La compagnie MacuLogix a
développé un appareil diagnostique
pour la détection précoce de la
dégénérescence maculaire liée à
l'âge (DMLA). Le AdaptDxest basé
sur un test fonctionnel d’adaptation
à l'obscurité (adaptation à la lumière
jusqu’à l’adaptation à l'obscurité).
Le test est entièrement non-invasif et
peut être effectué par un technicien en
5 minutes ou moins avec un maximum
de facilité pour le patient. L'instrument
est similaire en taille aux champs
visuels automatisés. La technologie a
été développée par Gregory Jackson
et Cynthia Owsley à l'Université
d'Alabama à Birmingham (UAB).
MacuLogix a les droits commerciaux
exclusifs. La DMLA est liée à une
rupture du complexe épithélium
pigmentaire de la rétine/membrane de
Bruch,
1-11 et la mesure de l’adaptation
à l'obscurité est essentiellement un
test de la santé de ce complexe. 10,11
Au cours de la DMLA, la fonction de la
RPE/ membrane de Bruch se détériore,
ce qui entrave le transport des nutriments
et de l'oxygène vers les photorécepteurs.
Comme effet secondaire, les photo-
récepteurs présentent une diminution de
l’adaptation à l'obscurité parce qu'ils
ont besoin de ces nutriments pour la
reconstitution des photopigments et la
clairance de l’opsine après l’exposition à
la lumière. 12
La gure 1 compare la sensibilité du
recouvrement de l'obscurité suivant le
photoblanchiment de la rétine pour un
adulte âgé mais normal, un patient avec
un stade précoce de DMLA sèche et un
patient avec un stade tardif (humide) de
DMLA. Il y a une détérioration marquée
de l’adaptation à l'obscurité. Une étude
préliminaire à l'UAB a montré que des
ARTICLE 1
6OPTOMÉTRISTE | MAI | JUIN 2015
par le DOCTEUR JEAN-PIERRE LAGA
optométriste, m.sc.
Un appareil diagnostique
potentiel pour la DMLA
7
OPTOMÉTRISTE | MAI | JUIN 2015 7
OPTOMÉTRISTE | MAI | JUIN 2015
résultats anormaux quant à l'adaptation à l’obscurité indique
l'apparition de la DMLA au moins quatre ans avant qu'elle ne
soit cliniquement évidente. 13
Figure 1. Patient avec DMLA précoce (triangles), et patient avec DMLA sévère
(cercles ouverts) montrent des résultats anormaux de l’adaptation à l’obscurité
comparés à un patient âgé normal (cercles fermés).
La DMLA affecte environ
30 millions de personnes dans
le monde. Aux États-Unis
seulement, on estime à 13 millions
de personnes atteintes de DMLA,
y compris près de 2 millions
d’individus ayant un stade avancé
soit les plus sévères. La DMLA
est déjà la principale cause de
perte de vision chez les adultes
dans les pays développés, et le
problème devrait s’aggraver de
façon significative alors que la
population veillit. 14-17
Un dé dans la lutte contre la menace croissante de la DMLA
est le diagnostic de la maladie à ses débuts et l'identication
des personnes qui sont à risque de progresser vers une perte
de vision à un stade avancé. L’AdaptDxa un fort potentiel
d’utilisation pour les ophtalmologistes, les optométristes et les
médecins gériatriques comme outil de dépistage de diagnostic,
ainsi que pour le suivi adéquat des progrès de la maladie ou
des traitements.
Deux études cliniques récentes ont investigué les capacités de
cet appareil. La première étude a montré un bon potentiel pour
l’AdaptDx à diagnostiquer la DMLA. Dans cette étude, on a
étudié une gamme variée des stades de la pathologie (du stade
précoce au stade avancé de la DMLA. Cette étude a facilement
distingué les patients âgés cliniquement normaux. La différence
entre les témoins et les sujets étudiés est substantielle
(~100 % de diminution de l’adaptation à l'obscurité pour les
patients ayant une DMLA par rapport aux adultes normaux plus
âgés) et très signicative (t = 6,02; p <0,0001). La sensibilité et la
spécicité diagnostique était de 88% et 100%, respectivement,
alors que l’appareil quantie l’adaptation à l’obscurité selon la
gravité de la condition. La seconde étude a montré le potentiel
de suivre les progrès du traitement. Cette étude a examiné l'effet
de rétinol à haute dose (vitamine A préformée) chez les patients
ayant une DMLA sèche. Le groupe d'intervention a montré une
meilleure mobilité associée à une meilleure adaptation à l’obscu-
rité, mais l'amélioration n'a pu être détectée par les tests clas-
siques tels que la funduscopie, l'acuité visuelle ou la sensibilité
aux contrastes.
Historique
Les collaborateurs à l’UAB avaient déjà démontré que l'adapta-
tion à l’obscurité était altérée dans la DMLA, et que cette dé-
cience peut servir d'indicateur précoce, et que l'ampleur de la
diminution était liée à la sévérité de la maladie. 13,18
Diminution de l’adaptation à l’obscurité
lors de la DMLA
Owsley et Jackson
18 ont étudié 20 patients atteints de DMLA
(moyenne de 75 ans; étendue de 66 à 88 ans) et 16 adultes âgés
normaux (moyenne de 72 ans; entre 62 et 79 ans), basé sur les
photographies de fond d’œil et le classement par des cliniciens
formés et masqués aux caractéristiques des patients. Les patients
atteints de DMLA montraient des anomalies modérées à graves
dans la cinétique de l’adaptation à l'obscurité. L’adaptation
à l'obscurité a été retardée pour les patients ayant une DMLA
précoce vs les témoins contrôles pairés pour l'âge d’une
moyenne de 10 à 16 minutes, selon le paramètre choisi. Ce n’est
pas un effet subtil. Pour mettre cette diminution en perspective,
l'ampleur du retard entre le groupe normal et les groupes de
DMLA précoce serait proportionnellement équivalente à une
perte de trois lignes d'acuité visuelle sur la charte d’acuité
visuelle ETDRS – une perte très importante. Les patients avec
une DMLA sévère (c’est-à-dire, ceux qui présentent une néovas-
cularisation choroïdienne ou une atrophie géographique) étaient
facilement identiables par une absence presque complète de la
sensibilité de la récupération montrant un retard de 90 minutes
après l’exposition à la lumière. Le potentiel à classer un patient
ayant une DMLA a été calculé pour plusieurs paramètres de la
fonction visuelle. Comme le montre le tableau 1, la diminution
des résultats de l’adaptation à l'obscurité (plus de ± 2 écarts-types
de la valeur normale moyenne) montrait une sensibilité de
85 % pour la DMLA, tandis que la baisse de l'acuité visuelle,
la sensibilité au contraste, le champ visuel photopique et
scotopique avaient tous une sensibilité ≤ 25 % pour la DMLA.
Tableau 1. Sensibilité de fonctions visuelles choisies pour la DMLA.
L’adaptation à l’obscurité comme facteur
de prédiction de la DMLA
Dans une étude séparée, Jackson et Owsley ont montré le potentiel
de l’adaptation à l'obscurité pour détecter une DMLA avant que
les lésions soient cliniquement visibles. En particulier, ils ont montré
qu’une diminution de l’adaptation à l'obscurité peut sensiblement
discriminer un vieillissement normal de la dégénérescence macu-
laire sous-clinique, révélant les personnes à risque de développer
les signes cliniques de la DMLA au moins 4 ans d’avance. 13
À partir d’une base de données de patients précédemment
mesurés quant à leur adaptation à l'obscurité,
19 20 patients (âgées
de 65 à 79 ans) ont été identiés, ayant au départ une santé
rétinienne normale en utilisant l’International Classication System,
2
et qui avaient aussi des dossiers visuels disponibles au cours des
quatre années suivantes. Les patients ont été classés comme
ayant soit une adaptation à l'obscurité (AAO) normale ou altérée
au départ. Il a ensuite été déterminé si les patients ont reçu un
diagnostic de DMLA dans les quatre années subséquentes.
Comme le montre la gure 2, 12 des 14 patients atteints d’une
diminution de l’AAO au départ ont progressé à un diagnostic
clinique de DMLA (une valeur prédictive positive de 86 %), alors
que seulement 1 des 6 patients avec une AAO normale au départ a
progressé à un clinique diagnostic de DMLA (une valeur prédictive
négative de 83 %). Bien que très préliminaire en raison de la petite
taille de l'échantillon et un résultat basé sur une étude rétrospective
des dossiers visuels, ces résultats sont cohérents avec l'hypothèse
qu’une AAO diminuée est un indicateur d’un début de DMLA.
En outre, la conclusion est conforme à la ressemblance qualita-
tive entre le vieillissement de la rétine et la DMLA, tant sur le plan
histopathologique et fonctionnel (voir les revues). 10,11
Figure 2. Étude pilote concernant la diminution de l'adaptation à l'obscurité
comme facteur de prédiction de la DMLA. Tous les patients avaient une santé
rétinienne cliniquement normale au début du traitement. Voir le texte.
Diminution de l’adaptation à l’obscurité
fonction de gravité de la maladie
Une corrélation entre l'augmentation de la gravité de la DMLA et
une diminution de l’AAO a été démontrée à l'aide du classement
des photographies du fond d’œil. Les photographies du fond
d'œil pour un sous-ensemble de 11 patients atteints de DMLA
et patients normaux ont été envoyées au Wisconsin Reading
Center for grading in accordance with the Wisconsin
Aging-Related Maculopathy Grading System (WARMGS).
21
La Figure 3 montre les courbes d'adaptation pour quatre de
ces patients: un adulte âgé normal et trois avec une DMLA
progressivement plus sévère. Les deux patients DMLA n°1 et n°2
présentaient des drusen mous ayant la même taille maximale
(> 250 µm) et la même zone de couverture (> 1500 µm).
Le patient n°2 présentait des drusen mous indistincts dans
plusieurs sous-zones et deux fois plus de drusen mous plus loin de
la fovéa que le patient n°1. Sur la base de l'aspect du fond d'œil,
le patient n°2 a une condition plus avancée que le patient n°1, et
cela se traduit également par de moins bons résultats à l’AAO.
Le patient n°3 était à un stade encore plus avancé, et présen-
tait des drusen durs rares et un décollement de l'épithélium
pigmentaire causé par les drusen ou une accumulation de
liquide. Bien que la taille de l'échantillon fût trop limitée pour
analyse statistique et conclusions, les résultats sont compatibles
avec une relation entre la sévérité de la maladie et les problèmes
de l’AAO.
Figure 3. Corrélation entre l’AAO et la gravité de la DMLA pour un adulte âgé
normal (cercles pleins) et trois patients atteints de DMLA à un stade précoce avec
aggravation progressive: patient DMLA no1 (triangles), DMLA n°2 (carrés) et DMLA
n°3 (cercles vides).
Connexion biologique avec la santé
de la rétine
Il n’est pas surprenant qu'il y ait un lien étroit entre la DMLA et
l’adaptation à l'obscurité étant donné la similitude frappante
8OPTOMÉTRISTE | MAI | JUIN 2015
Fonction visuelle Sensibilité
Adaptabilité à l'obscurité
Acuité visuelle
Sensibilité au contraste
Champ visuel photopique
Champ visuel Scotopîque
85 %
25 %
25 %
25 %
20 %
AAO diminuée AAO normale
SANS
DMLA DMLA SANS
DMLA DMLA
Départ
Post-4 ans
14
2 12
6
5 1
entre l’histopathologie de la DMLA et d'autres maladies de la
rétine avec une altération précoce de l'adaptation à l’obscurité
causée par les bâtonnets. En effet, il a été démontré que
l’adaptation à l'obscurité est un test utile pour comprendre un
certain nombre d'autres maladies rétiniennes connues pour
compromettre le cycle de la rétinoïde, comme les carences
en vitamine A,
22 la dystrophie du fond d’œil Sorsby,
23,24 et la
dégénérescence autosomique dominante tardive. 25
Ces maladies provoquent un ralentissement dramatique de
l’adaptation à l'obscurité. La dystrophie de Sorsby, une
dégénérescence rétinienne d’apparition précoce, est caractérisée
par des lésions de l’EPR et de la membrane de Bruch sembla-
bles à celles de la DMLA précoce. Les patients atteints de cette
maladie présentent une diminution de l’AAO qui est partiellement
réversible par de suppléments de vitamine A. 23
La dégénérescence autosomique dominante tardive, une
maladie avec des dépôts sous l’EPR similaires à la DMLA, est
tellement perturbante pour le cycle de la rétinoïde que la
diminution de l’AAO peut précéder les signes au fond d'œil
d’au moins une décade. 25
Caractéristiques de l’adaptation à l'obscurité
Les caractéristiques de base de l’AAO sont bien comprises.
La réponse est essentiellement biphasique. Les cônes récupèrent
rapidement, mais ont une sensibilité scotopique limitée. Les bâton-
nets récupèrent lentement, mais sont nalement plussensibles.
Puisque la diminution de
l’adaptation à l'obscurité
associée à DMLA est causée
par les bâtonnets, il est essentiel
pour le diagnostic de démêler
l'interrelation entre les cônes
et les bâtonnets, et de se
concentrer sur les bâtonnets.
La cinétique de l’AAO
Une courbe d'adaptation à l'obscurité typique pour un adulte
normal est représentée à la Figure 4. Elle trace la récupération
de la sensibilité scotopique sur une étendue de plus de six
logs d’unités de gamme dynamique, passant de peu ou pas de
sensibilité immédiatement après un fort photoblanchiment à la
récupération essentiellement complète après environ 40 minutes.
Les points de données sont obtenus par l'interrogation du su-
jet lors du test quant à la visibilité d’une série de points de test
à des intensités différentes en utilisant une longueur d'onde
appropriée pour la sensibilité des bâtonnets et une procédure
en escalier pour estimer le seuil de la sensibilité. 18,26
Au moment où les bâtonnets deviennent plus sensibles au
stimulus que les cônes, c’est la rupture bâtonnets-cônes. 12
Figure 4. Courbe d’AAO pour l’adulte normal. Les points de données sont les
seuils de sensibilité, dont le modèle contient deux composantes de régression non
linéaire (ligne noire) pour prendre en compte tant le bris bâtonnets-cônes que le
temps de recouvrement pour les cônes.
Fonction des bâtonnets versus les cônes
dans la DMLA
La diminution de l’adaptation à l'obscurité est principale-
ment médiée par les bâtonnets lors de la DMLA précoce.
D'autres paramètres ont été étudiés sans trouver de corrélation
signicative au début de la DMLA.
13,18 En particulier, aucune
diminution signicative n'a été retrouvée pour l’adaptation à
l'obscurité des cônes chez les patients ayant une DMLA pré-
coce. La participation des cônes semble se faire plus tard dans la
progression de la maladie. 27-29
Cela suggère que la dégénérescence et la
mort des bâtonnets surviennent plus tôt et
est plus sévère dans la pathogenèse de la
DMLA par rapport aux cônes. 30 Les cônes
ont plusieurs voies pour se nourrir alors
que les bâtonnets sont entièrement
dépendants du transport à travers le
complexe EPR/membrane de Bruch. 31
Dans un sens, la surveillance de la fonction des bâtonnets com-
me indicateur précoce de la DMLA peut être considérée comme
analogue à la pratique de l’utilisation des canaris comme sen-
tinelles pour protéger les mineurs dans les mines de charbon.
Lorsque les bâtonnets commencent à montrer une altération de
leur fonction, c’est un signal de danger imminent pour les cônes.
9
OPTOMÉTRISTE | MAI | JUIN 2015
La jonction bâtonnets-cônes comme
paramètre de diagnostic potentiel
La base de la jonction bâtonnets-cônes est analogue au bris.
Comme décrit ci-dessus, la rupture bâtonnets-cônes est le
temps en minutes au cours duquel la portion de la fonction des
bâtonnets coupe la partie des cônes. D'une manière similaire, le
point d'intersection de la fonction des bâtonnets est le moment
où cette fonction coupe un critère choisi de sensibilité. Dans un
protocole, nous avons utilisé le critère de sensibilité de 4,0 unités
log de recouvrement, ou 50 X 10-4 cd/m2. Pour estimer le point
d'intersection, une interpolation linéaire est appliquée à la courbe
d’adaptation à l'obscurité du patient et de ce point d'intersection
est extrapolé le temps de recouvrement (voir la gure 5).
Figure 5. La jonction est le temps auquel la sensibilité peut recouvrir de 4,0 unités
log. La jonction de ce jeune adulte normal se fait à 20,3 minutes en réponse à une
lumière de blanchiment de 98 %.
L’adaptomètre à l’obscurité AdaptDx
L’appareil AdaptDxse retrouve à la Figure 6.
Les paramètres de conception
sont optimisés pour la sensibilité
à la DMLA et permettent un test
de dépistage en ≤ 5 minutes et
la collecte d’une pleine courbure
d'adaptation à l’obscurité en ≤ 20
minutes. Comme d'autres adap-
tomètres, l’AdaptDx permet le
blanchiment de la rétine et la
mesure du recouvrement suivant
le blanchiment.
Figure 6. Vue externe de l’AdaptDx .
Fonctionnement de l’AdaptDx
Il y a 4 étapes simples: aligner le patient, photoblanchir un œil, me-
surer le recouvrement de la sensibilité scotopique des bâtonnets,
puis calculer le point d’interception. L’opérateur s’assoit à la droite
de l’appareil et contrôle les opérations avec un écran tactile.
Figure 7. Ce que le patient voit dans l’appareil.
L'œil testé est photoblanchi par l'exposition brève, d’un ash
de 500 nm (typiquement 4-8 log scot Td sec) alors que le pa-
tient se concentre sur la lumière de xation pour s’assurer que la
partie appropriée de la rétine est blanchie. Un ash a été choisi
parmi les autres méthodes de blanchiment (par exemple, par
fond continu) en raison de sa rapidité qui réduit le risque d’un
blanchiment inégal ou partiel. Le ash LED fournit un blanchiment
uniforme, focal centré sur la zone à tester lors de la mesure
de récupération de la sensibilité. L'utilisation d'un agent de
blanchiment focal et de couleur verte réduit la photophobie et
de minimiser l’inconfort du patient.
Les mesures de sensibilité scotopique commencent immédiatement
après le photoblanchiment. Le patient se concentre sur la
lumière de xation et répond chaque fois que le stimulus
lumineux est visible en appuyant sur un bouton au bout d’une
manette. La sensibilité est estimée en utilisant une procédure
modiée en escalier (trois vers le bas / un vers le haut).
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