
ORIGINAL ARTICLE 109
Une minorité d’entre eux bénécie d’un suivi psy-
chiatrique, souvent sans connexion susante avec
les dicultés d’insertion, ou présentant d’impor-
tantesdicultés de communication entre les services
sociaux et les soins.
Intervention
L’intervention d’évaluation et d’engagement dans les
soins (EES) a lieu dans le milieu de vie de la personne,
est proactive et s’intéresse à l’impact fonctionnel des
troubles psychiques sur la vie quotidienne. Au vu de
l’intensité possible de l’intervention et de son caractère
mobile, le nombre de cas est limité à moins de vingt
patients par intervenant. Les case managers sont des
inrmiers en psychiatrie expérimentés, soutenus par
une équipe pluridisciplinaire de psychiatre, psycho-
logues, ergothérapeutes et assistant social.
Initialement, les personnes sont désaliées sur le plan
social et sanitaire. Elles ont des graves dicultés en
emploi, sont le plus souvent à l’aide sociale et ne re-
çoivent pas de soins adéquats. La demande provient
detiers, car les personnes elles-mêmes ne demandent
pas de soins et ne sont en général pas conscientes
d’une problématique psychiatrique. Ces tiers sont
généralement les référents des services sociaux ou
des mesures d’insertion, plus rarement la famille. Le
but de l’intervention est de favoriser le rétablissement
dans le respect des besoins, des priorités et des valeurs
de la personne. Dans le contexte de cette intervention,
les dicultés en emploi constituent le plus souvent
une priorité pour la personne, mais sans que celle-ci
n’associe l’origine de ces dicultés avec des troubles
psychiques. Le case manager se déplace dans les
mesures de réinsertion ou en entreprise, pour évaluer
les troubles et leurs conséquences fonctionnelles, coor-
donner les interventions et déstigmatiser les troubles
et les soins psychiatriques. Il eectue un bilan des di-
cultés, des ressources et de la santé psychique de la
personne, tout en la soutenant dans son projet d’in-
sertion professionnelle, de mise en place de stages, ou
de dépôt d’une demande auprès de l’Assurance Inva-
lidité. Conscients des barrières d’accès aux soins psy-
chiatriques, le case manager et son équipe se montrent
exibles, mobiles, disponibles et proactifs. Lorsque la
personne accepte des soins, elle est accompagnée par
l’équipe vers un suivi psychiatrique institutionnel ou
privé. Une fois le suivi psychiatrique mis en place, le
suivi EES coordonné par le case manager peut se ter-
miner. Lorsque la situation clinique du patient le per-
met, et que le patient est inscrit depuis plus de mois
dans un suivi psychiatrique, un suivi IPS an de sou-
tenir un projet d’insertion professionnelle peut se
construire.
Sur le plan pratique, le premier contact entre le case
manager et la personne a lieu en présence du deman-
deur, qui explique les raisons de sa demande d’inter-
vention. La personne est ensuite invitée à nommer les
problèmes les plus importants à ses yeux. Ces pro-
blèmes sont rarement identiés par la personne dans
le domaine de la santé, mais concernent surtout le
travail, parfois le logement ou les relations sociales.
Dans une deuxième étape, le case manager commence
immédiatement par aider la personne à résoudre
ces problèmes prioritaires, tout en évaluant l’impact
fonctionnel des troubles psychiques. Le case manager
aide la personne à prendre conscience du lien entre
les troubles psychiques et les dicultés rencontrées.
Une fois ce lien établi, la troisième étape consiste à
construire un projet thérapeutique et à alier la
personne a des soins de plus longue durée. Des ren-
dez-vous en présence du demandeur sont agendés
tous les mois, avec une réévaluation des objectifs.
Lorsqu’un suivi adéquat a été mis en place, le case
manager termine son intervention en transmettant
un bilan au réseau comprenant la personne, le deman-
deur et les nouveaux intervenants de soins. Une
vignette clinique illustre ce processus.
Vignette clinique
Pascal, 22 ans, fume du cannabis et passe la plupart de son
temps à jouer en réseau. La demande d’intervention vient de
son assistant social, qui s’inquiète des nombreux rendez-vous
manqués et des échecs répétés dans les mesures d’insertion
pro fessionnelle. Découragé par un licenciement quatre ans
auparavant lors de sa première année d’apprentissage, Pascal
sedit victime du système et ne voit pas l’intérêt d’une consulta-
tion psychiatrique. Une première rencontre avec l’intervenant
RESSORT a lieu au bureau de l’assistant social, durant lequel
Pascal est néanmoins d’accord de faire le point sur ses projets
professionnels. Initialement, Pascal annule pourtant plusieurs
rendez-vous en dernière minute, mais finit par se rendre à une
rencontre près de chez lui. Il parle alors de son anxiété dans les
lieux publics et de ses difficultés à se rendre à ses rendez-vous
en ville. Pour surmonter cet obstacle, l’intervenant convient de le
rencontrer initialement dans le parc à côté de son immeuble.
Une phobie sociale et un état dépressif invalidants sont diag-
nostiqués, gérés par des consommations de cannabis depuis
l’adolescence. Le psychiatre du programme lui explique que
ses troubles peuvent être traités par un antidépresseur, une
approche cognitivo-comportementale et une activité physique
régulière. Pascal reprend ainsi la musculation, puis accepte un
traitement antidépresseur pendant quatre semaines. Lors du
bilan à 3 mois avec l’intervenant et l’assistant social, l’angoisse
et la tristesse sont attenuées et Pascal souhaite continuer le
traitement. Il trouve ensuite un psychiatre dans son quartier,
avec qui il a un bon contact. Il se sent alors prêt à reprendre ses
recherches d’apprentissage, avec un soutien à l’emploi par
RESSORT, en collaboration avec son psychiatre et le programme
des services sociaux JAD, spécialisé pour les 18-25 ans en diffi-
culté.
SWISS ARCHIVES OF NEUROLOGY, PSYCHIATRY AND PSYCHOTHERAPY 2017;168(4):107–112
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