Association Amicale des Anciens d’Entreprises Saunier Duval. - Voyages et Sorties - Compte-rendu de notre sortie du 21 Janvier 2015 Le département des Antiquités Egyptiennes au Louvre Par Eliane Etinzon Un petit groupe de 16 personnes participait à cette visite : - Mmes : Devant, Etinzon, Faucheux, Lefèbvre, Puel, Thomas, - Mmes et MM : Geoffrin, Noé, Perrot - MM. : Chollet, Debeuré, Le Liboux, Paget. Notre guide était Florent Brousse, égyptologue de formation, jeune professeur à l’Ecole du Louvre. Nous commençons par le Mastaba d’Akhetetep. Mais … qu’est-ce donc qu’un Mastaba ? C’est une tombe. Pas celle d’un pharaon, mais celle d’un particulier, assez riche pour se l’offrir. C’est l’idée d’empiler les mastabas les uns sur les autres qui a donné naissance au concept de pyramide. Les pharaons, à l’Ancien Empire, se faisaient enterrer dans une pyramide ; ça tout le monde connait. Cette pyramide était en fait un escalier permettant au défunt d’accéder aux étoiles. Plus tard, dans la vallée des rois, (la capitale s’était déplacée en Haute Egypte) la pyramide ne sera plus nécessaire car les tombes sont situées au pied d’une montagne en forme de pyramide naturelle. En outre, les rois tenteront d’enfouir leur sépulture pour la dissimuler car les pilleurs de tombes sévissaient déjà à l’époque. J’ai parlé d’Ancien Empire. Donc, rappel rapide de la chronologie de l’Egypte ancienne. On distingue 3 périodes principales : - L’Ancien Empire (la pyramide de Kheops date de 2560 ans avant JC) Le Moyen Empire (2033 à 1786 avant JC) Le Nouvel Empire (Akhénaton, Ramsès II, pour citer les plus célèbres) séparées par des périodes de troubles appelées périodes intermédiaires et suivies des époques tardives. Vers la fin, l’Egypte ramenée au rang de province a été dominée par les Perses, les Grecs, les Romains. Mais même à ces époques-là, l’Egypte a maintenu ses traditions, que les dirigeants d’origine étrangère ont respectées. Le tout s’étale sur plus de 3000 ans depuis environ 3200 avant JC (date à laquelle le pays était déjà unifié) jusqu’à la fin de l’Empire Romain au Vème siècle de notre ère, avec toujours une continuité dans les pratiques et les représentations. Pour mieux situer les choses, Florent, notre guide, nous fait remarquer qu’il s’est écoulé beaucoup moins de temps entre Cléopâtre (1er siècle avant JC) et nous qu’entre Cléopâtre et les débuts de l’Egypte. Retour au Mastaba d’Akhetetep. Nous entrons dans la chapelle, espace étroit qui ne représente qu’une petite partie de la tombe. Ce n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg car l’ensemble du complexe funéraire comporte également une pièce (le serdab) où se trouve la statue du défunt - cette statue est l’enveloppe matérielle qui permet au mort de se nourrir - et un caveau souterrain accessible par un puits. Plan en coupe d’un mastaba de l’ancien empire. Dans la chapelle, le défunt vient se nourrir, en passant par la fausse porte sculptée sur le mur. Grâce à une formule magique la fausse porte devient vraie. A l’origine, la famille dépose chaque jour de la nourriture sur une table d’offrandes puis il est apparu qu’il suffisait de peindre ou sculpter sur les murs tout ce qui est nécessaire à la vie dans l’audelà. L’œil donne vie à l’objet représenté, donc le simple fait de voir permet de consommer. On dit que l’art égyptien est PERFORMATIF, c’est-à-dire qui crée la vie. En Egypte tout ce qui est peint ou sculpté est vivant. Observons les murs de la chapelle : y sont représentées toutes les étapes nécessaires à la confection d’un repas, voire d’un banquet, tout ce qu’il faut pour se nourrir et aussi toutes les activités habituelles du défunt, avec le personnel correspondant. Il doit vivre aussi bien après sa mort qu’il a vécu de son vivant. Rien n’est plus important pour un Egyptien que sa vie dans l’au-delà. Il consacre toute sa vie et tous ses moyens, de son vivant, à préparer sa tombe. Chacun selon ses moyens. Ceci est une constante tout au long de l’histoire de l’Egypte ancienne. Nous quittons le mastaba et nous arrêtons quelques salles plus loin devant un relief venant de la tombe de Tepemankh représentant une table d’offrandes. Version dessinée (car plus claire) de la table d’offrandes Le défunt est assis devant cette table sur laquelle lui sont proposés des tranches de pain (oui, ce sont des pains grillés, des toasts). Au-dessus de lui, les uns au-dessus des autres, la liste de tous les autres aliments. C’est volontairement que rien n’est présenté en perspective car l’Egyptien cherche toujours la représentation la plus aisément identifiable, celle qui prendra vie le plus facilement. 2 Parlant de l’alimentation dans l’Egypte ancienne, saviez-vous qu’ils étaient les inventeurs du vin et de la bière ? Anecdote concernant la bière Heineken : le créateur de cette brasserie, un Néerlandais, était un grand admirateur de l’Egypte antique et il a appelé sa bière du nom égyptien de cette boisson, lui ajoutant une consonance un peu plus hollandaise. Haneket = Bière en égyptien d’où Heineken. Le Sphinx Nous continuons notre parcours et nous arrêtons brièvement devant un grand sphinx de granit. Les sphinx sont des êtres à corps de lion et tête de roi, gardiens de temples ou de nécropoles. Ils sont coiffés du némès et portent la barbe, emblèmes royaux. Celui-ci provient de Tanis, dans le delta. De taille imposante, il pèse 9,5 tonnes. Il date du Moyen Empire, pourtant il porte les noms de Ramsès II et de son fils Mérenptah, pharaons du Nouvel Empire. Pourquoi ? Le portrait réaliste n’existe pas. On représente toujours les pharaons jeunes, beaux et forts. Ils ne sont identifiés que par leur nom. Au fil des siècles, nombreux sont les pharaons qui se sont approprié les sculptures d’un de leurs prédécesseurs en se limitant à changer le nom dans le cartouche. C’est le cas ici. Le cartouche est un symbole hiéroglyphique contenant le nom du pharaon entouré d’un lien fermé par un nœud. Il le protège et le sacralise. Vous l’aurez compris, tout en Egypte est symbole, tout passe par des codes et des conventions. Tordons le cou aux idées reçues, largement diffusées par la Bible et par Hollywood. - Les Egyptiens ne portaient pas tous le Nemès. Cette coiffure qu’on voit dans tous les films était l’apanage exclusif du pharaon. - L’esclavage n’a jamais existé en Egypte. L’image des hordes d’esclaves construisant les pyramides sous les coups de fouets est totalement fausse (impossible d’entrer dans le détail). - Cléopâtre VIIème du nom, bien que souveraine d’Egypte n’était pas égyptienne. Elle était grecque, de la dynastie des Lagides (ou dynastie des Ptolémées) qui règna sur l'Égypte de 323 à 30 avant notre ère. 3 Le Temple Et nous arrivons au temple, ou du moins aux salles qui l’évoquent au Louvre. Il faut un peu d’imagination. Le temple est la demeure d’un dieu et il lui est dédié. Sa fonction primordiale est de préserver l'équilibre de l'univers. Son plan n’a que peu évolué au fil des 3000 ans de l’histoire de l’Egypte. Loger et soigner les dieux faisaient partie des responsabilités du pharaon qui consacrait des ressources prodigieuses à la construction et l’entretien des temples. Tous l’ont fait. Par contre, le souverain n’ayant pas le don d’ubiquité était contraint de déléguer ses obligations rituelles qui furent confiées à des prêtres. C’est ainsi que naquit le clergé. Le temple est un monde clos, entouré de murs, réservé au clergé et au pharaon. La population n’y a pas accès au-delà de la première cour, à ciel ouvert, dans laquelle elle peut venir déposer ses offrandes. Au fur et à mesure que l’on pénètre dans le temple les salles sont de plus en plus petites et de plus en plus sombres, jusqu’au saint des saints, le naos, qui contient la statue du dieu placée dans un tabernacle. Seul le roi, ou les prêtres les plus hauts placés peuvent pénétrer dans le sanctuaire et ouvrir le tabernacle contenant la statue du dieu pour effectuer les rituels matin et soir. La statue est l’enveloppe dans laquelle vient s’incarner le dieu, son habitat terrestre ; elle est dite hypostase. Contrairement aux habitations - y compris le palais du pharaon - qui sont construites en briques crues (donc périssables), le temple est construit en pierre. Il est essentiel que le temple soit un monument éternel : sans temples, pas de dieux, sans dieux c’est le chaos. On parle de « pierre d’éternité ». Ci-dessus, évocation d’un temple égyptien au Louvre, avec deux grandes colonnes à l’entrée, les cours et salles successives et enfin le naos au fond. Ci-contre, plan classique d’un temple égyptien. 4 Salle de la momie Après nous être arrêtés devant quelques autres objets ou papyrus et avoir traversé la salle des sarcophages (hauts en couleurs, qui s’emboitent les uns dans les autres comme des poupées russes) nous nous regroupons autour de la momie. Sarcophages Cette momie, très bien conservée, est celle d'un homme qui vivait à l'époque ptolémaïque (de 323 à 30 avant JC). Selon les usages de cette période, le corps du défunt est soigneusement enveloppé dans des bandelettes de lin dont la disposition atteint une grande précision. Il est recouvert d'un cartonnage composé de plusieurs éléments : un masque qui couvre la tête, un large collier posé sur la poitrine, un tablier déployé sur ses jambes et enfin, une enveloppe pour les pieds. Le long du corps ont été disposés les vases canopes. Les vases canopes contiennent les viscères prélevés sur le corps du défunt et traités. Au nombre de quatre, ils sont un élément indispensable de la sépulture égyptienne. Chaque vase est à l’effigie de l’un des 4 fils d’Horus (lui-même fils d’Osiris et Isis), génies funéraires anthropomorphes, qui protègent le contenu des vases. Détail de la tête (admirez le travail des bandelettes !) Vue d’ensemble de la momie avec à l’avant les vases canopes qui contiennent les viscères du défunt Le groupe autour de Florent, notre guide 5 Pourquoi une momie ? Parce qu’elle est la garantie d’une vie éternelle. La momification a pour but principal de préserver et purifier le corps afin de le rendre divin et pouvoir accéder à l’éternité. Les Égyptiens croyaient en l'immortalité et la momification fait référence à la légende d’Osiris (trop longue à raconter ici). Chaque être humain possède un Bâ et un Kâ, 2 formes de l’âme. Or, pour atteindre la vie éternelle il fallait que le Bâ et le Ka, au réveil du défunt dans l’au-delà, puissent réintégrer le corps et que celui-ci soit présentable devant Osiris, figure majeure du Panthéon égyptien et dieu de l’au-delà. C’est pourquoi il était essentiel de le préserver. En Egypte les plus pauvres doivent se contenter d’une modeste fosse et de quelques offrandes mais ne sont pas exclus du royaume des morts. Ceux qui en ont les moyens assurent la préservation de leur corps. Non seulement des personnes mais aussi de nombreux animaux ont été momifiés. Processus de momification - Voici, très résumées, les étapes successives 1. Lavage et préparation du corps du défunt 2. Extraction des viscères (poumon, foie, intestins, estomac) et du cerveau ; seul le cœur qui, pour les Égyptiens, est le siège de la pensée, est laissé dans le corps. 3. Déshydratation du corps et des viscères 4. Bourrage définitif des cavités thoracique et abdominale 5. Emmaillotage de la momie (bandelettage). L’ensemble des opérations dure 70 jours. Le défunt est alors prêt pour se présenter devant Osiris et les autres dieux qui vont procéder au jugement de la pesée de l’âme. Sur une balance, le cœur du défunt est pesé contre la plume de Maât, déesse de la vérité et de la justice. Si le cœur du défunt est plus lourd que la plume de Maat, la terrible Ammit à tête de crocodile, corps de lion et arrière d'hippopotame le dévorera. Si le cœur du défunt est égal ou plus léger que la plume de Maât, le défunt a gagné la vie éternelle dans le paradis d'Osiris. C’est ce que raconte le papyrus ci-dessous. Rappelons pour finir les deux grandes peurs de l’Egyptien : - Celle d’être oublié. Donc il écrit son nom partout, autant qu’il peut. - Celle de manquer de nourriture et de bien-être dans l’au-delà. C’est de sa momie et de sa tombe que dépend sa qualité de vie après la mort. En conséquence de quoi l’Egyptien, quel que soit son rang dans la société, passe sa vie à préparer sa mort. 6