1.Une histoire des idées économiques au 19 ème siècle

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Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
INTRODUCTION
Il existe deux façons différentes de faire de l’histoire de la pensée économique :
- conception relativiste ou culturaliste : elle consiste à étudier les théories au sein
de leur contexte historique, donc en rapport avec les enjeux, les idées, les sentiments de
l’époque. Le but est de retrouver le sens perdu des dites pensées théoriques. Il existe
une limite à cette façon de procéder : c’est l’impossibilité pour le contexte historique
d’expliquer à lui seul les idées économiques. Autrement dit, si les idées étaient
seulement déterminées par le temps et le lieu, et le milieu, comment expliquer que le
même contexte historique ait pu produire des théories relativement différentes, voire
totalement opposées ou totalement antagonistes ?
- conception analytique : très différente de la précédente, car de ce point de vue,
on étudie les théories par rapport aux enjeux théoriques d’aujourd’hui. On va donc juger
les théories en fonction de la conception que l’on a aujourd’hui de l’économie. Cette
façon de faire de l’histoire de la pensée économique est généralement préférée à la
première, tout simplement parce qu’elle évite de se perdre dans les méandres de
l’histoire et elle permet de rester dans une certaine actualité. Généralement, on va alors
étudier les auteurs, non pas de façon chronologique, mais plutôt sous la forme de grands
courants. Lorsque l’on évalue les apports des différents courants, on en retient en
général des auteurs que ce que l’on considère comme valable. On peut aussi étudier les
auteurs du point de vue de leurs erreurs, dans la mesure ou l’analyse des erreurs peut
toujours apporter une compréhension, un certain nombre de données théoriques. Cette
méthode comporte aussi des inconvénients : on est souvent obligés de torturer la
cohérence des auteurs afin d’en sortir de grands courants, cohérence théorique qui
obligerait plutôt à procéder chronologiquement. De plus, on prend le risque de faire dire
à certains auteurs ce qu’ils n’ont pas dit, en faisant comme si, des propos identiques au
plan analytique étaient équivalents au plan théorique et cela dans deux contextes
historiques différents. Exemple : la distinction entre valeur d’usage (utilité) et valeur
d’échange (prix, valeur économique) se retrouve déjà chez Aristote. Equivalence
analytique donc avec Adam Smith qui reprend cette distinction. Pour autant, existe t-il
une équivalence théorique ? Même sens ? Même conception théorique des choses ? Le
danger donc de la démarche analytique est l’anachronisme. Pour éviter de tels écueils, il
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faut donc réintroduire l’histoire, et donc la première façon de faire de l’histoire de la
pensée économique.
Il faut donc faire un compromis entre ces deux démarches.
BIBLIOGRAPHIE
Marc Blaug, La pensée économique, origine et développement
Joseph Schumpeter, Histoire de l’analyse économique
Alain Barrère, Histoire de la pensée et de l’analyse économique
Alain Beraud et Gilbert Faccarello, Nouvelle histoire de la pensée économique
Claude Jessua, Histoire de la pensée économique
Jean Boncoeur, Histoire des idées économiques
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Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
1.UNE HISTOIRE DES IDEES ECONOMIQUES AU 19EME SIECLE
L’analyse économique remonte à l’époque de l’antiquité grecque : Aristote. Puis
doctrines mercantilistes (partisans d’un excédent commercial dans la balance) à la fin
du 15ème siècle, et les doctrines de François Quesnay avec la physiocratie, au milieu du
18ème siècle (médecin du roi auprès de Louis XV).
Si l’histoire de la pensée économique ne commence pas avec les classiques, et le
premier d’entre eux, Adam Smith, il n’en demeure pas moins que la pensée de ce dernier
fait rupture et doit être considéré comme l’acte fondateur de la science économique
moderne. AS, professeur de philosophie politique à l’université de Glasgow, a publié en
1776 son ouvrage majeur : Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations.
Si AS constitue une rupture, cela tient tout d’abord, à ce qu’à la différence de ses
prédécesseurs, le champ économique est étudié dans toute sa généralité et non pas sous
un aspect particulier. Avec AS l’économie devient un champ autonome de connaissances
indépendant de toute considération morale, religieuse ou politique. Fondateur de la
notion de libre échange, AS s’intéresse au fonctionnement d’une économie moderne de
marché, à la division du travail, au problème des prix, de la monnaie, de l’accumulation
d’un capital, du commerce extérieur… mais ce qui est nouveau ne sont pas ses idées
prises séparément. De plus, les contemporains de Smith ne s’y sont pas trompés et La
richesse des nations a immédiatement eu du succès. AS va jusqu’à la cour de Georges V et
devient alors commissaire aux douanes.
Second élément de rupture : après AS, personne ne fera de l’économie politique
comme on en faisait avant, tout simplement parce qu’on en faisait pas. Smith a transmis
sa problématique a tous ces économistes qui sont venus après, soit le problème de la
valeur, partiellement résolu. Jusqu’à Keynes, la science économique se travaille autour
de ce problème. Influence majeur de AS là encore. Ce qui est important ici est le lien
entre la valeur et la répartition, et non pas la valeur en elle même, puisque cette
articulation pose le problème des revenus.
AS est aussi le fondateur d’un courant particulier, l’économie classique, qui
domine jusqu’à la fin du 19ème siècle (années 1870, date à laquelle le marginalisme
supplante l’économie classique).
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A. L ‘ECONOMIE POLITIQUE DES CLASSIQUES
De manière tout à fait similaire à la théorie néo classique, le courant de l’économie
classique est une dénomination à posteriori, qui regroupe une myriade d’auteurs, qui
ont néanmoins tous un point en commun, soit d’avoir réfléchi à l’économie dans un
cadre conceptuel qui est celui légué par Smith. Bien que ce dernier soit le fondateur de
ce que l’on appelle l’école classique, le caractère somme toute assez lâche, non
systématique, et parfois confus de sa théorie, et l’absence d’un schéma théorique unique,
simple, et clair, explique que Smith n’ait pas été le fondateur d’une théorie smithienne,
comme Marx ou Keynes ont pu l’être. Pas de disciplines non plus par conséquent,
seulement des auteurs qui lui ont reconnu d’avoir poser un certain nombre de
problèmes et de concepts fondamentaux. Malgré des prolongements assez éloignés les
uns des autres, tous les auteurs de l’école classique entretiennent néanmoins une
communauté de pensée qui peut se résumer à quatre idées principales (dénominateur
commun de l’ensemble des classiques)
- l’adhésion à l’idée d’un ordre économique naturel, qui serait assuré et engendré
par la règne de la liberté individuelle et de l’intérêt particulier. Il est ainsi possible de
penser l’auto régulation du marché par une loi d’équilibre entre l’offre et la demande.
Tout cela fait des économistes classiques des adeptes du libéralisme économique, et du
même coup des partisans d’une intervention minimum de l’état (SAUF MARX).
- l’adhésion à une représentation de l’économie qui n’est ni macro économique, ni
micro économique. Il faudrait plutôt utiliser l’idée que ces derniers ont une
représentation macroscopique, qui représente le fonctionnement de l’économie par un
certain nombre de relations et de grandeurs qui font jouer comme unité de base non pas
des individus, ni un agrégat, mais tout simplement des classes sociales, de manière tout
à fait identique à Quesnay. Si on parle de macro économie, on ferait trop rapidement le
lien avec Keynes, fondateur de cette dernière. Les trois groupes sociaux importants chez
les classiques : travailleurs ou ouvriers, financiers ou capitalistes, propriétaires fonciers.
En cela on peut dire que chez les classiques l’économie reste politique dans le sens ou
elle réfléchit l’économie au plan de la cité et pose des questions qui intéressent
l’ensemble de la société. Ces grandes questions sont les suivantes : quelles sont les
conditions de la croissance économique ? Faut il aider les pauvres ? Qu’est ce qui
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Histoire de la pensée économique
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détermine la répartition des revenus ? Le fonctionnement de l’économie est il équilibré ?
Faut il ou non limiter la concurrence ? Faut il accepter le libre échange ?
- (SAUF JB SAY) une adhésion à la théorie de la valeur travail , qui considère que
les prix relatifs des marchandises sont plus ou moins fonction des quantités relatives de
travail nécessaires à leur production. Cependant il existe des restrictions à cette
adhésion, qui les conduisent plus ou moins à contredire cette théorie, pour lui trouver
des substituts (comme la loi de l’offre et de la demande de Malthus). Autrement dit, au
delà de ce dénominateur commun, on peut faire apparaître un flottement à propos de la
valeur et des prix, voire même de contradictions. C’est pour cela que l’on va assister en
1870 à la révolution marginaliste.
- La faible place accordée au phénomène monétaire et donc le faible rôle jouée
par la monnaie qui est considérée comme un voile ou une entité économiquement
neutre (une entité qui n’affecterait pas de manière significative le fonctionnement de
l’économie). Cette idée des classiques se retrouverait chez les néo classiques. Autrement
dit, les classiques expliquent le fonctionnement de l’économie comme si la monnaie
n’existait pas, la monnaie étant simplement considérée comme un simple intermédiaire
des échanges. Il faudra attendre Keynes pour remettre en cause cette hypothèse.
Les principaux représentants de l’économie classique : Adam Smith, David
Riccardo, Malthus, JB Say, John Stuart Mill. On peut y ajouter Marx, qui a des affinités
avec l’école classique plus qu’avec l’école néo classique.
1. Résumé des cinq contributions analytiques d’Adam Smith
* La division du travail (premier chapitre de son œuvre) : étudiée dans le cadre
d’une manufacture d’épingles, mais elle même étudiée dans un article de l’Encyclopédie.
L’analyse de la division du travail est en réalité une analyse de la productivité, et c’est en
même temps une analyse de la croissance économique. Le second élément moteur est
l’accumulation du capital.
Lorsqu’ AS parle de division du travail, il entend aussi bien la division sociale du
travail (à l’intérieur de la société) que la division technique du travail (à l’intérieur de
l’entreprise). Pas de distinction, confusion même. Ce qui permet à la division du travail
d’accroitre la productivité : un accroissement dans l’habileté et la vitesse d’exécution du
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travail, produire un gain de temps dans le passage d’une tâche à une autre (temps de
flânerie), possibilité d’introduire des machines (décomposition d’une tache complexe en
plusieurs taches simples).
* La théorie de la main invisible (chapitre deux) : origine de la division sociale du
travail ? AS considère que cette dernière n’est pas le résultat d’une volonté
intentionnelle de conduire à l’opulence mais un simple résultat mécanique de l’intérêt
individuel. De cette mécanique découle une première formulation au sein d’une théorie
de l’échange : la main invisible. C’est une parabole, qui apparaît dans une seule phrase
de la Richesse des nations, dans un chapitre du livre 4 ; mais l’idée est déjà présente au
départ. L’idée de main invisible est simple : l’individu, en suivant son intérêt particulier,
va en même temps contribuer à l’intérêt général. Et ceci est tout à fait possible au niveau
de l’échange.
Qu’est qui rend possible cette notion de main invisible ? Elle fonctionne
seulement si les intérêts particuliers concordent, s’ils ne sont pas conflictuels ou
contradictoires. C’est donc possible au niveau de l’échange. En effet on cherche à
satisfaire l’intérêt d’autrui en même temps que le sien : échange possible. La notion de
main invisible n’existe chez Smith qu’au niveau de l’échange mais elle n’existe pas dans
tous les compartiments de la théorie économique de Smith. Et notamment elle
n’apparaît pas au niveau de la répartition. Ce qui domine c’est la divergence des intérêts
au niveau de la répartition. La théorie néo classique aura elle pour but de généraliser
l’ensemble de la théorie de la main invisible au fonctionnement d’ensemble de
l’économie.
Au niveau de la théorie de la répartition, Smith fait apparaître l’antagonisme des
intérêts, entre salaire, profit et rente notamment : l’intérêt d’un groupe social est de voir
sa part du gâteau augmenter. La théorie néo classique de la répartition essaie de rendre,
au contraire, complémentaire les revenues entre eux. A partir du moment où on relie la
détermination d’un revenu à sa contribution productive, il n’existe plus d’antagonisme
au niveau de la répartition. Liens complexes entre théorie classique et néo classique :
continuité indéniable mais aussi points de divergences.
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* La distinction entre capital fixe et capital circulant : contribution majeure de
Smith, mais pas reprise entièrement par les théoriciens néo classiques, ces derniers en
restent à une définition du capital limitée au capital fixe. Pour comprendre cette
distinction entre KF et KC, il faut partir de la définition générale du capital pour Smith,
comme étant l’ensemble des avances monétaires nécessaires à la mise en place d’un
processus de production, et dont la raison d’être est la formation d’un revenu. Le capital
n’est donc pas pour Smith un facteur de production, contrairement à la théorie néo
classique, qui existerait séparément du travail (ou d’autres facteurs de production
comme la terre). Le capital est avant tout une quantité d’argent, qui circule, qui se
valorise, en vue de créer un profit, le revenu du propriétaire du capital. Et cet argent se
valorise, circule, par l’intermédiaire de l’achat de la totalité des facteurs de production,
qui sont nécessaires à la production proprement dite. Autrement dit, le capital se définit
par son lien à l’acquisition d’un revenu, et cela en opposition à l’utilisation d’un revenu
dans la consommation. En effet, ce qui caractérise la consommation, c’est que celle ci fait
disparaître le revenu, qui a permis l’achat de biens de consommation, alors que pour le
capital, c’est le phénomène inverse : le capital est l’affectation d’une partie du revenu par
le biais de l’investissement en vue de la création d’un autre revenu, et cela par
l’intermédiaire de l’achat ou de l’acquisition des moyens de production. Dans l’acte de
consommation le revenu se trouve détruit, alors que dans l’acte d’investissement (ou
création d’un capital), ce revenu se trouve conservé ou même augmenté par un
supplément, le profit. Le capital se définit selon AS comme un cycle, u processus, et non
comme quelque chose de figé. Ce n’est pas quelque chose de matériel. Une fois compris
la nature du capital comme cycle ou comme processus en circulation, il devient alors
facile de comprendre la différence entre KF et KC, comme deux modalités distinctes de
circulation du capital. Autrement dit, les termes KF et KC sont trompeurs : en réalité le
KF circule, mais de manière différente au KC. On désigne par KC tout capital qui circule
en une seule fois, après la vente des marchandises, ce qui correspond alors à la partie du
capital qui sert à l’achat, des matières premières, des consommations intermédiaires, et
également à l’achat de la force de travail (le paiement des salaires). Une matière
première est utilisée une seule fois dans le processus de production, tout comme une
consommation intermédiaire. L’argent qui a servi à acheter ces matières premières, une
fois ces dernières vendues, revient : le capital circule. AS désigne au contraire KF la
partie du capital qui reste fixée, non pas éternellement, mais pendant un certain laps de
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temps, et qui par conséquent va faire retour à l’investisseur en plusieurs fois
(machines..) après réalisation des marchandises sur le marché. Donc le KF circule
comme le KF, mais en plusieurs fois, jusqu’à l’amortissement total de qui a était acheté
avec ce capital. Au KF correspond l’achat de moyens de production durables, qui
peuvent être utilisés à plusieurs cycles ou pendant plusieurs cycles de production. C’est
la raison pour laquelle cette partie du capital circule en plusieurs fois.
Exemple : un boulanger a par exemple besoin d’un capital de 100 000 E pour lancer son
activité, soit 70 000 E pour l’achat d’un four et divers autres moyens de production
durables qui vont être utilisés à la production d’une multitude de pains. Si on connaît la
durée de vie de ces moyens de production durables, on peut connaître le montant de
l’amortissement par année, voire par unité de pain fabriqué. Si par exemple, le four
permet de produire 70 000 pains sur une période de 5 ans, on imputera 1 E par unité de
pain produit. La seconde fraction du capital, les 30 000 euros restants, va servir à l’achat
des matières premières, comme la farine, ainsi qu’au paiement des salariés. Ce capital
circule immédiatement : quand on fabrique du pain, on inclut le cout de la main d’œuvre
et de la farine dans le prix de vente (+ profit). Chez AS le capital inclut l’ensemble des
moyens de production, salaires compris (KC), au contraire des néo classiques (la
rétribution dépend de la contribution productive, c’est une valeur ajoutée et non pas une
avance du capital – la valeur ajoutée permet simplement la reconstruction des avances).
NB : les matières premières sont des consommations intermédiaires mais toutes
les consommations intermédiaires ne sont pas des matières premières. Un service de
nettoyage pour une entreprise est une consommation intermédiaire, ou encore des
travailleurs temporaires.
* La distinction entre travail productif et travail improductif, aujourd’hui
controversée, est une conséquence de la théorie smithienne du capital. On considère au
départ le travail comme étant un travail salarié, qu’il soit productif ou non. Si on se place
du côté de l’entrepreneur on peut alors proposer la définition suivante : est considéré
comme travail productif, tout travail qui servira à produire une marchandise ensuite
vendue sur un marché et qui par conséquent permettra l’obtention d’un revenu ou d’un
profit, pour celui qui avancé le salaire. Sera désigné au contraire comme travail
improductif, tout travail qui ne permettra pas à la réalisation d’une marchandise et donc
d’un revenu ou d’un profit. Dans ce cas la dépense de salaire ne sera pas considérée par
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Smith comme la dépense du capital mais comme une simple dépense du revenu. Et c’est
notamment le cas pour tout ce qui est travail domestique : lorsqu’une personne
embauche des domestiques, le salaire payé n’est pas considéré comme relié à un travail
productif. L’individu qui achète le travail, n’achète pas de produit en contrepartie, qui
sera vendu sur le marché. Simple dépense de revenu, puisque ce travail ne produit rien.
(Pas de retour sur investissement). MAIS si on se situe du côté du salarié, tout travail
doit être considéré comme productif. Donc la notion de W (travail) productif varie ! Et
s’articule autour de la notion de capital.
* La théorie du libre échange est fondée sur l’avantage absolu (AA – ou une
spécialisation). Ce n’est pas autre chose qu’une simple transposition au plan de
l’économie internationale que la notion de division du travail ou de spécialisation,
appliquée au départ au niveau de la société ou de l’entreprise. De la même façon qu’un
individu est plus efficace productivement parlant lorsqu’il est spécialisé, les nations ont
tout intérêt à se spécialiser dans les domaines dans lesquelles elles sont les plus
efficaces, en terme de productivité et donc en terme de coût de production
(ATTENTION : productivité et coût de production ne sont pas les mêmes choses – on
peut avoir deux entreprises au même niveau de productivité sans qu’elles aient le même
coup de production, tout simplement à cause d’une différence de salaire – de la même
façon deux entreprises peuvent avoir le même cout de production sans le même niveau
de productivité). D’où l’idée de fonder les spécialisations internationales des économies
sur la notion d’AA.
Critique possible : loin de constituer un argument déterminant en faveur du libre
échange, la spécialisation selon les AA en constituerait plutôt une forte restriction.
Pourquoi ? Il se peut très bien qu’une nation ne dégage aucun AA. Une théorie fondée sur
l’AA empêcherait le libre échange en fait. Il faudrait alors passer à une théorie du libre
échange fondée sur l’avantage comparatif (AC) – c’est Riccardo qui mettra au point cette
théorie. Opposition entre AA et AC ? La seconde permet de généraliser la notion de
division internationale du travail, à tous les pays ! (Au lieu de faire uniquement du vin,
un pays doit faire un peu de vin et un peu de blé par exemple)
2. Résumé des trois contributions majeures apportées par Riccardo
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D’avantage que Malthus ou Say, R peut être considéré comme un véritable
continuateur d’AS. Fils d’un banquier juif portugais, émigré en GB pour échapper aux
persécutions, il commence à l’âge de 14 ans dans la banque de son père et se met à son
compte comme agent de change à 20 ans. Il est tout simplement intervenant à la bourse
de Londres. Il existe deux types d’agents avant la réforme des années 80 : les brockers,
des courtiers qui achètent pour le compte de clients et sont rémunérés à la commission ;
et les jobbers, société de bourses qui achètent pour leur propre compte, et se
rémunèrent par la différence entre le prix d’achat et le prix de vente (vente aux brockers
ou autres clients). R touche le jackpot en 1815 pendant la bataille de Waterloo : tous les
spéculateurs de la bourse londonienne avaient parié sur la victoire de Napoléon, et R a
fait le pari inverse. Il prend sa retraite avec l’argent gagné. Ecrit un ouvrage en 1817.
Continuateur d’AS ? Beaucoup de répétitions. Ce qui ne l’a pas empêché sur
certains points d’apporter des perfectionnements ou des innovations : la théorie de la
rente, la théorie gravitationnelle des prix autour de la valeur (les prix naturels) et les
avantages comparatifs.
Différence fondamentale entre AS et R au niveau de la méthode : méthode
littéraire, historique, concrète d’AS, mélange de théorisation, de citations d’évènements
et de références à des éléments concrets. Tandis que R a une démarche beaucoup plus
abstraite, axiomatique, ou hypothético déductive: on part de principes premiers, qui
n’ont pas forcément de traduction concrète au niveau de la réalité, et on déduit ensuite
de ce principe premier un certain nombre de conséquences que l’on va appliquer à la
réalité.
NB : exemple de la loi de la chute des corps de Galilée, tirée d’une conception du
mouvement qui n’existe pas dans la réalité – Galilée pose que le mouvement est continu,
perpétuel, jusqu’à ce qu’une force s’oppose à ce mouvement, patinoire géante sur
laquelle glisse un galet, à l’infini jusqu’à obstacle – une telle conception du mouvement
n’existe pas dans la réalité, conception théorique du mouvement – à partir de là Galilée
en tire un certain nombre d’hypothèses et de données, de conséquences secondes, qui
doivent, elles, s’adapter à la réalité.
* Théorie de la rente différentielle : cette expression n’est pas de R mais d’un
économiste du 19ème siècle pour caractériser la théorie de R. De plus, R n’est pas
l’inventeur de cette théorie : c’est un obscur économiste écossais de la fin du 17ème
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Histoire de la pensée économique
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siècle, James Anderson, plagié par Malthus, lui même plagié par R… (!!!). L’originalité de
R a été de substituer à une théorie de la rente absolue telle qu’elle apparaît chez AS, une
théorie de la rente relative, ou différentielle. Que veut dire rente absolue et relative ? la
RA dépend de l’existence de la propriété foncière (sans propriété pas de rente…) mais
également de la productivité absolue de la terre. Plus la terre est productive, plus le
niveau de la rente (soit le revenu touché par le propriétaire foncier) sera élevé. R pose
que la rente dépend de la productivité différentielle. R fait quatre hypothèses pour
introduire sa théorie :
- la reprise de la théorie de la population de Malthus (on ne développe pas cette
théorie et donc l’hypothèse ici) : il existe une pression démographique permanente qui
va faire …
- … que l’on cultive des terres de moins en moins fertiles (au début on cultive les
plus fertiles, mais plus de monde = plus de terres à cultiver = donc on cultive des terres
moins fertiles). On utilise les terres par ordre de fertilité décroissant.
- on considère alors que le prix du blé est fixé par la valeur du blé produit sur la
moins terre
- hypothèse du taux de profit moyen : R est partisan de la thèse selon laquelle si
on faut jouer la concurrence on doit aboutir à un taux de profit moyen entre les capitaux.
C’est ce taux de profit moyen que l’on applique à la rente.
 On suppose que les terres A,B,C (A étant la plus fertile) fournissent un blé au prix C.
Les terres A rapportent un revenu plus élevé. Hiérarchie des revenus entre les terres. Si
la terre C qui fixe le prix du blé pour toutes les terres A,B,C, on suppose alors que ce prix
est fixé de manière telle qu’il rapporte un profit moyen au fermier (inclus dans le prix du
blé C). Tout ce qui est au dessus de ce profit moyen (et donc au dessus du prix C) est
considéré comme un profit pour le fermier : une rente va apparaître sur toutes les
autres terres A et B, et cette rente dépend de la productivité, différente si la terre est 1
ou B. On parle alors de rente différentielle.
Ce n’est pas la théorie en elle même qu’il faut comprendre mais ses
conséquences. Plus la population augmente, moins les terres sont fertiles. Or si la terre,
peu fertile, ne s’ajuste pas au taux de profit moyen, alors le fermier n’a pas d’intérêt à la
cultiver, donc le propriétaire foncier ne peut pas la louer et constituer une rente par
rapport à cette terre. Or si la population augmente = la demande augmente = le prix du
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Histoire de la pensée économique
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blé augmente = augmentation des salaires et augmentation de la rente des terres les
plus fertiles. Au final, tout s’équilibre. Arrêt de l’accumulation du capital.
Pour mette fin à cet état stationnaire, R préconise la libre échange, soit la libre
importation du blé, à un prix moins élevé = diminution du salaire = diminution des
rentes = d’avantage de profit pour les industriels.
La théorie de la rente est une machine de guerre contre les propriétaires fonciers
et en faveur du libre échange. Influence fondamentale de cette théorie sur la science éco,
puisqu’elle est à l’origine de la théorie des rendements décroissants.
* R apporte un perfectionnement à la théorie du prix d’équilibre de Smith, avec
une distinction entre le prix de marché qui serait fonction d’un équilibre entre l’offre et
la demande, et de l’autre, le prix naturel, qui correspondrait à peu près à la valeur de la
marchandise, en fonction de la valeur de travail incorporée. Tout le problème consiste,
une fois le prix de marché et le prix naturel distingué, à savoir si le prix de marché va
varier de façon autonome par rapport au prix naturel. Pour R, la réponse est non. Le prix
de marché gravite autour du prix naturel. . On suppose une augmentation de la
demande, non anticipée par l’offre = augmentation du prix du bien = plus de profit
possible = plus d’entrepreneurs = plus de capitaux dans cette branche de biens =
surproduction = mouvement inverse, l’offre est alors supérieure à la demande =
diminution de prix = baisse de profits = sortie de capitaux = demande supérieure à
l’offre = … Mouvement cyclique.
* Les AA et les AC : cf fin de Smith
3. Résumé des contributions de JB Say et de Malthus (auteurs opposés même si tous
deux économistes libéraux – Malthus est un pessimiste, au contraire de JB).
Lois des débouchés chez JBS + critique de M, reprise par Keynes
Loi de la population chez M
La contribution économique de Malthus débute avec la loi de population. Cf David
Cohen, La prospérité du vice : dans cet ouvrage, il utilise la loi de population de Malthus,
mais ce n’est pas la loi de Malthus, attention à la terminologie. Cette loi se résume en
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Histoire de la pensée économique
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deux propositions : alors que la population augmente de manière exponentielle, c’est à
dire selon une loi d’accroissement géométrique, les ressources (agricoles, alimentaires)
sont soumis à une loi d’accroissement arithmétique. Il faut savoir que cette loi a aussi
une influence sur Darwin. Ce dernier fait de la loi de population l’un des éléments
fondamentaux de la sélection naturelle. La loi de population est la seule loi économique
qui a pu avoir une influence sur une science exacte. Malthus va utiliser sa loi de
population pour expliquer le maintien de l’humanité dans un état de misère
permanente, rendant difficile tout processus de perfectionnement matériel et moral. En
cela M s’oppose à la philosophie des Lumières et donc au progrès. Pour M la pauvreté
est la conséquence naturelle d’une loi objective qui s’impose à toute société. Changer les
institutions pour rendre les conditions de vie meilleure est un projet sans espoir de
réussite. C’est la raison pour laquelle M s’oppose aussi à toute intervention de l’Etat, que
ce soit pour aider les pauvres ou pour assurer une répartition plus égalitaire des
richesses. M était donc partisan d’une abolition des lois sur les pauvres, ainsi que
Roccardo qui reprendra les mêmes arguments.
Sujet de polémique en Angleterre au début du 19ème siècle, la loi sur les pauvres a
été instauré en 1601 : impôt sur les plus riches des propriétaires fonciers en général,
dont le prélèvement allait ensuite dans une caisse municipale, qui était ensuite donnée à
l’Eglise, pour que celle ci vienne au secours des populations les plus pauvres. L’argument
de M pour justifier la suppression de cette loi est d’affirmer que cette loi crée les pauvres
qu’elle entretient. Cet argumentaire est toujours actuel, dans la mesure ou ceux qui sont
partisans de la suppression des indemnités chômage posent que ces indemnités créent
les chômeurs qu’elles entretiennent. On crée ainsi des trappes de la pauvreté.
La loi des débouchés de JBS se résume aussi en deux propositions : l’offre crée sa
propre demande, soit son propre débouché ; et les produits s’échangent contre des
produits. La simplicité de ces propositions n’est qu’apparente dans la mesure où elles
peuvent trouver différents terrains d’application qui rendent délicates ou complexes son
interprétation et sa discussion. La loi des débouchés peut être interprétée comme une
identité comptable, dans le cadre d‘une théorie d’un équilibre statistique, ou comme
relation de causalité dans le cadre d’une théorie dynamique, soit du commerce
extérieure, soit par exemple dans le cadre d’une explication des crises. Exemple du
commerce extérieure : le pays peut exporter parce que les autres importent, il ne peut
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Histoire de la pensée économique
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pas être uniquement vendeur, il faut aussi être acheteur. Les importations sont payés
par les exportations. Donc de ce point de vue la loi de JBS est tout à fait pertinente.
Exemple des crises : on interdit logiquement la possibilité de crise généralisée par la
surproduction si l’offre crée sa propre demande. Critique possible : légèreté avec
laquelle JBS fait abstraction du rôle de la monnaie, ou plus précisément, façon dont
laquelle il imagine le rôle de la monnaie, très étroit.
Pour JBS la production ou l’offre n’a de sens qu’en vue d’une réalisation contre de
l’argent, qui servira alors à acheter une autre marchandise. L’offre crée sa demande. A
aucun moment on n’envisage que la monnaie puisse être thésaurisée ou épargnée.
Abstraction du rôle de la monnaie comme réserve de valeur. Première fonction de la
monnaie : être un étalon des valeurs, on peut calculer tous les prix dans une unité de
mesure commune, dans un même étalon. Deuxième fonction : être un intermédiaire des
échanges. Troisième fonction : la monnaie permet aussi de conserver de la valeur ou de
la richesse dans le temps, cela permet du coup de dépenser l’argent dans le temps,
élément de liberté. Ce rôle de conservation implique que la monnaie puisse être
thésaurisée ou épargnée, et cette fonction est oubliée par JBS. .
Avant que Keynes n’utilise la critique de la loi des débouchés comme une base de
la théorie macroéconomique, M avait déjà mis l’accent sur le rôle négatif de l’épargne
dans l’insuffisance de la demande qui pour M est à l’origine des crises de surproduction.
Pour M, il existe une contradiction entre accumulation et consommation, plus
exactement entre accumulation et épargne, et cela dans la mesure où l’épargne, en
réduisant la consommation, réduit du même coup les débouchés nécessaires à la
poursuite de l’accumulation. Il faudra cependant atteindre Keynes pour que la critique
malthusienne de la loi des débouchés prenne tout son sens et acquiert une crédibilité
véritable, dans la mesure où M oublie dans son raisonnement le rôle joué par
l’investissement comme composante de la demande globale.
A la place d’une contradiction absolue entre consommation et accumulation, qui
n’est pas acceptable si on tient compte de investissement comme composant de la
demande, Keynes va substituer le principe d’un déséquilibre entre épargne et
investissement. Si K remet en cause la loi des débouchés de JBS, c’est sur la base de l’idée
suivante : que toute épargne ne sera pas nécessairement réinvestie. Ceux qui épargnent
et ceux qui réinvestissement ne sont pas toujours les mêmes personnes. Rôle
fondamental puisque à l’origine de la théorie de K sur le multiplicateur. M a bien
14
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
influencé K, même si ce dernier transforme de façon radicale la critique malthusienne de
la loi des débouchés de JBS.
4. Marx, le dernier des classiques ?
Bien que Marx ne soit pas considéré comme un économiste classique pour des
raisons politiques, de nombreux concepts et principes méthodologiques le relient à cette
dernière. Ce que M reproche à l’économie politique classique c’est son naturalisme, soit
la croyance en l’idée qu’il existerait des lois naturelles de l’économie qui faudrait pour
tout lieu et tout temps. Idée aussi de l’école historique allemande, mais développée
différemment. Ici M pose que l’Histoire est une succession des différents régimes
économiques, qui ont une logique propre et à chaque fois contradictoire.
Indépendamment de cette analyse historique, lorsque M fait l’analyse du
capitalisme, il utilise en général les mêmes concepts que ceux de l’économie politique
classique. Exemple de la théorie de la valeur : ce n’est pas autre chose que la
sophistication de la théorie de la valeur de Riccardo, fondée sur le travail incorporé.
Autre exemple, la notion de capital, analysée avec AS : le capital qui doit rapporter un
revenu devient un capital-argent, jeté dans la circulation afin de réaliser un profit. A la
différence d’AS aussi, le capital se distingue fondamentalement de l’argent, puisque il
doit rapporter plus d’argent. Lorsque l’argent est utilisé comme capital, pour rapporter
plus d’argent donc, l’argent n’est plus une simple monnaie. Ce qui caractérise le capital,
c’est la processus d’auto valorisation de l’argent.
B. LA REVOLUTION MARGINALISTE ET LES THEORIES NEO
CLASSIQUES
1. Introduction : Aux origines de la révolution marginaliste
Les années 1870 ont marqué un tournant dans la pensée économique, avec
l’émergence d’une nouvelle façon d’aborder les phénomènes économiques laisse une
forte empreinte sur plusieurs générations d’économistes et cela au moins jusqu’à
Keynes. Le fait remarquable de cette révolution c’est qu’elle ne fut pas le fait d’une
15
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
personne isolée mais de trois contributions indépendantes de la part d’auteurs qui ne
connaissaient pas et issus de pays différents : Stanley Jevons, 1871 - Karl Menger, 1871 Léon Walras, 1874
Ces trois auteurs ont pour point commun d’avoir fondé une nouvelle
problématique de la valeur, fondée sur un concept d’utilité marginale, qui chez Walras
est traduit par rareté. Le fait que la découverte de l’utilité marginale relève de la
découverte multiple n’a pas cependant d’incidence déterminante, ni sur la substance
novatrice du marginalisme, ni sur le processus de genèse de cette découverte. Ce qui est
à l’origine d’une découverte scientifique, c’est le plus souvent une situation de crise de la
théorie qui est, à un moment donné, dominante. La découverte permet de dénouer cette
situation de crise. On pourrait faire la même analyse pour Einstein quant à la théorie de
la relativité : dénouement d’une crise au sein des théories de la physique, résolution et
unification des théories, tout le monde s’y rallie du coup.
Dans le cas de la révolution marginaliste, ce sont les insuffisances et les
incohérences de la théorie classique de la valeur et de la répartition qui ont constitué
l’élément déclencheur de cette révolution théorique.
Première insatisfaction : Constat d’une absence totale d’unification d’une théorie,
en réalité plurielle. Il n’existe non pas une théorie de la valeur travail, mais au moins 3,
chez les classiques, qui existaient déjà toutes au départ chez Smith. Une première
approche à travers le travail commandé, autrement dit, ce qui définit la valeur c’est la
quantité de travail que peut commander une marchandise (se situe au niveau de la
valeur d’échange, le prix est divisé par le salaire. Si une marchandise coute 100 euros, et
un salaire 10 euros de l’heure, la marchandise peut commander 10 heures de travail).
Seconde approche à travers le travail incorporé : ici la valeur d’une marchandise c’est la
quantité de travail incorporée dans la production de celle ci. Troisième approche, soit la
valeur comme sommes de revenus, donc des salaires, du profit et de la rente.
A l’éclatement de la théorie de la valeur s’ajoute un ensemble de restrictions par
rapport à l’application de la notion valeur travail. Chez Riccardo cela ne s’applique
qu’aux biens reproductibles (seconde approche), alors que les biens non reproductibles
(œuvres d’art, pierres précieuses), eux, voire leur valeur déterminée par la demande ou
16
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
par l’utilité. Lorsque R introduit le capital fixe, il constate que le prix relatif des
marchandises ne peut pas strictement correspondre aux quantités relatives de travail.
Donc la théorie de la valeur travail ne s’applique qu’à 95%... Discréditation de l’école
classique.
Situation guère meilleure pour la théorie de la répartition (détermination des
revenus : salaire, profit et rente) qui obéissait à trois principes différentes. Le salaire
chez les classiques est fonction d’un fond de subsistance supposé fixe, assurant juste un
minimum vital pour la subsistance de l’ouvrier et de sa famille. Le profit est censé être
déterminé par un principe de profit moyen proche de l’intérêt ou du taux d’intérêt,
assimilation. Enfin, un troisième principe de productivité absolue (AS) ou de production
relative de la terre (R) détermine la rente.
Autres influences à l’origine de la révolution marginaliste, liées au contexte
économique. Finalement on ne change pas uniquement la théorie de la valeur, c’est
l’objet même de la théorie économique qui va changer. Alors que les économistes
classiques sont principalement préoccupés par des problèmes de croissance
économique sur le long terme, les néo classiques mettront plutôt l’accent sur les
problèmes de choix et l’allocation rationnelle des ressources, et cela en raisonnant dans
un cadre statique où les ressources sont données, fixées au départ.
Ce changement d’objet de la science économique est en partie le fait d’une
évolution du contexte économique. La crainte des classiques d’un état stationnaire s’est
en effet dissipé grâce au succès de la première et de la seconde révolution industrielle.
Donc la question du devenir du capitalisme n’a plus beaucoup de sens au 19ème siècle.
D’où la réorientation du questionnement théorique sur les problèmes de choix et
d’allocations. Autrement dit ce sont les succès rencontrés par le capitalisme au 19ème
siècle grâce à la révolution industrielle qui ont fourni un terreau favorable au
développement de la théorie néo classique.
Enfin le constat d’une découverte multiple d’un principe identique, l’utilité
marginale, ne doit pas induire en erreur en ce qui concerne l’homogénéité des théories
élaborées par les trois auteurs : même approche de la valeur certes, mais pas trois
théories identiques. Walras va ainsi être à l’origine d’une approche tout à fait
particulière : la théorie de l’équilibre général. Elle sera très différente d’une autre
17
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
approche, qui sera développée par Alfred Marshall, qui développe une approche en
terme d’équilibre partiel, en lien avec Jevons. Ces deux approches sont en partie
contradictoires.
La révolution de l’utilité marginale et la solution au paradoxe de la valeur d’Adam Smith.
Lorsqu’on parle de révolution marginaliste, on met l’accent sur l’adoption d’un
nouveau raisonnement économique qui est le raisonnement à la marge, que l’on
retrouve à tous les niveaux de la micro économie et de la théorie néo classique :
production, répartition, épargne… Cependant, c’est historiquement au niveau de l’utilité
que le raisonnement à la marge s’est imposé et a été à l’origine de la révolution
marginaliste.
2. Le retour préalable à une théorie subjective de la valeur comme condition
nécessaire mais non suffisante de la révolution marginaliste
On ne réfute jamais une théorie uniquement en raison de ses insuffisances mais à
partir du moment ou on lui substitue quelque chose d’autre à la place. Pour parvenir à la
rupture de 187 il a fallu dans un 1er temps que l’on revienne à l’idée que la valeur
pouvait être un phénomène subjectif et pouvait donc constituer un résultat de la
conscience.
Cette théorie de la valeur ne pouvait être utilisé sans quoi on lui aurait opposé le
paradoxe de la valeur de Smith qui interdit de faire de la valeur d’usage le fondement de
la valeur d’échange.
Distinction entre utilité totale et utilité marginale. Les agents économiques peuvent
mesurer le degré d’utilité ressenti à l’occasion de la consommation d’un bien. Plus tu
consommes plus ça plait mais pas proportionnellement. L’utilité marginale serait
décroissante. On prend plus de plaisir la première fois que les suivantes.
L’utilité marginale : utilité de la dernière unité de bien consommé.
L’utilité totale : utilité cumulée de toutes les utilisations.
18
Histoire de la pensée économique
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Loi de Gossen : décroissance de l’utilité marginale. C’est ce qui va être au coeur de
la révolution marginale. Il n’y aucun bien dont l’utilité marginale est supposée croissante
avec l’augmentation des quantités.
Le verre d’eau dans le désert de Karl Menger : le premier verre d’eau très plaisir.
Après moins.
Cette hypothèse de décroissance joue un double rôle théorique : justifier la
décroissance de la courbe de demande (plus le prix diminue, plus la quantité demandée
augmente) car plus il consomme plus le plaisir baisse il faut donc baisser le prix pour
augmenter la demande. Il permet aussi de solutionner le paradoxe de l’eau et du
diamant de Smith et donc de fonder une nouvelle théorie de la valeur.
Utilité marginale et solution au paradoxe de la valeur de Smith.
Eau : utilité forte, valeur d'échange nulle. Diamant : utilité forte, valeur d’échange très
forte. Il n’y aurait donc pas de lien entre valeur d’usage et valeur d’échange.
Si on intègre l’utilité marginale on voit que ce paradoxe est soluble. Pour l’eau l’utilité
totale est élevé mais la marginale est faible. Pour le diamant c’est l’inverse. On va donc
fonder le prix du bien sur l’utilité marginale.
Cela relève de la théorie du consommateur.
3. Le système de Walras/Marshall
Il y a une fracture entre les partisans de la démarche de l’équilibre général (W.) et les
partisans d’une démarche en terme d’équilibre partiel. Le second vient après le premier.
Le système W. Ne se réduit pas à la théorie de l’équilibre général.
Economie politique pure pour Walras : proche de la vision des classiques. La notion de
libre concurrence absolue sera nommée plus tard CPP. Walras ne veut pas étudier la
réalité mais les lois de la fixation des prix en faisant une hypothèse de concurrence pure
et parfaite.
19
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
L’équilibre général est un systèle mathématique qui vise à démontrer qu’il est possible
d’atteindre l’équilibre de l’O et D sur tous les marchés simultanément et donc de définir
le prix.
Le découpage de l’économie chez Walras en économie politique pure / éco appliqué /
éco sociale.
Du fait d’une définition étroite de l’économie politique (la sienne) Walras s’est senti
obligé de l’alourdir pour que son modèle puisse aller plus loin -> 3 niveaux :
Eco politique pure pour fonder une théorie de l’équilibre général. Elle est du domaine de
la Science et de la découverte des grandes lois.
Economie appliquée : etude des conditions les plus favorables au fonctionnement de
l‘agriculture, de l’industrie... C’est du domaine de l’utile. Comment organiser les activités
pour obtenir un max de prospérité.
L’objet de l’éco sociale c’est d’étudier les conditions permettant la réalisation d’un ordre
économique moralement juste au niveau des impôts et la propriété. Walras était
partisan de la nationalisation intégrale des terrains agricoles. Il se prétendait socialiste
scientifique.
Il s’agit de 3 systèmes distincts et il existe une hiérarchie crée par Walras. Le 1er à des
incidences sur sur les deux autres. Le système d’équilibre général peut apporter des
solutions aux deux derniers. Le projet de Walras n’ayant pas abouti ça reste théorique.
Résume de la théorie de l’équilibre général
En math c’est d’une complexité extrême et Walras lui-même a prétendu avoir apporté
une solution qui a été ensuite critiquée par les + grands mathématiciens du moment et
ce n’est que dans les années 50 grâce aux travaux de deux économiste que ça deviendra
à peu près clair.
Elle a pour ambition de démontrer un équi de l’O/D sur tous les marchés qui permet
simultanément la détermination de tous les prix.
Ses opposants critiquent le caractère statique de ce système. Il ne peut y avoir équilibre
que partout à la fois. On ne peut produire et échanger qu’une fois parvenu à un équilibre.
On détermine l’équilibre avant les biens.
20
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
L’équilibre partiel reprend Walras mais sur un seul marché.
HOS -> théorie néoclassique du CI
3. Alfred Marshall
Néo classique . Il se distingue par l'équilibre partiel. Elle porte également sur la
conception de l’agent économique.
La conception de l’agent éco
Il a le souci d’inscrire la théorie économique au sein d’une histoire concrète de la
civilisation. L’homme n’est pas un pure automate calculateur c’est un individu concret,
influencé par le milieu social, capable d’accomplir des actions altruistes.
La place des maths chez Marshall
Walras veut faire de l’éco politique une branche des maths. Il parle de théorie
mathématique de la richesse sociale. Marshall n’adhère pas du tout à ce discours. Il
considère les maths comme un outil. Marshall se distingue de la théorie néo classique
standard par une distinction entre trois périodes de temps auxquelles correspondent
deux principes distincts de détermination du prix : période de marché, où l’offre est
absolument fixe ; courte période, où ‘offre peut varier dans certaines limites sur la base
d’une capacité de production fixe ; et enfin longue période où la production et les
capacités de production sont supposées variables. On peut regrouper les périodes 1 et 2
dans la mesure où celles ci vont faire jouer un même principe de détermination du prix :
puisque les quantités offertes ne peuvent pas varier, ou très peu, dans ce cas c’est la
demande, à travers l’utilité marginale, qui fixe le prix. En longue période en supposant
des rendements plus ou moins constants, le prix devra être alors fixé selon M, en
fonction du cout de revient ou du cout de production. Ce qui équivaut de revenir à la
théorie de Riccardo. Sur la courte période, détermination du prix selon l’utilité
marginale – en longue période, détermination selon le cout de revient. M : « Plus sera
courte la période que nous examinerons (toujours principe de continuité) plus nous
devrons tenir compte de l’influence que la demande exerce sur la valeur. Au contraire,
plus cette période sera longue, et plus importante sera l’influence exercée par le cout de
21
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
production sur la valeur ». Pour conclure, ce que l’on appelle théorie micro économique,
qui vient en grande partie de la théorie de l’équilibre partiel de M, n’a de sens que si l’on
réfléchit sur la courte période.
C. L ‘ECOLE HISTORIQUE ALLEMANDE : UNE REACTION ANTI
CLASSIQUE
Au plan économique comme au plan intellectuel, la trajectoire allemande est
spécifique et différente de ce qui s’est passé en France et en Angleterre. Déjà, temps de
retard par rapport à France et GB, concernant la révolution industrielle, pas avant 1850.
Développement extrêmement rapide dès sa date. Intellectuellement parlant, le
romantisme et l’hégélianisme sont restés très influents tant dans le domaine de la
philosophie que des sciences sociales. Ceci explique qu’en All une approche historiciste
et relativiste de l’économie ait pu se développer, notamment sous forme de critiques de
l’héritage classique puis de la théorie néo classique. Elle a ouvert des perspectives
intéressantes à l’analyse économique notamment par la prise en compte des institutions.
Il est de tradition de distinguer deux écoles allemandes. La première se constitue
autour de Roscher, Hildebrand, et Knies ; la seconde autour de Schmoller. Certains
auteurs, parlent même d’une troisième école historique allemande. Ce qui distingue ces
écoles c’est leur rapport à l’histoire : la seconde fait concrètement de l’histoire, tandis
que la première affirme la nécessité d’appliquer l’histoire à l’économie politique dans le
but de l’améliorer.
1. La première école historique allemande
Roscher peut être considéré comme le point de départ de l’école historique
allemande, par la publication en 1843 d’une œuvre évocatrice : Précis d’un cours
d’économie politique d’après la méthode historique. Dans cet ouvrage, R considère
l’économie comme un organisme susceptible de se transformer sans changer ses
caractères fondamentaux. A la différence cependant d’un schéma biologique, ou d’un
organicisme biologique, ce développement ne suit pas une loi linéaire, et c’est la raison
pour laquelle, pour R, il y aurait plus d’analogie entre l’économie moderne et antique,
22
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
qu’entre l’économie moderne et médiévale. Puis R assigne à l’économie politique
l’objectif d’étudier les particularités des organismes dans leurs dimensions historiques,
en énonçant des lois et des propositions générales, mais sans leur donner une valeur
absolue. Cette prise en compte de la dimension historique ne se fait pas chez R en
opposition totale avec la théorie classique, dont R reste un partisan. Son but est
d’enrichir la problématique classique par des excursions dans le domaine historique.
Cette position de Roscher d’utiliser l’histoire pour enrichir la problématique classique
ne sera pas reprise par la suite, et tous les auteurs que Roscher va inspirer vont au
contraire se détacher de la théorie classique notamment en contestant l’idée de lois
économiques naturelles.
Bruno Hildebrand, 1848, L’économie politique du présent et du futur. Il a un projet
plus radical puisqu’il veut partir de l’histoire pour apporter un renouveau complet de
l’économie en dénonçant les erreurs des classiques, notamment la croyance en des lois
économiques naturelles. Tout en ayant l’universalisme de la théorie classique, il se
contredit ensuite en prétendant définir l’économie politique comme la science des lois
historiques du développement des nations. Trois phases : l’économie naturelle, puis le
passage de l’économie naturelle à l’économie monétaire, puis de l’économie monétaire à
l’économie de crédit.
Knies publie en 1853, L’économie politique envisagée au point de vue historique. Il
remet en cause toute loi universelle, ou historique, qui pourrait s’appliquer à l’économie
– relativisme absolu. Pour justifier ce relativisme, il s’appuie sur une distinction
épistémologique fondamentale, entre les phénomènes de la science de la nature et ceux
qui relèverait des sciences sociales. En ce qui concerne les sciences de la nature, les
phénomènes seraient à la fois répétitifs et constants, alors qu’à propos des sciences
sociales, on serait en présent de phénomènes à la fois non reproductibles et réversibles.
Pour autant il ne refuse pas la pertinence de la démarche historique, mais il limite
l’histoire à fournir des analogies et des comparaisons, mais pas pour en tirer des lois.
Knies peut être considéré comme l’auteur le plus cohérent, bien que son influence ait été
relativement faible à son époque, et on doit principalement à Schmoller le fait de l’avoir
tiré de l’oubli.
Chevauchement entre nouvelle et ancienne école historique allemande. Le
principal représentant de l’école allemande est Schmoller, prof de sciences politiques à
Berlin, membre du conseil d’état de la Prusse, anobli en 1908 par Guillaume II ? Rôle
23
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
important aussi dans la mesure où il est l’auteur du manifeste d’Eisenach de 1872 :
manifeste de la nouvelle école, mais prise de position politique aussi. Nécessité d’une
réforme de l’état par la mise en place de l’état providence, économie mixte,
protectionnisme éducateur inspiré de Leist. Les idées défendues par Schmoller ont
anticipé et préparé les idées de Bismarck en 1883. Opposition au libéralisme
économique et au socialisme marxiste. Partisans de cette école sont vus comme des
« socialistes des la chair ». Abandon de toute loi, pas de philosophie de l’histoire MAIS
elle met en œuvre la méthode historique. Domaine de prédilection : historiographie.
Nombreuses convergences tout de même entre les deux écoles, et dénonciation
commune des insuffisances de l’économie classique.
….
24
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
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Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
2. Une histoire des idées économiques au 20ème siècle
A. L’institutionnalisme américain
B. la révolution keynésienne
C. Le néo institutionnalisme
2. Williamson
Pour Douglas North, les institutions peuvent modifier les couts de transaction
supportés par les agents économiques. De ce point de vue, les couts de transaction
rendent plus ou moins aisés les échanges, et de ce fait les performances économiques.
En ce qui concerne les pays développés, le constat fait par DG, notamment à propos es
US, est celui d’une hausse tendancielle des couts de transaction, avec une notion
extrêmement large des couts de transaction. D’après les chiffres de DG on sera passé
d’une proportion de 15% du PIB au début du 20ème siècle à 45% en 1995, qui sera plus
ou moins consacré à la gestion des couts de transaction. Pertinence des chiffres ?
Avec DG, on retrouve une conception large de la notion d’institution comme chez
les premiers institutionnalistes, et en même temps on s’attache à essayer, à partir de la
26
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
notion d’institution, de donner un sens à l’Histoire, par cette mise en relation entre couts
de transaction et développement économique.
5ème partie du cours : la révolution keynésienne.
Peut être pas le plus grand économiste du 20ème siècle… un certain nombre de
contributions essentielles de ses contemporains ont été apportés à sa théorie.
Néanmoins c’est celui dont les intuitions ont eu les répercussions les plus importantes,
tant du point de vue théorique que pratique. Pour cette raison, la révolution
keynésienne ne s’identifie pas exclusivement à une rupture théorique, mais associe
également au nom de Keynes l’existence de l’état providence, de stabilisateurs
automatiques, la genèse de la notion de politique économique.
Le fait que la révolution keynésienne soit double comporte alors l’exigence de
restituer le lien entre théorie et pratique chez K. On peut s’en faire une petite idée en
partant du contexte dans lequel K a écrit, caractérisé par deux phénomènes : une grande
crise du capitalisme, la dépression des années 30 + domination écrasante à ce moment
là de la théorie néo classique ; elle se caractérise par un intérêt exclusif porté sur le
problème d’allocations des ressources, et une confiance aveugle dans le caractère
autorégulateur des marchés. Théorie néo classique qui affirme aussi que si l’on fait jouer
la concurrence sur le marché du travail et que l’on joue aussi avec la flexibilité des
salaires, on croit à l’impossibilité du chômage, qui dès lors est nécessairement
volontaire. K est parti au contraire de l’évidence que le chômage pouvait être
involontaire et que le marché pouvait être capable de déséquilibres durables et
régulatifs. Il va donc dès lors proposer une théorie alternative au néo classicisme. Sa
théorie est donc fondé sur des rejets ; il remet en cause quatre hypothèses :
- le mécanisme des flexibilité des prix comme seul processus d’ajustement des
équilibres
- la neutralité de la monnaie, qui justifie l’idée que toute demande d’injection de
demande supplémentaire serait de nature inflationniste – pour K la monnaie peut avoir
un effet de stimulation économique
- l’idée qu’il n’y aurait qu’un seul niveau d’équilibre
27
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
- le primat de l’offre sur la demande ou de l’épargne sur l’investissement
Il élabore un modèle qui rend possible voire nécessaire l’intervention de l’état,
sur la base du rejet de ces quatre postulats. Afin de soutenir la demande globale on peut
soit faire jouer les fiances publiques (notamment sur la politique budgétaire) soit faire
jouer la redistribution (avec la mise en place d’un système de sécurité sociale).
Le modèle de K repose également sur un changement dans la nature du
raisonnement économique : en substituant à un raisonnement statique d’équilibre de
marché du type équilibre partiel à la Marshall un raisonnement en terme de circuit
économique, caractérise par une vision dynamique et interactive des phénomènes
économiques. Au fondement de ce raisonnement en terme de circuit et au fondement
aussi de la notion de politique économique keynésienne, il y a le principe du
multiplicateur que nous exposerons en deux moments : présentation en terme
séquentielle, et présentation en terme analytique.
A/ les hypothèses du circuit keynésien
But : faire apparaître les oppositions conceptuelles entre la théorie des néo
classiques et la théorie de K + initiation à la philosophie économique keynésienne. K a
écrit sur de nombreux sujets, à cela s’ajoute le fait que la théorie keynésienne n’est pa
clairement définie si on prend en compte tous les apports de ses contemporaines. Plutôt
synthèse d’un courant d’idée donc. Les hypothèses portent ici sur le comportement des
agents, sur le niveau d’analyse et enfin sur les mécanismes d’ajustement.
1. Le comportement des agents
La méthode d’approche néo classique, fondée sur la notion d’équilibre,
d’optimum, sur le rôle jouée sur la concurrence pure et parfaite, peut être caractérisée
par ce que l’on appelle l’individualisme méthodologique, qui pose de manière implicite
l’idée que l’on peut comprendre les lois de la totalité à partir directement des parties,
d’une étude des propriétés des parties. Autrement dit si l’on suppose que les individus
sont rationnels et optimisateurs on doit en déduire que le résultat, que la somme des
actions individuelles aboutit à un équilibre, lui même un optimum de maximisation des
28
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
satisfactions individuelles. Autrement dit le postulat de l’individualisme méthodologique
c’est que le tout ne diffère pas des parties au niveau de la nature.
La démarche K constitue une rupture. Si les individus sont rationnels dans le sens
où ils cherchent à satisfaire leurs intérêts particuliers, ils agissent en fait en situation
d’information imparfaite, et donc en situation d’incertitude. Les individus sont donc
plongés en permanence dans cette incertitude, et c’est cette incertitude qui limite la
rationalité maximisatrice des individus. La situation d’incertitude a aussi pour autre
conséquence d’obliger les agents économiques à anticiper, et la possibilité de se tromper
dans ses anticipations. Les erreurs d’anticipation liées à la situation d’incertitude vont
avoir pour conséquence l’adoption par les individus de comportements protecteurs,
dont l’agrégation au niveau global ne donnera pas forcément un résultat d’optimum. ‘est
même souvent l’inverse qui se produira : la somme des comportements protecteurs, au
niveau global, va conduire à des résultats inverses que ceux recherchés au départ.
Exemple donné par K : face à l’incertitude, les agents économiques peuvent être
amenés à sur épargner, donc à épargner une proportion trop importante de leur revenu.
Comportement protecteur donc, mais aussi volonté d’enrichissement (épargne peut
constituer un capital qui va fructifier, entre autres). Dans tous les cas l’effet de l’excès
d’épargne serait de baisser la consommation, donc baisse de la demande, donc baisse de
la production, et baisse du revenu.
Il existe chez K des effets de composition qui implique que la somme des
comportements individuels ne donne pas lieu à un résultat d’optimum mais génère
l’effet inverse. Idem au niveau des salaires : baisse masse salariale, baisse de la conso,
baisse de la demande, baisse de la production, baisse du revenu et donc baisse du
bénéfice.
Donc le tout n’est pas la simple somme des parties. Chez K, le tout est supérieur à
la somme des parties. Ces effets de composition résultent également de l’approche
macro économique adopté par K, où les agrégats sont reliés entre eux selon une logique
d’interaction. L’incertitude relié à l’effet de composition permet de comprendre
comment chez Keynes l’instabilité se nourrit de l’instabilité. La norme ne se situe pas
dans l’équilibre mais dans le déséquilibre. Déséquilibre qui appelle à une action
correctrice de l’état. Attention chez K déséquilibre et équilibre ne s’oppose pas
nécessairement dans la mesure où chez K il a un passage permanent entre les deux : le
29
Histoire de la pensée économique
Florent Gabriel
déséquilibre peut conduire à un équilibre, mais ce dernier peut être différent de
l’équilibre initial. Pas de mécanisme auto régulateur donc, même si le déséquilibre finit
toujours par se résorber.
2. le niveau d’analyse
On distingue ici une représentation de l’économie en termes de circuit, qui
privilégie des grandeurs globales et l’étude de leur interdépendance, de type macro
économique, à une représentation de l’économie en terme d’équilibre des marchés, de
type micro économique. Ce qui peut cependant apparaître comme une simple différence
de niveau d’analyse, masque en réalité des différences à la fois d’ordre théorique et
méthodologique. La différence entre l’approche keynésienne et l’approche néo classique
repose sur le fait que ce sont deux conceptions différentes du fonctionnement de
l’économie.
Du coup K va rompre avec une idée fondamentale des néo classiques, celle
d’unicité de l’équilibre : si on fait fonctionner la concurrence, on va obtenir un équilibre,
unique et stable, supposé constituer un optimum pour l’ensemble des agents
économiques (maximisation des satisfactions). Pour K il en va tout à fait différemment :
pas d’équilibre unique, les interdépendances macro économiques ne le permettent pas,
donc pluralité des niveaux d’équilibre + si équilibre il y a, il ne serait en aucune façon
considéré comme un optimum. Au contraire, une situation d’équilibre peut être
caractérisé par une situation de chômage ou de sous emploi : l’équilibre (au niveau
macro économique) de sous emploi.
Cette divergence se traduit aussi dan l’analyse de l’origine du chômage. Pour les
NC, le chômage, s’il existe, ne peut résulter que d’un mauvais fonctionnement du marché
du travail. Conséquences de rigidités, qui empêchent la flexibilité du salaire à la baisse.
GRAPHIQUE ??? (l’optimum du consommateur)
Pour les NC, la demande de travail est du coté des entreprises (DL) elle est
inversement proportionnelle au salaire réel, donc les entreprises embaucheront plus si
le salaire est faible. L’offre de travail, celle des salariés, est croissante avec le niveau du
salaire. Si on laisse fonctionner le marché du travail, on obtient un équilibre au point E,
30
Histoire de la pensée économique
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soit un équilibre de plein emploi. Au point E, pas de chômage : égalisation de la demande
de travail et de l’offre de travail. Si chômage il y a c’est parce que le salaire réel est
supérieur au salaire d’équilibre. Le chômage est volontaire : les salariés refusent le
salaire réel qui leur est proposé.
Pour K, le chômage résulte non pas d’un mauvais fonctionnement du marché du
travail mais d’une insuffisance du niveau de la production, liée à une insuffisance de la
demande globale.
3. Mécanismes d’ajustements et de régulation
Surement la différence majeure. Pour les NC le mécanisme central d’ajustement
des équilibres c’est la flexibilité des prix : si déséquilibre entre offre et demande, la
variation du prix permet de rétablir l’équilibre – ajustement des prix permettant ensuite
un ajustement des quantités.
Chez K l’ajustement se fait uniquement par les quantités, on suppose des prix
stables ou rigides. Cet ajustement peut alors donner lieu à des phénomènes de
dépression cumulative qui peuvent s’auto entretenir. C’est la raison pour laquelle
l’intervention de l’état est nécessaire, pour soutenir la demande globale. Le marché n’est
spontanément pas auto régulateur. En cela K tire les enseignements de la dépression des
30’s, qui a démontré comment une crise boursière localisée a pu dégénéré en crise
mondiale et généralisée. Le fait que le marché ne soit pas auto régulateur ne signifie pas
pour autant qu’il faille supprimer l’initiative privée et donc s’en remettre à une
socialisation de la production ou de l’investissement par l’état. De ce point de vue l’état
keynésien apparaît de nature très différente d’un état socialiste : il ne doit pas s’occuper
de la production, juste stabiliser et stimuler la conjoncture. Pour K le marché, aussi
imparfait soit il, est nécessaire pour assurer une allocation des ressources et garantir un
certain flux des progrès techniques. K est donc un libéral socialiste selon l’expression
qu’il utilisait fréquemment pour se désigner.
B. la présentation du circuit keynésien de base
On va supposer qu’il n’existe que deux agents économiques : les entreprises qui
produisent et les ménages qui consomment. A la différence d’un raisonnement de type
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équilibre partiel à la Marshall, une représentation de l’économie en terme de circuits fait
jouer cinq caractéristiques importantes :
- le temps
- les flux (un circuit n’est rien d’autre qu’un ensemble de flux orientés et qui font
retour sur eux mêmes)
- une succession logique et temporelle de la production vers le revenu, du revenu
à la dépense, et de la dépense à la production
- le déséquilibre
- les anticipations des entrepreneurs – rôle fondamental – ce qui correspond à la
notion de demande effective
L’ensemble de ces caractéristiques fait que le circuit de K diffère des autres
circuits, comme celui de Quesnay, ou de Marx
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D. Monétarisme et nouveaux classiques
E. La nouvelle économie keynésienne
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