L’Erreur, l’échec, la faute Questes, n
o
30
114
Les faits
Les croisés qui s’ébranlèrent en 1096, empruntèrent des itinéraires
différents, mais ils se dirigeaient tous vers Constantinople, lieu de
ralliement évident sur leur route. Selon Jean Flori, 30 000 chevaliers se
pressèrent sous les remparts de la ville
6
.
Alexis Comnène, étranger à l’idéal occidental de la croisade, était
alors convaincu que le vrai dessein des seigneurs francs était de s’emparer
de Constantinople. Ainsi une incompréhension s’instaura-t-elle entre les
chefs et l’empereur, exacerbée par les préjugés anti-grecs déjà vifs à
l’époque
7
mais aussi par le fait que certains négociateurs étaient des
ennemis déclarés de l’Empire, tel Bohémond d’Antioche. Au terme de
négociations, Alexis parvint à recueillir les engagements des plus grands
chefs de la croisade, à l’exception de Raymond de Toulouse et de
Tancrède. Quelle était la nature de ces engagements ? Concernant les
liens juridiques qui unissaient les chefs croisés à l’empereur, les
recherches de François-Louis Ganshof
8
sont précieuses. L’analyse
lexicologique n’est pas très pertinente car les termes employés par les
chroniqueurs sont fluctuants et bien souvent très approximatifs. On relève
en majorité les termes de foedus et juramentum, désignant des accords
6 Jean Flori, « Un problème de méthodologie. La valeur des nombres chez les
chroniqueurs du Moyen Âge. À propos des effectifs de la Première Croisade »,
Croisade et Chevalerie, XI
e
–XII
e
siècles, 1998, p. 332.
7 Voir Michel Balard, « Byzance vue de l’Occident », dans Dictionnaire raisonné de
l’Occident médiéval, dir. Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Poitiers, 1999,
p. 126–135 et Michel Carrier, « Pour en finir avec les Gesta Francorum : une
réflexion historiographique sur l’état des rapports entre Grecs et Latins au début du
XII
e
siècle et sur l’apport nouveau d’Albert d’Aix », Crusades, 7, 2008.
8 François-Louis Ganshof, Recherches sur le lien juridique qui unissait les chefs de la
première croisade à l’empereur byzantin, Genève, Comité des mélanges
P. E. Martin, 1961. On peut aussi se référer à Ralph-Johannes Lilie, Byzantium and
the Crusader States, 1096–1204. Studies in the Relations of the Byzantine Empire
with the Crusader States in Syria and Palestine [1981], trad. angl. James C. Morris
et Jean. E. Ridings, Oxford, Clarendon Press, 1993, et John L. La Monte, « To
what Extent was the Byzantine Empire the Suzerain of the Latin Crusading
States? », Byzantion, 7, 1932, p. 253–264.