTIONS INTERCULTURELLES
Interactions interculturelles dans ma pratique professionnelle
Marie-laure Deneffe-Dobrzynski
Objectif :
- Comprendre comment je réagis lors des interactions en
situations interculturelles dans ma vie professionnelle.
- Connaître quelques outils pouvant m’aider à créer une zone
d’intercompréhension dans la relation soignant-soigné.
Pour pouvoir soigner quelqu’un,
je dois me connaître.
Pour pouvoir soigner quelqu’un,
je dois connaître l’Autre.
Pour pouvoir soigner quelqu’un,
je dois jeter un pont entre nous
.
Jean Watson
(Citée par J. Anderson, IA, 1987)
Sources : ITECO, PREDEP, Christiane Perregaux, Anne Catherine Graber
Ateliers pédagogiques autour des situations rencontrées par les stagiaires à partir des outils ITECO
Marie-Laure Deneffe-Dobrzynski - INTERACTIONS INTERCULTURELLES
Comprendre mes réactions lors d’interactions interculturelles
« C’est notre propre identité socioculturelle qui constitue un des obstacles majeurs à l’ouverture à
l’altérité. » ITECO
1. La culture : proposition de définition
La culture englobe les valeurs, les croyances, les
normes et le mode de vie acquis qui agissent, de
certaines façons, sur la pensée, les décisions et les
actions d’un individu.
(Adapté de Leininger, 1991)
2. Le choc culturel
Un essai de définition, d’après Margalit Cohen-Emerique :
Le choc culturel est une situation conflictuelle qui se produit entre deux individus culturellement différents
placées en interaction dans une situation sociale.
Ces chocs culturels vécus constituent autant d’incidents critiques qu’il est utile d’analyser si on souhaite
dépasser la situation de choc et avoir une chance d’apprendre sur ses propres cadres de références et sur ceux
d’autrui. Le choc culturel en situation professionnelle est une excellente opportunité de réfléchir sur les
attitudes en situation interculturelle.
Quelles sont les attitudes que nous avons tendance à avoir par rapport à l’altérité ? Notre regard sur l’autre est
toujours de nature projective. Il n’a comme référent premier, comme fondement, que notre propre culture.
La bonne volonté, la tolérance, la curiosité sont indispensables mais pas suffisants.
L’acceptation de l’autre dans sa différence n’est pas une attitude spontanée pour l’être humain. Elle doit
passer par la prise de conscience de l’ethnocentrisme intrinsèque.
3. L’ethnocentrisme
Définitions et caractéristiques
- C’est la tendance à passer par ses propres références culturelles
- Ce mouvement est naturel et premier face à l’altérité
- Nos valeurs, notre façon de penser, de vivre sont naturellement le fondement obligé de l’être humain.
Trait culturel universellement répandu : que l’autre puisse ne pas être comme ça, nous semble une
aberration : « Comment peut-on être persan ! »(Montesquieu)
Chaque culture a toujours prétendu être le fondement même de l’humanité, désignant les autres cultures de
barbarie : « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage »( Montaigne)
- C’est un phénomène psychologique de nature projective et discriminatoire qui fait que toute
perception des autres se fera à travers une grille de lecture élaborée inconsciemment à partir de ce qui
nous est familier, de nos valeurs propres.
Nous opérons donc une sélection par rapport à nos références. Nous avons tendance à traduire ce qui est
différent dans notre propre langage habituel : repérer ce qui me rappelle « chez moi », rejeter ce qui est trop
loin de « chez moi ».
L’ethnocentrisme peut prendre des formes très différentes
Formes actives
# Réactions de rejet et d’incompréhension, difficultés à vivre, blocage au contact d’une autre culture ; qui va
se traduire par des attitudes du type :
- Utiliser, et donc faire subir à l’autre le mode de communication qui prévaut chez soi
- Volonté de communiquer mais dans le but d’enseigner à l’autre des principes qui nous semblent bons
chez nous
# Mimétismes, répétitions ou imitations des attitudes de l’autre pouvant aboutir à la non-communication, à
une déviation de la communication qui engendre un malaise.
Marie-Laure Deneffe-Dobrzynski - INTERACTIONS INTERCULTURELLES
Pour éviter cela :
- Observer dans un 1
er
temps
- Etre attentif à ne pas être intrusif : respect du territoire de l’autre, respect des modes de
fonctionnement de l’autre
Formes passives
# Intériorisation des expressions les plus élémentaires pour décrire la représentation sociale qu’on a de
l’autre :
- par les stéréotypes : enfermant les gens dans des visions simples, traductions de notre tendance
spontanée à la schématisation et à la rationalisation
- par les préjugés : mode de jugement tout fait qui offre un système d’explication rassurant parce que
communément partagé par d’autres et qui permet une économie de réflexion personnelle.
Ces expressions nous renseignent davantage sur ceux qui parlent que sur celui dont on parle et elles reflètent
surtout les relations qui s’instaurent entre groupes socioculturels.
4. L’exotisme
C’est le pendant de l’ethnocentrisme, la valorisation idéalisée de l’autre et de l’ailleurs.
5. La rencontre interculturelle
Elle procède de deux mécanismes :
- la décentration
- le reconnaissance de l’autre : comme différent et comme semblable
Il s’agit de :
- relativiser son propre système de valeurs, savoir le remettre en cause
- admettre qu’il puisse y avoir d’autres motivations, références, habitudes de vie que les miennes
- éviter d’interpréter les comportements de l’étranger dans mon propre langage, à travers mon propre
style de vie. Essayer de comprendre la signification que ce comportement a pour l’autre.
Cela implique :
- la prise de conscience de sa propre identité culturelle (ressaisir mon propre regard) (l’ethnologue
passe par un premier sas d’acculturation avant de découvrir une autre culture)
- reconnaître l’autre comme semblable
# considérer l’autre comme appartenant fondamentalement à la même humanité que moi
# supposer que la différence n’est pas uniquement un obstacle à la rencontre et à la communication, mais
qu’elle peut-être un stimulant et en enrichissement.
Marie-Laure Deneffe-Dobrzynski - INTERACTIONS INTERCULTURELLES
Marie-Laure Deneffe-Dobrzynski - INTERACTIONS INTERCULTURELLES
Créer une zone d’intercompréhension dans la relation soignant-
soigné
1. La zone d'intercompréhension
INTER et COMPREHENSION: il s'agit d'une relation de compréhension entre deux personnes, l'autre et moi,
chacun appartenant à un monde qui lui est propre.
On pourrait aussi dire “espace de recherche de compréhension mutuelle ou ciproque”, “espace de
dialogue et de négociation entre deux subjectivités”ou encore “interface entre deux systèmes dont font
partie les deux personnes”.
Il s'agit donc d'une relation horizontale, de personne à personne. Dans ce modèle, l'accent est mis sur les
aspects socioculturels de chacune des deux personnes et du contexte dans lequel s'insère l'interaction.
Les habitudes, les pratiques et le règles sont explicitées, les attentes et les représentations réciproques sont
dévoilées, les représentations de la santé, du corps, de la maladie sont échangées, les savoirs sont partagés.
Dans la relation soigné soignant, le but de cet espace est de favoriser l'émergence d'informations significatives
d'un point de vue socioculturel pour les deux parties, et de permettre une intervention professionnelle
négociée entre les deux parties.
2. Les facteurs socioculturels qui influencent la création d’une « zone d’intercompréhension »
Giger et Davidhizar proposent aux soignants de tenir compte de 6 grands phénomènes socioculturels, qui se
retrouvent dans toutes les cultures, selon des modalités propres à chacune. Ces facteurs influencent l'espace de
dialogue soigné soignant. Il s'agit de:
La communication: l'expression verbale (la langue, le langage, etc.), l'expression non verbale (le toucher, les
expressions faciales, la position du corps, etc.), l'expression des sentiments, l'humour, l'expression écrite, les
obstacles à la communication (le non respect, les préjugés inconscients, l'ethnocentrisme, le racisme, etc.)
L'espace: tout ce qui à trait à l'environnement physique, les perceptions (visuelles, tactiles, olfactives,
auditives),le besoin de territorialité (avoir un espace à soi), la façon d'utiliser l'espace (la place des objets, les
mouvements du corps, les distances à respecter), les caractéristiques d'un milieu de vie ou de travail
l'organisation du bâti (architecture, aménagement, relations avec l'environnement, pollution, etc.),
Le temps: conception (durée ou intervalle, instant particulier), perception, mesure, orientation de la société
vers le passé, le présent ou l'avenir; le rythme de vie, la ponctualité; l'histoire (de la personne, de sa famille, de
la société, etc.)...
Le corps : les représentations du corps, les pratiques du corps (l'hygiène, les bijoux, les vêtements, etc.), les
caractéristiques physiques visibles (la taille, la corpulence, la couleur de la peau, la pilosité, etc.), les
préférences et les carences alimentaires, la sensibilité de certains groupes à certaines maladies, etc.
Les comportements de santé et le contrôle de l'environnement: les représentations de la santé et la maladie,
les pratiques (habitudes, façons de faire) et savoirs autour de la santé (polulaires ou savants, pour maintenir ou
rétablir la santé), la capacité à agir sur l'environnement physique, la croyance en un “site de contrôle interne”
(la personne perçoit que l'évènement est la conséquence de son comportement) ou un “site de contrôle
externe” (l'évènement est en lien avec la chance, la fatalité, une puissance supérieure, etc.) ...
L'organisation sociale: les pratiques, croyances, savoirs en lien avec les évènements de la vie quotidienne
(naissance, éducation des enfants, les repas, la maladie, la mort, etc.; les différents systèmes de la société
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