
Haïti Perspectives, vol. 4 • no 3 • Automne 2015
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Cahier thématique – Les institutions démocratiques post-86
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économique et de réforme institutionnelle. Il a cependant
permis de montrer la pertinence des catégories de la théorie
économique de l’entrepreneur politique et de développer une
théorie originale de cet échec de la démocratie en Haïti. Il pro-
longe en partie les travaux de Philippe Garaud [2], de David
Huron [4, 5] et de Bénédique Paul [12] sur l’entrepreneuriat
politique à l’échelle des municipalités et ouvre de nouvelles
perspectives de recherche.
Le changement politique post-1986 a donc accouché d’une
classe particulière d’entrepreneurs politiques. Il s’agit en réalité
de professionnels de la politique qui vivent de la politique mais
n’ont pas pour objectif de mettre en œuvre un idéal institu-
tionnel capable d’améliorer la gouvernance du pays et sa pros-
périté. Cette nouvelle classe de professionnels de la politique est
principalement rémunérée par les aides internationales et pour
le rôle qu’elle joue dans la transmission des plans structurels.
Elle a ainsi détourné une large partie des agents les plus dotés
en capital humain vers des activités improductives et réduit
la conance de la grande majorité des citoyens dans la classe
politique haïtienne [13]. Elle a alors logiquement favorisé le goût
pour l’indépendance et le désir d’être son propre représentant.
La démocratie a ainsi créé une classe politique dont le mode de
nancement crée les conditions de l’inecacité de la démocratie
et de son rejet par une partie de la population qui ne peut voir
que l’inutilité de l’action politique et ressentir un sentiment
d’envie ou d’injustice (ce qui est d’ailleurs source de violence)
vis-à-vis du niveau de vie de cette nouvelle classe. Lorsque la
dictature était au pouvoir, on pouvait l’accuser d’être discré-
tionnaire et violente ; aujourd’hui, le mal est plus insidieux, car
la démocratie rend l’activité de cette nouvelle classe légitime.
La démocratie en Haïti tend alors à bloquer les réformes plutôt
qu’à les accélérer parce qu’elle rend toute contestation du régime
illégitime[13], n’importe qui pouvant formellement renverser
le régime par sa candidature et la constitution d’une majorité
d’électeurs autour de son nom.
REMERCIEMENTS
Les auteurs souhaitent remercier l’IRD/AIRD pour le soutien
nancier au projet de recherche « JEHAI – Entrepreneuriat
innovant pour le développement en Haïti » dont est issu le pré-
sent article.
BIBLIOGRAPHIE
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Bénédique Paulest enseignant-chercheur en économie et en gestion à l’Université Quisqueya (uniQ), et enseignant-chercheur associé au Labo-
ratoire de sciences économiques et juridiques (LASEJ) de l’Université d’État d’Haïti (UEH) et membre associé à l’UMR ART-Dev (Montpellier,
France). Ses recherches portent actuellement sur le changement institutionnel en Haïti, les comportements socioéconomiques, en particulier
ceux d’entrepreneuriat et d’innovation. Il est membre du Centre de recherche en gestion et en économie du développement (CREGED) de l’Uni-
versi
té Quisqueya, où il dirige l
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[email protected]u.htFrançois Facchiniest professeur agrégé des Facultés de droit et de sciences économiques à Paris 11. Il est membre du Laboratoire RITM
et membr
e associé au Centre d
’
économie de la Sorbonne (U
niversité de P
aris 1).
francoi[email protected], http://www.ritm.u-psud.fr/ chercheurs/francois-facchini/.