138
Résumé
L’ e xistence de dysfonctionnements cog n i -
t i f s pendant les phases symptomatiques
du trouble bipolaire a été reconnue très
précocement par Kraepelin en 1921 (1).
Des déficits des capacités attentionnelles,
une atteinte de la flexibilité mentale, une
baisse de l’apprentissage verbal et non
verbal et une altération de la mémoire
ont été rapportés à la fois chez d e s
patients primés et chez des patients
maniaques souffrant de troubles bipo-
laires (2-6). Cependant, il semble que les
déficits cognitifs soient retrouvés, alors
que les patients sont en phase asympto-
matique de la maladie. Des défi c i t s
cognitifs importants et diffus ont été rap-
portés chez les patients ambulatoires
souffrant de troubles bipolaires et rap-
prochés d’une diminution de volume
des structures mésencéphaliques à
l’IRM (7). Un grand nombre d’épisodes
p s y c h o p a t h o l ogiques et l’existence d’hos-
pitalisations chez les patients souffrant
de troubles bipolaires, ou à l’occasion de
dépressions, seraient à l’origine de défi-
cits cognitifs plus sévères alors que les
états normothymiques le seraient moins
(8, 9). Cependant, la présence de mani-
festations infra-cliniques est susceptibl e
de modifier les performances cog n i t i ve s ,
notamment chez les patients présentant
des niveaux de symptomatologie pres-
s i ve ou anxieuse comparés à des patients
totalement asymptomatiques ( 8 ) . Les
fonctions ex é c u t ives sont défi c i t a i r e s
chez les patients présentant un trouble
bipolaire en phase normothymique (10).
De même, les patients bipolaires présen-
tant des dyskinésies tardives manifestent
une performance inférieure dans des
tâches de vitesse psychomotrice (4, 11).
Très peu d’études ont examiné le profil
cognitif des patients bipolaires en phase
de stabilité de l’humeur. En revanche,
Sapin, en 1987, n’a pas mis en évidence
de déficit des fonctions visuo-spatiales
chez vingt patients bipolaires non traités,
comparés à des témoins sains.
Plus récemment, les patients bipolaires
diagnostiqués euthymiques, avec ou
sans antécédent de dépendance à l’al-
cool, ont été soumis à une batterie
n e u r o p s y c h o l ogique. Des déficits en
mémoire verbale ont été mis en évidence,
ces déficits étaient plus marqués chez
des sujets présentant des antécédents
de dépendance à l’alcool. Chez ces
patients, les fonctions préfrontales, les
fonctions exécutives se sont révélées
d é f icitaires, ainsi que la mémoire ve r b a l e .
Les performances en mémoire verbale
et le fonctionnement exécutif de ces
patients sont corrélés négativement au
nombre d’épisodes maniaques et au
nombre total de mois passés en dépres-
sion ou en manie (12).
Dans une seconde étude, datant de 1999,
les mêmes auteurs ont montré que les
déficits de mémoire initialement décrits
chez les patients bipolaires étaient limi-
tés à ceux repérés par des mesures de
mémoire déclarative et qu’ils n’affec-
taient pas la mémoire procédurale. On
peut interpréter ces données comme
témoignant d’un dysfonctionnement des
régions corticales temporales expliquant
le déficit cognitif observé chez les bipo-
laires. Il semblerait, chez les bipolaires,
qu’il existe des déficits cognitifs de type
“trait” chez les normothymiques, parti-
culièrement chez ceux qui consomment
de l’alcool. En revanche, en présence
d’une pathologie sévère ou chez des
patients aux antécédents d’alcoolisme, il
paraît difficile de faire la diff é r e n c e
entre les effets de l’alcool et les effets
délétères de la pathologie bipolaire. En
outre, les patients évalués étaient traités
par le lithium, facteur confondant dans
l’interprétation des performances neuro-
psychologiques.
Aucune relation de cause à effet n’a pu
être établie entre les niveaux plasma-
tiques de lithium et les scores neuropsy-
chologiques. Les effets du lithium au
plan cognitif sont controversés (13-15).
L’arrêt du lithium a été associé à une
augmentation des performances dans les
tests de mémoire en vitesse motrice et
dans les fonctions associatives (16).
L’existence d’un déficit des fonctions
préfrontales chez les patients bipolaires
a été suggérée par Ferrier en 1999, qui a
étudié 41 patients normothymiques et
retrouvé une performance déficitaire en
fonction exécutive. Les bipolaires de
type I présentent des performances défi-
citaires en apprentissage verbal, fonc-
tionnement exécutif et coordination
motrice, comparés à des témoins sains
appariés en fonction de l’âge, du sexe et
du niveau d’études.
La cognition dans le trouble
bipolaire
C.S.Peretti*, C.L. Charrel**, F. Ferreri**
L
e trouble bipolaire reste le mal-aimé
des pathologies psychiatriques du
point de vue des études évaluant
la cognition. Comparativement à la
d é p ress ion et à la schizophrénie, le
trouble bipolaire n’a fait l’objet que d’un
nombre limité d’études. Une des raisons
a vraisemblablement trait aux difficultés
du diagnostic de cette pathologie et à
sa variabilité clinique dans le temps.
*Chef du service psychiatrie,
CHU Robert-Debré, Reims.
** Service psychiatrie,
CHU Robert-Debré, Reims.
Mise au point
139
Les mesures d’activité occupationnelle
et le niveau des relations sociales sont
associés à une perform a n c e inférieure
dans les tâches d’apprentissage verbal
ainsi qu’au plan du fonctionnement exé-
cutif. Les patients bipolaires de type I
normothymiques présentent un déficit
cognitif au cours des phases asympto-
matiques de la maladie. Un cert a i n
nombre de déficits observés chez ces
patients seraient associés à un pronostic
plus sévère de la maladie et à un fonc-
tionnement occupationnel et social plus
pauvre. Le rôle des fonctions cognitives
pourrait donc servir de témoin de la
sévérité et de la gravité de certaines
formes du trouble bipolaire, mais égale-
ment de valeur pronostique, voire de
mise en évidence, de formes infracli-
niques de la maladie ou d’un lien entre
fonctions cog n i t ives et vulnérabilité
biologique ou génétique dans certains
types de troubles bipolaires.
Les conceptions anciennes de Kraepelin,
développée dans un ouvrage paru en
1913, qui distinguait la dementia prae-
cox de la maladie maniacodépressive,
ont probablement été à l’origine d’une
c e r taine saffection de l’étude des
fonctions cog n i t ives dans la maladie
bipolaire. En effet, Kraepelin avançait
l’existence d’un déclin cognitif marqué
dans la schizophrénie, auquel il opposait
une évolution non déficitaire dans la
maladie maniacodépressive (17).
Malheureusement, la réalité actuelle du
niveau des performances cognitives des
patients souffrant de trouble bipolaire
est tout autre : on estime que 30 à 50 %
des patients bipolaires en rémission res-
tent incapables d’atteindre le niveau pré-
morbide de fonctionnement psychoso-
cial, en raison principalement d’un défi-
cit cognitif (18).
La comparaison du niveau de fonction-
nement cognitif des patients souffrant de
trouble bipolaire à celui de patients souf-
frant d’autres pathologies mentales per-
met de dessiner l’existence d’un profil
c o gnitif relativement spécifique du troubl e
bipolaire. Ce type de profil cognitif per-
siste en dehors des phases symptoma-
tiques de la maladie, ce qui conduit à
envisager l’existence d’un ensemble de
caractéristiques de type “trait”, disposi-
tionnelles de cette pathologie.
Introduction
Pour les cliniciens que nous sommes,
l’étude du fonctionnement cognitif des
patients souffrant de trouble bipolaire
est intéressante au plan évolutif, qui ren-
voie à des états cliniques diff é r e n t s .
Cette mise au point aura donc comme
premier objectif de dresser un inventaire
aussi complet et précis que possible de
l’état cognitif des patients bipolaires en
fonction du profil clinique. Le deuxième
objectif de cet état des lieux sera de ten-
ter un diagnostic cognitif différentiel
comparé au profil cognitif existant chez
les patients schizophrènes ou déprimés.
Ce travail se fonde sur les études
publiées récemment, gage d’une métho-
dologie des sciences cognitives suffi-
samment élaborée et homogène, garan-
tissant un minimum de comparaisons
entre résultats et discussions d’auteurs.
Les mots-clés utilisés pour cette
recherche sont principalement : mémoire,
attention, fonction cognitive, fonctions
ex é c u t ives, fonctionnement neuropsycho-
l og i q u e , croisés avec maladie maniaco-
dépressive, état maniaque ou dépressif,
trouble bipolaire. La plupart des articles
publiés concernent des adultes d’âge
variable (de 16 à 65 ans) comparés à des
témoins appariés ou normés en fonction
des tests utilisés, le diagnostic étant
fondé sur l’utilisation des critères de la
CIM IX ou X, ou du DSM III ou III révi-
ou IV, ou bien encore des critères
R e s e a rch diagnostic criteria (RDC) défi-
n i s spécifiquement pour la recherche.
Nous avons délibérément éliminé les
p u blications qui ne permettaient pas
d’établir avec précision le diagnostic de
l’état clinique des patients étudiés.
Différents types de tâches ont été utilisés
dans la littérature pour évaluer le fonc-
tionnement cognitif des patients, les pre-
miers sont ceux qui sont censés mesurer
des processus cognitifs. On en trouve un
catalogue dans l’ouvrage de référence
écrit par Mme la docteure Lezak, publié
en 1995 (19). La difficulté rencontrée
dans ce type d’approche est liée à la
relative méconnaissance du type de pro-
cessus sous-tendant la performance dans
certains tests cognitifs.
Une méthode alternative qui a été pro-
posée dans la littérature consiste en
l’utilisation de l’analyse en cluster telle
que Goldstein l’a effectuée en 1984 ;
elle présente l’inconvénient de laisser de
côté un certain nombre de tâches. La
troisième technique de compilation pro-
pose de laisser de côté la méthode systé-
matique et d’accumuler les perfor-
mances des patients dans des épreuves,
au risque d’aboutir à une certaine confu-
sion. Aucune méthode n’est parfaite ni
c a p a b l e d’éviter le fait que la perform a n c e
des patients, dans la grande majorité
des tâches auxquelles ils sont soumis,
dépende d’un nombre de processus
c ognitifs supérieur à un. Certains auteurs
ont contourné l’obstacle d’une étude très
systématique et trop cloisonnée de la
cognition appliquée aux malades souf-
frant de trouble bipolaire en fournissant
des commentaires et des notes explica-
tives en marge de leur recueil d’infor-
mation dans la littérature, remarq u e s
ayant trait aux tests individuels qu’ils
ont recensé dans différentes études (20).
Les descriptions cliniques retrouvées dans
les études publiées dans la littérature
c o m p o r tent les termes “d’euthy m i e ” ,
lorsque les auteurs considèrent que les
patients sont asymptomatiques, et le term e
de patients “en rémission”, lorsque les
patients qui sont étudiés présentent un
certain nombre de symptômes résiduels.
Une autre catégorie de patients décrits sous
le terme de “cliniquement stables” évo q u e
des patients sympto-matiques, mais ne
souffrant pas d’un épisode d’inconfort
aigu.
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 6, juin 2004
Mise au point
140
Une quarantaine d’études publiées dans
les vingt dernières années satisfont aux
critères que nous avons listés, sur un
total d’environ 1 800 études publiées.
Mesures du fonctionnement
intellectuel global
Les études recensées utilisent, pour la
p l u p a r t, l’échelle d’intelligence pour
adultes élaborée par Wechsler ainsi que
sa version révisée (WAIS et WAIS-R
publiées respectivement en 1955 et en
1981 par Wechsler) (21, 22). Le test
national de lecture pour adulte (23) est
assez largement répandu, perm e t t a n t
d ’ avoir une idée du fonctionnement
intellectuel prémorbide. Les quatre
études utilisant l’échelle WAIS-R procè-
dent à des comparaisons entre des
patients souffrant de trouble bipolaire et
des témoins ; l’étude de Coffman publ i é e
en 1990 inclut des patients en rémission
en se fondant sur les critères subjectifs
de l’auteur, concluant à une absence de
différences au plan du quotient intellec-
tuel (QI) chez des patients ayant présen-
té des symptômes psychotiques pendant
les épisodes psychopathologiques (7).
Les autres études ont inclus des patients
symptomatiques de manière aiguë ou
cliniquement considés comme stabilisés,
aussi bien hospitalisés qu’ambulatoires.
Dalby et Williams (24) concluaient que
les patients bipolaires présentaient un
déficit significatif général, excepté dans
les épreuves verbales du QI. Morice, en
1990, a compa 20 patients ay a n t
retrouvé une humeur normale, à la suite
d’un accès maniaque, à des témoins,
sans mettre en évidence un écart de per-
formances significatif (5).
D’autres études ont comparé des
patients souffrant de trouble bipolaire à
d’autres patients psychiatriques. Les
patients inclus présentaient un degr é
va r i a ble de symptômes, la plupart
étaient en rémission. Les patients étu-
diés par Morice (5), des patients bipo-
laires en rémission et des patients symp-
tomatiques issus d’autres études (25-28)
se sont révélés signifi c a t ivement meilleurs
que les patients schizophrènes dans
toutes les mesures composites de l’intel-
ligence. Hoff et son équipe, avaient rap-
porté, en 1990 (29), une absence de dif-
férence entre des patients en phase
maniaque et des patients souffrant de
décompensation d’une schizophrénie,
tandis que Dalby et Williams ( 2 4 )
r e t r o u vaient, dans une étude réalisée
chez des patients hospitalisés stabilisés
cliniquement, un niveau de performance
supérieure chez les patients bipolaires
par rapport à celui de patients schizo-
phrènes, dans l’échelle générale et dans
la seule sous-échelle verbale.
Dans les études comparant des patients
s o u ffrant de trouble bipolaire à des
patients souffrant de dépression unipo-
laire, et utilisant la WAIS ou la WA I S -
R, les auteurs ont évalué des patients
en phase de décompensation (récidive )
a i g u ë . Ces études n’ont pas mis en évi-
dence de différence du niveau des per-
f o r mances des patients bipolaires
maniaques ou primés comparés aux
unipolaires déprimés (25, 26, 28, 30).
L’utilisation des évaluations du nive a u
intellectuel prémorbide chez les
patients bipolaires n’a pas permis de
mettre en évidence de différence signi-
fi c a t ive entre le groupe des patients
bipolaires euthymiques et leurs témoins
(10, 31). L’étude réalisée par Gilva r ry
en 2000 (32) a montré que les patients
bipolaires déprimés et maniaques se
laient supérieurs en termes de
n i veau intellectuel prémorbide à des
patients schizophrènes. Sapin, en 1987,
a effect une étude dans laquelle les
patients qui souffraient de trouble bipo-
laire étaient vraiment euthymiques, ils
étaient comparés à des témoins (33).
Aucune différence n’a été mise en évi-
dence. Malheureusement, cette étude
n’a pas utilisé la WAIS ou la WA I S - R
mais l’Altus Brief Intelligence Te s t , q u i
ne mesure que l’intelligence ve r b a l e .
Les capacités attentionnelles
Il s’agit d’études ayant eu comme
objectif principal de mettre en évidence
de manière spécifique le niveau des per-
formances attentionnelles. Les tests tels
que le Continuous Performance Test ou
CPT (34) ou le Span of Apprehension
task (SPAN), (35) ont été utilisés pour
évaluer l’attention soutenue. Les tâches
d’écoute dichotique ont été employ é e s
p o u r é valuer l’attention auditive sélective
tandis que le Stroop et les Word Tests
sont des évaluations du phénomène d’in-
terférence (36, 37). Les Trails Making
Tests (TMT, Reitan, 38) font intervenir
des composantes attentionnelles assez
larges, même si l’on peut les considérer
aussi comme des mesures de compo-
santes exécutives des habiletés. Le Digit
Span (inclus dans la WAIS ou la WA I S - R )
et le Digit Symbol Test sont des mesures
des performances attentionnelles.
Attention soutenue
Trois études ont comparé les perfor-
mances au CPT ou au SPAN de patients
souffrant de trouble bipolaire considérés
comme cliniquement stables et suivis en
ambulatoire à celles de patients schizo-
phrènes ainsi qu’à celles de témoins. Les
patients souffrant de trouble bipolaire se
sont révélés de niveau interm é d i a i r e
entre les patients schizophrènes et les
témoins. Les patients schizophrènes ont
paru être significativement déficitaires
par rapport aux témoins. La différence
entre les patients souffrant de trouble
bipolaire et les témoins n’était pas
suffisante pour atteindre le deg de
significativité statistique. Cependant, le
nombre de bonnes réponses fourn i e s
après des stimuli non pertinents tendait
à être inférieur.
Les patients souffrant de trouble bipolaire
symptomatiques en phase aiguë ont eu
des performances altérées, témoignant
d ’ u n déficit en attention soutenue.
Les travaux évaluant des patients souff r a n t
Mise au point
141
de trouble bipolaire symptomatique ont
conclu à l’existence de déficits signifi-
catifs touchant l’attention soutenue. Les
patients en phase mania-que présentent
des performances similaires à celles des
patients souffrant de schizophrénie (39).
Chez les patients présentant un premier
épisode psychopathologique, qu’ils
soient unipolaires ou bipolaires, seuls
ceux qui avaient des symptômes psycho-
tiques ont fait preuve de performances
déficitaires au CPT et au SPAN.
Les patients maniaques seraient capabl e s
de témoigner de capacités d’attention
soutenue de manière prolongée dans le
temps, mais ils réalisent néanmoins un
nombre d’erreurs impulsives supérieur.
À l’inverse, les patients déprimés, com-
parés à des sujets témoins, présentent un
nombre d’erreurs par omission plus
éle(40). Il est intéressant de constater
que les performances des patients dépri-
més souffrant de dépression bipolaire
sont supérieures à celles des patients
souffrant de dépression unipolaire.
Plusieurs études ont étudié les perfor-
mances de patients souffrant de trouble
bipolaire en rémission à l’aide du TMT
(10, 28, 41, 44). Généralement, les per-
f o r mances des patients souffrant de
t r o u b le bipolaire se vélaient infé-
rieures dans toutes les études réalisées,
sans toutefois atteindre le deg de
significativité statistique. Il semble que
l’intensité de la pathologie soit en
mesure d’expliquer le déficit de perfor-
mances au TMT. Le nombre d’épisodes
psychopathologiques a été proposé par
certains auteurs comme corrélé inverse-
ment aux performances, cependant cer-
tains auteurs ont mis en avant l’absence
de différence de performances au TMT
entre les patients souffrant de trouble
bipolaire à pronostic supérieur en fin
de traitement comparativement à celles
des patients présentant un résultat fonc-
tionnel moins bon. Il est regrettable de
constater que la seule étude évaluant des
patients souffrant de trouble bipolaire au
premier épisode n’ait pas comparé les
performances de ces patients à celles de
témoins sains (28).
Les patients souffrant de trouble bipolaire
en rémission ont été comparés à des
patients souffrant de trouble unipolaire
et à des patients souffrant de schizophré-
nie. Les performances au TMT ont été
é v aluées et les patients souffrant de
trouble bipolaire en rémission se sont
révélés moins performants que les
patients souffrant de trouble unipolaire
( 4 2 ). Paradiso en 1997 montrait le
contraire (44) tandis que deux autres
é t u d e s étaient dans l’incapacité de mettre
en évidence une différence (26, 28).
Les comparaisons réalisées avec des
patients schizophrènes ont révélé qu’en
phase aiguë, les patients souffrant de
t r o u ble bipolaire étaient plus perfor-
mants que les patients souffrant de schi-
zophrénie ; après quatre semaines de
traitement et en dépit d’une amélioration
symptomatique, les patients souffrant de
trouble bipolaire voyaient leurs perfor-
mances revenir au niveau de celles des
patients schizophrènes. En revanche, les
patients souffrant d’un premier épisode
de trouble bipolaire manifestent un défi-
cit au TMT qui paraît réversible avec la
rémission clinique.
Attention sélective
Dans l’épreuve du Digit Span Test, les
patients maniaques en phase aiguë se
révèlent comparables à des sujets témoins,
de même qu’à la tâche d’écoute dicho-
tique (45) ; ces résultats sont corroborés
par ceux obtenus chez des patients souf-
frant de trouble bipolaire en r é m i s s i o n
comparés à des témoins (10, 33).
Les patients souffrant de trouble bipolaire
en rémission semblent moins perfor-
mants qu’une population témoin normée
dans des mesures d’attention sélective
( 4 6 ) ou comparés à des témoins ( 4 1 ) au test
d’annulation de lettres de Talland (47).
La comparaison de patients atteints d’un
tr o u ble bipolaire à des patients unipolaires
et à des schizophrènes à l’aide du Digit
Span Test a permis de conclure que les
patients des trois groupes en phase de
rechute présentaient un niveau de per-
formance comparable (28, 48).
La performance des patients souffrant
de trouble bipolaire chronique s’est
révélée comparable à celle des schizo-
phrènes au Digit Span Test lorsque
les patients étaient symptomatiques (25)
tandis qu’elle était meilleure lorsque les
patients étaient en rémission.
P e rf o rmances dans des tâches
mesurant le phénomène
d’interférence
Les patients souffrant de trouble bipolaire
considérés comme stabilisés cliniquement
ont été comparés à des témoins ou à
des échantillons de population normée.
Les patients bipolaires se sont révélés
déficitaires dans leurs performances au
SCWT (41, 46). Cependant, ces résultats
sont controversés, deux études ne mettant
aucune différence en évidence (44, 47).
Une étude menée par Mc Grath, en 1997,
concluait à l’existence d’un déficit aussi
bien pendant l’épisode aigu que lors de
la phase de rémission (6).
Un certain nombre d’études ont compa-
la performance des patients atteints
d’un trouble bipolaire dans la tâche du
SCWT à celle de patients schizophrènes
et à des patients souffrant de trouble uni-
polaire dépressif. Deux études menées
chez des patients présentant un premier
épisode ont mis en évidence que les
patients bipolaires en phase aiguë et les
patients bipolaires en rémission étaient
aussi performants que les patients uni-
polaires et meilleurs que les schizo-
phrènes (28, 48). Les études réalisées chez
des patients chroniques sont controve r s é e s .
En 1997, Paradiso concluait que les
patients bipolaires stabilisés clinique-
ment et suivis en ambulatoire avaient de
meilleures performances que les patients
unipolaires. Les patients bipolaires ava i e n t
également de meilleurs scores que les
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (21), n° 6, juin 2004
Mise au point
142
s c h i z o p h r è n e s d’après les observations
de Krabbendam lors d’une étude publiée
en l’an 2000 (49). Dans son étude, cet
auteur avait inclus des patients en
rémission.
En revanche, Mc Grath, en 1997 ( 6 ),
t r o u vai t que les patients bipolaires pré-
sentaient des performances similaires à
celles de patients schizophrènes à la
fois en phase aiguë et en phase de
rémission.
Études évaluant la mémoire
Les tests utilisés dans les principales
études évaluant la mémoire des patients
souffrant de trouble bipolaire sont le
C a l i f ornia Verbal Learning Te s t ( C V LT )
(50), l’Auditory Verbal Learning Test
(AVLT) (51), le ReyAuditory Verbal
Learning Test (RAVLT) (52) ainsi que
les sous-tests de l’échelle de mémoire de
Wechsler dans sa forme originale ou
révisée (WMS) (53), WMS-R ;(54).
Des mesures de mémoire non verbales
ont également été employées, notam-
ment la Cambridge Neuropsychological
Test Battery (CANTAB) (55) ainsi que
la figure de Rey(56, 57), le test de
rétention visuelle de Benton (58) ainsi
que différentes tâches de reconnaissance
faciale.
Mémoire et apprentissage verbal
Van Gorp en 1998 (12) a inclus des
patients euthymiques dans une étude
prospective de trois mois. Le groupe
témoin était apparié selon le nive a u
d’éducation et le niveau d’intelligence
générale. L’ensemble des patients pré-
sentait des performances défi c i t a i r e s
dans la tâche du CVLT, le déficit étant
corrélé à la durée et au nombre des épi-
sodes psychopathologiques précédents.
Les patients qui avaient un troubl e
addictif à type d’abus d’alcool étaient
particulièrement déficitaires.
En 1999, Ferrier observait un déficit
dans le RAVLT chez des bipolaires en
rémission (10). Cet auteur signalait que
le déficit en mémoire verbale était plus
sévère chez les patients qui avaient eu un
nombre réduit d’épisodes et une phase de
mission interépisodes de bonne qualité.
Les bipolaires en rémission se révélaient
s i g n i f i c a t i vement déficitaires en mémoire
verbale, dans le RAVLT, comparés à des
témoins.
Plusieurs études ont évalué des patients
souffrant de trouble bipolaire clinique-
ment stabilisés en les comparant à des
t é m o i n s : Coffman en 1990 (7), Jones en
1994 (41) et Paradiso en 1997 (44) n’ont
pu mettre en évidence de diff é r e n c e
significative dans le WMS, la tâche de
rappel de Babcock et le test de mémoire
de liste de mots issu de la batterie
CERAD. Le score moyen au CVLT d’un
échantillon de patients bipolaires tirés
au sort dans une clinique de trouble de
l’humeur était inférieur de un à deux
écarts-types après correction liée à l’âge
(59). Le degd’anhédonie des patients
p e r mettait de pdire le ficit en
mémoire. En revanche, le fait qu’un é p i-
sode psychopathologique soit psych o -
tique entraînait peu de conséquences.
Certains auteurs ont comparé les perfor-
mances mnésiques des patients bipo-
laires symptomatiques en phase aiguë à
celles des témoins ou bien à des échan-
tillons comportant des patients à diffé-
rentes phases de leur maladie. Les
patients bipolaires déprimés présen-
taient des performances en rappel signi-
ficativement altérées par comparaison
avec celles des témoins (2).Ali (46) a
comparé un échantillon de patients bipo-
laires euthymiques, hypomanes ou
déprimés à des témoins et il a mis en
évidence des performances significati-
vement déficitaires chez les patients
bipolaires. Une étude de jumeaux mono-
zygotes discordants pour la bipolarité et
comparés à des jumeaux sains a permis
de montrer que les jumeaux malades de
cette étude étaient déficitaires dans leurs
performances au CVLT et à la WMS
tandis que les jumeaux sains ne l’étaient
pas. Les performances respectives des
jumeaux malades et des jumeaux sains
étaient inférieures à celle des témoins, à
la WMS et à certains sous-tests du
CVLT. Wolfe (2) a évalué des bipolaires
déprimés comme plus déficitaires que
les unipolaires, à l’aide du RAV LT.
Goldberg(26) a retrouvé des perfor-
mances équivalentes au WMS chez les
bipolaires maniaques et déprimés et chez
les unipolaires déprimés. Ces patients
avaient des scores meilleurs que les schi-
zophrènes, sauf à un sous-test d’appren-
tissage par paires.
En 1996, Albus (48) examina un groupe
de patients schizophrènes et les compara
à des patients souffrant de trouble de
l’humeur, l’ensemble des patients pré-
sentant un premier épisode psychopa-
thologique. Seuls les patients ayant pré-
senté un épisode psychotique uni- ou
bipolaire se révélèrent particulièrement
d é f icitaires comparés à des patients
n ’ ayant jamais eu d’épisode psycho-
tique. Les performances de ces patients
furent altérées en apprentissage et en
mémoire verbale. Les patients schizo-
phrènes présentèrent un niveau de per-
formance équivalent à celui des patients
atteints d’un trouble de l’humeur. Une
étude plus importante réalisée chez des
patients psychotiques unipolaires, bipo-
laires et schizophrènes n’a pas mis en
évidence de différence entre les patients
s o u ffra nt de trouble affectif, en
r evanche, les patients unipolaires et
bipolaires se révélaient supérieurs aux
patients schizophrènes dans les sous-
tests de mémoire verbale du WMS-R
(28).
Apprentissage et mémoire
non verbale
Nous avons recensé cinq études compa-
rant des patients bipolaires euthymiques
ou en rémission à des témoins. En 1987,
Sapin (33) é v aluait des patients non traités
suivis prospectivement pendant un mois
avant l’évaluation neuropsychologique.
Les habiletés visuo-spatiales mesurées
à l’aide du test de rétention visuelle
Mise au point
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