ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES, ETIOLOGIQUES ET

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Article originale
ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES, ETIOLOGIQUES ET
PRONOSTIQUES DES INSUFFISANCES CARDIAQUES
AIGUES EN UNITE DE SOINS INTENSIFS DE l’INSTITUT
DE CARDIOLOGIE D’ABIDJAN DE 2006 A 2007.
Auteurs
ADOUBI KA*,
KOUAME J**,
ANZOUAN-KACOU
JB***,
KOFFI D.,
KONIN C*,
NGUETTA R*,
NDJESSAN JJ*,
BEUGRE BOKA*,
ADOH AM*
Service
*Unité de Soins Intensifs
cardiologiques.
** Département
d’anesthésieréanimation
*** Département
des explorations
fonctionnelles
Institut de Cardiologie
d’Abidjan. Côte d’Ivoire
Correspondance
Dr ADOUBI K. Anicet
06 BP 524 Abidjan 06
Email : anicetadoubi@
yahoo.fr
Résumé
Les données sur l’insuffisance cardiaque aigue en unité
de soins sont peu connues. Nous avons réalisé une étude
rétrospective portant sur les dossiers des 1010 patients
hospitalisés. Cent soixante-treize patients à prédominance de
sexe masculin (66%) et dont l’âge moyen était de 44,6 ± 19,8
ans, admis entre janvier 2006 et décembre 2007 présentaient
une insuffisance cardiaque selon les critères de Framingham.
Les patients ont été classés selon la terminologie de la Société
Européenne de Cardiologie en choc cardiogénique (30,6% des
cas), en insuffisance cardiaque droite (26%), en oedème aigu
du poumon (23,7%), en décompensation d’une insuffisance
cardiaque chronique (10,4%), en insuffisance cardiaque
hypertensive (8,1%) et en Insuffisance cardiaque à débit élevé
(1,2%). L’infection (39% des cas), l’insuffisance rénale (33%)
et la mauvaise observance thérapeutique (24%) étaient les
principaux facteurs de décompensation. Les étiologies étaient
dominées par l’hypertension artérielle (25% des cas) et les
cardiomyopathies primitives (17% des cas).
Les inotropes positifs ont été prescrites dans 41% des cas.
La mortalité hospitalière s’élevait à 53% des cas. L’insuffisance
cardiaque aigue en Unité de Soins Intensifs Cardiologiques
parait multiforme, grave et de pronostic sévère.
Mots-clés : insuffisance cardiaque aigue, facteurs de risque,
formes cliniques, pronostic, hypertension artérielle, choc
cardiogénique.
ABSTRACT
EPIDEMIOLOGICAL, CLINICAL AND DIAGNOSIS FEATURES OF
ACUTE HEART FAILURE IN THE INTENSIVE CARE UNIT OF THE
CARDIOLOGY INSTITUTE OF ABIDJAN FROM 2006 TO 2007.
Little is known about the acute heart failure in patients
admitted to intensive care units. We conducted a retrospective
study concerning the clinical records of 1010 patient hospitalized
in the intensive care unit of Institut de Cardiologie d’Abidjan.
One hundred and seventy three patients, more often males
(66%), and whose average age was 44,6 ± 19,8 years, were
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admitted from January 2006 to December 2007. They were in a cardiac insufficiency
according to Framingham criteria. Based on European Society of Cardiology clinical classifi
cation, we described six entities: cardiogenic shock (30.6% of cases), right heart failure
(26%), pulmonary oedema (23.7%),decompensated heart failure (10.4%), hypertensive
heart failure (8.1%), and high output failure (1.2%). Infection (39% of case), renal failure
(33%) and therapeutic non compliance (24%) were the fi rst precipitating factors of these
heart failures. The most common etiology were hypertension (25% of cases), and primitive
cardiomyopathy (17%). Intravenous inotrope drugs were prescribed in 41% of cases. And
hospital mortality rate was 53%. Conclusion: Acute heart failure in cardiologic intensive
care unit has a various clinical forms and is serious with a poor prognosis.
Key words: Acute heart failure, risk factors, clinical features, prognosis, hypertension,
cardiogenic shock
INTRODUCTION
On estime que la prévalence de l’insuffisance cardiaque symptomatique se situe entre
0,4 et 2% en Europe (Cowie MR, 1997 ; Nieminen MS, 2005 A). Aux Etats-Unis, près 500
000 nouveaux cas d’insuffisance cardiaque sont détectés chaque année. Cette fréquence
augmente rapidement avec l’âge. La mortalité à un an de cette affection varie de 30 à 50%.
Ces données font de l’insuffisance cardiaque un problème de santé publique dans ces
pays. En Afrique, il existe peu de données épidémiologiques. On sait cependant qu’elle
constitue 30% des admissions dans les hôpitaux spécialisés et 3 à 7% des admissions
dans les hôpitaux généraux (Kengne AP, 2008).
L’insuffisance cardiaque aigue, forme la plus grave des insuffisances cardiaques et
urgence médicale, est un motif fréquent d’hospitalisation en USI. Ce type d’insuffisance
cardiaque est caractérisé par ses aspects multiformes, son pronostic sévère nécessitant
une prise en charge lourde. Ici encore, de nombreux registres en Europe ou aux USA sont
constitués ou en voie de constitution afin d’apprécier l’impact cette affection, ce qui va
permettre de créer des outils décisionnels en santé. C’est le cas de EuroHeart FAILURE
Survey I et II (Cleland JG, 2003 ; Nieminen, 2006), ADHERE (Adams KF, 2005), OPTIMIZE
HF (Foranow GC, 2004), et EFICA (Zannad F, 2006). L’objectif de notre travail vise aussi
à acquérir des données épidémiologiques, cliniques, et évolutives sur cette affection en
USI dans le contexte africain.
MATERIEL ET METHODES
Cadre de l’étude
Notre étude s’est déroulée en USI de l’Institut de Cardiologie d’Abidjan. Cette unité a une
capacité d’accueil de 10 lits. L’Institut de Cardiologie d’Abidjan est le seul établissement
public spécialisé dans le traitement des affections cardiovasculaires sur le plan national
et dans la sous région ouest africaine.
Type et période d’étude
Il s’agit d’une étude rétrospective, portant sur l’analyse des dossiers des patients admis
en USI sur la période allant de janvier 2006 à décembre 2007.
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Population de l’étude
Ont été inclus les patients admis pour une Insuffisance Cardiaque selon les critères
de Framingham (Ho KK, 1993). Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque nécessite la
présence de deux critères majeurs ou d’un critère majeur et de deux critères mineurs,
acceptés à condition qu’ils ne puissent être attribués à une autre pathologie.
Ont été exclus de notre étude :
Tous les patients admis en USI ayant une insuffisance cardiaque connue stabilisée
et hospitalisés pour autres affections.
Tous les patients en insuffisance cardiaque aigue mais hospitalisés dans un service
autre que l’USI.
Les insuffisances cardiaques post opératoires.
Recueil de données
Les données ont été recueillies au moyen d’une fiche d’enquête. Ont été recherchés :
les données épidémiologiques ;
les données cliniques. A ce niveau, l’insuffisance cardiaque aigue a été classée selon
les recommandations de la société Européenne de Cardiologie (Nieminen MS, 2005 B)
publié en 2005 qui définit six tableaux cliniques :
L’oedème aigu pulmonaire : Il est accompagné par une sévère détresse respiratoire
avec des râles crépitants massifs dans les deux champs pulmonaires, une orthopnée
et une saturation en O2 < 90%, généralement avant le traitement. Il est confirmé par la
radiographie pulmonaire.
Le choc cardiogénique : Il est généralement caractérisé par une diminution de la PA
(PAS<90 mmHg) et/ou une oligurie (diurèse < 0,5ml / kg/ heure), avec une fréquence
cardiaque > 60 cycles /min avec ou sans signes évidents de congestion. Une évolution
continue du bas débit cardiaque se fait vers le choc cardiogénique.
L’insuffisance cardiaque hypertensive : Les signes et symptômes de l’ICA sont accompagnés
par une pression artérielle élevée avec une fonction ventriculaire gauche relativement
préservée et une radiographie pulmonaire compatible avec un oedème pulmonaire.
Décompensation aigue d’une insuffisance cardiaque (de novo ou chronique) : avec des
signes et symptômes de l’insuffisance cardiaque aigue qui sont bénins et qui ne remplissent pas
les critères de choc cardiogénique, d’oedème aigu pulmonaire ou de crise hypertensive.
Insuffisance cardiaque droite : Elle est caractérisée par un syndrome de bas débit cardiaque
avec une turgescence des jugulaires, une hépatomégalie et une hypotension artérielle.
Syndrome d’hyperdébit : Il est caractérisé par un débit cardiaque élevé généralement
avec élévation de la fréquence cardiaque (causée par des arythmies, une thyrotoxicose,
une anémie, la maladie de Paget, parfois d’origine iatrogène ou provoqué par d’autres
mécanismes), une bonne perfusion périphérique (extrémités chauds), une congestion
pulmonaire et parfois avec une faible pression artérielle comme dans le choc septique.
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Par ailleurs, les facteurs de décompensation ont été évalués
les données étiologiques ;
le traitement ;
l’évolution hospitalière.
Analyse et traitement des données
Les logiciels Epi Info 6.04, et Excel 2007 ont été utilisés pour le traitement des données
et la confection des tableaux. Les variables qualitatives ont été données en nombre absolu
et pourcentage et les variables quantitatives sont exprimées soit sous forme de moyenne
plus ou moins l’écart-type soit sous forme de médiane.
RESULTATS
Dans la période choisie, nous avons inventorié 1010 dossiers de patients admis en USI.
Cent soixante-treize, soit 17,2 % répondaient aux critères de sélection. Il s’agissait de patients
de sexe masculin dans 66% des cas et âgés de 44,6 ± 19,8 ans. Les tranches d’âge les plus
représentés étaient celles de 50 à 59 ans (19,7% des cas) et de 20 à 29 ans (17,9% des cas).
Il s’agissait de patients venant directement de leur domicile dans 46% des cas ou ayant
transité dans une formation sanitaire de 1er niveau dans 14% des cas ou de 2ème ou 3ème niveau
dans 40% des cas. Le délai médian entre les premiers symptômes et l’arrivée aux urgences
étaient de 7 jours (minimum : 0 jour, maximum : 40 jours). On pouvait ainsi noter que 23%
des patients y arrivaient dans les 24 premières heures, 13% entre la 25ème et la 72ème heure
et 64% après la 72ème heure.
L’hypertension artérielle (42%) et le diabète (18%) étaient les facteurs de risque
cardiovasculaire les plus fréquemment rencontrés chez nos patients (figure 1).
Figure 1 : Facteurs de risque cardiovasculaire des patients en insuffisance cardiaque aigue.
42% des patients présentaient une insuffisance cardiaque aigue de novo (1er épisode).
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Les patients ont été classés selon la terminologie de la Société Européenne de Cardiologie
en choc cardiogénique (30,6% des cas), en insuffisance cardiaque droite (26%), en oedème
aigu pulmonaire (23,7%), en décompensation aigue d’une insuffisance cardiaque (10,4%),
en insuffisance cardiaque hypertensive (8,1%) et en insuffisance cardiaque à débit élevé
(1,2%) (figure2).
L’infection (39% des cas), l’insuffisance rénale (33%) et la mauvaise observance
thérapeutique (24%) étaient les principaux facteurs de décompensation. Moins fréquemment,
l’anémie (21%), les troubles du rythme supraventriculaire (14%) et l’ischémie myocardique
(7,5%) y étaient associés.
Les étiologies de ces insuffisances cardiaques aigues étaient fortement représentées
par l’hypertension artérielle (25% des cas) et les cardiomyopathies d’allure primitive
(17%) (Tableau I).
Tableau I : Étiologie des insuffisances cardiaques aigues
Etiologie
Nombre de cas (%)
HTA
43 (25)
Cardiomyopathie
29 (17)
Insuffisance cardiaque droite toxique
28 (16)
Cardiopathie ischémique
22 (13)
Tamponnade péricardique
16 (9)
Valvulopathie
14 (8)
Autres
Total
21 (12)
173 (100)
Il faut signaler qu’une forme d’insuffisance cardiaque droite d’étiologie probablement
toxique associée à une atteinte hépatique et rénale, récemment apparu, a constitué 16%
de nos effectifs pendant cette période.
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L’oxygène (81% des cas) et les diurétiques (72%) ont été les thérapeutiques les plus
prescrites (Tableau II).
Tableau II :
TRAITEMENT
N
(%)
OXYGENE
140
(81)
DIURETIQUE
125
(72)
DOBUTAMINE
72
(42
DOPAMINE
67
(39)
NITRES
58
(34)
ANTIBIOTIQUE
55
(32)
IEC/ARA2
50
(29)
HEPARINE
35
(20)
ASPIRINE
35
(20)
AMIODARONE
24
(14)
DIGOXINE
21
(12)
MACROMOLECULE
18
(10)
ENOXAPARINE
16
(9)
ADRENALINE
12
(7)
PONCTION PERICARDIQUE
12
(7)
ORNITAINE
10
(6)
VITAMINE K
9
(5)
CORTICOIDE
TRANSFUSION
DRAINAGE PERICARDIQUE
NICARDIPINE IV
VENTILATION ASSISTEE
NORADRENALINE
8
7
7
6
5
1
(5)
(4)
(4)
(3)
(3)
(1)
Suivaient ensuite, les amines pressives (41%), les dérivés nitrés (34%) et les
antibiotiques (32%). Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (IEC)
n’ont été prescrits que dans 29% des cas. La durée moyenne de séjour a été de 6 ± 6
jours avec une médiane de 4 jours (minimum : 1 jour, maximum: 32 jours). La mortalité
hospitalière s’élevait à 53% des cas avec une forte proportion dans le groupe des chocs
cardiogéniques (23,1% des cas soit 76% des patients du groupe choc cardiogénique) et
dans le groupe des ICD (16,8% des cas soit 65% des patients du groupe insuffisance
cardiaque droite) (figure 2).
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12
35
30,6
30
25
26
23,7
23,1
20
16,8
15
10,4
10
6,4
5
8,1
5,2
1,7
1,2
0
CHOC
IC DROITE
OAP
DECOMPENSATION
AIGUE
IC HYPERTENSIVE
0
HYPERDEBIT
Type d'insuffisance cardiaque aigue et taux de décès
% DES CAS
% DES DECES
Figure 2 : Proportion des différents types d’insuffisance cardiaque aigue et mortalité associée.
DISCUSSION
Notre étude a démontré que l’insuffisance cardiaque aigue en USI cardiologique est
caractérisée par une présentation multiforme, une étiologie dominée par l’hypertension
artérielle et un pronostic sévère sous un traitement classique.
Ce travail qui aborde les problèmes de l’insuffisance cardiaque dans un pays d’Afrique
subsaharienne s’est focalisé sur l’insuffisance cardiaque aigue, en particulier celle d’une
USI, c’est à dire sa forme la plus sévère. Cette sévérité se voit dans la répartition des types
d’IC où les formes connues pour avoir un pronostic peu sévère (décompensation aigue
d’une insuffisance cardiaque, insuffisance cardiaque hypertensive, insuffisance cardiaque
à débit élevé) ont une faible prévalence. Ce sujet, quoiqu’intéressant est assez restrictif.
En effet, la plupart des registres sur l’insuffisance cardiaque aigue inclut les malades
de tous les services. Cependant, cette particularité en fait son originalité.
Sur le plan épidémiologique, les patients atteints d’insuffisance cardiaque aigue
présentent un âge moyen de 45 ans. Cet âge corrobore celui rapporté par d’autres auteurs
africains, notamment Thiam au Sénégal (50 ans) (Thiam M, 2003) et Amoah au Ghana (42
ans) (Amoah AG, 2000). Mais il diffère des registres européens rapportant que l’insuffisance
cardiaque aigue arrive la plupart du temps à plus de 70 ans (Cleland JG, 2003 ; Nieminen
MS, 2006 ; Zannad F ; 2006). Il existe donc un écart de 20 ans dans l’âge de survenue de
ces évènements. Cet écart est aussi constaté par Yancy CW qui note que l’IC est beaucoup
plus précoce chez les africains américains (avec qui les noirs africains ont une forte parenté
génétique) que chez les américains d’autres origines (Yancy CW, 2005).
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Cette différence d’âge pourrait s’expliquer par la répartition étiologique de l’insuffisance
cardiaque aigue selon la race. En effet, il existe une plus forte prévalence des
coronaropathies dans les populations blanches et cette affection qui survient à un âge
tardif est la première cause d’insuffisance cardiaque dans ces populations (Cleland JG,
2003 ; Nieminen MS, 2006 ; Adams KF, 2005, Foranow GC, 2004 ; Zannad F, 2006).
Un autre facteur qui pourrait expliquer cette différence est la prévalence et le type
d’HTA rencontrée chez le sujet de race noire. L’HTA est effectivement plus fréquente et
plus sévère en terme de chiffres tensionnels et de complications chez l’africain américain
que chez l’américain de race blanche (Yancy CW, 2005). Elle survient plus précocement
et a un potentiel de malignité tel qu’elle est la première cause d’insuffisance cardiaque
aigue dans cette population. Chez nous, on peut ajouter en plus qu’elle est très souvent
méconnue ou négligée, donc mal prise en charge (Adoubi KA, 2006).
Sur le plan étiologique, il faut souligner aussi, la part importante des insuffisances
cardiaques droites dont la cause la plus fréquente est une cardiopathie d’origine toxique
associant atteinte rénale et hépatique et provoquée par la prise de traitements traditionnels
à base de plantes. Stewart et al. en Afrique du Sud, trouve aussi une forte proportion
d’insuffisance cardiaque droite mais plus souvent causée par une hypertension artérielle
pulmonaire d’origine respiratoire (Stewart S, 2008).
Au niveau du pronostic, notre série présente une mortalité très élevée avec plus de 50%
de décès en milieu hospitalier. Ces chiffres sont étonnement élevés quand on regarde les
registres occidentaux où la mortalité hospitalière varie entre 4 et 15%. Mais comme nous
l’avons signalé plus haut, ces registres concernent tous les services et comprennent une
forte proportion de décompensation aigue de l’insuffisance cardiaque, forme peu sévère
d’insuffisance cardiaque aigue (Cleland JG, 2005 ; Nieminen MS, 2006 ; Adams KF,
2005). L’une des rares études qui se rapprochent de la nôtre est celle de Zannad et al.
Elle s’intéresse aux formes sévères d’insuffisance cardiaque aigue hospitalisées en USI
(Zannad KF, 2006). Là, la mortalité totale est encore beaucoup moins élevée que la nôtre
(27,4%) de même que la mortalité dans le sous-groupe des chocs cardiogéniques (57,4%).
Une des raisons plausibles de ce fait est le délai de prise en charge trop long. En effet,
près de deux tiers de nos patients arrivent en milieu spécialisé 3 jours après le début de
leurs symptômes du fait de transit dans la plupart des cas dans des formations sanitaires
où leur prise en charge est inadéquate. Tavazzi L et al. dans une étude italienne, nous
révèle que 94% des patients arrivent directement dans le département de cardiologie ou
aux urgences d’un hôpital ayant un service de cardiologie (Tavazzi L, 2006). Une autre
raison de ce pronostic sévère est d’ordre thérapeutique. Nous disposons de moyens de prise
en charge classique de l’insuffisance cardiaque aigue avec des niveaux de prescription
comparable à ceux des occidentaux (Zannad F, 2006 ; Tavazzi L, 2006), mais nous
sommes défaillants quant aux nouvelles thérapeutiques améliorant significativement le
pronostic vital : la nesiritide, le levosimendan, la ventilation non invasive, les méthodes
de revascularisation des coronaires, l’assistance circulatoire (Dickstein K, 2008).
CONCLUSION
Au total, l’insuffisance cardiaque aigue apparait multiforme, grave avec un pronostic
très réservée en USI. Plus que l’apport de nouvelles mesures thérapeutiques la prévention
apparait primordiale et urgente : information, détection et prise en charge précoce de
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l’hypertension artérielle ; information des populations sur l’insuffisance cardiaque, formation
des médecins généralistes à la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aigue.
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