1.Une histoire des idées économiques au 19 ème siècle

Histoire de la pensée économique Florent Gabriel
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INTRODUCTION
Il existe deux façons différentes de faire de l’histoire de la pensée économique :
- conception relativiste ou culturaliste : elle consiste à étudier les théories au sein
de leur contexte historique, donc en rapport avec les enjeux, les idées, les sentiments de
l’époque. Le but est de retrouver le sens perdu des dites pensées théoriques. Il existe
une limite à cette façon de procéder : c’est l’impossibilité pour le contexte historique
d’expliquer à lui seul les idées économiques. Autrement dit, si les idées étaient
seulement déterminées par le temps et le lieu, et le milieu, comment expliquer que le
même contexte historique ait pu produire des théories relativement différentes, voire
totalement opposées ou totalement antagonistes ?
- conception analytique : très différente de la précédente, car de ce point de vue,
on étudie les théories par rapport aux enjeux théoriques d’aujourd’hui. On va donc juger
les théories en fonction de la conception que l’on a aujourd’hui de l’économie. Cette
façon de faire de l’histoire de la pensée économique est généralement préférée à la
première, tout simplement parce qu’elle évite de se perdre dans les méandres de
l’histoire et elle permet de rester dans une certaine actualité. Généralement, on va alors
étudier les auteurs, non pas de façon chronologique, mais plutôt sous la forme de grands
courants. Lorsque l’on évalue les apports des différents courants, on en retient en
général des auteurs que ce que l’on considère comme valable. On peut aussi étudier les
auteurs du point de vue de leurs erreurs, dans la mesure ou l’analyse des erreurs peut
toujours apporter une compréhension, un certain nombre de données théoriques. Cette
méthode comporte aussi des inconvénients : on est souvent obligés de torturer la
cohérence des auteurs afin d’en sortir de grands courants, cohérence théorique qui
obligerait plutôt à procéder chronologiquement. De plus, on prend le risque de faire dire
à certains auteurs ce qu’ils n’ont pas dit, en faisant comme si, des propos identiques au
plan analytique étaient équivalents au plan théorique et cela dans deux contextes
historiques différents. Exemple : la distinction entre valeur d’usage (utilité) et valeur
d’échange (prix, valeur économique) se retrouve déjà chez Aristote. Equivalence
analytique donc avec Adam Smith qui reprend cette distinction. Pour autant, existe t-il
une équivalence théorique ? Même sens ? Même conception théorique des choses ? Le
danger donc de la démarche analytique est l’anachronisme. Pour éviter de tels écueils, il
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faut donc réintroduire l’histoire, et donc la première façon de faire de l’histoire de la
pensée économique.
Il faut donc faire un compromis entre ces deux démarches.
BIBLIOGRAPHIE
Marc Blaug, La pensée économique, origine et développement
Joseph Schumpeter, Histoire de l’analyse économique
Alain Barrère, Histoire de la pensée et de l’analyse économique
Alain Beraud et Gilbert Faccarello, Nouvelle histoire de la pensée économique
Claude Jessua, Histoire de la pensée économique
Jean Boncoeur, Histoire des idées économiques
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1.UNE HISTOIRE DES IDEES ECONOMIQUES AU 19EME SIECLE
L’analyse économique remonte à l’époque de l’antiquité grecque : Aristote. Puis
doctrines mercantilistes (partisans d’un excédent commercial dans la balance) à la fin
du 15ème siècle, et les doctrines de François Quesnay avec la physiocratie, au milieu du
18ème siècle (médecin du roi auprès de Louis XV).
Si l’histoire de la pensée économique ne commence pas avec les classiques, et le
premier d’entre eux, Adam Smith, il n’en demeure pas moins que la pensée de ce dernier
fait rupture et doit être considéré comme l’acte fondateur de la science économique
moderne. AS, professeur de philosophie politique à l’université de Glasgow, a publié en
1776 son ouvrage majeur : Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations.
Si AS constitue une rupture, cela tient tout d’abord, à ce qu’à la différence de ses
prédécesseurs, le champ économique est étudié dans toute sa généralité et non pas sous
un aspect particulier. Avec AS l’économie devient un champ autonome de connaissances
indépendant de toute considération morale, religieuse ou politique. Fondateur de la
notion de libre échange, AS s’intéresse au fonctionnement d’une économie moderne de
marché, à la division du travail, au problème des prix, de la monnaie, de l’accumulation
d’un capital, du commerce extérieur… mais ce qui est nouveau ne sont pas ses idées
prises séparément. De plus, les contemporains de Smith ne s’y sont pas trompés et La
richesse des nations a immédiatement eu du succès. AS va jusqu’à la cour de Georges V et
devient alors commissaire aux douanes.
Second élément de rupture : après AS, personne ne fera de l’économie politique
comme on en faisait avant, tout simplement parce qu’on en faisait pas. Smith a transmis
sa problématique a tous ces économistes qui sont venus après, soit le problème de la
valeur, partiellement résolu. Jusqu’à Keynes, la science économique se travaille autour
de ce problème. Influence majeur de AS encore. Ce qui est important ici est le lien
entre la valeur et la répartition, et non pas la valeur en elle même, puisque cette
articulation pose le problème des revenus.
AS est aussi le fondateur d’un courant particulier, l’économie classique, qui
domine jusqu’à la fin du 19ème siècle (années 1870, date à laquelle le marginalisme
supplante l’économie classique).
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A. L ECONOMIE POLITIQUE DES CLASSIQUES
De manière tout à fait similaire à la théorie néo classique, le courant de l’économie
classique est une dénomination à posteriori, qui regroupe une myriade d’auteurs, qui
ont néanmoins tous un point en commun, soit d’avoir réfléchi à l’économie dans un
cadre conceptuel qui est celui légué par Smith. Bien que ce dernier soit le fondateur de
ce que l’on appelle l’école classique, le caractère somme toute assez lâche, non
systématique, et parfois confus de sa théorie, et l’absence d’un schéma théorique unique,
simple, et clair, explique que Smith n’ait pas été le fondateur d’une théorie smithienne,
comme Marx ou Keynes ont pu l’être. Pas de disciplines non plus par conséquent,
seulement des auteurs qui lui ont reconnu d’avoir poser un certain nombre de
problèmes et de concepts fondamentaux. Malgré des prolongements assez éloignés les
uns des autres, tous les auteurs de l’école classique entretiennent néanmoins une
communauté de pensée qui peut se résumer à quatre idées principales (dénominateur
commun de l’ensemble des classiques)
- l’adhésion à l’idée d’un ordre économique naturel, qui serait assuré et engendré
par la règne de la liberté individuelle et de l’intérêt particulier. Il est ainsi possible de
penser l’auto régulation du marché par une loi d’équilibre entre l’offre et la demande.
Tout cela fait des économistes classiques des adeptes du libéralisme économique, et du
même coup des partisans d’une intervention minimum de l’état (SAUF MARX).
- l’adhésion à une représentation de l’économie qui n’est ni macro économique, ni
micro économique. Il faudrait plutôt utiliser l’idée que ces derniers ont une
représentation macroscopique, qui représente le fonctionnement de l’économie par un
certain nombre de relations et de grandeurs qui font jouer comme unité de base non pas
des individus, ni un agrégat, mais tout simplement des classes sociales, de manière tout
à fait identique à Quesnay. Si on parle de macro économie, on ferait trop rapidement le
lien avec Keynes, fondateur de cette dernière. Les trois groupes sociaux importants chez
les classiques : travailleurs ou ouvriers, financiers ou capitalistes, propriétaires fonciers.
En cela on peut dire que chez les classiques l’économie reste politique dans le sens ou
elle réfléchit l’économie au plan de la cité et pose des questions qui intéressent
l’ensemble de la société. Ces grandes questions sont les suivantes : quelles sont les
conditions de la croissance économique ? Faut il aider les pauvres ? Qu’est ce qui
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détermine la répartition des revenus ? Le fonctionnement de l’économie est il équilibré ?
Faut il ou non limiter la concurrence ? Faut il accepter le libre échange ?
- (SAUF JB SAY) une adhésion à la théorie de la valeur travail , qui considère que
les prix relatifs des marchandises sont plus ou moins fonction des quantités relatives de
travail nécessaires à leur production. Cependant il existe des restrictions à cette
adhésion, qui les conduisent plus ou moins à contredire cette théorie, pour lui trouver
des substituts (comme la loi de l’offre et de la demande de Malthus). Autrement dit, au
delà de ce dénominateur commun, on peut faire apparaître un flottement à propos de la
valeur et des prix, voire même de contradictions. C’est pour cela que l’on va assister en
1870 à la révolution marginaliste.
- La faible place accordée au phénomène monétaire et donc le faible rôle jouée
par la monnaie qui est considérée comme un voile ou une entité économiquement
neutre (une entité qui n’affecterait pas de manière significative le fonctionnement de
l’économie). Cette idée des classiques se retrouverait chez les néo classiques. Autrement
dit, les classiques expliquent le fonctionnement de l’économie comme si la monnaie
n’existait pas, la monnaie étant simplement considérée comme un simple intermédiaire
des échanges. Il faudra attendre Keynes pour remettre en cause cette hypothèse.
Les principaux représentants de l’économie classique : Adam Smith, David
Riccardo, Malthus, JB Say, John Stuart Mill. On peut y ajouter Marx, qui a des affinités
avec l’école classique plus qu’avec l’école néo classique.
1. Résumé des cinq contributions analytiques d’Adam Smith
* La division du travail (premier chapitre de son œuvre) : étudiée dans le cadre
d’une manufacture d’épingles, mais elle même étudiée dans un article de l’Encyclopédie.
L’analyse de la division du travail est en réalité une analyse de la productivité, et c’est en
même temps une analyse de la croissance économique. Le second élément moteur est
l’accumulation du capital.
Lorsqu’ AS parle de division du travail, il entend aussi bien la division sociale du
travail l’intérieur de la société) que la division technique du travail l’intérieur de
l’entreprise). Pas de distinction, confusion même. Ce qui permet à la division du travail
d’accroitre la productivité : un accroissement dans l’habileté et la vitesse d’exécution du
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