Dossier à télécharger - Compagnie Java Vérité

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Photo montage d’Eric Johanson
Triptyque magique
Création contextuelle et participative
imaginée par Guillaume Cayet et Julia Vidit
La Grande Illusion| Java Vérité 2014-2015/ 1
Texte / Atelier d’écriture Guillaume Cayet
Mise en scène / Atelier de jeu Julia Vidit
Jeu Etienne Guillot, Véronique Mangenot
Et un groupe d’auteurs, d’acteurs, villageois,
curieux ou novices : habitants.
Production Java vérité
Coproduction ACB-Scène Nationale de Bar-Le-Duc
Avec le soutien de la DRAC, dans le cadre de l’aide à la résidence territoriale et du
Conseil Général des Vosges, dans le cadre de l’aide à la création.
La compagnie Java Vérité est également subventionnée par la Ville de Metz au
titre de l’aide au fonctionnement (en cours).
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projet de compagnie
Depuis 2011, j’ai mené avec les acteurs de la compagnie, au sein de structures culturelles,
différents projets d’actions artistiques avec divers établissements scolaires ou associations de
pratique théâtrale amateur. Ces actions étaient toujours liées aux créations de la compagnie :
que ce soit Fantasio de Musset, Rixe de Jean-Claude Grumberg ou Le Faiseur de Théâtre de
Thomas Bernhard, nous avons toujours exploré avec les publics l’autour de l’œuvre ou l’audelà de l’oeuvre, mais jamais fait oeuvre avec ceux qui la reçoivent, ceux pour qui nous les
produisons.
Aujourd’hui, c’est d’une rencontre avec l’auteur Guillaume Cayet, aussi dramaturge d’Illusions
de Viripaev que naît un désir. Créer un spectacle à géométrie variable pour les acteurs et les
habitants, sans faire le deuil de nos exigences. Expérimenter la création à partir d’échanges
avec les publics, initiés ou non, et imaginée en complicité avec une structure culturelle (théâtre,
association, festival ou centre culturel).
Il s’agit de se demander comment les rencontres et les lieux - les contextes – peuvent nous
inspirer un objet théâtral à part entière, qui mêle avec exigence, sensibilisation et création.
Comment ce processus peut-il réinventer de l’intérieur notre création, et aborder par autant
d’angles différents que de rencontres, cet objet, qui notre Grande Illusion - celle de tous ceux
qui l’ont fabriquée.
Ce souhait de gommer frontière entre création et action d’éducation artistique est un des
objectifs majeurs de ce projet, au-delà d’une thématique dense. Il n’existera qu’avec la
complicité d’un binôme metteure en scène / auteur, et leur volonté conjointe à celle d’une
structure et de son équipe.
la grande illusion #1 - ecrire
l’illusion et le deux
En mars 2015, la compagnie crée Illusions d’Ivan Viripaev à l’ACB, scène nationale de Bar-leDuc. Nous nous demandons alors : comment guider ou tout du moins faciliter l’entrée dans
ce texte, vertigineux et aporétique qu’est Illusions de Viripaev. Ça tourne, ça valse, ça chavire et
c’est pourtant limpide, simple ; alors comment rentrer dans ce langage sans contretemps ?
Illusions est un récit raconté par quatre narrateurs. Ils nous disent la vie de deux couples
d’octogénaires. La pièce traite du couple, du « deux », de l’amour, de ce qu’il peut y avoir de
constant dans un cosmos si changeant, dixit l’un des personnages de la pièce, mais aussi du
regard que nous portons sur eux et sur nos propres égarements. Dans sa forme, différents
niveaux de réalité (et donc de fiction) mettent en jeu l’illusion.
Nous avons tourné notre regard vers les écrits du philosophe contemporain, Alain Badiou.
Son texte Eloge de l’Amour nous a permis de mieux cerner les enjeux et la complexité de
ce texte russe. C’est donc en pensant à Alain Badiou et Viripaev que cette Grande Illusion a
vu le jour. Au fur et à mesure de son écriture et de sa création, elle s’est donnée également
d’autres enjeux. En plus de questionner ce deux amoureux donnant une ouverture -un baiser
de rideau à la pièce de Viripaev- elle est allée jusqu’à questionner la notion même d’illusion
dans l’amour : l’illusion théâtrale comme le reflet de l’illusion amoureuse. C’est la magie qui
nous est donc apparue, la magie et l’envie d’aller troubler, de doubler le réel. Nous voulons que
la scène, et donc l’illusion fasse effraction dans le réel des spectateurs.
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Ce que tente notre Grande Illusion n’est pas d’apporter une réponse à la question viripaevienne,
pas même d’émettre un jugement ou de prononcer un dogme. Elle tente d’ouvrir des voies,
des pistes de réflexions, de donner des clés pour s’ouvrir, de peut-être s’émanciper: « l’amour
et l’illusion », qu’est-ce à dire ? Comment fabriquer, rêver nos vies ? Comment questionner
nos acceptations ?
Notre Grande Illusion s’adresse à un large public, et davantage encore aux collégiens et lycéens,
pour le familiariser avec les différentes notions abordées dans Illusions. Cette première pièce,
écrite pour deux acteurs en novembre 2014, dure 20 minutes. Elle est présentée dans des
collèges et les lycées, en immersion dans les lieux et est suivie d’un débat, à chaud, mené par
les acteurs pendant qu’ils se démaquillent.
synopsis de la grande illusion #1
Dans la salle, le spectacle « La Grande Illusion » du magicien Roger et de son assistante
Caroline se fait attendre. Deux acteurs rentrent, Judith et Serge, visiblement tracassés.
Ils nous apprennent que leur ami Roger le magicien est mourant, qu’il ne peut donc être
présent et qu’ils le remplacent. Ils sont acteurs, ils vont donc nous interpréter leur Grande
illusion autrement. Mais l’embarras de Serge, le pragmatisme de Judith, leur couple, prennent
le pas sur le spectacle annoncé. Rien n’est prêt, et puis « ici » rien n’est « sûr ». Quant au final ils
se griment en vieux et décident de donner leur Grande Illusion, c’est leur propre couple qui se
voit représenter, quarante ans plus tard.
Au sortir, l’illusion est totale. Y a-t-il eu véritablement un magicien Roger ? N’avait-il pas
commencer La Grande Illusion en entrant dans la salle ?
Rien n’est moins sûr...
extrait de la grande illusion #1
SERGE- Magicien, magicien, mon oeil. N’empêche que depuis Nancy, ça fait une trotte.
« Nous serons à l’heure, à l’heure dite »
JUDITH- Tu parles ; on m’appelle, j’accepte, je dis ça, c’est pour eux. un peu de réconfort
SERGE- Elle aurait pu y penser aussi, en prévenant deux heures à l’avance
JUDITH- C’est pas tout le trajet qui faut maisJUDITH / SERGE- (Bonjour)
SERGE- Sans être là-bas, comment être ici ?
JUDITH- (Excusez-nous)
SERGE- Et puis iciJUDITH- (On est un peu)
SERGE- Mais oui mais
JUDITH- (sur les nerfs)
SERGE- Alors sans être ailleurs, comment être là-bas ?
JUDITH- (c’est à cause de notre ami Roger, le magicien)
SERGE- Et pis si t’es pas là-bas, bah t’es bien emmerdé pour être ici, parce que « ici »JUDITH- Oui bah ça, c’est sûr hein / (Roger, le magicien a fait une rechute là)
SERGE- Bah non justement. « Ici » c’est pas sûr. « Ici » n’est pas une certitude. Tu dis
« oui bah ça, c’est sûr», tu dis « Ici c’est sûr »
JUDITH- (La rechute, c’était la semaine dernière)
SERGE- Bah non / justement non
JUDITH- (Mercredi. C’est quand même terrible / en milieu de semaine)
SERGE- C’est pas sûr
JUDITH- (Tu commences ta semaine, tu crois la finir, pis-)
SERGE- « Ici » c’est pas sûr
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JUDITH- (Un troisième arrêt, à quarante-trois ans)
SERGE- Regarde
JUDITH- Quoi ?
SERGE- « La grande Illusion »
JUDITH- C’est le titre
SERGE- « Ici » est « La Grande Illusion »
JUDITH- C’est beau quand tu dis ça
debat
Suite à cette intrusion théâtrale, nous proposons aux spectateurs de participer à un débat
autour des différents sujets que soulève cette pièce. Nous entendons cet échange comme
un moment de partage en trois temps, et comme un préambule éventuel à la réception du
texte de Viripaev.
L’intérêt principal de ce débat sera d’amener les élèves à questionner ces problématiques :
l’illusion comme construction de vérité de soi et du monde, l’expérience de la différence dans
la relation amoureuse.
Nous proposons donc de guider le débat suivant trois axes, tout en laissant une porte ouverte
au moment d’échange qui sera contredire, enrichir, nourrir ce canevas de pensée :
> L’ILLUSION : Qu’est ce qu’une l’illusion, où et quand l’avez-vous débusquée dans le spectacle ?
Serge et Judith existent-ils ? Et Roger et Caroline ? Tout ce que vous avez vu était-il illusion, avezvous perçu du réel? Cette question de l’Illusion / réalité sera l’occasion d’aborder la nécessité
de l’illusion dans nos vies réelles. Ne vit-on pas une succession d’illusions ? Et comment le
temps agit-il sur ces illusions ?
> LE RÔLE Puisque tout apparaît comme illusion dans le spectacle, pouvons-nous considérer
notre vie, et le monde comme une succession d’illusions ? « Le monde est un théâtre » dit
Hamlet : la vie est-elle une scène sur laquelle nous jouons un ou plusieurs rôles ? Quels rôles
jouez-vous ? En ce moment-même, êtes-vous élève ? Spectateur ? Citoyen ?
> L’AMOUR Cette réalité du monde dans lequel nous jouons des rôles sans cesse, peut nous
faire considérer notre condition absurde. Comment pouvons-nous trouver une stabilité dans
ce jeu quotidien, permanent ? Par une construction d’un « deux » amoureux ? Et dans cette
construction à deux, jouons-nous un rôle ? Lequel ? L’amour, n’est-ce pas la construction
d’une Grande Illusion ? Comme une construction de vérité ?
deuxieme partie du triptyque :
ecrire la rumeur
version recoltee / en creation perpetuelle
En travaillant sur cette Grande Illusion, nous nous sommes pris à notre propre jeu et espérons
que le public sera pris, lui aussi dans ses propres illusions. D’ores et déjà, le plaisir que nous
avons eu à rencontrer élèves et enseignants sur ces problématiques, le plaisir vertigineux
que nous avons eu avec les acteurs à éprouver en répétition sentiments d’illusion et de réel,
nous a poussé à imaginer, à croire en un projet évolutif, à géométrie variable. Nous souhaitons
aller plus loin, jusqu’à faire écrire et jouer les publics avec nous. Car enfin, les spectateurs ont
certainement leurs mots à dire, ils peuvent certainement inventer un chaînon manquant
à cette Grande Illusion et par là, nous apprendre quelque chose sur notre propre travail, sur
nous-même, sur le monde.
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Nous imaginons donc, après cette Grande Illusion, faire réagir, et imaginer à plusieurs
un devenir à ce premier opus. Grâce à l’écriture et au jeu, nous créons in situ une
deuxième partie à ce texte répondant à la première. Nous imaginons écrire la rumeur.
Car, lorsque l’on parle ou que l’on juge d’un amour – celui des personnages Judith et
Serge ou celui de Roger et Caroline - ne sommes-nous pas, même malgré nous, les
auteurs d’une rumeur ? Ou d’une autre illusion ? Les rumeurs ne sont-elles pas des
illusions qui s’inventent collectivement pour croire toucher une vérité ? Là encore,
rien n’est moins sûr… D’ailleurs, l’annonce même du spectacle que nous jouons « La
Grande Illusion » est le terreau possible d’une rumeur ; spectacle de magie ? Numéro
de magicien ? Et si nous annonçons le spectacle par voie numérique, pouvons nous
induire une fausse piste qui soulèvera davantage de « commentaires » ?
Cette rumeur trouve davantage de sens encore avec la jeunesse, si elle s’aborde
sous l’angle du virtuel. En effet, nous remarquons au fil de nos premières rencontres
que l’espace numérique est le théâtre où cette jeunesse se joue, et parfois se brûle.
Si nous parvenons à faire travailler cette question de la rumeur par les auteurs
et les victimes de ces rumeurs incessantes, nous aurons au moins réussi à faire
prendre conscience des représentations que convoquent l’espace numérique, non
seulement ses dangers, mais aussi ses règles de représentations.
version maturee
La saison 2014 / 2015 nous permet de tenter l’expérience avec les élèves du collège
Saint-Clément à Martigny-les-Bains (88). Guillaume Cayet initie le groupe à l’écriture
puis Julia Vidit les met en jeu dans ce qu’ils auront produit. Lors des dernières répétitions,
les deux acteurs professionnels les rejoignent pour présenter la troisième partie du
triptyque pour vivre une première fois l’expérience.
Par la suite, et nourris par l’expérience, l’auteur et la metteure en scène retravaille à
partir des propositions éprouvées pour écrire la deuxième partie du triptyque. Elle sera
jouée par de jeunes acteurs en voie de professionnalisation pour garder cette idée de
la jeunesse.
troisieme partie du triptyque :
ecrire la duree
Cette troisième et dernière Illusion n’a qu’un préambule : son point de départ est
le point d’arrivée de la première. Nous retrouvons donc Serge et Judith, grimés en
vieux, mais cette fois, il est entendu qu’ils sont « vraiment vieux », quarante années
sont passées. Arrivés à la vieillesse, au seuil, toujours acteurs, Serge vit sa retraite
de comédien à la campagne. Le sachant mourant, sa femme Judith convie les
gens de son entourage à sa dernière représentation. Ce dimanche, il donnera une
dernière fois le rôle de sa vie « Le Roi Lear ».
Enfin cela, c’est bien ce que l’on voudrait nous faire croire, car rien n’est moins sûr… Cette troisième partie, conclusive et ouverte à la fois, est aussi la réponse à la création
du trait d’union créé par les participants.
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extrait
Les bruits de cigales s’arrêtent. Des bruits de girafes
SERGE- Bon sang de bordel…
JUDITH- C’est un petit dimanche
Les bruits de girafes s’arrêtent. Des bruits d’ours
SERGE- Putain, c’est pas vrai…
JUDITH- Un petit dimanche de campagne, on peut bien prendre une part de gâteau au chocolat…
SERGE- T’as changé la playlist ?
JUDITH- Un petit dimanche de campagne, ça va pas vous faire grossir…
SERGE- Je trouve plus la musique
Les bruits d’ours s’arrêtent.
SERGE- Voilà, c’est ça (des rumeurs tes trucs là)
Des bruits de campagne.
JUDITH-Tu t’étais trompé de boutons ?
SERGE, de la cuisine- Tu vas vraiment raconté l’histoire du gamin…
JUDITH- Faut bien que quelqu’un les occupe (des rumeurs, ça occupe son monde),
le temps que tu te prépares
SERGE, de la cuisine- Qui occupe qui ici ? L’homme occupe son temps, et le temps
s’occupe bien tout seul
JUDITH-SERGE…
SERGE- Pas ce prénom là s’il te plait
Apparaît SERGE, en caleçon. JUDITH, elle, continue d’installer le décor, sans regarder
SERGE
SERGE- Tu vas vraiment leur dire ça ?
JUDITH- Je dis ça, et après tu commences
SERGE- Ouais
JUDITH- Quoi ?
SERGE- C’est pas sûr ?
JUDITH- Hein ?
SERGE- Faut bien commencer quelque part, mais t’es sûre qu’ils vont y comprendre quelque chose si j’arrive après ton histoire de souffrance, là… Je t’ai parlé de faire
une introduction, une belle introduction, je suis un acteur et célèbre qui plus est, il
faut bien m’introduire, je ne t’ai pas demandé de raconter ta vie, je veux que tu prépares mon entrée, je veux que l’on m’écoute, pas qu’on me tende l’oreille, il me faut
une introduction prodigieuse. Quand on jouait au théâtre, les gens se pressaient
pour me voir, moi, le roi Lear, j’entraisJUDITH- Tu entrais sur une musique wagnérienne
SERGE- Voilà, c’est ça que je veux, une entrée wagnérienne
JUDITH- Tu auras du gâteau au chocolat, c’est fait maison, rien de wagnérien, et
puis c’est du dessert, c’est sûr, rien à voir avec ton entrée, là
SERGE- Judith
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JUDITH- Finalement, peut-être que le gâteau au chocolat répond bien à la nécessité que tu as d’en finir avec tout ça, peut-être que ce n’est pas d’une introduction
que tu as besoin, mais d’une conclusion
SERGE- Je veux une belle et prodigieuse introduction
JUDITH-« Mesdames et Messieurs… »
SERGE- Judith s’il te plait
JUDITH-« ce soir devant vos yeux ébahis… »
SERGE- Moque toi, va
JUDITH-« la chute d’un roi »
SERGE- C’est ça
JUDITH- Ça ne te plait pas ?
SERGE- Si tu fais çaJUDITH- Faudrait savoir
SERGE- Dis au moins « la chute du roi »
JUDITH- Bien sûr
SERGE- Pas d’un roi quelconque
JUDITH- Un roi grandiose
SERGE- Lear, je suis le roi Lear. Ne me rapetisse pas s’il te plait
differentes facon de proposer la
grande illusion
Nous souhaitons renouveler l’expérience ailleurs, avec d’autres publics, dans d’autres
contextes et d’autres temporalités. Il est possible de réinventer les modalités de
travail avec les structures organisatrices et partenaires.
1ere possibilite / intrusion sur une journee / soiree > 18h/22h30
> Arrivée de l’équipe et d’un groupe de participants volontaire auteurs et/ou acteurs
> Débat et réaction
> Séances d’écriture collective en direct avec l’auteur
> Arrivée du public / Repas / Mise en lecture par les acteurs pros et / ou amateurs de
l’écrit collectif
/ Présentation de l’intégrale
2eme possibilite / immersion sur plusieurs seances
> Jeu de la Grande Illusion #1
> Débat et réactions
> Imagination, séance(s) d’écriture avec l’auteur
> Mise en voix des textes avec la metteure en scène
> Restitution en public de la Grande Illusion, version intégrale.
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3eme possibilite /jouer les individus de la grande illusion #2
> Jeu de la Grande Illusion #1
> Débat et réactions
> Séance(s) de mise en jeu de la Grande Illusion #2 avec la metteure en scène
> Restitution en public de la Grande Illusion, version intégrale.
4eme possibilite / jouer la version integrale de la grande illusion
Et concevoir le débat inclus dans le spectacle.
note d’auteur, un cheminement
C’est avec l’envie de dire
Au début il y a eu Illusions de Viripaev. Et puis, en y travaillant (car on travaille une
œuvre, à l’intérieur d’elle-même comme le forgeron taille ses pierres, on façonne une
pièce, on se la façonne pour qu’elle brille à sa convenance; calleuse ou bien fragile...),
il y a eu des espèces de brides, des notes éparses. Une sorte de mémorandum
à la pièce. Et puis la nécessité d’écrire davantage, comme si des petites illusions
théâtrales venaient s’additionner à celles de Viripaev. Il y a eu d’abord une première
étape, elle est en train d’être jouée en ce moment, une Grande Illusion portée dans
les collèges et lycées par deux acteurs, et puis l’envie de développer une fable, une
véritable et puissante « Grande illusion ».
J’ai pensé : quelle est cette envie de dire qui nous tient si puissamment au monde
et aux mots ? Peut-être celle d’écrire, d’écrire une histoire, d’écrire son histoire, de
s’écrire, d’être acteur de son histoire. Être le rôle que l’on joue et que l’on ne peut pas
ne pas (se) jouer.
J’ai pensé à l’amour et puis à l’illusion. Je me suis dit qu’il y avait forcément quelque
chose à faire autour de ces deux notions, j’ai pensé au deux, à l’émancipation… Alors
j’ai re-parcouru le texte d’Alain Badiou, au fait de vivre par la différence et non par
l’identité, j’ai pensé à la durée, j’ai pensé « il faut éprouver son amour », j’ai pensé au
« communisme primitif », je me suis dit qu’on vivait toujours sous le joug d’illusions,
je me suis dit qu’il y a quelque chose à faire, à écrire, comme une réponse à tous ces
biens pensants du « Mariage Pour Tous », entre autres. J’ai vu défilé côte à côte crâne
rasé et marmot du bénitier, alors j’ai écrit, j’ai écrit :
" ICI C’EST PAS SUR. ICI N’EST PAS UNE CERTITUDE "
Je me suis dit que demain ne pouvait peut- être pas se lever, que les valses brunes
allaient reprendre, alors j’ai perdu un peu espoir, puisque tout n’est qu’illusion, alors il
n’y a qu’un réel contraint, je me suis pendu à un arbre pendant que je le sciais. Une
fois tombé, j’ai repris espoir. Parce que le processus de l’écriture c’est peut-être cela,
le savoir ou l’expérience de la peur et de la chute. Alors je me suis remis à écrire. J’ai
écrit, j’ai écrit :
" ICI C’EST PAS SUR. MAIS C’EST QUAND MEME PLUS SUR QU’AILLEURS "
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J’en suis arrivé à me dire que j’avais une grande illusion dans notre monde
contemporain, c’était à la fois celle de me croire supérieur ou salvateur parce que je
fais de l’art (l’art n’est pas épargné des charognes qui bouffent leur bonne conscience
en pâté) et celle de me dire, reprenant les mots de Raoul Vaneigem dans son traité
de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, « il n’y a pas d’amour heureux dans
un monde malheureux».
J’ai voulu alors écrire quelque chose qui s’apparenterait à un mythe, un mythe de
théâtre - j’ai repensé aux fanatiques, aux idéologues. Je me suis dit : il faut lutter
contre. J’ai pensé à un homme et sa femme, j’ai pensé à l’illusion, j’ai pensé éprouver
la durée, j’ai pensé à Tankred Dorst, je me suis dit : illusion d’un amour, ou amour de
l’illusion : « au final, n’est ce pas cela que nous appelons théâtre, et n’est ce pas pour
cela que nous nous y rendons ? Pour l’amour d’une illusion, ou pour l’illusion d’un
amour ? »
Alors, j’ai pensé à un triptyque (nous en avions parlé avec Julia, la metteure en
scène, souvent, souvent, souvent). Parce qu’une première partie s’imposait autour
de Viripaev et de Badiou, et qu’une suite se laissait/plaisait à écrire. Nous avons
pensé à un travail en trois temps, d’abord une première forme, puis un chœur de
collégiens puis une troisième forme. Nous avons cherché à donner une existence
pluridimensionnelle à notre pensée. Nous avons pensé « Ici c’est pas sûr », nous nous
sommes dit : notre théâtre est une scène et non un plateau. Nous avons besoin de
fabriquer, de transformer, de transposer. Nous avions « Ici c’est pas sûr », pour finir,
nous aurons « Ici c’est pas sûr, mais c’est déjà plus certain qu’ailleurs ». Nous avons
pensé que les mots étaient les seuls remèdes pour soigner des maux endigués par
d’autres mots.
J’ai écrit un premier texte. La Grande Illusion. L’histoire d’un magicien attendu dans
une salle de classe, qui finalement se retrouve remplacé par son meilleur ami. J’ai
pensé à ce meilleur ami, comédien de profession, j’ai pensé à sa femme. Je me
suis dit : ils pourraient avoir quarante ans dans la première forme et quatre-vingt dix
dans la dernière, j’ai pensé à l’écart. J’ai écrit un deuxième texte : Dimanche. Je me
suis dit : le théâtre c’est cet art de l’écart, de la chute et de la durée. Je me suis dit :
comment raconter la durée dans l’écart.
Et si nous racontions une illusion parfaite et grandiloquente, une grande
illusion. Et si nous racontions l’illusion d’une vie, la vie d’une illusion, de sa
naissance a sa consecration ...
C’est avec l’envie de dire. De dire l’incommensurable. Parce que le théâtre est cet art
de la démesure et de la chute. De l’écart et de la durée.
Guillaume Cayet.
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metteure en scene
julia vidit
Comédienne et metteure en scène, elle se forme à l’Ecole-Théâtre du Passage et au
Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de 2000 à 2003. Jusqu’en 2010, elle
joue sous la direction de Ludovic Lagarde, Victor Gaultier- Martin, Marie Rémond, JeanBaptiste Sastre, Jérôme Hankins, Alain Ollivier et Jacques Vincey. Elle fait l’expérience
de Shakespeare, Marivaux, Corneille mais aussi d’auteurs contemporains comme
Jean Genet, Yukio Mishima, Edward Bond, Noëlle Renaude ou Michel Vinaver.
En 2006,
elle créé la compagnie Java Vérité et met en scène Mon cadavre sera piégé de Pierre
Desproges. En 2009, elle met en scène Fantasio de Musset au CDN de ThionvilleLorraine et en tournée. Ce spectacle est repris au CDN de Montreuil en 2010. A l’automne
2010, elle monte et tourne un spectacle musical autour des Vanités: Bon gré Mal gré
d’Emanuel Bémer.
De 2011 à 2013, elle est artiste associée pour trois ans à Scènes Vosges à Epinal. Elle réunit
habitants, amateurs et professionnels autour de deux projets : Bêtes et Méchants et
Le Grand A.
En 2014, elle créé Le Faiseur de Théâtre de Thomas Bernhard au CDN de
Thionville-Lorraine, spectacle repris à l’Athénée et en tournée jusque 2016. A partir de
cette saison 14/15, la compagnie Java Vérité est en résidence à l’ACB Scène Nationale
de Bar-le-Duc. C’est le début d’une association avec l’auteur et dramaturge Guillaume
Cayet.
dramaturge
guillaume cayet
Guillaume Cayet, né en 1990, à Nancy, intègre en 2012 le département. Écrivains
dramaturges de l’ENSATT sous la direction d’Enzo Cormann et Mathieu Bertholet.
Il participe à différents projets dont l’écriture d’une performance pour le centenaire
de la Comédie de Genève, celle d’un texte pour le festival A.T.C de Nancy, ainsi que
différents écrits pour les comédiens de l’École de la Comédie de Saint-Etienne. En
2014, il publie Couarail chez Lanzmann dans le cadre d’une commande d’écriture pour
le Week-End des auteurs du Théâtre Du Peuple. Il a assisté Hubert Colas dans la mise
en scène de Gratte-Ciel de Sonia Chiambretto, et Eric Lehembre dans la mise en
lecture de Roumanie ! Va te faire foutre de Bogdan Georgescu pour la Mousson d’été
2014. Très récemment, il a dirigé la gazette du Festival Regards Croisés en 2014. Fin 2014,
il commence une collaboration avec la metteur en scène Julia Vidit, en tant qu’auteur
et dramaturge. Son texte Les Immobiles a été lauréat des Journées des Auteurs de
Lyon (en 2014) et sera publié en janvier 2015 aux Editions Théâtrales, ainsi qu’un autre
de ses textes Proposition de rachat.
contacts
Julia Vidit, metteure en scène [email protected]
Gwendoline Langlois, administratrice de production [email protected]
La Grande Illusion| Java Vérité 2014-2015/ 11
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