
27 juillet-2 août 2009
No1528
INC Hebdo
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8Depuis la réforme du 23 juillet 2008 de la Constitution française, l’Assemblée nationale et le Sénat peuvent adopter une résolution européenne
sur tout document émanant d’une institution de l’Union.
2. LES PROPOSITIONS DE FIXATION
DES PROFILS NUTRITIONNELS
Étant donné l’importance de la nutrition dans la problématique
alimentaire, il est devenu nécessaire de disposer d’un outil d’éva-
luation de la qualité nutritionnelle. Le profil répond à ce besoin.
LeConseil national de l’alimentation (CNA) considère que le pro-
filage nutritionnel doit être envisagé comme un des moyens à
adopter pour atteindre les objectifs du règlement européen (CE)
no1924/2006.
Le profil nutritionnel vise à classer les aliments en fonction d’un
certain nombre de critères, et notamment leur composition
nutritionnelle. Ainsi, il devrait être déterminé avant tout enrichis-
sement du produit pour ne pas masquer le véritable statut nutri-
tionnel de l’aliment et induire en erreur le consommateur.
La proposition de l’Afssa
L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait
proposé, le 1er juin 2008, un système de profilage nutritionnel
construit sur le calcul de deux scores :
–le SAIN (score d’adéquation individuel aux recommandations
nutritionnelles). Calculé à partir d’un nombre défini de nutri-
ments dits «qualifiants», ce chiffre représente le pourcentage
moyen de couverture des besoins en ces nutriments d’intérêt.
Ceux qui ont été intégrés dans le calcul du SAIN sont ceux dont
la consommation est à encourager, en ce qu’ils sont insuffisam-
ment consommés au regard des recommandations de santé pu-
blique;
– le LIM (score des nutriments à limiter). Calculé à partir d’un
nombre défini de nutriments dits «disqualifiants», cet indice
correspond au pourcentage moyen de dépassement des recom-
mandations nutritionnelles pour ces nutriments. Sont intégrés
dans cet indice les nutriments dont les apports pour la popula-
tion sont supérieurs aux recommandations de santé publique.
L’accès aux allégations aurait donc été déterminé en fonction
de deux valeurs seuils :une valeur SAIN correspondant à un mi-
nimum à atteindre et une valeur LIM à ne pas dépasser. Mais
cette procédure n’a pas été retenue.
Laproposition de la Commission européenne
Le 13 février 2009, la Direction générale de la santé et de la pro-
tection des consommateurs (DG Sanco) a proposé un projet de
règlement communautaire établissant des seuils nutritionnels
extrêmement stricts, mais très préjudiciables notamment pour
les fromages, les produits de panification et de biscuiterie. En
effet, ce texte définit par catégories de denrées alimentaires les
proportions maximales de sucre, sel et acides gras saturés à res-
pecter pour être autorisé à mentionner des allégations nutri-
tionnelles.
Toutefois, la mise en œuvre de ces profils, ainsi fixés par la DG
Sanco, pourrait avoir des conséquences pénalisantes pour cer-
taines catégories de denrées alimentaires. En effet, ce projet de
réglementation risque de :
– contredire les politiques nationales de nutrition en empêchant
les produits naturels de mettre en avant leurs atouts;
–désinformer le consommateur et brouiller ses repères en sug-
gérant qu’il existe de « bons» et de «mauvais» aliments.
Cette disposition ainsi définie met «hors profil» certains aliments
pourtant très utiles, et leur interdit donc l’accès aux allégations.
Ainsi, un fromage riche en calcium, mais ayant un taux de ma-
tière grasse supérieur aux normes fixées, ne pourra pas utiliser
les allégations relatives au calcium. Alors qu’à l’inverse, un pro-
duit transformé qui ne contiendrait rien en excès, mais présen-
terait une valeur nutritionnelle insuffisante, peut être autorisé
àfaireune allégation sur la base des quelques nutriments po-
sitifs qu’il contient.
Il y a donc un vrai danger que les produits traditionnels soient
injustement écartés au profit de produits formatés uniquement
pour répondre aux profils.
Pour établir le profil nutritionnel d’un aliment, il faut tenir compte
àla fois des nutriments «positifs» qu’il apporte et des éléments
discriminants (quantité d’énergie, de matière grasse, de sucre,
de sel, d’acides gras). En effet, la plupart des aliments ont à la
fois des qualités et des défauts, et c’est l’équilibre entre ces deux
caractéristiques qui détermine sa qualité nutritionnelle globale,
c’est-à-dire son profil nutritionnel.
L
’objectif du règlement, qui est de garantir aux consommateurs
un étiquetage plus clair et plus précis pour éviter les allégations
nutritionnelles et de santé trompeuses sur des produits à forte
teneur en graisses, sel ou sucre, a semble-t-il été perdu de vue.
Cette proposition de profils nutritionnels fait en réalité prévaloir
les intérêts de l’industrie sur la santé des consommateurs.
3. L’OPPOSITION À LA PROPOSITION
EUROPÉENNE
En France, deux propositions de résolutions, présentées pour
l’une par le sénateur Jean Bizet et pour l’autre par le député Hervé
Gaymard, ont été adoptées8.
Tout d’abord, le 25 avril 2009, l’Assemblée nationale a consi-
déré comme définitivela résolution de la commission des af-
faires économiques, de l’environnement et du territoire sur la
fixation des profils nutritionnels des denrées alimentaires. Elle
demande à la Commission européenne d’élever les seuils pour
l’établissement des profils nutritionnels notamment des fro-
mages, du lait entier et des matières grasses. Ce texte condamne
les modalités de fixation de ces profils, étant donné que ces dis-
positions risquent de pénaliser tout un secteur d’activité, notam-
ment les fabrications fromagères.
Ledispositif de profilage nutritionnel des aliments doit être
réalisé par la Commission européenne selon la procédure
de«comitologie».
Cette procédure se fait en plusieurs temps :
–la Commission prépare un projet de règlement,
–ce projet est soumis à l’avis d’un comité d’experts des
différents États membres,
– si le comité l’approuve, le texte ne sera pas soumis au
Conseil et au Parlement pour approbation mais pour con-
trôle, ce qui peut se traduire par une opposition.
Ce dispositif permet d’encadrer la Commission dans
l’exercice de ses pouvoirs d’exécution, délégués par le Con-
seil de l’Union et par des comités composés de représen-
tants des États membres.
Le comité de réglementation chargé d’examiner et de vali-
der le projet de règlement européen est le Comité permanent
de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA),
relevant de la Direction générale de la santé et de la pro-
tection des consommateurs (DG Sanco).
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