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Revue Française d’Œnologie - juillet/août 2004 - N° 207
VINIFICATION
La gestion des fermentations alcoolique et malolactique est
un facteur clé de l’élaboration de vins de qualité. La
pratique du levurage et de l’ensemencement en bactéries
lactiques sélectionnées permet, par l’implantation de souches
reconnues pour leur intérêt microbiologique et œnologique,
une meilleure maîtrise des flores microbiennes et ainsi un
bon déroulement de ces deux étapes fondamentales de la
vinification.
La co-inoculation, technique consistant à ensemencer le
moût simultanément en levures et en bactéries lactiques se
développe de plus en plus. Déjà mise en pratique en
Champagne, pour l’élaboration des ferments lactiques (1),
et dans l’hémisphère sud pour l’élaboration de certains vins
primeurs, elle a démontré son efficacité au cours des deux
derniers millésimes, dans le cadre du processus d’élaboration
de vins primeurs ou de vins blancs présentant généralement
des difficultés à faire la fermentation malolactique (bas pH
notamment). Egalement, cette technique a été introduite
aux Etats-Unis et en Australie afin de faciliter la réalisation
de la fermentation malolactique sur des vins présentant un
fort degré d’alcool.
La société Martin Vialatte Œnologie a travaillé cette
technique, au cours de ces trois derniers millésimes, afin
d’en optimiser la mise en œuvre.
Présentation du contexte - intérêts de
la co-inoculation
1.1- Démarrage de la fermentation malolactique :
deux cas de figures.
Le déclenchement de la fermentation malolactique est conditionné
par des facteurs intrinsèques aux conditions de vinification
(paramètres physico-chimiques, microbiologiques, technolo-
giques…), de sorte que deux cas de figure opposés peuvent se
présenter :
•vins présentant un démarrage trop rapide de la fermentation
malolactique avant même la fin de la fermentation alcoolique
(cas notamment des pH élevés avec une forte pression
bactérienne du moût),
•vins présentant des difficultés à faire la fermentation malolactique
(pH bas, alcool élevé, température basse, teneur en SO2élevée…).
Dans les deux cas, des conséquences dommageables sur la qualité
du vin se présentent :
•dans le premier : risque d’arrêt de la fermentation alcoolique
et de piqûre lactique, ou de déviations organoleptiques
provoquées par une flore lactique indigène indésirable
(Lactobacilles, Pédiocoques…),
•dans le deuxième : risque d’oxydation pendant la phase de
latence ainsi que de contamination par des microorganismes
indésirables (Brettanomyces, Pédiocoques, bactéries acétiques,
levures de voile…).
1.2- Intérêts de la technique de co-inoculation
Au regard de cette situation, la co-inoculation laisse entrevoir
plusieurs intérêts :
•Réduction de la durée de la vinification (étapes de fermentation
alcoolique, F.A. et de fermentation malolactique, F.M.L.),
•Adaptation aux conditions normalement limitantes (haut degré
d’alcool surtout) avec une meilleure efficacité de l’ensemencement
bactérien,
•Démarrage rapide de la F.M.L. en fin de F.A. (limitation du
risque d’oxydation, notamment en vinification en blanc),
•Assurance d’une bonne implantation de la bactérie sélectionnée
(rapport d’ensemencement nettement en sa faveur par rapport
à la flore indigène potentiellement indésirable),
•Limitation du risque de développement de microorganismes
indésirables.
Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une bonne maîtrise de la
croissance respective des levures et des bactéries lactiques, en
limitant les antagonismes possibles. Si le milieu a un impact
important sur l’évolution des flores levurienne et lactique,
l’activité fermentaire des levures influe également directement
sur la croissance bactérienne et l’adéquation avec une souche
de bactérie sélectionnée donnée peut varier d’une souche de
levure à l’autre.
1.3- Le point sur les interactions levures-bactéries
Les interactions entre levures et bactéries ont déjà été étudiées
et il est admis qu’en condition de vinification, le développement
des bactéries lactiques peut être inhibé ou stimulé par les
levures fermentaires (2).
Les travaux effectués par King et Beelman (3), Lafon-Fourcade (4, 5),
ou encore Guilloux-Benatier (6) expliquent ce phénomène par :
•d’une part, la production par les levures de métabolites inhibiteurs
des bactéries, autres que l’alcool et le SO2(acides gras à chaîne
moyenne) et,
•d’autre part, l’appauvrissement du milieu en substrats importants
pour les bactéries (acides aminés tels que l’acide aspartique, la
sérine, la phénylalanine et l’histidine).
Par ailleurs, il a été montré, grâce à des études portant sur
les interactions entre souches commerciales de Saccharomyces
cerevisiæ et d’Œnococcus œni, que les levures induisent une
inhibition de la croissance des bactéries lactiques (7) et que
cette inhibition dépend largement des souches utilisées (8).
Le service R&D a mis en place des essais de co-inoculation en
milieu-vin au sein de son laboratoire de microbiologie.
Ceci lui permet d’avoir aujourd’hui une meilleure connaissance
des couples levure-bactérie et de préconiser la co-inoculation
avec une meilleure maîtrise en fonction du processus de vinification
et de l’objectif de vin fixé par l’élaborateur.
Travaux de caractérisation des “couples
levure-bactérie” en laboratoire
L’objectif de ces expérimentations était de guider le choix des
“couples levure-bactérie” les plus compatibles, avant de les valider
à grande échelle en vinification en cave.
2.1- Matériel
Moûts
•Chardonnay de Champagne,
•Sauvignon du Bordelais,
•Cabernet-Sauvignon du Bordelais,
•Carignan-Mourvèdre du Languedoc.
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Maîtrise et intérêts de la co-inoculation
“levures-bactéries”
SIECZKOWSKI Nathalie
Martin Vialatte Œnologie, 51319 Epernay cedex
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