0123 Mercredi 26 avril 2006 ODÉON PATRICK MESSINA POUR « LE MONDE » Le Théâtre de l’Europe retrouve en beauté sa salle historique L’Odéon, devenu Théâtre de l’Europe en 1990, rouvre après trois ans d’une rénovation complète vril 2006 restera comme une pierre blanche dans l’histoire de l’Odéon. Après trois ans de travaux, le théâtre de la place Claudel, dans le 6e arrondissement, à Paris, ouvre ses portes au public, qui ne sera pas dépaysé. Si la rénovation a été complète, si, pendant des mois, la salle n’a plus été qu’un trou impressionnant, tout ou presque est comme cela fut. C’est dans le hall que les changements sont les plus visibles, avec la réapparition des cariatides longtemps masquées pour des raisons de sécurité – mesdames chancelaient –, et aujourd’hui revêtues d’un jaune éclatant. Les perspectives des escaliers et du foyer A ont ainsi retrouvé toute leur amplitude, rehaussée par le lissage des pierres. Mais qui entrerait pour la première fois dans la salle pourrait croire que le théâtre est en activité depuis des années. C’est là que la rénovation décline sa délicatesse : le vieil or des dorures et le rouge des tentures semblent déjà patinés. Pourtant, il y a une innovation importante. Le plancher, qui était plat, est désormais incliné. Les spectateurs verront donc bien, sans avoir à tourner la tête pour éviter celle du voisin de devant. Ainsi, le premier théâtre monumental de Paris s’offre une beauté et un confort à la hauteur de son histoire et de son ambition, inscrite en lettres d’or au fronton de la façade : Odéon Théâ- tre de l’Europe. Cette double inscription, on la doit à Giorgio Strehler. Et c’est vers lui que vont les pensées, au moment de la réouverture du théâtre dont le maître italien de la mise en scène a voulu qu’il soit une institution française au service de l’Europe, cette Europe qui pour lui représentait avant tout « une certaine idée de l’homme », portée haut à travers la culture. Depuis 1995, Giorgio Strehler n’est plus. Mais le Théâtre de l’Europe qu’il a créé en 1983, grâce à Jack Lang, a résisté, contre vents et marées. Il est aujourd’hui aussi naturel que l’est la nécessité d’un théâtre d’art. Nécessité à laquelle s’emploie depuis 1996 Georges Lavaudant, le directeur des lieux. Pendant la durée des travaux, l’Odéon a investi les Ateliers Berthier, dans le 17e arrondissement. Le public a vite trouvé le chemin de ces anciens dépôts de décors reconvertis en deux salles propices aux spectacles qui sortent du cadre du théâtre à l’italienne. Les Ateliers Berthier, prévus pour n’abriter qu’une halte, restent dévolus à l’Odéon, désormais doté de tous outils en accord avec sa mission. Vive les travaux ! Ils ont permis d’expérimenter une autre façon de travailler, une autre géographie parisienne, jetant un pont entre les quartiers chics et les abords du périphérique. Ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire du plus beau théâtre de Paris, et du théâtre à Paris. a Brigitte Salino ODÉON II Deux siècles riches d’une histoire mouvementée Inauguré par Marie-Antoinette en 1782, le Théâtre de l’Odéon vit au miroir de la société et de la politique françaises e Théâtre de l’Odéon, qui a ouvert ses portes en 1782, est sansdoutelaplus anciennesalle de théâtre parisienne encore debout. Elle a été construite, sur les anciens terrains de l’hôtel de Condé, par les architectes Charles de Wailly (1730-1798) et MarieJoseph Peyre (1730-1785). Nés la même année, tous deux couronnés d’un prix de Rome, ce sont des représentants du style néoclassique, qu’ils vont contribuer à populariser. Ils s’associeront pour construire un théâtre à proximité du palais du Luxembourg. Ils présenteront plusieurs projets. Celui qui sera accepté est conçu sur un plan rectangulaire. La façade principale est parée d’une colonnade rectiligne, des ponts, de chaque côté, conduisent à des cafés situés dans les bâtiments qui flanquent le théâtre, de l’autre côté de la rue. Une arcade fait le tour de l’édifice. A l’intérieur, un vestibule carré, planté de colonnes doriques, s’ouvre à deux escaliers symétriques. Il s’agit là du premier édifice monumental entièrement voué à l’art théâtral. La salle à l’italienne, la plus grande de Paris, peut loger 1913 places. Première innovation : il n’y a plus de places debout au parterre, tout le monde est assis. La seconde vient de l’éclairage par des quinquets. Des mécontents se moquent de cette « carrière de sucre blanc », la couleur qui domine dans la décoration. La nouvelle salle est confiée au Théâtre français, qui restera ici onze ans (1782-1793). Il occupe là sa quatrième salle : après la salle des machines au château des Tuileries (1770-1782), l’hôtel des Comédiens-du-Roi, rue des Fossés-Saint-Germain (1689-1770) et l’hôtel Guénégaud (1680-1689). C’est au futur Odéon qu’est créé, en 1784, Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, par les Comédiens français, qui montent également le Charles IX, de Marie-Joseph Chénier (le frère du poète guillotiné), une tragédie qui stigmatise la monarchie et fait scan- L Grâce au flamboyant Italien Giorgio Strehler (1921-1995), le fondateur du Piccolo Teatro de Milan (ici ,en répétition), l’Odéon devient en 1983 le Théâtre de l’Europe. LUIGI CIMINAGHI/ PICCOLO TEATRO DI MILANO dale. « Si Figaro a tué la noblesse, Charles IX tuerala royauté », prophétise Dantonen sortant du théâtre, qui change de nom en 1789, pour devenir, avec la même troupe, le Théâtre de la Nation. Sur scène, les « révolutionnaires » conduits par Talma, affrontent les « Noirs » réactionnaires, qui seront d’ailleurs arrêtés et emprisonnés. On y joue L’Esclavage des Noirs ou l’Heureux naufrage, d’Olympe de Gouges, féministe révolutionnaire, qui finit sur l’échafaud. Le 3 décembre 1793, le Théâtre de la Nation est fermé. Il rouvre unan plus tard, sous le nom de Théâ- tre de l’Egalité, doté d’un grand amphithéâtre à l’antique qui avale loges et balcons. En 1796, avec le Directoire, c’est le théâtre qui disparaît : voué à la « chorégraphie grecque », il ne s’appelle plus que l’Odéon. D’ailleurs, il brûle en 1799 et reste abandonné pendant huit ans. Vingt ans d’une Europe à inventer ’Odéon vient de fêter ses 200 ans quand, en 1983, il devient Théâtre de l’Europe. Il est alors attribué à la Comédie-Française, qui cède la place six mois par an à la nouvelle institution. C’est le début d’une histoire essentielle qui aujourd’hui semble aller de soi, mais fut longtemps conflictuelle. Cette histoire est avant tout celle d’un homme, un des grands maîtres de la mise en scène du XXe siècle, l’Italien Giorgio Strehler, pour qui l’Europe n’était pas une idée, mais une réalité. D’abord par sa famille : né en 1921 à Trieste d’un père d’origine autrichienne et d’une mère d’origine française, il a grandi entre trois langues, à un poste-frontière de la Mitteleuropa. Ensuite, par sa génération : Strehler a eu vingt ans pendant la seconde guerre mondiale. Il a été soldat, et résistant. Il avait la guerre en horreur et le désir indestructible de bâtir, à travers le théâtre qu’il a très tôt choisi, une Europe autre que celle dont aujourd’hui on désespère parfois : celle qui représente « une certaine idée de l’homme, avant même la création d’un système de gouvernement », comme il l’écrivait dans Le Monde, en 1979. Cette Europe-là passerait par les croisements et les échanges, bien sûr, mais aussi et surtout par « un théâtre d’art pour tous », à la hauteur de l’exigence jamais démentie du travail mené par Strehler en son Piccolo Teatro de Milan, fondé en 1947 et devenu un phare en Europe : « Nous avons toujours pensé le théâtre comme une L institution morale, comme un geste responsable : le Théâtre de l’Europe ne veut pas renoncer à ce principe. » L’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, en 1981, et la nomination de Jack Lang au ministère de la culture ont été décisives dans la création du Théâtre de l’Europe, indissociablement liée à la victoire de la gauche. Ami de longue date de Strehler, Jack Lang soutient le projet, dans l’effervescence de la nouvelle ère politique et culturelle française. Les statuts de l’acte fondateur du Théâtre de l’Europe tiennent en quelques pages. Son statut officiel repose, lui, sur la confiance plus que sur un contrat précis, ce qui sera assez vite source de malentendus, de bagarres et de coups bas. Mais qu’importe, en ce 3 novembre 1983, la première de La Tempête, de Shakespeare, dans une mise en scène signée du Maestro, donne le coup d’envoi d’une saison qui concrétise un rêve. Cette première saison permet d’entendre également Kleist, avec Minna von Barnhelm, une autre mise en scène de Strehler, Lumières de Bohême, de Valle Inclan, montées par l’Espagnol Lluis Pasqual, et La Bataille d’Arminius, de Kleist, mise en scène par l’Allemand Claus Peymann. L’année suivante, Strehler crée, en français, L’Illusion comique, de Corneille, rebaptisée L’Illusion, avec Gérard Desarthe dans le rôle principal, – un triomphe, et un spectacle emblématique des dialogues artistiques au-delà des frontières. Dans les trois premières années du Théâtre de l’Europe, on verra ainsi Dostoïevski par Youri Lioubimov, ou Shakespeare et Ibsen par Ingmar Bergman, tandis que Ugo Tognazzi viendra jouer en français sous la direction de Jean-Pierre Vincent, dans Six personnages en quête d’auteur, de Pirandello. Ce brassage des langues et cette confrontation des esthétiques, qui seront par la suite souvent soutenus par le Festival d’automne, sont les vecteurs d’une ouverture qui pourrait s’appeler l’utopie pragmatique. En témoigne une revue, Théâtre en Europe, lancée en 1984 qui, aujourd’hui encore, reste un modèle et une terre de rencontres inégalée. Une maison et un statut A l’issue de son premier mandat, en 1986, Strehler affiche légitimement sa fierté : le Théâtre de l’Europe existe. Mais il est menacé. En 1986, Jean Le Poulain succède à Jean-Pierre Vincent à la direction de la Comédie-Française, qui retrouve ses prérogatives sur l’Odéon. Retour donc à la situation d’avant 1983. Le Théâtre de l’Europe n’est plus à demeure, il est l’invité du Français, qui, à partir de 1987, l’accueille quatre petits mois par an, de mars à juillet. La France vit à l’heure de la cohabitation, l’Odéon aussi. Cela ne l’empêche pas de faire venir Luca Ronconi, Andrei Konchalovsky ou le splendide Théâtre Katona de Budapest, juste avant l’effondrement du bloc soviétique. La tension monte en 1988. Nommé par Jack Lang, qui a retrouvé son poste après la présidentielle, Antoine Vitez succède à Jean Le Poulain à la Comédie-Française. Giorgio Strehler choisit alors de frapper un grand coup. A un an de l’échéance de son second mandat, il écrit une lettre au président de la République dans laquelle il réclame un siège et un statut permanents pour le Théâtre de l’Europe. Parmi ceux qui appuient sa demande, il y a Samuel Beckett, Heiner Müller, Maurizio Pollini, Sir John Gieldgud... François Mitterrand entend. L’Odéon devient à partir de 1990 la maison du Théâtre de l’Europe, dont la direction est confiée au successeur de Strehler, le Catalan Lluis Pasqual. Ce dernier restera six ans à Paris, appelant Patrice Chéreau, Peter Zadek, Deborah Warner, Lev Dodine, Klaus Michael Grüber, Luc Bondy, Robert Wilson, Georges Lavaudant. Dans ces années-là, une autre Europe se dessine. L’effondrement du bloc soviétique signe la fin d’un monde bipolaire. Des repères idéologiques s’effacent, de nouvelles questions se posent. Georges Lavaudant, qui succède à Lluis Pasqual en 1996, maintient le cap et la barre. Krystian Lupa, Romeo Castellucci ou Christoph Marthaler entrent dans l’histoire du Théâtre de l’Europe, qui continue à se réinventer. a B. Sa. A l’automne sortira un livre, piloté par Colette Godard, sur le Théâtre de l’Europe Napoléon le fait reconstruire par Chalgrin (l’architecte de l’Arc de triomphe), qui abaisse la toiture, repousse d’une travée le mur du fond, refait entièrement le décor du foyer, où il introduit des colonnades en faux marbre jaune, ouvre une rotonde où il place des cariatides de stuc et parvient à caser une cheminée « retour d’Egypte ». L’établissement dénommé Théâtre de l’Impératrice prend le nom de Théâtre En 1789 est créé Royal dès la Restauration pour le « Charles IX » rebrûler derechef de Chénier, sous les yeux de Louis XVIII, en qui stigamiste 1818. L’architecte la monarchie. Baraguay, qui reconstruit « Si “Figaro” l’Odéon, supprime les deux petits a tué la noblesse, ponts le reliant “Charles IX” tuera aux maisons de la Corneille et la royauté », dit Dantonrue de la rue Molière à la sortie du spectacle (aujourd’hui Rotrou).Sage précaution contre les incendies, il édifie un mur pour mieux isoler la salle de la scène. L’Odéon continue son existence mouvementée. Si, en 1830, Victor Hugo gagne la bataille d’Hernani à la Comédie-Française (rue de Richelieu), Alfred de Musset perd celle de La Nuit vénitienne à l’Odéon, où il est sifflé. En revanche, en 1843 triomphe la Lucrèce de Ponsard, une tragédie néoclassique avec une ex-romantique dans le rôletitre, Marie Dorval, elle aussi passée à l’ennemi – elle venait de créer (sans succès) Les Burgraves, de Victor Hugo. George Sand (François le Champi), Edmond de Goncourt (La Maréchale) et Alphonse Daudet (Jack) y créent des pièces. Transformé en ambulance pendant la guerre de 1870, restauré par Duquesne en 1875, l’Odéon a vu longtemps les galeries à arcades qui l’entourent occupées par des bouquinistes. Antoine (1858-1943), le fondateur du Théâtre libre, restera sept ans à l’Odéon (1906-1914), le temps de monter 364 pièces, une par semaine. Aussi bien Tartuffe de Molière que Ramuntcho de Loti. Il engagera aussi de gros travaux, supprimant « 300 mauvaises places » – il en reste alors 1264 ! –, aménageant l’orchestre en pente, repeignant la salle couleurs « feuille morte » et « vieil or ». Il y monte Shakespeare, notamment pour son « arrivée », Jules César, avec De Max dans le rôle-titre et à l’aide d’une figuration nombreuse dont il maîtrise les amples mouvements. Il essaie également des dispositifs transformables (dans Coriolan et Roméo et Juliette) et multiplie les décors. Le père du théâtre naturaliste s’y ruine. C’est le « dauphin rétif » d’Antoine, Firmin Gémier (1869-1933), le futur créateur du Théâtre national populaire, qui reprendra un temps l’Odéon (1922-1930). De 1946 à 1959, l’Odéon devient la « deuxième salle » de la Comédie-Française, dite du Luxembourg. Nouveau ministre des affaires culturelles du général de Gaulle, André Malraux s’empresse de confier l’Odéon, devenu Théâtre de France, à JeanLouis Barrault, qui le gardera neuf ans. Le temps d’y monter Tête d’or, de Claudel, spectacle inaugural à l’issue duquel le général aurait déclaré à son ministre : « Ce Claudel, il a du ragoût. » Mais Barrault monte aussi Ionesco (Rhinocéros, Le Piéton de l’air), Beckett (Oh les beaux jours), Duras (Des journées entières dans les arbres), et, bien sûr, Genet. Les Paravents, qui feront scandale, seront joués sous protection policière. Arrive 1968 et le joli mois de mai. L’Odéon occupé est le théâtre de fabuleux happenings improvisés, tandis que Barrault est débarqué. Il devient un « centre expérimental », chargé d’accueillir des troupes de province ou de l’étranger. En 1971, la Comédie-Française, dirigée par Pierre Dux, récupère le théâtre. En 1975, un Italien flamboyant, Strehler, directeur du Piccolo Teatro de Milan, est invité à y monter Goldoni. Après lui, on y verra Vitez et Roger Blin. Jack Lang met fin à ces ambiguïtés : le nouveau ministre de la culture de François Mitterrand, en 1983, le confie à Giorgio Strehler, qui en fera l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Lluis Pasqual lui succédera en 1990. Et après lui Lavaudant, en 1996. La nouvelle institution vient ainsi de passer vingt ans sans changer d’étiquette – un exploit pour l’Odéon. a Emmanuel de Roux 0123 III Mercredi 26 avril 2006 QUATRE TEMPS FORTS DE L’ODÉON-THÉÂTRE DE L’EUROPE La Tempête DE SHAKESPEARE, MISE EN SCÈNE PAR GIORGIO STREHLER 1983. Le 3 novembre, le Théâtre de l’Europe est inauguré avec une Tempête qui s’inscrit comme un rêve dans les mémoires. Le rideau s’ouvre sur une mer nocturne et furieuse, le vent rugit, un mât penche, des hommes se débattent : c’est la plus belle tempête qui fut jamais donnée à voir. Elle s’achève dans un roulis de toi- PROGRAMMATION 2006-2007 a Quartett, d’Heiner Müller. Mise en scène de Robert Wilson. Du 28 septembre au 2 décembre, Odéon, Paris 6e. a Baal, de Bertolt Brecht. Mise en scène de Sylvain Creuzevault. Du 5 au 28 octobre, Berthier, Paris 17e. a Hey Girl !, par la Societas Raffaello Sanzio. Mise en scène de Romeo Castelluci. Du 16 au 25 novembre, Berthier. a Cassandre, d’après Christa Wolf. Musique de Michaël Jarrell. Mise en scène de Georges Lavaudant. Les 9, 12 et 13 décembre, Berthier. a Le Roi Lear, de Shakespeare. Mise en scène d’André Engel. Du 13 janvier au 24 février 2007, Berthier. a Zarathustra, d’après Friedrich Nietzsche et Einer Schleef. Mise en scène de Krystian Lupa. En polonais surtitré. Du 18 au 27 janvier, Odéon. a L’Affaire de la rue de Lourcine, d’Eugène Labiche. Mise en scène de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. Du 22 février au 31 mars, Odéon. a Base 11/ 19, conception Guy Alloucherie, Martine Cendre, Howard Richard. Mise en scène de Guy Alloucherie. Du 8 au 31 mars, Berthier. a Thérèse Philosophe, texte anonyme, attribué au marquis Boyer d’Argens. Mise en scène d’Anatoli Vassiliev. Du 29 mars au 28 avril, Berthier. a Les Cenci, d’après Antonin Artaud. Livret et musique de Giorgio Battistelli. Mise en scène de Georges Lavaudant. Les 6 et 7 avril, Odéon. a La Tempête, de William Shakespeare, en quatre langues surtitrées. Mise en scène de Dominique Pitoiset. Du 27 avril au 2 juin, Berthier. a Il Ventaglio (L’Eventail), de Carlo Goldoni. Mise en scène de Luca Ronconi. En italien. Du 10 au 20 mai, Odéon. a Berthier’07, un festival pour les jeunes acteurs. En juin, Berthier. les qui met à nu l’illusion, cette illusion de la vie et du pouvoir qui bat au cœur même de la pièce de Shakespeare. Strehler œuvre en maître, il magnifie le théâtre à l’italienne, en montre la magie et la fragilité, qui sont celles mêmes du théâtre et de son pouvoir. LUIGI CIMINAGHI/PICCOLO TEATRO DI MILANO Horror Suite Macbeth DE SHAKESPEARE, PAR CARMELO BENE 1996. Georges Lavaudant invite Carmelo Bene, acteur inégalé de la consomption, de la fureur et de la stupeur. Par la grâce d’une voix qui réconcilie le chant antique et celui de l’opéra, l’Italien frère d’Artaud fait entendre « ce que Shakespeare se cachait à lui-même ». PRATIQUE a Renseignements Du lundi au samedi, par téléphone, au 01-44-85-40-40. Internet : www.theatre-odeon.fr EFFIGIE/LEEMAGE a Adresses Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris. Métro Odéon ou RER B Luxembourg. Ateliers Berthier, 8, boulevard Berthier, 75017 Paris. Métro et RER C Porte de Clichy. 2005. Puisque le temps d’une chanson, tout est possible, ils chantent, ces hommes et ces femmes réunis au café de La Bonne Espérance. Des gens de la mer, en partance ou dans Splendid’s DE JEAN GENET, MIS EN SCÈNE PAR KLAUS MICHAEL GRÜBER 1995. Sept « voyous suprêmes » dansent avec la mort, le temps d’une nuit, leur dernière nuit, qu’ils passent dans un palace où ils se sont retranchés après avoir enlevé la fille d’un millionnaire. C’est Splendid’s, la pièce de Genet reniée par son auteur, que l’Allemand Klaus Michael Grüber met en scène, demandant à Peter Handke de la traduire. Dans l’ovale mystérieux d’un décor de Gilles Aillaud, la nuit se déploie comme un voile, repliée sur la solitude de chacun, dans l’attente du moment ultime. WILFRIED BÖING l’attente du retour, qui tanguent comme tangue la vie, la vie humaine trop humaine, celle que le Suisse Christoph Marthaler sait comme nul autre mettre en scène. PHILE DEPREZ Seemannslieder D’APRÈS OP HOOP VAN ZEGE, D’HERMANN HEIJERMANS, MIS EN SCÈNE PAR CHRISTOPH MARTHALER a Location Par téléphone, au 01-44-85-40-40, ou à la Fnac, au 0892-68-36-22 (0,34¤ la mn). Au guichet du Théâtre de l’Odéon, du lundi au samedi de 11 heures à 18 heures. Internet : www.theatre-odeon.fr, theatreonline.com a Abonnements et pré réservations En individuel : Par téléphone, au 01-44-85-40-38. Au guichet du lundi au vendredi de 15 heures à 18 heures. Internet : [email protected] En groupes : Pour les amis, les associations, les comités d’entreprise, par téléphone au 01-44-85-40-37. Internet : [email protected] Pour les groupes scolaires et universitaires, par téléphone au 01-44-85-40-39. Internet : [email protected] a Correspondance A adresser à l’Odéon, Théâtre de l’Europe, 2, rue Corneille, 75006 Paris . ODÉON IV GEORGES LAVAUDANT, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe « Mettre un peu de mineur dans le majeur » Vous faites souvent référence au théâtre d’art : qu’entendez-vous par là ? Pour moi, on est dans le théâtre d’art quand la vérité du plateau prime sur tout le reste, et quand tout est mis au service de cette vérité d’essence artistique que l’on essaye d’atteindre : le spectateur doit avoir le sentiment que ce qu’il voit est unique, qu’il ne s’agit pas d’un objet reproductible. Et on n’est pas dans le théâtre d’art quand ce sont d’autres contraintes, financières notamment, qui priment. Dans quelle tradition inscrivez-vous ce théâtre d’art ? Je l’inscris, contradictoirement d’ailleurs, dans la double filiation de Stanislavski, bien sûr, et de Vilar. Pour moi, Jean Vilar, c’était cela : l’attention portée aux moindres détails, au texte que l’on veut jouer, aux acteurs, à l’espace scénique, aux musiques, aux costumes, etc., mais tout en faisant que le public soit le plus large possible. Vilar, même s’il se minorait lui-même en s’appelant régisseur et non metteur en scène, voulait que ce qui était sur le plateau soit d’une dignité et d’une morale sans faille. Et bien sûr, la référence principale, c’est Stanislavski. Avant lui, les pièces se répétaient en quelques jours, avec des acteurs qui arrivaient au dernier moment et trois costumes récupérés dans la réserve. Le théâtre était une activité à moitié sportive et à moitié cabotine. Stanislav-ski a dit : « Arrêtons tout et réfléchissons à ce que serait une morale du théâtre – qui n’est pas une morale de la vie. Au contraire, dans le bon sens du terme, le théâtre est toujours amoral. La morale du théâtre d’art, c’est la conscience de ce qui se fait. On ne peut jamais l’atteindre vraiment, c’est une chose vers quoi on tend. » l’ouvrir à l’infini quand on le retravaille avec des conceptions ludiques ou intellectuelles fortes. L’esthétique du théâtre d’art consiste en une chasse aux clichés sur la pièce, et sur l’époque. Ce n’est pas parce que vous jouez une pièce en costumes contemporains avec de la musique techno que cette pièce trouve sa vérité pour aujourd’hui. Comme le disait Carmelo Bene, il ne s’agit pas de faire un Hamlet de plus, mais un Hamlet de moins. Je pense que le théâtre d’art est aussi lié au fait que les institutions soient dirigées par des metteurs en scène. Etre soi-même dans le conflit de la double casquette donne plus de poids pour maintenir le cap. « Le théâtre européen, c’est le contraire de Bruxelles. Ce n’est pas une langue unique, ce n’est pas l’euro » Ce théâtre est-il lié à un répertoire et à une esthétique particuliers ? Plus à une esthétique qu’à un répertoire. Le répertoire, on l’a bien vu ces dernières années, avec Feydeau notamment, on peut Quel était votre imaginaire de l’Europe quand vous avez pris la direction de l’Odéon en 1996 ? A l’époque, vous disiez que votre Europe était plutôt celle de Kafka que celle de Goethe. Il est vrai que je suis arrivé avec l’envie d’apporter dans ce temple qui symbolisait une Europe forte, sûre d’elle-même, brillante, lumineuse, la vision d’une Europe différente, comme une ombre portée : un imaginaire européen allant de Kafka à Joyce en passant par Pessoa ou Schulz – ce que Gilles Deleuze appelle « les langues minoritaires ». Giorgio Strehler, c’est l’Européen modèle, c’est un maître incontestable, c’est l’Europe de Mozart et de Goethe. Je souhaitais mettre en question l’Odéon, l’amener à réfléchir sur ses propres clichés d’institution au public bien élevé, attendant un post-stréhlérisme dans toute sa splendeur. Il ne s’agissait pas de contredire Strehler, mais de dire qu’il y avait aussi une autre Europe, plus fragile, plus contradictoire, plus torturée. Mettre un peu de mineur dans le majeur. Et aujourd’hui, que signifie ce label ? En arrivant, je me suis rendu compte qu’il y avait une réalité des théâtres en Europe, très concrète, loin de l’imaginaire littéraire. Il y a eu une sorte d’ajustement à faire. Aujourd’hui, on est dans PARCOURS 1947 : naissance à Grenoble (Isère). 1975 : met en scène Lorenzaccio, de Musset, avec sa compagnie du Théâtre Partisan. 1976 : codirecteur, avec Gabriel Monnet, du Centre dramatique national des Alpes, à Grenoble. une amplification du travail amorcé par Strehler et poursuivi par Lluis Pasqual. L’idée, c’est d’avoir les meilleurs spectacles européens, dans leur langue, et de les jouer le plus longtemps possible – pour que ce ne soit pas qu’une politique festivalière en deux soirs, avec la salle des invités le premier soir et vaguement du public le second soir. Il s’agit donc d’un effort de consolidation et non de rupture. Une affirmation européenne qui doit être rendue la plus militante possible. C’est particulièrement essentiel après le refus de l’Europe qui s’est exprimé au référendum de mai 2005 – si tant est que ce « non » ait vraiment exprimé un refus de l’Europe. 1986 : devient codirecteur, avec Roger Planchon, du Théâtre national populaire de Villeurbanne (Rhône). 1996 : prend la direction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris. PATRICK MESSINA POUR « LE MONDE » Pourquoi est-ce si essentiel ? Parce que je me sens européen. Et que, pour moi, le théâtre européen, c’est le contraire de Bruxelles. Ce n’est pas une langue unique, ce n’est pas l’euro. C’est une autre Europe, plus riche, moins schématique que celle à laquelle on voudrait nous faire adhérer et qui, peut-être, connaît des ratés justement parce qu’elle veut lisser la richesse de cet ensemble extrêmement divers, mais qui est un espace géographique, historique et culturel incontestable. Pourquoi vous semblait-il nécessaire de conserver la salle de Berthier, malgré la réouverture de la salle historique ? D’abord parce que l’Odéon a toujours voulu obtenir une deuxième salle. Maintenant qu’on l’a, on ne va pas l’abandonner ! Ensuite, parce qu’on ne fait pas la même chose à Berthier que dans une salle à l’italienne. Cela permettra de varier les projets, selon l’inspiration des metteurs en scène. Berthier ne sera pas dévolue aux textes contemporains, tandis que l’OdéonClaudel accueillerait le répertoire. Avoir ces deux salles permet de servir au mieux notre projet d’un théâtre de l’Europe. a propos recueillis par Fabienne Darge et Brigitte Salino Les chemins de traverse d’Ariel Garcia-Valdès H amlet, c’est lui : Ariel Garcia-Valdès, sans qui Georges Lavaudant n’aurait pas monté la pièce de Shakespeare qui inaugure l’Odéon rénové, dans une version très personnelle, sous-titrée Un songe. Ainsi se poursuit, entre le metteur en scène et l’acteur, une histoire de théâtre et de vie qui traverse l’arc du temps. Elle a commencé dans les années 1960, à Grenoble, où Ariel Garcia-Valdès a grandi entre une mère catalane et un père castillan, des républicains qui, comme tant d’autres, ont fui l’Espagne de Franco et sont venus dans les Alpes, parce qu’il y avait du travail à l’usine. Le théâtre, lui, est venu par un professeur qui, en lui donnant des textes à dire, a vu qu’Ariel Garcia-Valdès était acteur. L’adolescent est alors allé pour la première fois dans une petit théâtre de la ville, et là, dans l’obscurité au milieu des gens, il s’est senti bien. C’est alors que sa route a croisé celle de Georges Lavaudant, qui était alors étudiant. Ensemble, avec la bande où il y avait déjà Philippe Morier-Genoud et Annie Perret, ils créent le Théâtre Partisan et font du théâtre partout où cela est possible, et même improbable. Leur premier spectacle s’appelle Eh bien quoi qu’il arrive on fait quelque chose ensemble ! La suite appartient à l’histoire, qui les mène dans une salle de Grenoble qu’ils aménagent. Gabriel Monnet, un grand bonhomme de la décentralisation, les prend sous son aile. En 1973, Ariel Garcia-Valdès joue Lorenzaccio, en 1975, il est Edgar dans Le Roi Lear – deux spectacles qui assurent la renommée de la bande de Lavaudant, invité en 1976 à devenir codirecteur (avec Gabriel Monnet) du Centre dramatique national des Alpes. « Ce temps merveilleux du théâtre et de la vie en même temps », comme le dit Ariel Garcia-Valdès, voit naître plusieurs spectacles restés dans les annales, Palazzo mentale (1976), un collage dans la tradition des tout premiers spectacles, Maître Puntila et son valet Matti, de Brecht (en 1978), Les Géants de la montagne, de Pirandello (en 1981), ou bien encore Les Céphéides, de Jean-Christophe Bailly, créés dans la Cour d’honneur du Palais des papes, au Festival d’Avignon, en 1983. Une séduction désespérée L’année suivante, Ariel Garcia-Valdès retrouve la Cour, où il est un inoubliable Richard III. Avec lui, la claudication du roimonstre de Shakespeare devient une danse nietzschéenne, le mal et la laideur s’enlacent dans une séduction désespérée, la mort se maquille d’un rictus noir. Et puis plus rien. En 1986, Georges Lavaudant est appelé à codiriger avec Roger Planchon le Théâtre national populaire de Villeurbanne. Il part bien sûr avec sa bande. Moins Ariel Garcia-Valdès, qui ne voit pas l’intérêt de déplacer leur aventure à cent kilomètres de Grenoble. A ce moment-là, on propose à l’acteur de monter L’Echange, de Claudel, à Barcelone. Il part. « J’ai toujours pensé qu’une histoire viendrait là. » Ainsi, la boucle de l’exil des parents est bouclée. Le travail le mène à Séville et Madrid, des classiques aux contemporains, mais toujours du côté de la mise en scène. Ariel Garcia-Valdès ne joue plus. Et cela pendant vingt ans. A une exception près : en 1994, il est dans Les Estivants, de Gorki, mis en scène par Lluis Pasqual, alors directeur de l’OdéonThéâtre de l’Europe. Ne pas jouer ne manque pas à Ariel Garcia-Valdès. Des propositions, il en a beaucoup, mais il les repousse. « Je ne me suis jamais dit que je n’avais plus envie de jouer, dit-il, mais je n’ai jamais eu cette nécessité impérieuse qu’ont les acteurs d’être sur une scène. » Ce n’est pas une coquetterie. Ariel Garcia-Valdès a toujours été ainsi. A Grenoble déjà, il pouvait rester des mois sans jouer, et sans que cela lui pèse. Au contraire : être dans la rue où les montagnes lui suffisait, comme lui a toujours suffi un poème de Georg Trakl ou une phrase de Stanislas Rodanski. C’est un acteur qui se nourrit des « vides » vécus comme une promesse, et se ressource dans un ailleurs qui n’appartient qu’à lui. Ariel Garcia-Valdès n’a jamais eu d’agent, il n’a pas de portable ni de téléphone fixe. « Et on arrive toujours à me trouver », dit-il. Depuis 1996, on le trouve à Montpellier, où il dirige avec passion le Conservatoire d’art dramatique. A sa façon : seul avec une secrétaire. Dans cette école qu’il veut avant tout « une école de la vie », il n’y a pas de professeurs fixes, mais des acteurs, comme Serge Merlin, Jacques Bonnaffé ou Denis Lavant, qui accompagnent les élèves totalement impliqués dans toutes les activités. Il a fallu que ce soit Georges Lavaudant pour qu’Ariel GarciaValdès cède et revienne à la scène. En 2005, ils ont repris à Berthier un de leurs spectacles fétiches créé en 1979, La Rose et la Hache, d’après Shakespeare et Carmelo Bene. Maintenant, il y a Hamlet, qu’Ariel Garcia-Valdès a joué sous la direction de Daniel Mesguich, et qui fait de lui le premier à fouler le plateau du nouvel Odéon. En attendant Quartett, d’Heiner Müller, avec Isabelle Huppert, sous la direction de Robert Wilson, en ouverture de la saison 2006, à l’Odéon, toujours. Alors, cours vite, camarade, Ariel Garcia-Valdès est là. Et cela ne durera peut-être qu’un temps. a B. Sa.