Cardiologie Xxxxxxxx Texte : Philippe Lambert - Photo : Roche cardiologie NT-proBNP outil efficace pour mieux cerner l’insuffisance cardiaque Dans le cadre de l'insuffisance cardiaque, le dosage des peptides natriurétiques (BNP ou NT-proBNP) constitue une importante plus-value. Contribuant efficacement à l'amélioration du diagnostic, à l'établissement du pronostic, au suivi des patients et à l'orientation thérapeutique, le NT-proBNP s'impose en cardiologie comme un biomarqueur de choix dont le dosage répond d'ailleurs aux recommandations européennes (1) et épouse, au niveau belge, l'avis du KCE (2). Il y a un peu plus d'un an, le Belgian Working Group on Heart Failure élaborait une charte relative à la prise en charge de l'insuffisance cardiaque. Ce document, qui a recueilli plus de 12.000 signatures, sera transmis aux autorités nationales et régionales compétentes dans le domaine de la santé. Il met en exergue cinq requêtes destinées à améliorer les soins prodigués aux patients, dont le remboursement par l'INAMI du dosage des peptides natriurétiques (BNP et NT proBNP). Actuellement à charge du patient, le coût d'un tel dosage oscille entre 20 et 40 euros. “Dans notre institution, une partie du coût est prise en charge par le service de cardiologie et le service de biologie clinique afin de réduire l'impact pour le patient”, indique le docteur Pierre Troisfontaines, responsable du Centre de l'insuffisance cardiaque au CHR de la Citadelle, à Liège, et vice-président du Belgian Working Group on Heart Failure. Mais il ajoute aussitôt que ce type de pratique ne demeurera pas toujours concevable, eu égard au nombre de patients souffrant d'insuffisance cardiaque - pour l'heure, environ 225.000 en Belgique – et aux prévisions qui font état d'un doublement 20 Roche Biomarker Magazine Marqueur diagnostique de l’insuffisance cardiaque, le NT-proBNP est également un marqueur pronostique de sa gravité et un outil de stratification. de ce chiffre à l'horizon d'une quinzaine d'années du fait du vieillissement de la population et de la meilleure prise en charge de la maladie coronarienne. Hospitalisations inadéquates Le remboursement par la sécurité sociale du dosage des peptides natriurétiques est effectif dans la plupart des pays européens. Il répond aux recommandations européennes, actualisées en 2012(1), qui insistent sur l'importance de doser ces peptides non seulement comme aide au diagnostic d'insuffisance cardiaque, mais également pour déterminer la sévérité de la pathologie et le pronostic qui lui est associé, de même que pour stratifier le risque encouru par le patient. En tant que centre d'expertise belge, le KCE(2) a rendu, lui aussi, un avis favorable au dosage des peptides natriurétiques dans plusieurs indications dont, par exemple, la prise en charge de dyspnées aiguës. “Le dosage du BNP ou du NT-proBNP permet notamment d'éviter des hospitalisations inadéquates, commente le docteur Troisfontaines. Ainsi, des patients arrivant aux urgences pour un problème de dyspnées sont parfois orientés vers un service de pneumologie en raison d'une suspicion de BPCO ou d'asthme, alors qu'ils souffrent en fait d'une insuffisance cardiaque. Grâce au dosage des peptides natriurétiques, cet écueil pourrait être contourné, ce qui, comme le souligne le KCE, permettrait à l'INAMI de réaliser des économies.” Haute sensibilité Le NT-proBNP est une molécule très stable sans activité biologique connue. Elle résulte du clivage du pro-BNP, lequel est principalement synthétisé dans les cardiomyocytes des ventricules dès le moment où ceux-ci sont soumis à un stress pariétal, entre autres dans des situations de surcharge liquidienne. Aussi le NT-proBNP constitue-t-il un marqueur de l'étirement des parois du cœur. “Sa demi-vie plasmatique est de 60 à 120 minutes, alors que celle du BNP, partie biologiquement active résultant du clivage du proBNP, n'est que de 22 minutes”, précise Pierre Troisfontaines. Sur le plan diagnostique, la haute sensibilité de son dosage fait du NTproBNP un excellent marqueur pour confirmer ou infirmer la présence d'une insuffisance cardiaque. En effet, le dosage de NT-proBNP présente une excellente valeur prédictive négative d'exclusion du diagnostic d'insuffisance cardiaque chez les patients sympto­ matiques. Une concentration de NTproBNP inférieure à 300ng/L exclut le diagnostic d'insuffisance cardiaque avec une valeur prédictive négative de 98 %. Dans l'appréciation des données chiffrées, il faut cependant tenir compte de différents facteurs pouvant en modifier les taux plasmatiques. L'âge en est un, de sorte qu'ont été définis plusieurs seuils au-delà desquels la suspicion d'une insuffisance cardiaque est fondée si son dosage est > 450pg/ mL (< 50 ans), > 900pg/mL (50-75 ans), > 1.800pg/mL (> 75 ans). Parmi les autres facteurs à prendre en considération, citons l'obésité, qui réduit les taux plasmatiques des peptides natriurétiques - il convient de multiplier par 2 les taux mesurés en cas d'IMC supérieur à 35 kg/m². À l'inverse, le diabète, l'hyperthyroïdie, la cirrhose ou l'insuffisance rénale les augmentent. Ainsi, dans ce dernier cas, le seuil de 2.000 pg/ml de NT-proBNP doit être dépassé pour qu'il y ait suspicion d'insuffisance cardiaque. Notons par ailleurs que les taux plasmatiques de BNP et de NT-proBNP sont plus élevés chez la femme que chez l'homme. “Les dosages des peptides natriurétiques doivent être interprétés à la lumière de l'histoire médicale du patient, de l'examen clinique et des autres paramètres biologiques”, dit le docteur Troisfontaines. Une plus-value incontestable Marqueur diagnostique de l'insuffisance cardiaque, le NT-proBNP est également un marqueur pronostique de sa gravité et, partant, un outil de stratification des patients : plus le taux du peptide est élevé, plus le problème est sévère. De même, le NT-proBNP offre une plus-value dans le suivi thérapeutique. Par exemple, des études ont montré que les patients qui gardent des taux élevés de peptides natriurétiques à la fin d'une hospitalisation pour insuffisance cardiaque sont à haut risque de décès ou de réhospitalisation(3)(4). “Il faut les suivre de façon rapprochée en ambulatoire dans le but de leur éviter de nouvelles hospitalisations, lesquelles sont en outre très coûteuses pour la sécurité sociale”, déclare Pierre Troisfontaines. Un autre cas est celui des patients avec une insuffisance cardiaque sévère qui, bien que sous traitement optimal, conserveraient des taux élevés de peptides natriurétiques(4). “Dans cette hypothèse où la situation ne s'améliore pas, il conviendrait éventuellement d'envisager une greffe ou une assistance cardiaques”, fait remarquer le cardiologue du CHR de la Citadelle. La plus-value apportée en cardiologie par le dosage des peptides natriurétiques n'échappe à personne. D'autant qu'il peut également se révéler utile face à des problèmes aigus comme l'embolie pulmonaire ou l'infarctus du myocarde, où une valeur élevée soulignerait d'un trait gras la sévérité de l'état du patient(5)(6). Dans tous les cas, compte tenu des différences physiologiques et analytiques entre le BNP et le NT-proBNP, il est important de toujours prescrire, pour le suivi d'un patient donné, le même dosage de peptide natriurétique. (1) ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2012 - European Heart Journal (2012) 33, 1787–1847. (2) L'emploi des peptides natriurétiques dans l'approche diagnostique des patients présentant une suspicion de décompensation cardiaque - KCE Reports 24B - Centre Fédéral d’expertise des Soins de Santé 2005. (3) Gianluigi Savarese et al : Changes of Natriuretic Peptides Predict Hospital Admissions in Patients With Chronic Heart Failure: A Meta-Analysis, JACC: Heart Failure, Volume 2, Issue 2, April 2014, Pages 148-158. (4 ) Mark Oremus et al : BNP and NTproBNP as prognostic markers in persons with chronic stable heart failure. Heart Fail Rev (2014) 19:471–505. (5) James SK et al. : N-terminal pro-brain natriuretic peptide and other risk markers for the separate prediction of mortality and subsequent myocardial infarction in patients with unstable coronary artery disease : a Global Utilization of Strategies To Open occluded arteries (GUSTO)-IV substudy. Circulation 2003 ; 108 : 275-81. (6) Kucher N. et al. Low pro-brain natriuretic peptide levels predict benign clinical outcome in acute pulmonary embolism. Circulation 2003; 107:1576- 78. Roche Biomarker Magazine 21