Université d'été de Nutrition 2003 – Clermont-Ferrand – 17-19 septembre 2003
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des reins. Les sels d’anions organiques de potassium se trouvent presque exclusivement dans
les fruits et les légumes. Un apport insuffisant de ces sels de potassium en présence d’une
production élevée d’ions sulfate entraîne un état d’acidose métabolique latent dans
l’organisme et l’oblige à mobiliser des cations à partir des stocks de l’organisme, que ce soit
le potassium des muscles ou le calcium de l’os. Lorsque l’état d’acidose métabolique se
prolonge sur de longues périodes, on observe une diminution significative du calcium osseux
(ostéopénie) avec éventuellement une fragilisation du squelette, ainsi qu’une accentuation du
catabolisme protéique (par rapport à l’anabolisme) pouvant conduire à une fonte musculaire.
Le chlorure de sodium peut, de son côté, aggraver les pertes urinaires en calcium.
Les rations préhistoriques étaient riches en potassium (8-12 g/j, à comparer aux 2-3 g/j des
régimes actuels), dont une part importante sous forme d’anions organiques, et très pauvres en
sodium (autour de 30 mEq/j). L’apport de sodium dans les sociétés industrialisé a
énormément augmenté, presque exclusivement sous forme de chlorure : il est de l’ordre 100 à
300 mEq/j. Cette transition, relativement récente (quelques millénaires, avec une aggravation
très récente), face à un génome qui n’a pratiquement pas évolué par rapport à la période
préhistorique, entraîne plusieurs graves conséquences : risque d’hypertension, incidence
accrue de l’ostéoporose, catabolisme azoté excessif. Il faut remarquer que, pendant les
épisodes glaciaires, les hommes préhistoriques ingéraient sans doute un régime à
prédominance carnivore et très pauvre en fruits et légumes au cours de la période hivernale.
La question se pose donc de savoir s’ils subissaient des périodes d’acidoses métaboliques, et
quelles étaient leur conséquence sur des organismes présentant des dépenses énergétiques très
élevées. Contrairement aux hommes modernes, l’apport de sel (minime) ne risquait pas
d’aggraver cette situation critique. Dans quelle mesure, ces situations métaboliques limites,
étaient un facteur de diminution de longévité ? Ceci reste une question ouverte.
Quels enseignements tirer de l’étude de l’alimentation pré-historique ?
Il est probable que l’apport de nombreux autres nutriments a considérablement varié au
cours des âges, comme le résume le tableau 1, ainsi que celui de certains aliments qui étaient
inconnus de nos prédécesseurs tels que les céréales après cuisson ou les produits laitiers. La
maîtrise du feu, qui a largement précédé celle de l’agriculture, a probablement eu des
conséquences considérables en rendant ingestibles (et digestibles) des aliments auparavant
peu consommables. Cette révolution a dû élargir la palette d’aliments entrant dans la ration de
l’homme préhistorique, mais elle a pu aussi altérer certains constituants alimentaires dans la
mesure où les premiers systèmes de cuisson étaient sans doute assez frustres.
Néanmoins, en se basant aussi sur l’observation des derniers chasseurs-cueilleurs
subsistant actuellement, il apparaît que les régimes préhistoriques devaient être limités en
glucides mais relativement riches en protéines et sans doute aussi en lipides. En outre, ces
régimes étaient très riches en minéraux ou micronutriments divers, ainsi qu’en fibres.
Pour autant, faut t’il préconiser un tel type de régime pour l’homme moderne ? Ceci n’est
pas évident car ces régimes étaient consommés par des populations présentant une dépense
énergétique très élevée, mais aussi une faible espérance de vie ce qui pouvait occulter les
conséquences défavorables à long terme de certains modes d’alimentation, sur les maladies
dégénératives par exemple. D’autre part, c’est l’agriculture et plus particulièrement la maîtrise
de la culture et du traitement des céréales qui a permis l’essor démographique de l’humanité.
Néanmoins certaines conclusions intéressantes peuvent être tirées de cette remontée dans le
temps : l’importance de l’apport de potassium pour l’intégrité des tissus structuraux (os,
muscles) et le caractère superflu et néfaste d’un apport élevé de sodium, l’importance d’un
apport équilibré en acides gras (notamment ceux de la série n-3) qui suppose aussi un
excellent statut en facteurs antioxydants, l’intérêt des glucides complexes lentement dégradés