Compte-rendu du rapport : « retour d’expériences sur la concertation vue par les acteurs environnementaux et les élus locaux »1 rédigé à destination de l’ADEME par Jean-Eudes Beuret et Anne Cadoret Sandrine Bernier2 Ce rapport, sorti en octobre 2011, interroge l’exercice difficile de la mise en place d’un processus de concertation3 entre différents acteurs environnementaux et les élus autour d’une question environnementale. La concertation et la volonté d’informer le public s’inscrivent complètement dans une approche renouvelée des actions publiques environnementales depuis divers textes de lois, de la Déclaration de Rio (1992) au grenelle de l’environnement (2007) en passant par la loi Barnier (1995) notamment. L’étude, de la mise en place de réunions d’information du public, de consultation ou de processus de concertation, montre que l’intérêt d’intégrer le public n’a pas toujours été interrogé au préalable et aussi que la portée réelle comme l’impact auprès de ce même public n’étaient pas évalués. Or, il est décisif de s’intéresser aux effets de la participation citoyenne et de ces processus de concertation sur le plan environnemental. Pour répondre à leur problématique, les auteurs ont d’abord passé en revue la littérature existante sur le sujet avant de confronter la théorie à sept cas d’étude variés de par les situations environnementales auxquelles ils renvoient et par réalité géographique. Ces cas d’étude incluent le réaménagement du centre bourg et quartier gare à Méricourt-l’Abbé, des projets d’hydrauliennes à Paimpol-Bréhat, un projet de Parc Naturel Régional dans le Golfe Morbihan, la lutte contre le bruit de voisinage à Soyaux, la dépollution d’un ancien site industriel à Balaruc-les-Bains, la construction d’une rocade au Grand-Dijon et un projet d’éco-quartier à Fort-de-France. Les conflits générés par des accidents et les intérêts environnementaux ont conduit petit à petit à « faire émerger une participation citoyenne », recouvrant des « exigences d’information, de concertation, de participation ». Pourtant les acteurs environnementaux et les élus locaux ne se saisissent pas nécessairement de toutes ces notions selon le projet proposé, l’implication des acteurs dans ce projet, leur possibilité d’être entendus, la légitimité de leur position et le « rapport entre la façon dont les acteurs considèrent le conflit et leur approche de la concertation ». La concertation en matière d’environnement permet une appropriation par un grand nombre d’acteurs des enjeux du projet en question, révèle la complexité d’une situation en la replaçant dans un contexte global et contribue à développer les compétences et l’intérêt à la gouvernance des populations, ainsi que et leur aptitude à s’en saisir. Pour qu’une concertation porte ses fruits, un certain nombre de facteurs doivent être respectés tels qu’une préparation en amont (objectifs clairs, organisation des étapes, etc.), le choix du lieu d’échanges et le vocabulaire utilisé, l’attitude des parties prenantes à l’égard des autres catégories 1 http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=82845&p1=02&p2=06&ref=17597 Chargée d’études, APPA Le Kremlin-Bicêtre. 3 Voir aussi « La Concertation en environnement. Éclairage des sciences humaines et repères pratiques », rapport ADEME, sept. 2011, 61p. et « 10 années de recherches sur la concertation à l’ADEME. Panorama de recherche », rapport ADEME, juin 2011, 49. 2 de personnes et l’ouverture progressive à d’autres acteurs, « le format » des actions à mener pour qu’un maximum de personnes puissent s’y retrouver et s’impliquer, enfin l’imbrication du projet local dans des perspectives plus globales. La position des élus est assez contrastée face à la concertation car ils se trouvent parfois dans des situations difficiles auxquelles ils ne peuvent échapper et qu’ils n’ont pas initié, enfin parce que les enjeux locaux peuvent rejoindre des enjeux plus globaux ou peuvent s’inscrire en contradiction avec les intérêts de la commune, ce qui peut générer des conflits et avoir des conséquences insoupçonnées et difficiles à résoudre. Les processus de concertation peuvent aussi faciliter la réussite de projets environnementaux grâce à l’élan suscité par le projet environnemental. Les acteurs environnementaux recouvrent une multiplicité d’acteurs incluant la société civile dont les associations de protection de la nature et de l’environnement, l’Etat, des salariés d’associations, des experts privés ou publics, qui tiennent chacun des rôles spécifiques dans les processus de concertation et s’y impliquent stratégiquement selon la position qui est attendue de par leur structure. L’Etat, dont la mission est d’instruire les dossiers de concertation, peut être dénoncé du fait de sa position dans le processus, perçu comme juge et partie et pouvant imposer des décisions prises à des niveaux plus globaux, les rendant difficilement accessibles et appropriables localement. Des experts, consultants, etc. peuvent également intervenir pour « accompagner, animer ou piloter » un projet spécifique en se positionnant à l’interface des acteurs en présence en veillant à ne pas empiéter sur le rôle des autres catégories de personnes. La société civile inclut notamment des associations militant autour d’un projet et pouvant être dans la contestation et la réaction et des associations scientifiques et militantes œuvrant pour le dialogue et « la construction de la durabilité ». Ces deux catégories d’acteurs se déclarent complémentaires dans leurs stratégies, que ce soit par la contestation ou la concertation ; leur intervention permettant de geler certaines situations et de devenir parties prenantes à la discussion. « Contentieux, lobbying et concertation » étant des éléments se combinant pour participer au débat et défendre un point de vue. La concertation environnementale aujourd’hui fait ressortir à la fois une implication plus forte d’acteurs qui sont également mieux formés et expérimentés mais peut faire craindre aussi dans certaines situations un simple affichage de processus de concertation vide de substance. Le texte du Grenelle impose une gouvernance à cinq qui n’est pas reconnue dans les processus actuels mais pourra peut-être contribuer à les modifier, enfin les nouvelles technologies telles qu’internet permettront peut-être aussi d’accéder à des données encore manquantes à l’heure actuelle et d’homogénéiser les connaissances des acteurs participants à la concertation. Les processus de concertation font apparaître aujourd’hui des stratégies de positionnements des acteurs perçues plutôt positivement par les acteurs puisque ces derniers peuvent s’en saisir pour devenir davantage des interlocuteurs actifs et entendus. De plus les acteurs portent sur ces processus de concertation un regard plutôt global, connaissant leurs opportunités et aussi leurs limites, enfin ils savent ce qu’ils en attendent et comment se donner les moyens de défendre leur point de vue.