LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 26 l N° 884 l JUIN 2012
Le dosage des peptides natriurétiques
a un grand intérêt dans le diagnostic d’une
symptomatologie à type de dyspnée ou
d’œdèmes, quand la clinique ne suffit pas.
Il permet d’améliorer et d’accélérer la prise en
charge en confortant d’emblée une étiologie
plutôt qu’une autre. Il est recommandé en
première intention.1, 2 Le pourcentage d’erreur
initiale ou de retard diagnostique dans ce
type de situation est proche de 50 %.
Les taux de peptides natriurétiques s’inter-
prètent autour de deux valeurs seuils et ont
pour but d’aider au diagnostic sans se subs-
tituer à l’examen clinique (fig. 2). On parle
aussi d’approche bayésienne : la valeur
observée modifie la probabilité initiale (esti-
mation purement clinique) en une probabilité
finale plus précise et moins subjective.
Un taux de NT-proBNP < 300 pg/mL (ou BNP
< 100 pg/mL) permet de réfuter l’hypothèse
d’une IC aiguë. Plusieurs facteurs peuvent
l’augmenter : âge, insuffisance rénale, AC/FA,
cardiomyopathie et valvulopathie, insuffi-
sance respiratoire et HTAP, et expliquent fré-
quemment les valeurs situées dans la zone
grise ou zone entre les deux valeurs seuils.
Dans la deuxième partie de cette obser-
vation, le taux de NT-proBNP est supérieur à
300 pg/mL mais reste peu élevé ; cette aug-
mentation modérée s’explique aisément
par l’âge, la cardiopathie sous-jacente et
l’AC/FA, mais certainement pas par une IC
sévère ou décompensée où le taux de
NT-proBNP aurait été supérieur à 1 500-
2 000 pg/mL. À ce stade, il était donc légitime
de ne pas majorer les diurétiques et de re-
chercher rapidement une pathologie pul-
monaire. Chez ce coronarien, on aurait pu
également évoquer un équivalent d’angor
instable, compatible avec le taux de
NT-proBNP modérément élevé, mais les
crépitants orientaient clairement vers un
problème pulmonaire (cardiogénique ou
non). À nouveau, le dosage ne se substitue
pas à l’examen clinique !
À l’inverse, un œdème cardiogénique peut
(rarement) s’associer à un taux de peptides
natriurétiques peu augmenté. C’est le cas
parfois des valvulopathies mitrales (surtout
le RM) et de l’œdème hypertensif flash. Cela
a été également décrit dans certaines IC
chroniques très sévères, terminales. Ces
situations ne correspondent pas à cette
observation et sont souvent assez évidentes.
À noter aussi que l’obésité induit une dimi-
nution modérée des taux.
En 2011, après une période tranquille de 3 ans, M. C. se plaint à nouveau d’une dyspnée s’aggravant depuis 2-3 mois,
devenue invalidante au moindre effort et s’accompagnant même d’un début d’altération de l’état général. Un médecin
consulté trois semaines auparavant a majoré (modérément) sa dose de furosémide (60 mg/j au lieu de 40 mg) sans succès.
À l’examen clinique : PA 138/82 mmHg, FC 77 bpm, crépitants bilatéraux, pas de signe évident d’hyperpression veineuse.
AC/FA à l’ECG.
Bilan biologique : GB 6 800/mm3, Hb 13,1 g/dL, créatininémie 126 μM, urémie 11,1 mM, natrémie 136 mM, kaliémie 3,7 mM,
NT-proBNP 471 pg/mL. C’est ce taux à peine augmenté et contrastant avec la sévérité clinique qui fait écarter le diagnostic
d’insuffisance cardiaque décompensée et oriente d’emblée vers une pathologie pulmonaire.
La radiographie puis le scanner réalisés le lendemain diagnostiquent une fibrose pulmonaire. À noter sur le contrôle
échographique réalisé secondairement : FEVG 45 %, pas d’élévation des pressions de remplissage ni d’HTAP.
Influence de l’âge et du sexe Guillaume Lefèvre
La concentration en peptides natriurétiques augmente avec l’âge et à tranche d’âge égal, les taux de BNP et de NT-proBNP
sont plus élevés chez les femmes que chez les hommes.
L’élévation avec l’âge pourrait être liée à une prévalence plus importante de l’insuffisance cardiaque, des pathologies
cardiovasculaires et rénales. Un effet hormonal est probable, les différences de concentrations intersexe en BNP et NT-proBNP
tendant à s’équilibrer chez les sujets âgés. La différence de valeur observée pour une même tranche d’âge entre homme et femme
serait expliquée plus par une inhibition de la synthèse du proBNP par les androgènes chez l’homme que par une stimulation de la
synthèse par les estrogènes chez la femme.
Le point de vue
du biologiste
4
Fig. 2 – Algorithme d’utilisation du NT-proBNP
en cas de suspicion d’insuffisance cardiaque
Dyspnées, œdèmes
1 seuil d’exclusion 1 seuil d’inclusion par tranche d’âge
< 300
VPN = 98 %
75 ans
50 ans
en pg/mL
1 800
900
450
Insuffisance
cardiaque très
improbable
Zone
grise Insuffisance cardiaque
probable