s’attribueraient certaines de nos possessions, tandis que nos alliés seraient amenés à se saisir, à mesure des
opérations de tels de nos territoires nécessaires à leur stratégie. Participer avec des forces et des terres
africaines à la bataille d’Afrique, c’était faire entrer dans la guerre comme un morceau de la France. C’était
autant que possible détourner l’Angleterre et, peut être un jour l’Amérique, de la tentation de s’en assurer
elles mêmes pour leur compte. C’était enfin arracher la France à l’exil et l’installer en toute souveraineté en
territoire national » (de Gaulle, 1954 : 90).
Face à la réponse gabonaise pleine d’enthousiasme, le gouverneur du Gabon, Masson,
donna son accord à de Gaulle sur l’adhésion des gabonais à la France libre le 28 octobre 1940.
Cependant, deux jours après, sous la triple pression de monseigneur Louis Tardy, de hauts
fonctionnaires, du commandant Poncelet, envoyé supérieur des troupes de l’Afrique Equatoriale
Française pour appuyer l’action des vichystes, le gouverneur Masson revint sur sa décision de
ralliement à la France résistante. Face à cette situation, le nouveau gouverneur de l’A.E.F, le
général de Larminat après une propagande par T.S. F, diffusion de tracts, promesses de place,
distribution d’argent, c’est à dire l’échec du ralliement pacifique, se résolut à faire la guerre aux
vichystes. Il lança deux colonnes à l’assaut du Gabon : la première en provenance du Cameroun,
commandée par le capitaine Dio ; la seconde provenant du Moyen Congo, sous le
commandement du colonel Parant. Les forces des deux camps qui prirent part à la bataille du
Gabon étaient quasiment inégales. Les forces vichystes étaient au nombre de 1. 200
combattants. Les gaullistes, sous l’appellation de « Forces Françaises Libres » étaient estimés à
1.700 hommes de la Légion Etrangère et de la Légion du Cameroun (Mordal, 1951 : 94). En
dépit de la modération des ordres de part et d’autre, d’éviter l’effusion de sang8, la campagne du
Gabon donna lieu à quelques combats meurtriers. Le 15 septembre 1940, la deuxième colonne
arriva au poste de Mayumba qui se rendit sans combattre. Le général de Larminat, visiblement
satisfait de cette victoire rapide fit cette déclaration : « Il ne paraît pas que la dissidence de ce qui
reste du Gabon, dissidence toute artificielle imposée par des marins de passage, puisse se maintenir
longtemps » (Archives d’Outre-Mer, Aix-en-Provence, carton 897, dossier 5).
Partis de Mayumba avec ses hommes, le colonel Parant et ceux-ci gagnèrent la Ngounié
où ils affrontèrent le 22 septembre 1940 les vichystes dans la région de Fougamou-Sindara, alors
défendue par deux sections de tirailleurs gabonais qui opposèrent une résistance vite submergée
par les gaullistes commandés par le capitaine Boissoudy. Après ces premiers succès militaires, les
gaullistes sous la conduite de l’adjudant Suzin eurent fort à faire à Ngomo, non loin de
Lambaréné les 16 et 17 octobre 1940. Ils se heurtèrent à plusieurs reprises à trois unités de la
flotille vichyste, dirigée par le Capitaine de Corvette Maistre, qui fut blessé avec d’autres soldats
lors de violents combats. Lambaréné tomba après la capitulation des pétainistes le 5 novembre
1940. Le révérend Père Talabardon trouva la mort au cours de ces combats. La bataille de
Lambaréné fut sanglante. En témoignent ces propos : « L’aviation gaulliste employait à Lambaréné
des bombes de 10 kilos et a également été ravitaillée en bombes de 50 kilos » (Id). Parallèlement, la
première colonne celle dirigée par le Capitaine Dio, avançait en direction de Mitzic qui tomba le
29 octobre 1940. La ville de Libreville ne tarda pas à tomber à son tour aux mains des gaullistes
après des combats aériens et des engagements très violents entre marsouins des deux camps.
L’acte de reddition des pétainistes fut signé par le colonel Crochu et le capitaine de corvette
8 Il est difficile d’éviter une effusion de sang lorsqu’il y a guerre. Cette vision des choses est sujette à caution dans la mesure
où lorsqu’il y a guerre il y a forcément des pertes humaines au niveau des soldats comme au niveau collatéral. La traduction
actuelle de cette approche est celle des Américains qui parlent de guerre avec « zéro mort ». Pour en savoir davantage sur cette
question, on se référera utilement à Bressy (B. de) : « La guerre zéro mort : un rêve américain ? », Défense Nationale, 4,
1999, 22-29.