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INTRODUCTION
La présence de moisissures en milieu intérieur est devenue un sujet de
préoccupation tant pour les professionnels de la santé que pour la population en
général. En effet, au cours des dernières années, de plus en plus d’études
effectuées en Amérique du Nord et en Europe ont fait ressortir un lien possible
entre la présence de moisissures en milieu intérieur et diverses atteintes à la
santé [113]. Les professionnels de santé sont ainsi, de plus en plus sollicitées par
les citoyens dans leur recherche de solutions aux problèmes d’humidité
excessive, d’infiltration d’eau et de moisissures.
Le présent travail est basé sur une revue de la littérature à jour sur le sujet
en première partie. Le premier chapitre résume les divers aspects des allergies.
La biologie des moisissures, avec un aperçu de leur classification, de leur cycle
de vie, de leurs conditions de croissance et enfin, de leur présence dans le milieu
intérieur sont présentés au deuxième chapitre. Les effets sur la santé sont
également présentés. Outre les composantes fongiques à effets nocifs, ce
chapitre fait état des principaux effets possibles sur la santé, résume les
connaissances épidémiologiques sur le sujet, puis discute du lien de causalité.
Les résultats préliminaires d’un audit environnemental effectué au domicile de
patients ayants des allergies sont discutés en deuxième partie.
1
PREMIERE PARTIE
2
CHAPITRE I : L’ALLERGIE
I. DEFINITION
Allergie (du grec Allos - autre- et ergos - action) est une réaction anormale,
inadaptée exagérée, ou même excessive du système immunitaire, consécutive à
un contact avec une substance étrangère à l’organisme, qu’on dit allergène. Il
s’agit de substances qui sont habituellement bien tolérées, mais considérées à
tort comme dangereuses par nos cellules. Ainsi, une substance tout à fait
inoffensive pour certains peut provoquer une réaction allergique chez une
personne sensibilisée.
La réaction allergique se manifeste sous la forme d’asthme, de rhinite,
d’urticaire, d’oedèmes ou encore de conjonctivite. L'allergie est également
appelée hypersensibilité
La prédisposition familiale, appelée aussi terrain « atopique » est un facteur
aggravant. Un malade peut être sensible à plusieurs allergènes, il s’agit alors du
"syndrome de polyallergies" [42].
II. MECANISME D’INSTALLATION
Quelle que soit leur forme, les phénomènes allergiques nécessitent deux phases
II.1 Phase initiale d’induction
Lors du premier contact entre l'organisme et l'allergène (moisissures,
acariens, poils de chat…), les macrophages stimulent des lymphocytes B et T.
Ces différentes cellules communiquent entre elles au moyen de leurs protéines
membranaires mais aussi grâce à des médiateurs qu'elles produisent comme les
3
interleukines (IL). Les plasmocytes issus de cette cascade de réactions
produisent alors des IgE spécifiques de l'allergène d'origine. Cette première
phase appelée "induction de l'allergie" se termine avec la fixation des IgE sur
les basophiles et mastocytes [88].
II.2. Phase de la réaction allergique
La réaction allergique proprement dite peut alors débuter. L'organisme est
prêt à recevoir pour la seconde fois l'allergène. Ce dernier vient se fixer
directement sur les IgE des basophiles. Ce qui provoque leur dégranulation
(libération de petites vésicules contenant des substances chimiques). Ces
vésicules contiennent entre autres de l'histamine, qui joue un rôle clé dans
l'allergie puisqu'elle est à l'origine d’une vasodilatation, une augmentation de la
perméabilité des capillaires et une contraction des fibres musculaires lisses. Les
effets sont immédiats et habituellement localisés. Certaines réactions se
produisent plusieurs heures ou même plusieurs jours après l’exposition. Elles
sont généralement appelées réactions d’hypersensibilités retardées cependant
une réaction anaphylactique peut se produire quelques minutes seulement après
une exposition, elle s’accompagne d’une diminution sévère de la tension
artérielle pouvant mener à l’arrêt cardiaque [88].
III. ACTEURS CELLULAIRES ET CHIMIQUES
Les réactions allergiques font suite à l’activation de cellules cibles par le
capping d’anticorps de type IgE sur leur membrane. Cette activation est
responsable d’une cascade chimique faisant appel à plusieurs acteurs.
4
III.1. LES ACTEURS CELLULAIRES
III.1.1. Les mastocytes tissulaires
Le mastocyte est une cellule centrale dans l’allergie. Il porte à sa surface
des immunoglobulines membranaires de type IgE qui ont un rôle de récepteur
aux allergènes. Il s’agit de cellules de grande taille, remplies de vésicules,
contenant des molécules diverses impliquées dans les phénomènes allergiques,
essentiellement l’histamine, les protéoglycanes et les protéases. Après fixation
de l’allergène sur les récepteurs membranaires elles libèrent de nombreux
facteurs impliqués dans la réaction allergique et dont le principal est l’histamine
[88].
III.1.2. Les basophiles
Ce sont des cellules de la lignée granulocytaire, qui dérivent des
précurseurs localisés dans la moelle osseuse et sont essentiellement des cellules
du sang. Elles représentent moins de 1% des leucocytes sanguins. Chez les
sujets atopiques, on note une augmentation significative du nombre de
polynucléaires basophiles (70 mm3 contre 50 chez les sujets témoins) [88]. Les
mastocytes et les basophiles sont donc fort justement qualifiés de cellules
« starter » de la réaction d’allergie, mais elles n’en sont qu’un maillon et elles
sont surtout le prélude à une inflammation plus durable et génératrice de
nouvelles sensibilisations allergiques.
5
III.1.3. Les éosinophiles
Lors de la cascade chimique les éosinophiles sont attirés sur les lieux de la
réaction allergique par l’ECF-A (Eosinophile Chemotactic Factor of
Anaphylaxie) émis par les mastocytes. Ils sont caractérisés par leurs granules qui
contiennent les protéines principales de la cellule, MBP (Major Basic Protéine)
et protéine cationique, responsable de la toxicité de ce polynucléaire, qui est
capable en outre de générer des dérivés hautement toxiques de l’oxygène. Les
éosinophiles sont retrouvés en abondance dans le liquide de lavage bronchoalvéolaires des asthmatiques, et leur nombre est corrélé avec la gravité de la
maladie. L’éosinophilie parait bien au centre de la pathologie inflammatoire de
l’asthme et est étroitement lié à la phase tardive de la réaction et à l’hyperréactivité bronchique [46].
III.1.4. Les monocytes et macrophages
La stimulation des monocytes sanguins et des macrophages alvéolaires par
les allergènes spécifiques induit directement l’activation de ces cellules et la
décharge des médiateurs pro-inflammatoires et spasmogènes (prostaglandines,
leucotriénes, Le platelet activating factor (PAF), enzymes, radicaux libres, IL -1)
[88].
III.1.5. Les lymphocytes
Ils jouent un rôle majeur dans la réaction d’hypersensibilité retardée
(HSR). Le macrophage présente au lymphocyte T l’antigène préalablement
modifié par traitement enzymatique. On assiste alors au développement de
clones de lymphocytes T capables de reconnaître l’antigène. Lorsque ces clones
6
se rencontreront une nouvelle fois, ils seront capables de développer une
réaction immune dont le maximum sera atteint en 48 heures [88].
III.2. LES ACTEURS CHIMIQUES
III.2.1. L’histamine
C’est le plus important des médiateurs de l’hypersensibilité de type I. Elle
est présente en quantité abondante dans les mastocytes (5 à 12 pg / cellule).
Lorsqu’elle est libérée par la réaction allergique, elle diffuse rapidement dans les
tissus, entraîne deux conséquences fondamentales : l’augmentation de la
perméabilité des veinules aboutissant à la formation d’oedème, et la contraction
des fibres musculaires lisses, bronchiques en particulier. Elle entraîne également
la production de leucocytes et de prostaglandines ainsi qu’une irritation
bronchique et une augmentation de la sécrétion du mucus [46].
III.2.2. Les leucotriènes
Ce sont des dérivés de l’acide arachidonique. Ils sont produits par la voie de
la lipo-oxygénase. Ils ont une action sur les cellules à mucus, induisent un
chimiotactisme, en particulier avec les cellules polynuclées. Ils agissent en
synergie avec les prostaglandines E2 dans l’augmentation de la perméabilité
vasculaire. Leur implication est importante dans la genèse de la phase tardive de
l’hypersensibilité de type I [46].
III.2.3. Les prostaglandines
Dérivées du métabolisme de l’acide arachidonique par la voie de la cyclooxygénase, diverses prostaglandines (PG) sont libérées au cours de la réaction
7
allergique. La PGD 2, la plus importante
est considérée comme un des
médiateurs majeurs de l’anaphylaxie [88].
IV. CLASSIFICATION DE GELL ET COOMBS
Bien que revue et corrigée récemment, à la lumière des progrès réalisés
dans la compréhension des réactions d’hypersensibilité (HS) retardée, l’ancienne
classification de Geel et Coombs reste bien pratique [89].
Selon cette
classification les réactions d’HS sont classées en quatre grands types
IV.1. Hypersensibilité type I
C’est le type le plus fréquent et le plus important du point de vue clinique.
Il correspond à l’hypersensibilité immédiate (HSI) ou hypersensibilité
anaphylactique et atopique avec anticorps circulants. Ces anticorps sont des
immunoglobulines de type IgE capables de se fixer sur les mastocytes tissulaires
et sur les basophiles du sang circulant. Ces anticorps réaginiques IgE se trouvent
à l’état libre dans le sang mais c’est la partie fixée sur les cellules qui est la plus
importante, et qui est directement responsable des symptômes allergiques. Ceuxci apparaissent quand les IgE fixées à la surface des mastocytes et des
basophiles réagissent avec l’allergène correspondant ; il en résulte la
dégranulation de ces cellules qui libèrent dans la circulation des amines vasoactives qui sont les médiateurs chimiques de l’allergie. Les IgE que l’on peut
mettre en évidence dans le sérum correspondent à l’excès d’anticorps persistant
après que tous les sites récepteurs des mastocytes et des basophiles aient été
occupés par des IgE qui restent fixées sur ces cellules. La caractéristique des
réactions de l’allergie de type I est que les symptômes apparaissent très
8
rapidement après l’exposition à un allergène, en règle générale 10 à 20 min,
mais quelquefois moins d’où le nom d’hypersensibilité immédiate. Ce terme
est sujet de polémique car on sait maintenant que les manifestations de l’allergie
de type I se prolongent parfois bien au-delà de ce délai pendant lequel peuvent
agir les médiateurs libérés [88].
IV.2. Hypersensibilité type II
Dans ces réactions immunes, les anticorps sont libres dans le sérum alors
que l’antigène est fixé à la surface de certaines cellules ou un composant de la
membrane cellulaire elle-même. Quand les anticorps réagissent avec l’antigène,
il se produit une activation du complément qui aboutit à la détérioration de la
cellule et même à sa lyse. Ces réactions cytotoxiques ou cytolytiques ne
concernent pas en général l’allergologue. Les maladies relevant de ce
mécanisme sont essentiellement les accidents de transfusion incompatible et les
cytopénies médicamenteuses [88].
IV.3. Hypersensibilité type III
Ces réactions sont dues à des anticorps circulants, les précipitines qui
appartiennent à la classe des immunoglobulines G. Le système complément est
activé quand ces anticorps réagissent avec des antigènes pour produire un
complexe antigène-anticorps. Cette activation du complément entraîne une
accumulation de polynucléaires, une libération d’histamine, et aboutit à des
lésions tissulaires analogues à celles du phénomène d’Arthus. Les alvéolites
allergiques extrinsèques constituent le meilleur exemple d’une telle réaction
immunologique complexe [88].
9
IV.4. Hypersensibilité type IV
Les réactions de ce type se différencient des trois autres en ce sens qu’elles
ne
sont
pas
produites
par
des
anticorps
mais
par
des
cellules
immunocompétentes, les lymphocytes. Ces réactions se caractérisent aussi par le
délai de 24 à 72 heures nécessaire à l’apparition des manifestations après la
réintroduction de l’antigène : d’où le nom d’hypersensibilité retardée (HSR) à
médiation cellulaire. Du point de vue clinique, outre le délai nécessaire à
l’apparition des manifestations, un autre caractère fondamental des réactions de
type IV est le rôle minime ou nul de la prédisposition individuelle,
contrairement à l’hypersensibilité immédiate où le terrain allergique (atopie) est
absolument indispensable [88].
10
CHAPITRE II : AEROCONTAMINATION FONGIQUE
I. AEROCONTAMINATION
Si l’atmosphère peut être considérée avant tout comme une enveloppe
gazeuse, elle renferme néanmoins d’énormes quantités de matière solide et
liquide dont le flux d’émission total annuel est estimé entre 3 et 10 milliards de
tonnes. Cette matière se trouve dans l’atmosphère sous forme de très fines
particules, communément appelées aérosols. Selon leurs tailles et leurs
compositions chimiques, ces particules peuvent affecter notre environnement
atmosphérique en présentant des effets sur la visibilité et sur la santé difficiles à
appréhender.
L’aérocontamination se définit par l’existence d’un aérosol microbien ou
bioaérosol de composition complexe. C’est un ensemble de micro-organismes
vivants (moisissures, bactéries, levures….), fragments microbiens (antigène ou
toxique ou composés volatils microbiens). Dans les secteurs protégés, c’est
prioritairement de la contamination particulaire dont on cherche à se prémunir,
car les particules viables sont le plus souvent portées par des particules inertes
plus volumineuses [15, 25, 84].
II. MOISISSURES
Les moisissures sont des champignons microscopiques ubiquistes à
croissance filamenteuse qui regroupent des milliers d’espèces [57, 61]. Le terme
familier de « moisissures » fait généralement référence à leur texture laineuse,
poudreuse ou cotonneuse, qui peut être observée à divers endroits, comme sur
les aliments entreposés depuis un certain temps ou dans les lieux humides d’une
11
habitation, par exemple. Les moisissures produisent des structures de
reproduction appelées spores; celles-ci sont invisibles à l’oeil nu et peuvent,
chez la plupart des espèces, passer en suspension dans l’air. Elles peuvent
également élaborer des substances chimiques susceptibles de demeurer à
l’intérieur des spores, d’être libérées dans les matériaux qu’elles colonisent
(mycotoxines), ou encore d’être libérées dans l’air ambiant (composés
organiques volatils : COV). Afin de bien comprendre le mode d’action de ces
organismes, il importe d’abord de dresser un portrait global de leurs principales
caractéristiques biologiques.
II.1. Aperçu de la classification
Les champignons sont des organismes vivants constitués en grande partie
de filaments de structure simple et de quelques cellules plus spécialisées qui
donneront naissance à des spores. Les champignons ont un matériel génétique
confiné dans un noyau au même titre que les plantes et les animaux. Ils
possèdent toutefois un certain nombre de caractéristiques qui en font un groupe
à part : parois contenant de la cellulose et de la chitine, absence de chlorophylle
et de mobilité. L’ensemble de ces caractéristiques fait en sorte que les
taxonomistes classent les champignons dans un règne distinct, soit celui des
mycètes ou cinquième règne. À l’instar des autres organismes vivants, les
champignons sont subdivisés en classes, en ordres, en familles, puis finalement,
en genres et en espèces, ces deux derniers termes étant utilisés pour les désigner
(ex. : Aspergillus [genre] fumigatus [espèce]). La mention «sp» placée après le
genre (ex. : Acremonium sp) signifie que la souche n’a pas été identifiée au-delà
du genre, tandis que « spp » (ex. : Penicillium spp) est utilisé pour désigner un
ensemble d’espèces du même genre. La classification des moisissures, tout
12
comme celle des autres champignons, est d’abord basée sur le mode de
reproduction sexuée ou phase téléomorphe. Ce critère définit quatre des cinq
ordres des mycètes, soit les Chytridiomycètes, les Zygomycètes, les
Basidiomycètes et les Ascomycètes (figure 1) [18, 61].
Figure 1 : Classification des Champignons [18]
Certaines moisissures sont le plus souvent ou exclusivement rencontrées à des
stades de multiplication asexuée, dits anamorphes, et sont alors classées d’après
le mode de production des spores asexuées ou conidies [18, 61]. Ces espèces
sont classées dans le cinquième ordre, les Deutéromycètes, ou Fungi imperfecti
(figure 2).
Les moisissures qui prolifèrent sur les matériaux de construction et les
surfaces à l’intérieur des résidences et des édifices se retrouvent fréquemment
dans des circonstances de croissance favorisant uniquement le stade asexué, la
13
majorité d’entre elles faisant donc partie de ce cinquième ordre. Moins souvent,
les moisissures retrouvées dans ces endroits font partie de groupes à
reproduction sexuée, comme certains Zygomycètes (Mucor, Absidia, Rhizopus)
(figure 3), Ascomycètes (Eurotium, Chaetomium) et rarement, Basidiomycètes.
En milieu intérieur, les sites très humides peuvent aussi favoriser la croissance
de certaines levures [18, 61].
Figure 2 : Classification des Deutéromycètes [18]
14
Figure 3 : Classification des Zygomycètes [18]
II.2. Cycle de vie des moisissures
Le réservoir naturel des moisissures se situe à l’extérieur, sur les végétaux,
la matière organique en décomposition, à la surface d’eau stagnante ainsi que
dans le sol ou à la surface de ce dernier [18]. Lorsque les conditions le
permettent, les moisissures produisent, à maturité, des spores qui peuvent être
transportées par les courants d’air ou par les humains et les animaux
domestiques et se retrouver éventuellement dans les maisons et édifices. Dans
les climats tempérés, c’est durant la saison de croissance des végétaux et
quelque temps après celle-ci, que le nombre de spores se trouvant à l’extérieur
est le plus élevé [113]. Ces spores sont une forme latente des moisissures. La
dispersion des spores peut se faire sur de grandes distances. Des études
15
effectuées en milieu contrôlé ont démontré qu’une petite proportion des spores
aéroportées peut se retrouver jusqu’à cent mètres de la source d’émission bien
que la grande majorité de celles-ci se retrouvent à proximité de leur lieu de
libération [21]. Des études d’aérobiologie ont démontré que sous certaines
conditions, les spores fongiques peuvent même se retrouver à des kilomètres.
Les spores permettent aux moisissures de résister à des conditions aussi
extrêmes que le gel, les feux de forêts, le processus de digestion et les grandes
sécheresses. Cette résistance aux conditions environnementales peut varier
considérablement d’une espèce à l’autre mais on retrouve des espèces adaptées à
presque tous les climats et conditions extrêmes (Tableau 1).
Tableau 1 : Aperçu du degré de résistance des spores fongiques [61]
Condition
environnementale
Seuil de résistance
Durée de viabilité
Chaleur très élevée
90°C (feux de forêt)
Quelques mois
Froid intense
Congélation
Un hiver
Sécheresse de l’air +/- 0% d’humidité
Semaines à années
ambiant
relative
De
0
à
Présence d’humidité d’humidité
dans le milieu sur
lequel se déposent les Plus
de
spores
d’humidité
50%
Jusqu’à des années
Exemples d’espèces
concernées
Ascospores
de
Byssochlamys fulva ;
Neurospora sp
Toutes les espèces
Eurotium,
Aspergillus,
Penicillium
Eurotium sp
A ces taux les spores
50% devraient
germer ;
Toutes les espèces
dans le cas contraire,
elles pourissent
Dans les régions tempérées, la concentration et la diversité des espèces
fongiques varient principalement selon la saison et la disponibilité des matières
organiques retrouvées principalement à l’extérieur. Tout comme en milieu
extérieur, le cycle de vie des moisissures en milieu intérieur débute lorsqu’une
16
spore se dépose sur une surface lui offrant les conditions nécessaires à sa
croissance. En fait, la germination se déclenchera par la présence d’eau
combinée ou non à certains facteurs très spécifiques comme l’intensité
lumineuse, certaines températures ou types d’éléments nutritifs. La spore
germera alors et donnera naissance à un premier filament non différencié, appelé
hyphe, qui s’allongera pour former un ensemble appelé mycélium. Cet ensemble
de filaments, plus ou moins ramifiés, constitue le thalle des champignons. En
présence de conditions favorables à la sporulation, le mycélium donnera
naissance à des structures plus spécialisées, qui produiront des spores asexuées
(conidies) ou, plus rarement, des spores sexuées [18].
Chaque moisissure produit un très grand nombre de spores dont l’ensemble,
appelé sporée, se présente très souvent sous un aspect poudreux et coloré à la
surface de la moisissure. La taille, la forme et la couleur des spores de
moisissures varient grandement d’une espèce à l’autre. Par contre, en
microscopie, toutes les spores d’une même espèce sont de couleur, de dimension
et de forme relativement constantes ce qui, dans bien des cas, constitue un
élément d’identification taxonomique. Le diamètre des structures fongiques de
reproduction varie entre 2 et 200 μm [105]. Tous les types de spores pourront
dans des conditions favorables, recommencer un cycle de vie, soit à proximité
du thalle original ou même à forte distance de celui-ci, dans les jours ou les mois
suivant sa production.
II.3. Conditions de croissance des moisissures
Dans leur milieu naturel, la plupart des moisissures sont saprophytes, tirant
leur nourriture de matières organiques mortes ou plus ou moins décomposées.
Même si toute matière organique peut constituer un substrat de croissance pour
17
les moisissures, les conditions optimales de croissance peuvent varier d’une
espèce à l’autre, chacune d’entre elles ayant un degré différent d’adaptation à
son environnement. Certaines moisissures requièrent un taux d’humidité très
élevé pour croître tandis que d’autres préfèrent des taux beaucoup moins élevés.
Certaines peuvent croître sur des feuilles en décomposition, substance humide et
facilement pénétrable, tandis que d’autres s’attaqueront à des matières plus
ligneuses, telles le bois ou même à des matières animales chitineuses tels les
cheveux et les ongles. De plus, la compétition inter-espèces procurera un
avantage aux moisissures les mieux adaptées, référant à la notion de niches
écologiques particulières pour la croissance optimale de chaque type de
moisissure [49, 92]. En plus de la vitesse de croissance et de la quantité de
spores produites, le succès de propagation d’une moisissure dépendra surtout de
l’efficacité de la dispersion de ses spores. Ainsi, sauf pour quelques espèces qui
peuvent projeter leurs spores sur une distance considérable, ce succès dépendra
principalement de l’efficacité de la dispersion des spores aéroportées.
Lorsqu’elle se dépose sur une surface, la spore a besoin de trois principaux
éléments pour germer :
• Les éléments nutritifs nécessaires (de la matière organique, notamment la
cellulose)
• L’eau en quantité suffisante et,
• Une température appropriée (entre 10 et 40°C).
II.3.1. Croissance en milieu intérieur
Dans le milieu intérieur, les moisissures peuvent se retrouver sur des
aliments destinés à la consommation humaine ou animale ainsi que sur des
objets faits de matériaux cellulosiques (coton, papier, bois) ou d’origine animale
18
(cuir). Tel que précisé précédemment, la température normalement rencontrée
dans un environnement intérieur permet la germination, la croissance et la
prolifération de certaines moisissures. Le tableau 2 présente des exemples de
moisissures pouvant être retrouvées en milieu intérieur selon le substrat sur
lequel elles sont susceptibles de croître. Plusieurs moisissures sont adaptées aux
conditions de l’environnement intérieur et croissent bien sur les matériaux de
construction [50]. Selon certains auteurs, une trentaine de genres sont observés
de façon régulière en milieu intérieur contaminé (tableau 3), les plus fréquents
étant les Cladosporium, Aspergillus, Penicillium, et Alternaria [33, 47, 51, 55,
106].
Tableau 2 : Principales moisissures retrouvées en milieu intérieur selon le substratum de
Croissance [47]
Substrat
Moisissures retrouvées
Aspergillus sp, Eurotium sp, Penicillium sp,
Aliments
Rhizopus sp, Xeromyces sp, certaines levures
Aspergillus sp, Eurotium sp, Fusarium sp,
Grains, céréales et fourrage
Stachybotrys sp, Calviceps purpurea (ergot de
seigle)
Produits faits de cellulose : papier, Alternaria sp, Chaetomium sp, Cladosporium sp,
carton et bois
Epicoccum sp, Stachybotrys sp
Phialophora sp, Chaetomium sp, Armilaria mellea,
Bois (Bois d’œuvre, souches, arbres)
Serpula lacrymans, Ceratocystis sp
Aspergillus sp, Aureobasidium sp, Cladosporium sp,
Murs peints, papier peint, placoplâtre,
Exophiala sp, Penicillium sp, Phoma sp,
cuir, calfeutrage synthétique
Stachybotrys sp, Scopulariopsis sp, Trichoderma sp
Végétaux en décomposition
Alternaria sp, Cladosporium sp, Epicoccum Sp
19
Tableau 3 : Moisissures et levures fréquemment retrouvées dans un environnement
intérieur contaminé par les moisissures [47]
Moisissures
Acremonium sp
Alternaria alternata
Aspergillus flavus
Aspergillus fumigatus
Aspergillus niger
Aspergillus glaucus
Aspergillus versicolor
Aspergillus penicilloides
Aureobasidium sp
Chaetomium sp
Chrysosporium sp
Cladosporium sp
Curvularia sp
Epicoccum sp
Eurotium sp
Moisissures (suite)
Fusarium sp
Mucor plumbeus
Paecilomyces sp
Penicillium brevicompactum
Penicillium chrysogenum
Phoma sp
Pithomyces sp
Rhizopus sp
Stachybotrys chartarum
Stemphylium sp
Trichoderma sp
Tritirachium sp
Ulocladium sp
Verticillium sp
Wallemia sebi
Levures
Candida sp
Rhodotorula sp
Saccharomyces sp
La croissance fongique sur les matériaux de construction commence
toujours par le dépôt à leur surface de spores fongiques souvent aéroportées de
l’extérieur ou, moins fréquemment, de fragments d’hyphes. Ces derniers
peuvent survivre dans l’air de quelques heures à quelques jours tandis que les
spores sont, tel que précisé plus haut, des structures très résistantes qui peuvent
survivre de quelques jours à quelques mois. Les structures fongiques présentes
dans l’air finissent par se déposer sur des surfaces horizontales ou même
verticales. Elles peuvent également se déposer dans les systèmes de ventilation
ou sur les tapis ou encore être déplacées vers d’autres surfaces de matériaux de
construction lors de mouvements d’air importants [18].
II.3.2. Éléments nutritifs
La majorité des moisissures sont peu exigeantes quant aux éléments
nutritifs nécessaires à leur croissance. En effet, leur contenu enzymatique leur
20
permet de se servir des matières organiques retrouvées dans les matériaux de
construction pour croître. Les produits cellulosiques tels le carton, le papier et le
placoplâtre constituent d’excellents supports à leur croissance en plus d’être des
matériaux qui retiennent facilement l’eau. Plusieurs moisissures peuvent aussi
vivre sur les fibres naturelles et synthétiques, des tapis et des tentures [49].
soulignent qu’il est même possible de rencontrer des moisissures croissant sur
des murs et des plafonds recouverts de peinture à base d’eau (peinture au latex)
ainsi que sur des moulures autour des fenêtres recouvertes d’une peinture
luisante. En plus des matériaux de construction, d’autres sources de prolifération
de moisissures peuvent exister à l’intérieur des bâtiments telles les cartons
ondulés, les plantes empotées, les textiles, les cuirs et les fourrures ainsi que tout
aliment entreposé. Enfin, tout amas de matière végétale ou de poussière
organique peut supporter la croissance des champignons [49, 96].
En milieu intérieur, la présence de circonstances favorables à la croissance
de moisissures peut occasionnellement entraîner la présence d’autres organismes
du groupe taxonomique des mycètes (champignons). Ce sont principalement :
• Les levures, dans des conditions d’humidité très élevée. Ces organismes
contribuent rarement aux problèmes de santé généralement associés à la
contamination fongique intérieure ;
• Les champignons responsables de la pourriture du bois ou de la carie des
arbres, qui peuvent croître sur les matériaux de construction et les détériorer.
Ces organismes lignivores se retrouvent à ce stade sous forme de longs
faisceaux de filaments blancs, qui peuvent ressembler à de la moisissure. Dans
de rares circonstances, certains d’entre eux peuvent être allergènes.
• Les champignons macroscopiques à carpophore (à chapeau), tels ceux
croissant dans les sous-bois. Il arrive de façon exceptionnelle que certaines
21
espèces de champignons à carpophore se retrouvent dans l’environnement
intérieur [24].
II.3.3. Importance de l’eau
En milieu intérieur, l’élément déterminant la prolifération fongique
demeure la présence d’eau disponible. La présence d’eau libre ou disponible
dans un environnement intérieur peut être causée par des problèmes
d’infiltration chronique, d’humidité excessive, de condensation de surface ou
encore à la suite d’une inondation ou d’un bris de tuyau.
En milieu intérieur, il est important de maintenir un niveau minimal
d’humidité, se situant autour de 30 % afin d’assurer le confort des occupants,
puisque de l’air trop sec peut occasionner certains symptômes. Toutefois, un
excès d’humidité peut quant à lui entraîner des problèmes de santé chez les
occupants ainsi qu’altérer les composantes du bâtiment, ainsi, un mur mal isolé
et froid pourra entraîner la formation d’une condensation en surface (gouttelettes
d’eau) susceptible de favoriser la croissance des moisissures.
D’après l’étude de Grant et al [49], les moisissures les plus fréquemment
rencontrées à l’intérieur des maisons requièrent une humidité relative minimale
de 76 % à une température de 25°C.
II.4. Résumé des connaissances sur l’importance de la contamination
des habitations et des édifices publics par les moisissures
Des études descriptives ayant mesuré le nombre d’espèces et de spores
viables dans l’air intérieur en milieu résidentiel ou en milieu de travail non
22
industriel rapportent des valeurs se situant entre 50 et 1 500 UFC/m 3 [43, 47, 58,
81, 82, 102].
Il n’existe pas de seuil quantitatif valable définissant la superficie de la
moisissure visible nécessaire pour statuer qu’il y a « contamination ». Il faut
noter que les petites taches de moisissures apparaissant aux endroits
régulièrement humides, tel qu’au pourtour du bain ou de certaines fenêtres, par
exemple, ne sont pas considérées comme une « contamination ». En effet, ce
type de croissance est généralement facilement contrôlé lors de l’entretien
ménager régulier. La contamination fongique responsable de problèmes
sanitaires est par contre due à la prolifération non contrôlée de moisissures
apparaissant sur les murs, les tuiles de plafond, les meubles, etc [79, 80, 109].
Dales et al [27, 28, 29] ont analysé près de 14 000 questionnaires distribués
dans plusieurs communautés canadiennes. Les répondants ont rapporté la
présence de moisissures visibles dans une proportion de 32,4 % tandis que la
présence d’humidité a été rapportée dans 14,1 % des cas. Dans une étude, la
présence de contamination fongique visible a été constatée dans des chambres à
coucher d’enfants dans 14 % des 222 maisons montréalaises évaluées [29].
Quelques études européennes fournissent également un aperçu de
l’importance de ce type de contamination dans les habitations des autres pays
nordiques [14]. Williamson et al [112].
Citent des enquêtes effectuées en
Grande-Bretagne qui suggèrent qu’entre le quart et le tiers des résidences sont
affectées par l’humidité, la condensation ou la prolifération fongique. Dans un
échantillonnage de 450 maisons construites entre les années 1950 et 1980, un
groupe de chercheurs finlandais rapporte des signes de dommages actuels ou
passés causés par l’humidité dans 80 % des maisons visitées [55, 64].
23
III. EFFETS SUR LA SANTÉ HUMAINE :
Lorsque les conditions propices à la croissance des moisissures sont
présentes dans une habitation et qu’elles ne sont pas contrôlées, les moisissures
peuvent proliférer, coloniser divers substrats et se retrouver éventuellement dans
l’air ambiant. En effet, les spores des moisissures croissant en surface des
matériaux sont facilement aérosolisables. De plus, des fragments de mycélium,
des particules de matériaux contaminés ou de la poussière contenant des
particules fongiques déposées, peuvent également être aéroportés. L’exposition
aux particules fongiques (spores, fragments) ou aux métabolites fongiques
pourra donc se faire par inhalation ou, dans une moindre mesure, par contact
physique (exposition cutanée) ou plus rarement encore, par ingestion. Les effets
des moisissures sur la santé des occupants seront fonction du type et de
l’importance de l’exposition, de la nature de l’agent en cause et de la
susceptibilité des individus exposés (état de santé, âge, etc.).
Bien que notre travail traite des problèmes de santé associés à une
exposition fongique intérieure, il faut aussi noter qu'une exposition à des
concentrations élevées des spores fongiques à l'extérieur constitue une des
causes importantes des allergies saisonnières présentes chez 5 à 22 % de la
population américaine [7], et que les allergies aux moisissures représentent près
de la moitié des cas de rhinites allergiques saisonnières [6, 8, 26, 30]. Pour sa
part, l'exposition intérieure a principalement été associée à des réactions
d'irritation et d'allergie.
Afin de présenter les effets potentiels de ces micro-organismes sur la santé
des occupants, nous décrirons d’abord les principales composantes fongiques
potentiellement nocives susceptibles d’entrer en contact avec ces derniers. Une
24
revue à jour des études expérimentales, toxicologiques, cliniques et
épidémiologiques sur les effets délétères des moisissures et de leurs
composantes permettra ensuite de faire le point sur les connaissances actuelles.
III.1. Composantes fongiques susceptibles d’entraîner des effets nocifs
Diverses composantes fongiques sont susceptibles d’entraîner des effets
nocifs chez un individu exposé. Il s’agit de substances élaborées par les
moisissures (ex. : mycotoxines, composés organiques volatils) ou d’éléments
constituant les parois des spores et du mycélium (ex. : β (1,3) glucanes). Les
structures fongiques (ex. : spores) non viables d’une espèce donnée peuvent être
tout aussi nocives (allergènes, irritantes ou toxiques) que ses structures viables.
III.1.1. Les mycotoxines
Les mycotoxines sont des métabolites secondaires peu volatils, élaborés par
diverses moisissures sous certaines conditions environnementales. À l’heure
actuelle, seules certaines espèces de moisissures sont connues comme ayant la
capacité de produire des toxines. Leur biosynthèse est dépendante de plusieurs
facteurs, dont la température, l’intensité lumineuse, le dioxyde de carbone dans
l’air, les éléments nutritifs disponibles et la présence d’autres espèces en
compétition [53].
Les mycotoxines se retrouvent dans le mycélium et les spores et peuvent
diffuser dans le substratum. Plusieurs de ces toxines sont relativement stables et
leur toxicité peut persister longtemps et ce, même lorsque les éléments
fongiques ne sont plus viables. Il faut toutefois noter qu’il n’existe actuellement
pas de données sur la durée précise de cette toxicité. Il y aurait, selon les auteurs,
jusqu’à 400 mycotoxines répertoriées [40].
25
Les premières mycotoxines ont été identifiées dans des cas d’ingestion de
graminées ou d’autres aliments contaminés. L’ergot du seigle (Claviceps
purpurea), moisissure bien connue, produit des alcaloïdes qui, une fois ingérés,
passent dans la circulation sanguine. L’ergot peut provoquer localement des
lésions gangreneuses, ou atteindre le système nerveux central et provoquer des
hallucinations et des convulsions, pouvant même mener à la mort. L’aflatoxine,
produite notamment par Aspergillus flavus, peut causer, lorsque ingérée en
grande quantité, de graves problèmes hépatiques et serait responsable de
certaines formes de cancer du foie.
Par ailleurs, il est maintenant reconnu que des mycotoxines présentes dans
des particules aéroportées peuvent aussi, une fois inhalées, provoquer des effets
délétères [3, 4, 40, 53, 101]. Les effets possibles d’une exposition aux
mycotoxines sont multiples et varient selon le type de mycotoxine, la nature et
l’ampleur de l’exposition ainsi que la susceptibilité du sujet exposé.
Chaque mycotoxine n’est pas nécessairement spécifique à une moisissure
donnée (tableau 6).
La gliotoxine, par exemple, peut aussi bien être produite par Aspergillus
fumigatus que par Trichoderma viridae. De même, une moisissure donnée peut
produire plusieurs toxines ; Aspergillus fumigatus, agent étiologique de certaines
atteintes pulmonaires, fabrique plus de huit toxines différentes. Stachybotrys
chartarum [44], une moisissure souvent associée à des contaminations fongiques
du milieu intérieur, produit diverses trichotécènes (satratoxine, roridine,
verrucarine, etc.), substances ayant toutes été reconnues comme extrêmement
toxiques pour les cellules animales [92]. Les trichotécènes sont d’ailleurs
responsables de la plupart des effets toxiques des espèces qui en génèrent. Les
satratoxines, par exemple, sont responsables d’une mycotoxicose fatale chez
26
l’animal, la stachybotriotoxicose pulmonaire. Des toxines de la famille des
trichotécènes sont produites par de nombreuses moisissures et sont toxiques
pour la plupart des cellules eucaryotes, dont celles du système immunitaire. Les
satratoxines produites par S. chartarum, par exemple, inhibent la synthèse
protéique et causent des dommages à l’ADN. Les trichotécènes sont irritantes
pour la peau et peuvent causer des rougeurs à faibles doses [55]. Il existe pour
ces toxines des évidences épidémiologiques et toxicologiques d’intoxication par
inhalation [76].
La présence de moisissures toxigènes dans un environnement intérieur
donné ne signifie toutefois pas qu’il y ait obligatoirement présence de
mycotoxines dans l’air, la production de ces dernières étant tributaire de
conditions environnementales spécifiques [53].
Par ailleurs, des études effectuées en laboratoire ont démontré que la
majorité des mycotoxines sont de puissantes cytotoxines qui interfèrent à
plusieurs niveaux de la vie cellulaire. Des études in vivo (chez l’animal) et in
vitro (sur des lignées cellulaires) ont pu identifier plusieurs mécanismes
d’inhibition ou de destruction cellulaire. Ces études ont permis d’identifier, dans
plusieurs cas, les toxines responsables de l’apparition de certains symptômes et
d’en élucider le mécanisme d’action. Par exemple, il est reconnu que certaines
mycotoxines, lorsque inhalées, peuvent bloquer la production de surfactants ou
détruire les macrophages au niveau pulmonaire [71, 78, 86, 87]. Certaines
toxines attaquent l’intégrité de la structure de l’épithélium pulmonaire
permettant à la moisissure de coloniser les cavités alvéolaires et dans les cas les
plus sévères, notamment chez les personnes sévèrement immunodéprimées, de
traverser l’épithélium, donnant ainsi lieu à une infection. Ces différents modes
d’action ont des effets délétères sur les voies respiratoires et peuvent mener à
27
l’exacerbation de l’asthme, à des infections fongiques (chez les personnes
immunodéprimées), ou encore à des infections secondaires, en partie dues aux
effets immunosuppresseurs des mycotoxines.
Parmi les nombreuses mycotoxines identifiées, celles les mieux connues
sont les familles des aflatoxines et des trichotécènes. Leur toxicité aiguë par
absorption digestive a été documentée à la suite d’épidémies humaines et
animales, et par expérimentation animale. Des effets hépatotoxiques,
neurotoxiques, mutagènes, tératogènes et cancérigènes ont été prouvés chez
l’animal par voie digestive et même respiratoire dans des contextes spécifiques
d’exposition. Une exposition par inhalation de la satratoxine élaborée par
Stachybotrys chartarum cause l’hémorragie pulmonaire chez la souris,
mécanisme ayant été suspecté pour expliquer l’épidémie d’hémosidérose
survenue chez de jeunes enfants à Cleveland [86, 87]. Il existe aussi certaines
évidences épidémiologiques d’un lien entre l’ingestion d’aflatoxine et le cancer
du foie chez l’homme [53]. En plus de toucher directement certains organes, les
mycotoxines peuvent occasionner des effets systémiques plus généraux et sur les
systèmes de défense contre les infections. Des études effectuées chez des
animaux ont démontré qu’elles pourraient, après ingestion, avoir un effet sur la
tension artérielle et sur le rythme cardiaque, et occasionner des effets
neurologiques tels des convulsions.
Après leur inhalation, elles pourraient faciliter la pénétration des
moisissures dans les tissus en causant de l’inflammation et la modification des
épithéliums [48].
28
Tableau 4 : Exemples de mycotoxines produites par certaines moisissures [3]
Genre
Alternaria
Espèce
A.alternata
A.falvus
A.fumigatus
Aspergillus
A.niger
A.versicolor
Chaetonium
C.spp
C.globosum
Cladosporium
C.spp
Fusarium
F.spp
Penicillium
P.brevicompactum
P.expansum
P.viridiatum
Stachybotrys
S.chartarum
Trichoderma
T.viridae
Memnoniella
M.spp
Principales mycotoxines
Altertoxine I, II, alternariol,
altenuisol, acide tenuazoïque
Aflatoxine B1, B2, citrine
Fumigaclavine, fumigatoxine,
fumitremorgène, gliotoxine,
acide helvéolique
Acide oxalique
Aspercolorine,
sterigmatocystine,
versicolorine
Chaetomine
Chasetoglobosine
Cladosporine, émodine, acide
épicladosporique
Trichotécènes, vomitoxine,
zearalenone
Acide mycophénolique
Citrinine, patuline
Acide penicillique,
griséofulvine, ochratoxines
Trichotécènes : satratoxines
Trichodermine, satratoxine,
trichoverrine
Griséofulvine, trichotécènes
III.1.2. Les substances irritantes
III.1.2.1. Les glucanes (β (1-3) glucanes)
Les glucanes (β(1-3) glucanes) sont des polymères de glucose faisant partie
de la membrane cellulaire de la majorité des moisissures [100], pouvant être
associés à des molécules de chitine ou de mannane. Ces sucres complexes
peuvent, dans certains cas, avoir des effets immunogènes et stimuler la fonction
29
des macrophages et des neutrophiles. Ils pourraient être impliqués dans le
processus inflammatoire lié à la pneumonite en déclenchant la production d’IgG
spécifiques. Les glucanes feraient aussi partie du mélange complexe lié à
l’apparition du syndrome toxique (ODTS).
III.1.2.2. Les composés organiques volatils (COV)
Le métabolisme des moisissures produit une quantité importante de
composés
organiques
volatils
(COV)
odorants
:
limonène,
acétone,
méthylcétone, butanone, hexanone, octanone, etc. Les groupes de COV, tels les
alcools, les aldéhydes et les cétones, sont responsables de l’odeur caractéristique
associée aux moisissures. Ainsi, le seuil de détection olfactive très faible de
certains de ces COV permet de déceler des odeurs de « moisi » bien avant
l’apparition des signes visibles du développement mycélien sur les matériaux de
construction. Des symptômes d’irritation des yeux, du nez et de la gorge ont
souvent été rapportés en présence de fortes odeurs produites par une croissance
abondante de moisissures. Comme ils sont présents sous forme gazeuse, les
COV peuvent traverser librement les matériaux poreux des bâtiments ; ainsi,
même lorsqu’elles prolifèrent dans des espaces en apparence fermés, les
moisissures peuvent entraîner une exposition aux COV.
Des auteurs scandinaves ont donné le nom de MCOV (en anglais, MVOC
ou microbial volatile organic compounds) aux composés organiques volatils
issus de l’activité microbienne, principalement des moisissures. Ces auteurs ont
démontré l’effet de synergie ainsi que l’effet irritatif d’une très petite
concentration d’un mélange pouvant réduire ainsi de 50 % la fréquence
respiratoire des souris (RD50 ou Respiratory decrease 50) [52, 63].
30
III.1.3. Les substances immunogènes déclenchant une production
d’IgG
Les composantes des parois cellulaires et du cytoplasme des cellules
fongiques, et principalement les substances complexes de poids moléculaire
élevé (aussi bien des spores que des fragments fongiques respirables) sont des
substances immunogènes. Ainsi, dès qu’elles traversent les barrières naturelles
de la peau et des muqueuses, ces substances peuvent, théoriquement, déclencher
une réaction humorale (production d’anticorps IgG spécifiques) ainsi qu’une
réponse d’immunité cellulaire. Les moisissures peuvent donc déclencher la
production d’IgG spécifiques sans qu’il n’y ait de processus infectieux. Les IgG
spécifiques se fixent sur les fragments fongiques respirables et ces complexes
immuns déclenchent une cascade de réactions cellulaires menant à la
mobilisation du complément, à l’inflammation et parfois même à la destruction
tissulaire. Ces mécanismes surviennent dans les cas de pneumonites. Cette
réaction amplifiée, déclenchée par un agent non envahisseur, constitue un
mécanisme d’hypersensibilité de type III, c’est-à-dire une réaction due à la
formation de complexes immuns différente de l’allergie de type I. De plus, le
fait que cette réaction soit parfois suivie de la formation de lésions
granulomateuses suggère aussi la possibilité d’une réaction d’hypersensibilité de
type IV ou réaction cellulaire [37, 93].
III.1.4. Les substances allergènes déclenchant une production d’IgE
Près d’une soixantaine de moisissures sont reconnues comme allergènes par
le National Committee for Clinical Laboratory Standard [85]. Des études
menées pour raffiner les préparations brutes d’extraits antigéniques ont permis
31
d’identifier de nombreuses substances complexes responsables de réaction
allergique, principalement des protéines (et plus particulièrement les
glycoprotéines hydrosolubles), des polysaccharides et des lipopolysaccharides
[55]. Parmi les principaux allergènes, ceux produits par certaines espèces
d’Aspergillus, de Penicillium, d’Alternaria et de Cladosporium ont été isolés
[57].
III.2. Principaux effets et symptômes associés aux moisissures
III.2.1. L’exposition aux moisissures
Pour que les occupants soient exposés, il est nécessaire que les particules
fongiques (spores, fragments ou métabolites fongiques), viables ou non, soient
émises dans l’air puis inhalées, qu’elles entrent en contact physique direct avec
la peau ou les muqueuses ou encore, qu’elles soient ingérées ; ce dernier type
d’exposition est toutefois beaucoup moins fréquent dans les cas de
contamination de l’air intérieur. Ces particules fongiques peuvent être en
suspension seules ou portées par des poussières contaminées [111]. Lorsqu’elles
sont inhalées, les particules se déposent à différents niveaux de l’arbre
bronchique selon leur diamètre. Celles dont le diamètre est de 2 à 4 μm auront
tendance à se loger au niveau des alvéoles pulmonaires tandis que les particules
de 10 à 60 μm de diamètre demeureront davantage au niveau des voies
respiratoires supérieures [53]. Il est de plus reconnu que les expositions répétées
augmentent les risques pour la santé [16, 17, 59].
32
III.2.2. Description des effets sur la santé
Selon la nature et la concentration environnementale des agents en cause et
selon la susceptibilité des individus exposés, les moisissures ont été associées à
des effets de type irritatif, immunologique (aussi bien des réactions allergiques
que des réponses immunitaires nocives), toxiques (réactions aiguës à de fortes
concentrations et réactions systémiques à la suite d’expositions répétées ou
mycotoxicoses) et, plus rarement, à des infections opportunistes chez des
individus sévèrement immunodéprimés ainsi qu’à des effets cancérigènes et
immunosuppresseurs, dans des contextes d’exposition importante.
Par ailleurs, le milieu intérieur est susceptible de contenir une multitude de
contaminants ou facteurs d’insalubrité potentiellement nocifs pour la santé des
occupants (ex. : acariens, poils d’animaux domestiques, substances chimiques,
etc.). Dans certains cas, les symptômes que provoquent ces contaminants
peuvent s’apparenter à ceux attribuables aux moisissures. C’est pourquoi, il
importe de considérer l’implication possible de ces contaminants même dans les
cas où des symptômes compatibles avec les moisissures sont observés.
III.2.2.1. Irritation simple et réaction inflammatoire
Les symptômes d’irritation des yeux, du nez et de la gorge ont souvent été
associés à la présence d’une croissance de moisissures à l’intérieur. L’hypothèse
généralement retenue pour expliquer ces manifestations est celle de l’existence
d’un phénomène d’irritation mécanique due aux particules que sont les spores et
les fragments fongiques dans l’air venant en contact direct avec les muqueuses,
combiné à une irritation chimique due aux produits irritants ou toxiques
contenus dans les spores [19, 103].
33
Les produits volatils (MCOV) émanant des moisissures croissant sur les
matériaux de construction pourraient théoriquement causer une irritation
chimique, sans que des spores aient été en contact direct avec les muqueuses
tandis que les glucanes de la paroi des moisissures pourraient provoquer
l’irritation des muqueuses, causer la toux et la démangeaison de la peau [97, 98,
111].
III.2.2.2. Les réactions immunologiques
Les réactions allergiques : L’allergène est une substance étrangère à
l’organisme capable d’induire chez ce dernier une réponse immunitaire, puis de
réagir spécifiquement avec le produit de cette réaction (anticorps ou
lymphocytes sensibilisés). Cette réponse immunitaire se caractérise par des
réactions anormales qui, au lieu de protéger l’individu, produit des effets
délétères au niveau d’un organe ou d’un tissu à proximité de l’allergène ou à
distance de ce dernier. La réponse allergique (ou d’hypersensibilité de type I)
survient lorsqu’il y a production d’IgE dirigés contre des allergènes
environnementaux ou autres. Le complexe immun « allergène-IgE » se dépose
sur le basophile ou mastocyte déjà sensibilisé par un premier contact
déclenchant alors une cascade de réactions biochimiques et cellulaires qui
provoquent à leur tour une réaction atopique ou inflammatoire aiguë, tel la
rhinite, le prurit ou l’asthme [93]. Comme dans le cas d’autres types d’allergie,
seuls les sujets prédisposés deviendront sensibilisés et développeront une
réaction allergique. Il est à noter qu’un individu prédisposé aux allergies pourra
être sensibilisé à une ou plusieurs espèces de moisissures. Une fois sensibilisé à
une moisissure donnée, le sujet fera une réaction allergique en présence de cette
moisissure particulière ou, parfois, réagira à une autre espèce du même genre.
34
Les réactions allergiques provoquées par l’inhalation de spores fongiques
constituent un problème de santé reconnu par les cliniciens depuis des décennies
[93]. La rhinite allergique et l’asthme sont des exemples de maladies de type
allergique associées entre autres à une exposition aux moisissures. Les
symptômes les plus couramment associés à ces réactions allergiques sont le nez
qui coule, l’irritation des yeux, la toux, la congestion et l’aggravation de
l’asthme.
Il a été démontré que la sévérité de la réaction n’est pas nécessairement
proportionnelle à la dose d’exposition [62] , bien qu’il existe probablement des
seuils d’exposition sous lesquels les sujets sensibilisés ne réagissent pas. Des
études effectuées au Québec et en Finlande ont démontré que 5 % des enfants
d’âge scolaire réagissaient positivement aux tests d’extraits de moisissures [36,
107, 108]. Selon Verhoeff et Burge [111], c’est jusqu’à 10 % de la population
qui réagirait positivement à ces tests, tandis que cette proportion pourrait
atteindre 20,9 % à 27,4 % chez les personnes souffrant d’asthme [10]. Chez ces
personnes, une forte proportion aurait une réaction allergique positive à
certaines moisissures, principalement à Aspergillus fumigatus, à Cladosporium
sp, à Penicillium sp et à Alternaria sp [85]. Même si, à l’heure actuelle, les tests
de laboratoires (in vitro) manquent de sensibilité et que les extraits nécessaires
ne sont pas encore tous disponibles, des études ont démontré la spécificité de la
réaction positive à un test in vivo ou in vitro. Selon la qualité et la nature de
l’extrait employé, la spécificité va généralement jusqu’au genre ou même à
l’espèce, se limitant toutefois dans d’autres cas à la famille [85].
Les effets immunologiques (hypersensibilité) : Les effets immunologiques
réfèrent à la capacité que possède le système immunitaire humain de reconnaître
et de réagir aux molécules étrangères de poids élevé. La pénétration de ces
35
substances au delà des barrières naturelles (peau, muqueuses) déclenche une
série de réactions dont le rôle consiste normalement à protéger l’individu de
l’infection. Ce mécanisme protecteur donne lieu à une immunité qui peut durer
plus longtemps que l’agression première.
Une exposition chronique, principalement en milieu industriel ou agricole,
à des poussières organiques et surtout à des moisissures peut aussi induire la
production d’anticorps (IgG) qui, au lieu d’avoir un effet protecteur, causera
dans ce cas-ci un syndrome appelé pneumonite d’hypersensibilité (ou alvéolite
allergique extrinsèque) [95]. Une étude récente suggère que cette maladie
pourrait également se développer chez les travailleurs de bureaux contaminés à
Aspergillus versicolor [58]. La pneumonite dite « poumon du fermier », en est
un exemple ; cette maladie est causée par une exposition aux spores de microorganismes thermophiles, et plus précisément de moisissures (principalement
Aspergillus fumigatus) et de bactéries, qui croissent bien dans le foin humide en
fermentation [5]. L’exposition à ces micro-organismes cause une sensibilisation
progressive aux irritants de poussières organiques. Il s’ensuit une hyperréactivité des tissus, qui n’est pas un phénomène proprement allergique, et qui
survient théoriquement chez 1 personne exposée sur 10 000 à 1 sur 100 000 [67,
72, 91, 98].
III.2.2.3. Les effets infectieux
Peu de moisissures peuvent être à l’origine d’infections. L’aspergillose
invasive survenant en milieu hospitalier (aspergillose nosocomiale) est
cependant une infection bien connue. Une fois inhalées, les conidies
d’Aspergillus peuvent entraîner, chez les populations immunodéprimées ou
fortement débilitées de ce milieu, une invasion des tissus du poumon [83]. Une
36
exposition à cet agent pathogène peut avoir des conséquences très graves voire
même fatales pour les personnes sévèrement immunodéprimées. Le diagnostic
clinique d’aspergillose pulmonaire invasive demeure difficile à établir puisque
les premiers signes ne sont pas spécifiques et que la moisissure est rarement
isolée dans les expectorations. L’aspergillose provoque des infiltrats
pulmonaires pouvant évoluer vers la consolidation ainsi qu’une éosinophilie
(excès de cellules éosinophiles dans le sang). La dissémination à d’autres
organes est fréquente chez les cas graves.
Une fois introduites au fond des alvéoles de certains sujets, certaines
espèces de moisissures se multiplient et, au lieu de traverser l’épithélium
pulmonaire, forment un amas de mycélium, appelé mycétome. Ces mycétomes,
dont le plus connu est l’aspergillome, ne constituent pas une infection à
proprement parler mais plutôt une colonisation dont les effets sur la santé se
caractérisent par une obstruction pulmonaire ; de plus, selon l’espèce de
moisissure, les mycétomes peuvent devenir une source constante d’irritants ou
d’allergènes.
Par ailleurs, l’exposition à des champignons retrouvés dans les fientes
d’oiseaux ou de chauves-souris (Cryptococcus neoformans) et dans les sols
contaminés par les fientes (Histoplasma capsulatum) peut provoquer une
infection dont les symptômes s’apparentent à une grippe et ce, même chez les
gens en bonne santé. Ces agents infectieux ne se développent pas sur les
matériaux de construction. Les expositions en milieu intérieur sont très peu
fréquentes bien qu’elles puissent survenir, à l’occasion, lorsque ces agents
infectieux sont transmis de l’extérieur vers l’intérieur par le système de
ventilation ou lorsque des oiseaux ou des chauves-souris nichent à l’intérieur
[22].
37
Il est à noter que des effets immunosuppresseurs occasionnés par une
exposition à certaines moisissures peuvent rendre certains sujets susceptibles à
de multiples infections. Ces effets se manifesteraient chez l’homme par une
diminution des mécanismes de défense permettant l’apparition d’infections.
L’altération de la fonction ciliaire pourrait aussi expliquer l’augmentation des
infections respiratoires observées chez les personnes exposées aux toxines des
moisissures [55, 70, 75].
III.2.2.4. Les effets toxiques
Effets immédiats ou à court terme : La majorité des effets toxiques causés
par inhalation de moisissures ont été associés à des expositions en milieu
industriel ou agricole, c’est-à-dire dans des endroits où leur concentration
s’avère élevée et où l’exposition est répétitive ou chronique. Outre la
pneumonite d’hypersensibilité, une forte exposition aux poussières organiques
contaminées par des moisissures pourrait causer un syndrome toxique (ODTS)
[54, 104]. D’autres contaminants tels les endotoxines, des glucanes et autres
antigènes pourraient aussi contribuer à l’apparition de ce syndrome. L’ODTS a
été documenté chez les fermiers manipulant du matériel contaminé mais
également chez des travailleurs affectés à des travaux de rénovation dans des
édifices contaminés aux moisissures. Cette affection peut se caractériser par un
brusque accès de fièvre, par des symptômes s’apparentant à ceux d’une grippe et
par des problèmes respiratoires survenant dans les heures suivant une unique et
forte exposition à des poussières contenant du matériel organique incluant des
moisissures. En milieu intérieur, ce type de réaction pourrait survenir lors de
travaux effectués sans protection respiratoire, dans des sites fortement
contaminés. Plus récemment, des symptômes associés à l’ODTS ont aussi été
38
notés chez des occupants d’appartements fortement contaminés aux moisissures
ainsi que chez des travailleurs effectuant des travaux de rénovation [34, 55].
Effets systémiques à moyen ou à long terme : Outre l'ODTS, les autres
effets toxiques provoqués par les moisissures surviennent dans des cas
d'expositions répétées à une contamination environnementale, donnant lieu à une
dose cumulative élevée et se manifestant à moyen ou à long terme.
Le terme « mycotoxicose » est surtout employé dans les cas d’intoxication
suivant l’ingestion d’aliments contaminés par des moisissures et contenant des
toxines fongiques ; par extension, ce terme désigne aussi les effets systémiques
dus à l’exposition environnementale à des doses importantes de toxines
fongiques dans l’air. Par exemple, la stachybotrycose (ou stachybotryotoxicose)
est reconnue comme une mycotoxicose pouvant provenir soit de l’ingestion, de
l’inhalation ou du contact cutané avec du matériel contaminé [40, 41, 53, 90].
Plusieurs auteurs précisent d’ailleurs que cette capacité d’induire des effets par
inhalation et contact cutané fait de certaines toxines (aflatoxine, trichotécènes et
toxine T-2 du Fusarium) des armes biologiques potentielles [40].
Depuis 1994, Stachybotrys chartarum, reconnu pour causer diverses
mycotoxicoses, a été associé à quelques reprises à des cas d’hémorragie
pulmonaire chez les jeunes enfants. Il s’agit d’un syndrome rare, d’origine
inconnue et associé à un saignement dans les poumons [31, 41].
III.3. Principales études épidémiologiques :
Plusieurs études épidémiologiques portant sur différents problèmes de santé
associés à l’exposition aux conditions humides, aux moisissures et à leurs
métabolites ont été publiées au cours des dix dernières années.
39
Ainsi, dans l’étude de Engvall et al [39] , les symptômes d’irritation des
yeux, du nez, de la gorge et de la peau du visage, la toux, les céphalées et la
fatigue étaient plus élevés chez les résidents des logements avec un ou plusieurs
signes d’humidité ou de contamination fongique. Notons que cette étude est
intéressante en raison de la taille et de la nature de l’échantillonnage (près de
600 immeubles à logement pour un total de 14 235 ménages, dont 9 808 ont
participé à l’étude).
Parmi les études publiées, celle de Williamson et al [112] où les auteurs ont
comparé des personnes atteintes d’asthme avec un groupe-témoin, en évaluant
l’humidité de la maison et la présence de moisissures à l’aide d’un questionnaire
subjectif et d’enquêteurs qualifiés. Les résultats ont démontré qu’il était deux à
trois fois plus probable que les personnes souffrant d’asthme vivent dans un
logement humide que les témoins demeurant dans le voisinage. De plus, la
sévérité de l’asthme augmentait avec le degré d’humidité et avec l’importance
de la contamination par des moisissures. Selon les auteurs, cette étude est la
première à démontrer une telle relation dose-réponse. Dales et Miller [27] ont
effectué une étude chez 403 enfants âgés d’environ 10 ans dans laquelle ils
tiennent compte de l’effet confondant des acariens et des endotoxines produites
par les bactéries. Les niveaux de contamination par les acariens (évalués par des
échantillonnages de poussière) et les
endotoxines
(évalués par des
échantillonnages de l’air) étaient plus élevés dans des maisons où la présence de
moisissures (évaluée subjectivement à l’aide d’un questionnaire complété par un
tuteur) a été observée.
Cette étude fait ressortir une association entre le
développement de symptômes respiratoires et systémiques (céphalées, douleurs
musculaires, fièvre, difficultés de concentration, etc.) et l’exposition aux
moisissures.
40
Des auteurs finlandais ont publié entre 1995 et 1999 une série d’études sur
les effets sur la santé résultant d’une exposition aux moisissures et à des
conditions humides en milieu résidentiel ainsi que dans des garderies et des
écoles [64]. Les auteurs ont noté que les enfants exposés aux conditions humides
ou à des moisissures à la maison, à la garderie ou à l’école sont plus à risque de
développer une multitude de symptômes respiratoires (toux, irritation de la
gorge, congestion nasale, etc.), ce phénomène s’observant également chez les
adultes exposés à domicile. Un excès de risque a par ailleurs été établi pour le
développement d’otite, de bronchite et d’extinction de voix chez les enfants
d’âge préscolaire exposés aux moisissures. Des difficultés accrues de
concentration chez les enfants d’âge scolaire vivant dans des maisons où il y
avait des moisissures ainsi que des symptômes de fatigue et de difficulté de
concentration chez les adultes exposés aux moisissures sont aussi rapportés [64,
65, 66].
Au cours des études réalisées dans des garderies, Koskinen et al [64, 65]
ont comparé des enfants fréquentant deux garderies, dont l’une d’elles présentait
une concentration plus élevée de champignons viables dans l’air. Un taux
d’absentéisme deux fois plus élevé a été constaté pour la garderie
problématique.
Toutes les études montrent qu’Il existe donc une association significative et
constante entre la présence de dommages causés par l’eau, de moisissures ou
d’humidité excessive et les symptômes respiratoires reliés à l’asthme (toux et
sifflement - sibilances ou wheezing -)
41
CHAPITRE III : DIAGNOSTIC DES ALLERGIES AUX
MOISISSURES
Il
repose sur l’association et l’analyse d’explorations cliniques,
mycologiques et allergologiques dont la synthèse permet éventuellement
d’établir la relation de cause à effet entre l’exposition fongique et les signes
cliniques du patient.
Figure 4 : Etapes du diagnostic des allergies [73]
I. EXPLORATIONS CLINIQUES
I.1. Anamnèse
C’est le temps capital qui permet de suspecter le diagnostic et donc
d’orienter les examens complémentaires. Elle permet de mieux répondre aux
deux questions initiales : existe-t-il des symptômes compatibles avec une
allergie immédiate ? Ces symptômes sont-ils compatibles avec une allergie aux
moisissures ? [73].
42
Cela nécessite une écoute attentive et un questionnaire détaillé des
circonstances et du mode de vie du patient, une écoute qui passe par la recherche
d’une manière orientée des conditions d’habitat en précisant le type d’habitat
rural ou urbain, la présence visible de moisissures dans une ou plusieurs pièces,
la notion de dégât des eaux. La recherche d’une aggravation des symptômes en
période estivale en juillet et août notamment en s’aidant du calendrier fongique
[88].
Il convient de rechercher également un contexte épidémiologique
évocateur ; tel que la négativité du bilan allergologique concernant les
pneumallergènes habituels
(pollens, acariens, etc.) et l’échec de la
désensibilisation à des pneumallergènes autres que fongiques malgré des
manifestations cliniques évocatrices [23].
I.2. Examen clinique
Il recherche la présence des signes cliniques, non spécifiques, et qui
peuvent être absents (phase intercritique, absence de stimulation allergique,
traitements reçus). La muqueuse nasale peut apparaître pâle, lillasée,
inflammatoire en rhinoscopie antérieure ou en naso-fibroscopie. Les
conjonctives sclérales et palpébrales seront examinées en retournant les
paupières et en s’aidant d’une lampe à fente afin d’identifier papilles, follicules,
nodules de Trantas ou un chemosis associés à la rougeur conjonctivale. La
muqueuse bronchique sera explorée par l’auscultation thoracique à la recherche
de sibilances et par la réalisation d’une spirométrie pour mettre en évidence un
éventuel syndrome obstructif [73].
43
II. EXPLORATIONS MYCOLOGIQUES
Elle nécessite une enquête mycologique au domicile ou sur le site
professionnel du sujet, en fait il n’existe pas de méthodes standardisées
permettant de définir de façon formelle les niveaux de contamination fongique
car les espèces fongiques qui produisent des spores atmosphériques ne sont pas
cultivables (agents des rouilles, des charbons, etc.…..). On peut réaliser 3 types
de prélèvements pour capter et identifier les spores :
- Sédimentation en boîte de Pétri. Les boîtes contenant un milieu de
sabouraud gélosé ou à base de malt à 2% sont placées ouvertes dans l’endroit à
contrôler, puis mises à incuber à la température choisie. Cette technique
minimise les moisissures à spores légères (Aspergillus, par exemple qui
sédimentent mal) et ne révèle pas les champignons non cultivables ;
- utilisation de biocollecteurs. Des appareils sont capables d’aspirer un
volume d’air déterminé et de projeter les spores sur des films adhésifs, des
bandelettes de milieux nutritifs ou encore des unités filtrantes ;
- écouvillonnages ou empreintes directes à l’aide de boites contact.
Ces techniques seront utilisables à l’intérieur des habitations pour apprécier
la souillure fongique des sols, murs, revêtement divers, mobiliers, etc [23].
44
III. EXPLORATIONS IMMUNOALLERGIQUES
III.1. Les tests cutanés
C’est le prick-test. Il repose sur la reproduction, à très petite échelle de la
peau du patient, de la réaction allergique de type hypersensibilité immédiate. Ce
test démontre la présence d’IgE spécifiques vis-à-vis d’un allergène porté par un
mastocyte cutané, indolore et rapide, c’est la technique la plus utilisée [74, 88].
Grossièrement la démarche pratique est identique quel que soit l’allergène.
L’allergologue désinfecte la face antérieure de l’avant-bras ou le dos avec de
l’alcool, repère sur la peau les allergènes à tester en respectant une distance de
3cm entre les tests, choisit les allergènes susceptibles d’être responsable des
symptômes et dépose une goutte de chaque allergène sur la peau. Une micro
piqûre différente de chaque solution est pratiquée au centre de chaque goutte par
une petite pointe cylindrique (stallerpoint) à usage unique [74]. Dans notre cas
de moisissures, On utilise des mélanges commercialisés associant plusieurs
moisissures [23]:
- Mélange 1 : Alternaria, Aspergillus, Cladosporium, Penicillium ;
- Mélange 2 : Botrytis, Mucor, Rhizopus, Stemphylium ;
- Mélange 3 : Chaetonium, Fusarium, Neurospora, Aureobasidium ;
-Mélange4:
Epicoccum,
Helminthosporium,
Gyrophana
Trichothecium;
- Mélange 5 : Saccharomyces cerevisiae, Saccharomyces minor ;
45
lacrymans,
- Mélange 6 : charbons céréaliers : U. bromi, U zeae, U. sorghi, U. avancae.
La lecture du résultat se fait après 20 minutes par mesure de la réaction
cutanée. Une réaction d’hypersensibilité provoque une rougeur de la peau avec
une papule bien marquée, avec œdème et démangeaisons. L’intensité de la
réaction est évaluée par comparaison avec la réaction provoquée par une
substance (témoin) positif et d’un témoin négatif [12]. Cependant certaines
études montrent la faible sensibilité des mélanges, en particulier du groupe 1, ce
qui incite pour les 4 constituants de ce groupe à utiliser d’emblée les tests
individuels. En pratique si le test d’un mélange est positif, on peut tester une à
une les moisissures du mélange. Il existe des préparations individuelles de
certaines espèces [23].
III.2. Les tests biologiques in vitro
Le dosage des IgE spécifiques permet la mise en évidence d’anticorps
spécifiques de certains allergènes. Ce test est coûteux et doit donc être limité ; il
nécessite 50 µl de sang par test. Dans quelques cas difficiles, il existe une
discordance entre l’interrogatoire et les tests cutanés ou quand la pratique des
tests cutanés n’est pas possible. Les IgE spécifiques détectent les IgE circulants
spécifiques de l’allergène. Les limites normales sont imprécises ; un résultat sup
0.35 UI est considéré comme significatif. Les résultats sont également exprimés
en classes, de 0 à 6.le taux d’IgE spécifiques présente l’avantage qu’il est corrélé
fortement avec la maladie allergique [12].
46
III.3. Les tests de provocation (TP)
La reproduction des symptômes par une nouvelle administration de la
substance suspecte fournit un argument formel de la responsabilité de cette
substance. Les tests de provocation sont par ailleurs, le seul moyen de confirmer
ou d’infirmer la responsabilité de cette substance biologique lorsque les
symptômes
relèvent
d’une
hypersensibilité
non
allergique
[9].
Des
recommandations concernant la bonne pratique de ces tests ont été publiées par
l’ENDA [2].
III.3.1. Test conjonctivale (TPC)
Le TPC justifie un examen minutieux du patient avant le début du test (en
particulier avec un examen à la lampe à fente) afin de s’assurer que les
conditions basales sont respectées ; le TPC ne pouvant être pratiqué qu’en
dehors de toute poussée aigue. Les indications concernent essentiellement la
kérato-conjonctivite vernale ; certains conjonctivites aigues saisonnières et
certaines conjonctivites chroniques sous réserve de l’absence d’inflammation du
segment antérieur de l’œil au moment du test. Les critères cliniques de
surveillance, au nombre de quatre (rougeur ; prurit ; larmoiement ; chemosis)
sont cotés en fonction de leur intensité 10 à 15 minutes après l’instillation
oculaire (l’œil controlatéral recevant du sérum physiologique). Un TPC est
considéré comme positif lorsque le score total obtenu est supérieur ou égal à
cinq, et nécessite donc l’arrêt du test [73].
47
III.3.2 Test nasal (TPN)
Les mêmes allergènes fongiques peuvent être utilisés pour la réalisation
d’un TPN en surveillant le score clinique subjectif déterminé par le patient. En
revanche ; il est possible de coupler le TPN à la mesure objective des résistances
des voies nasales ; soit par rhinomamétrie antérieure active ; soit par la mesure
du peak flow inspiratoire nasal. Ces tests dynamiques sont limités par une bonne
coopération du patient ; par le rythme nasal circadien et par l’absence
d’obstruction nasale précédant le test [73].
III.3.3 Test bronchique (TPB)
Malgré l’application de règles strictes de réalisation ; la pratique des TPB
demeure très complexe .le TPB nécessite des conditions basales satisfaisantes et
un VEMS supérieur à 70% des valeurs théoriques. LE TPB peut être réalisé soit
sous forme de test qui cherche à reproduire les conditions réelles d’exposition
aux allergènes fongiques professionnels suspectes (ce qui est difficile) ; soit sous
forme de TP conventionnel avec un allergène lyophilisé administré au moyen
d’un nébuliseur. IL conviendrait théoriquement d’utiliser des nébuliseurs
produisant des particules proches de la réalité et donc en fonction de la taille des
allergènes fongiques [73].
48
CHAPITRE IV : TRAITEMENT ET PREVENTION DES
ALLERGIES
Dans l’idéal, le traitement des manifestations allergiques devrait passer par
une triade indispensable : prévention ; éviction ; hygiène de vie. Ce n’est qu’en
cas d’échec de ces mesures qu’on devrait être amené à traiter ces manifestations.
Ce traitement peut se révéler d’une urgence allergique, parfois il sera
étiologique, trop souvent il sera symptomatique par des antihistaminiques et des
corticoïdes.
I. TRAITEMENT HABITUEL
I.1. Les antihistaminiques
Les antihistaminiques agissent en bloquant de façon compétitive et
spécifique les récepteurs histaminergiques de type 1 des « cellules cibles »
(mastocytes, poly- nucléaires basophiles, éosinophiles, etc.) situés au niveau des
bronches, des vaisseaux et de l'intestin, ce qui rend compte de leur inefficacité
au cours de la crise d'asthme et des réactions allergiques graves (choc
anaphylactique, œdème de la glotte) [38]. Par ailleurs, outre leur effet
antihistaminique,
beaucoup
de
produits
ont
un
ou
plusieurs
effets
pharmacologiques parallèles, par exemple atropinique ou adrénolytique. En
dehors des autres indications (dermatoses, urticaire) les antihistaminiques
trouvent leur importance dans le traitement symptomatique des rhinites et des
rhinosinusites périodiques et des conjonctivites allergiques.
49
I.2. Corticoïdes
Les corticoïdes, puissants anti-inflammatoires, représentent la classe
thérapeutique de choix pour prévenir la phase tardive de la réaction allergique
[32]. Ils agissent essentiellement au niveau nucléaire, ce sont des effets
génomiques. Ces molécules pénètrent dans le cytoplasme des cellules cibles de
manière passive, se lient dans le cytoplasme à un récepteur spécifique de haute
affinité, puis l’ensemble hormone-récepteur (GR) transloque dans le noyau, où il
interagit avec le génome. Une fois dans le noyau, le récepteur se lie à un site
spécifique localisé sur l’ADN ; ce site appelé GRE ou (Glucocorticoid
Responsive Elément) localisé dans la région du promoteur ; il s’ensuit une
transcription génomique conduisant à la synthèse protéique (mRNA , protéines)
[88]. Le mode d’action des corticoïdes et leur efficacité dans les phénomènes
allergiques sont de mieux en mieux compris, autre le mode transcriptionnel ;
trois niveaux sont à individualisés : leurs influence sur les fonctions cellulaires,
sur les lésions tissulaires ainsi que leur efficacité clinique [32].
I.3. L’adrénaline
C’est le principal médicament que la trousse d’urgence d’un patient ayant
présenté des manifestations allergiques sévères peut contenir. Il constitue le
traitement de première ligne de choc anaphylactique [110].
I.4. Les autres traitements médicamenteux.
Outre le menu classique des médicaments contre les manifestations
allergiques, l’arsenal thérapeutique offre d’autres possibilités tels que les
vasoconstricteurs locaux et oraux. Les bronchodilatateurs sont représentés par
50
les anticholinergiques, les β2 mimétiques et la théophylline.
II. LA DESENSIBILISATION
II.1. Principe
La désensibilisation ou immunothérapie spécifique (ITS), très récemment
dénommé officiellement vaccination allergique consiste en l’administration de
doses progressivement croissantes d’un extrait allergique dans le but d’atténuer
les symptômes consécutifs à une exposition ultérieure. Ainsi l'ITS, ou
vaccination allergénique, est le seul traitement capable de modifier la réactivité
immunitaire de l'individu allergique et donc de modifier l'histoire naturelle de
l'allergie [45, 68, 69].
II.2. La démarche du traitement
II.2.1. Les extraits allergiques utilisés
Dans la pharmacopée européenne « les produits allergiques sont des
préparations pharmaceutiques provenant de vaccins de matériaux naturels
contenant des allergènes. Les composants allergiques sont le plus souvent de
nature protéique ». On utilise le terme « vaccin allergique » pour indiquer que
les vaccins modifient ou diminuent la réponse immunitaire dans les maladies
allergiques. Les produits allergènes sont sous forme de produits finis, de
préparation en vrac à concentrer ou à diluer avant l’emploi ou de préparations
finales
[69].
Les
thérapeutique sont
caractéristiques
l’absence
des
préparations
d’allergénicité,
le
l’immunogénicité et l’induction d’une activité tolérogène.
51
destinées
renforcement
à
la
de
II.2.2. Standardisation des allergènes
Standard des vaccins allergéniques : L’élément clé de ce processus est la
maintenance de standards de référence contenant une quantité définie des
allergènes en question. Pour un certain nombre de vaccins, des standards ont été
proposés
dans
le
programme
de
standardisation
des
allergènes
de
l’OMS/IUI/IAACI. Ils sont conservés, dans des conditions stables, dans des
dépôts tels que les installations de la FDA et L’OMS [1].
La standardisation s’appuie essentiellement sur la détection in vivo et in
vitro des Ac IgE contre les allergènes. Les tests cutanés rendent possible
l’expression des vaccins allergiques en unités biologiques. L’inhibition du
pouvoir de liaison des Ac IgE est mesurée par des méthodes dérivées de
l’inhibition du RAST. Les résultats indiquent la mesure du pouvoir allergénique
total. La composition du vaccin peut être déterminée par des méthodes telles que
la détermination du point isoélectrique ou l’imunoblotting des IgE entre autre
[1].
Le développement rapide de nouvelles technologies pour l’analyse aussi
bien de l’ADN que des protéines permet d’améliorer les méthodes de
standardisation. De nombreux allergènes importants sont clonés et exprimés
comme protéines recombinantes homogènes. Avec ces nouvelles technologies,
un vaccin allergénique peut être caractérisé en termes de contenu de l’allergène
majeur (ng ou μg) et la conformité de chaque lot contrôlée avec précision [1].
Différentes classes allergéniques :
- Extrait aqueux : mélanges hétérogènes d’allergènes et de substance non
52
allergéniques.
- Extrais lyophilisés : le lyophilisat peut être dilué extemporanément dans
un solvant dépourvu de conservateur irritant et peut être utilisé dans les tests de
provocation nasale ou bronchique.
- Extrait retards : leur utilisation vise à espacer les injections et à diminuer
d’éventuels effets secondaires.
- Extraits polymérisés : caractérisés par la forte réduction des effets
systémiques qui autorise la forte réduction du nombre des injections.
- Extraits dénaturés : le procédé le plus intéressant, en théorie, est celui de
ISHIZAKA qui fait appel à l’urée.
- Extraits conjugaison : même effet tolérogène obtenu après conjugaison.
- Allergènes recombinants :l’application de la technologie de l’ADN
recombinants pour des protéines allergéniques, a permis d’obtenir des réactifs
standardisés parfaitement caractérisés sur le plan immunochimique, produits à
grande échelle [1].
II.2.3. Voies d’administration
La voie sous-cutanée est la plus couramment utilisée. La voie nasale ou par
aérosol pose encore des problèmes de méthodologie. L’efficacité de l’ITS par
voie orale reste encore contestée ; les résultats des études publiées en double
aveugle sont partagés [60].
53
II.2.4. Protocole en cas d’allergie aux moisissures
Avant de poser une indication de désensibilisation, on doit absolument :
- prouver que la moisissure antigénique est présente dans l’environnement,
qu'elle existe à des doses suffisantes et nécessaires, pour faire apparaître les
signes cliniques chez les personnes sensibilisées. Nolard situe cette dose aux
environs de 500 spores d'Alternaria par mètre cube d'air; pour Cladosporium le
seuil est estimé 3000 spores/mètre cube ;
- démontrer la présence d'IgE dirigées contre cette moisissure ;
- vérifier la qualité des extraits allergéniques disponibles et la démonstration
de l'efficacité de cette désensibilisation dans la littérature [35, 77].
Les protocoles sont personnalisés et se déroulent en deux phases
successives : La première phase dite « traitement initial » vise à obtenir une
montée en puissance du traitement. Pendant les premières semaines du
traitement, en partant d’une dose très faible de l’allergène en cause, la dose de
produit administrée est augmentée de manière rapprochée et progressivement
croissante jusqu’à atteindre la dose maximale la mieux tolérée par le patient.
Selon les voies d’administration et la sensibilité propre de chaque patient. C’est
la phase d’induction.
La seconde étape, appelée phase d’entretien : la dose maximale tolérée par
le patient à la fin de la 1ère phase est alors administrée à intervalles réguliers
pendant une période variant de 3 à 5 ans ou plusieurs saisons polliniques, avec
une évaluation régulière des résultats tous les ans. La désensibilisation
fonctionne d’autant mieux que la phase d’entretien dure longtemps. L’effet
bénéfique ne sera observable qu’après 6 mois à 1 an de traitement [13].
54
II.2.5. Problèmes de la production et de l’utilisation des extraits
standardisés
Il existe peu d'extraits standardisés de moisissures utilisables par les
allergologues. En effet, il existe des discordances entre les tests cutanés et les
dosages d'IgE spécifiques qui peuvent être dues au couplage en phase solide du
matériel fungique. Cette particularité a été mise en évidence dés 1980 par
Yunginger à propos des extraits d'Alternaria et par Aas à propos des extraits de
Cladosporium herbarum où la sensibilité variait de 15 à 65 % suivant l'extrait
commercial étudié. Ces constatations suggèrent que seuls des extraits
standardisés contenant un nombre suffisant de déterminants antigéniques
doivent être utilisés pour les tests. D'autre part il existe des variations propres à
la moisissure qui est capable de se modifier rapidement en fonction du milieu de
culture. Les méthodes d’extraction des moisissures cherchent à purifier et à
retrouver les protéines, ce choix oblige à une perte importante d'allergènes
hydrocarbonés [35].
55
Tableau 5 : Extraits de désensibilisation disponibles au Maroc
Désignation
ALLERGENE P.M.
Présentation
Fl 100 PNU, Fl 1000PNU, Fl 10000NU
ALLERGENE D.F.
coffret 3 Fl 100-1000-5000 PNU, Fl 5000 PNU,
Fl 100IR
ALLERGENE D.P.
coffret 3 Fl 100-1000-5000 PNU coffret unidose
30 IRx5, Fl 100 IR, Fl 5000 PNU
coffret 3 Fl 100-1000-5000 PNU, Fl 5000
PNU, Fl 10000 PNU
coffret 3 Fl 100-1000-5000 PNU, Fl 5000
ALLERGENE D.P. 50% + D.F.50%
PNU
ALLERGENE P.M. ENRICHIE AUX ACARIENS coffret 3 Fl 100-1000-10000 PNU, Fl 100
95/5
PNU, Fl 1000 IR, Fl 10000 PNU
ALLERGENE P.M. 33% + D.P. 33% + D.F. 33%
ALLERGENE P.M. 50% + D.P50%
ALLERGENE POLLENSOLIVIER
ALLERGENE MIXED RESPIRATORY VACCINE
ALLERGENE POLLENS 5 GRAMINEES
coffret 3 Fl 100-1000-5000 PNU, Fl 5000 PNU
coffret 3 Fl 100-1000-10000 PNU, Fl 10000
PNU
coffret 4 Fl 2-20-200-2000 Morg/ml, Fl 2000
Morg/ml
coffret 3 Fl 100-1000-10000 PNU, Fl 100
PNU, Fl 1000 IR, Fl 10000 PNU
P.M.= Poussière de maison. D.P.= Dermatophagoïdes pteronyssinus. D.F.= Dermatophagoïdes farinae.
-Morg/ml= millions organismes/ml
-PNU : unité d’azote protéique
-PNU/ml : 1 PNU exprime l’activité d’une dilution d’extrait contenant 0,01 μg d’azote protéique par ml.
-IR : indice de réactivité
III. MOYENS DE PREVENTION
La prévention passe par toute une science qui classiquement enseigne les
mesures propres à conserver la santé, à savoir l’hygiène. Ces mesures seront une
lutte contre l’insalubrité et l’éviction des moisissures.
56
III.1 Prévention de l'insalubrité.
Les mesures efficaces d'éviction des moisissures consistent à éliminer en
profondeur le mycélium, en évitant sa dispersion, tout en protégeant les
personnes. Il faut tenir éloigné des zones à traiter les personnes à risque comme
les immunodéprimés et protéger les personnes effectuant des travaux : lunettes,
protection respiratoire, port des gants sont nécessaires. Les deux maîtres mots
sont une lutte contre l'humidité et une ventilation adéquate.
III.1.1. L’humidité
L’humidité dans la maison est un reflet de la pollution intérieure de la
maison du fait d’une ventilation insuffisante. La lutte contre ce facteur
commence dès la construction du bâtiment ; schématiquement il faut protéger le
logement contre l'eau venue de l'extérieur et/ou émises à l’intérieur. Le choix
des matériaux n'est pas sans incidence sur le devenir de l'état sanitaire de
l'habitat parce qu’en cas de problème, ils peuvent être favorables au
développement mycélien (base de cellulose) ou difficilement nettoyables en
raison de leur porosité [20].
III.1.2. La ventilation
De nombreux textes dont le règlement sanitaire traitent de la ventilation des
locaux d’habitation. Ils indiquent à la fois des débits minimaux à respecter et les
conditions d’une bonne ventilation. La ventilation par de seuls ouvrants est
admise s’ils sont de dimensions suffisantes ; mais la ventilation permanente
naturelle par conduit ou mécanique est plus efficace. Lorsqu’il s’agit d’une
ventilation mécanique donc maîtrisée, elle doit être organisée de manière à
57
drainer l’air vicié des pièces principales (chambres, salles de séjour) vers les
pièces « humides » (salles d’eau, cuisine…) et d’apporter de l’air neuf pris à
l’extérieur, autant que possible hors des sources de pollution [20].
III.2. Eviction des moisissures
Les moisissures qu’il convient d’éliminer des matériaux sont des microorganismes vivants et autonomes constitués de mycélium et de spores. Le
mycélium s’incruste plus ou moins profondément dans l’épaisseur du matériau
contaminé en fonction de la nature de celui-ci. Le plâtre et le bois sont
susceptibles d’être contaminés en profondeur, les traitements de surface n’auront
alors qu’une efficacité illusoire et non pérenne. Les spores sont les organes de
reproduction et de dispersion du champignon, ce sont des particules
extrêmement fines, très pulvérulentes, susceptibles d’être véhiculées et de
contaminer les personnes et d’autres matériaux sur de grandes distances. Les
mesures efficaces d’élimination des moisissures consistent à éliminer en
profondeur le mycélium, à le détruire efficacement (désinfection ou
incinération) et à éviter la dispersion des spores, tout en protégeant les occupants
[20].
58
DEUXIEME PARTIE
RESULTATS PRELIMINAIRES D’UN
AUDIT ENVIRONNEMENTAL
59
I. INTRODUCTION
La présence de spores fongiques dans l’air intérieur est normale ; elles sont
transférées par la ventilation et véhiculées de l’extérieur par les occupants.
Cependant, le développement actif de moisissures dans l’habitat est devenu une
préoccupation pour les professionnels de santé. En effet, au cours des dernières
années, de nombreuses études ont suggéré un lien possible entre l’exposition aux
moisissures en milieu intérieur et diverses atteintes de la santé de types
allergique, irritatif, toxique voire infectieux. L’évaluation de la charge
allergénique environnementale chez les patients présentant des symptômes liés à
des allergies respiratoires est donc devenue essentielle pour apporter des preuves
objectives concernant les allergènes présents au niveau de l’habitat ; elle est
également indispensable pour justifier l’éviction des sources allergéniques
responsables.
II. OBJECTIFS ET TYPE DE L’ETUDE
Notre étude a pour objectif principal d’établir un audit environnemental au
domicile des patients suivis par un médecin suspectant un lien entre le problème
d’allergie et son environnement domestique, afin d’évaluer la charge
allergénique environnementale. Le deuxième objectif et de décrire les flores
fongiques isolées par une recherche qualitative et quantitative des moisissures.
Il s’agit des résultats préliminaires sur 12 mois (Juin 2007 – Juin 2008),
d’une étude prospective descriptive, menée par le service de Parasitologie
Mycologie de l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V. Cette étude est
menée par un groupe de travail pluridisciplinaire sur « l’impact sanitaire des
moisissures de l’environnement domestique ».
60
III. PATIENTS ET METHODES
III.1. Population étudiée
Il s’agit de patients consultants en allergologie, et pour qui le prick-test était
positif aux moisissures. Dans le cadre légal des études biomédicales un
consentement éclairé (Annexe 1) a été établi, traduit en arabe et signé par le
médecin et le patient. Afin d’avoir tous les renseignements nécessaires
concernant le patient, nous avons préparé un questionnaire (Annexe 3). Il
comporte une section relative à la santé et une section environnementale.
Section santé : Les questions portent sur les antécédents personnels et
familiaux et recherchent notamment l’atopie, la symptomatologie (allergique,
irritative, systémique, infectieuse) en relation avec l’exposition présumée est
également renseignée.
Section environnementale : elle vise à permettre la description de la
contamination du milieu sous investigation ainsi que la vérification de l’ampleur
de l’exposition des patients et de la possibilité que ces derniers soient exposés
ailleurs que dans le milieu à l’étude. À cet effet, la partie environnementale
permet de documenter les aspects spatio-temporels des contaminations
fongiques visibles, des antécédents de dégâts ou d’infiltrations d’eau, d’humidité
élevée et de condensation, etc. Elle doit également évaluer les expositions
occupationnelles, scolaires et résidentielles, antérieures et actuelles des
individus.
Par ailleurs, une fiche d’information sur la présence de moisissures en
milieu intérieur est donnée aux patients qui sont inclus dans l’étude (Annexe 2).
61
L’étude s’est déroulée en plusieurs étapes : discussion des cas avec le
médecin allergologue traitant, la prise de contact avec les patients pour leur
expliquer l’objectif de l’étude et pour la signature de la fiche de consentement
éclairé. Les prélèvements d’air et des surfaces sont ensuite réalisés. L’étude
mycologique est ensuite réalisée au laboratoire de Parasitologie Mycologie de
l’HMIMV.
Concernant les délais de l’étude, la rédaction du protocole, de la fiche de
consentement et des différents questionnaires nous a pris 9 mois, et nous avons
réservé les 3 derniers mois pour l’inclusion des patients, ce qui explique le faible
échantillonnage de notre étude.
III.2. Etude mycologique
III.2.1. Méthodes d’échantillonnages
Deux principaux types de prélèvements environnementaux ont été réalisés:
1. prélèvements d’air (mesure quantitative et qualitative) à l’aide d’un
biocollecteur avec vide appliqué à 28 L/min., pendant 10 minutes (Figure 5).
Cet appareil en aspirant l’air projete les spores sur des milieux nutritifs (dans
notre cas, il s’agit d’une gélose à l’extrait de malt).
2. prélèvements de surface (sols, murs, draps…..), permettant d’identifier
les moisissures viables et/ou les moisissures non viables (mesure semiquantitative et qualitative). Les prélèvements de surface ont été réalisés à l’aide
d’un écouvillon stérile, humidifié à l’eau distillée stérile. L’écouvillon est frotté
sur la surface à analyser.
Une fois les prélèvements faits, tous les échantillons sont scellé pour
prévenir la contamination ultérieure ; ils sont ensuite acheminés rapidement au
62
laboratoire pour empêcher une perte de viabilité de l’échantillon ou une
dénaturation des structures, ce qui empêcherait une bonne identification.
Figure 5 : Appareil de prélèvement d’air : tête + boite de culture sur Malt
[Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
III.2.2. Méthodes analytiques
Les cultures : Il existe plusieurs milieux de culture, mais certains genres
ont des besoins nutritifs spécifiques. Nous avons utilisé celui qui est
recommandé ; la gélose à l’extrait de malt pour les 2 types de prélèvements. Ce
Milieu est le plus adapté aux moisissures de l’environnement. Les écouvillons
utilisés pour les prélèvements de surface sont roulés directement sur la gélose.
Les boites ensemencées sont incubées à 25°C et 37°C pendant 7 jours. Les
lectures sont faites à 4 et 7 jours. Le décompte global et le décompte pour
chaque type de colonie (basé sur la macro-morphologie) sont consignés au 4ème
jour puis au 7ème jour ; L’identité de chaque moisissure macroscopiquement
63
différente (forme, couleur, texture) est vérifiée par microscopie.
Identification microscopique des souches: Une préparation appropriée du
matériel (fragment de colonie ou technique du drapeau avec du scotch) est
déposé entre lame et lamelle dans une goutte de colorant (bleu lactophénol), elle
est ensuite examinée au microscope. L’apparence et la disposition de l’ensemble
des mycéliums, la morphologie et la disposition des spores, la morphologie des
cellules spécialisées produisant les spores, la couleur la texture et la dimension
de toutes les structures observées sont consignées sur des fiches de travail. Tous
ces éléments font partie des critères taxonomiques nécessaires à l’identification
des moisissures.
III.3. Explorations immuno-allergiques
L’analyse et l’identification des espèces nous a permis de cibler les
moisissures à tester. Ainsi, dans les perspectives et en vu d’avoir une vision
globale sur le sujet, nous comptons rechercher les allergènes dans les différents
prélèvements sanguins des patients pour essayer d’établir une relation entre les
résultats sériques et ceux des prélèvements d’air et de surface. Cette corrélation
fera appel à une analyse statistique sur SPSS 10.
Il faut souligner, que pour les patients inclus dans cette étude préliminaire, les
prélèvements sanguins ont déjà été effectués et ils sont congelés.
Pour cette étude immuno-allergique, nous aurons besoin de prélèvements
sanguins sur tube sec qui seront centrifugés à 1500 tours par minutes pendant 15
minutes, puis aliquotés et conservés par congélation. L’exploration se fera par
technique immunoenzymatique avec détection fluorimetrique sur Autoanalyseur
64
UniCap de Pharmacia. La durée de l’analyse est de 2h30 minutes. Les résultats
sont exprimés en KUA/l.
Tableau 6 : Listes de principales moisissures pouvant être recherchées
Code
m6
m3
m 20
m 36
m 228
m 12
m7
m5
m 202
Rm 208
m2
m 16
m 14
m9
m8
m4
Rm 209
m1
m 13
m 70
m 11
m 227
m 10
m 15
Rm 210
Rm 211
Rm 203
m 205
Rm 204
Rm 20
Moisissures
Alternaria alternata
Aspergillus fumigatus
Aspergillus niger
Aspergillus terreus
Aspergillus flavus
Aureobasidium pullulans
Botrytis cinerea
Candida albicans
Cephalosporium acremonium
Chaetomium globosum
Cladosporium herbarum
Curvularia lunata
Epococcum purpurascens
Fusarium moniliforme
Helminthosporium halodes
Mucor racemosus
Penicillium frequentans
Penicillium notatum
Phoma sp
Pityrosporon orbiculare
Rhizopus nigricans
Malassezia spp
Stemphylium botryosum
Trichoderma viride
Trichophyton agrophytum
Trichophyton interdigitale
Trichosporon sp
Trichophyton rubrum
Ulocladium sp
Ustilago nuda
65
IV. RESULTATS
Durant la période d’étude, nous avons inclus 7 personnes dont 3 femmes et
4 enfants (3 garçons et une fille). L’âge moyen des femmes adultes est de 33 ans
L’âge moyen des enfants est de 13 ans.
IV.1. Facteurs favorisants
Le tableau suivant montre les principaux facteurs intervenants dans les
allergies aux moisissures chez nos patients.
Tableau 7: Facteurs favorisants l’apparition des symptômes chez nos patients
Patient
âge
Antécédents
familiaux
humidité
Odeur des
moisissures
Exposition
au soleil
N°1
25 ans
Frères
+
-
+-
N°2
40 ans
Sœur
++
+++
+
N°3
14 ans
++
-
++
N°4
14 ans
Sœurs
+
-
+++
N°5
23 ans
Frères,
Cousins
++
+
+
N°6
10 ans
Frère
+++
+++
-
N°7
8 ans
Frère
+++
+++
-
66
IV.2. Symptômes cliniques
Le tableau suivant résume les symptômes présentés par les patient, ou
rapportés par les parents lorsqu’il s’agit d’enfants.
Tableau 8: Les différents symptômes observés
Ancienneté
des
patient
symptômes rhinite conjonctivite
Type de symptômes
Rhinoconjonctivite
sévère
Gène
respiratoire
N°1
10 ans
+
+
+
N°2
28 ans
+
+
+
+
+
+
+
toux
asthme
+
+
+
+
N°3
N°4
6 mois
+
N°5
2 mois
N°6
4 ans
+
+
+
+
N°7
4 ans
+
+
+
+
+
+
IV.3. Résultats des prick-tests
Le prick-test constitue la deuxième étape du bilan allergologique de nos
patients. Un certain nombre d’allergènes font partie d’un bilan systématique. Le
choix de ces allergènes est orienté par les données de l’interrogatoire ou en
fonction du contexte régional. Cinq patients ont réalisé un prick-test, examen
67
qui a révélé leur sensibilité aux moisissures avec une positivité pour d’autres
type d’allergènes. Il faut noter que pour deux patients, le prick test n’a pas été
réalisé.
Tableau 9: Les résultats des prick-tests chez nos patients
Type d’allergène
Patient
Moisissures
Pollens
Acariens
N°1
+
(Aspergillus)
+
(Graminées,
Herbacées, Céréales)
N°2
+
+
+
+
N°3
N°4
+
N°5
+
+
+
+
68
Phanères
d’animaux
Autres
IV.4. Traitements habituels
Devant les symptômes cliniques et les résultats des prick-tests, quatre de
nos patients ont reçu un traitement habituel.
Tableau 10: Traitements reçus
Patient
Spécialités
CLARTEC
N°1
DCI
loratadine
Antihistaminique de
deuxième génération
formotérol
bronchodilatateur
®
lévocabastine
Collyre
antihistaminique
®
méquitazine
antihistaminique
®
Prédnisolone
Corticoide
Budésonide
formotérol
Corticoide
bronchodilatateur
®
®
FORADIL
N°2
LEVOPHTA
N°4
PRIMALAN
SOLUPRED
N°5
Famille
thérapeutique
SYMBICORT
®
IV.5. Désensibilisation
La patiente N° 2 représente un cas typique d’allergie aux moisissures avec
des symptômes parfois dangereux. Ce tableau clinique a poussé l’allergologue à
entamer un protocole thérapeutique par désensibilisation. Elle est la seule
patiente à avoir reçu un traitement par désensibilisation.
Notre patiente a bénéficie de cette thérapeutique selon le schéma suivant :
 Une fois par semaine durant 3 mois.
 Une fois par quinzaine durant 3 mois.
 Une fois par mois durant 3 mois.
69
IV.6. Résultats des prélèvements mycologiques
IV.6.1. Prélèvements d’air
Pour chaque domicile, nous avons réalisé des prélèvements d’air dans 3
pièces différentes ; il s’agit de la salle de bain, du séjour et la chambre à
coucher.
Tableau 11: Résultats des prélèvements d’air
Patients
Salle de Bain
Prélèvements d’air
Séjour
Chambre à coucher
N°1
Aspergillus niger,
Penicillium sp.
Alternaria sp,
Penicillium sp,
Aspergillus sp.
Aspergillus niger
N°2
Stérile
Aspergillus sp,
Cladoporium sp.
Aspergillus niger,
Penicillium sp,
Cladosporium sp.
N°3
Chrysosporium sp,
Aspergillus sp.
Stérile
Aspergillus sp,
Chrysosporium sp.
N°4
Penicillium
chrysogénum
Cladosporium sp,
Aureobasidium sp.
Penicillium sp,
Cladosporium sp.
N°5
Stérile
Cladosporium sp,
Aspergillus sp.
Cladosporium sp,
Aspergillus flavus,
Chrysosporium sp.
N°6
et 7
Penicillium sp,
Aspergillus sp,
Fusarium sp,
Oedocephalum sp.
Penicillium chrysogénum,
Aspergillus flavus,
Aspergillus terreus.
Penicillium
chrysogenum,
Aspergillus terreus,
oedocéphalum sp.
70
Tableau 12: Fréquence des différents genres de moisissures dans les prélèvements d’air
Espèce
N
%
Aspergillus sp
12
35,2
Penicillium sp
8
23,5
Cladosporium sp
6
17,6
Chrysosporium sp
3
8,8
Oedocephalum sp
2
5,8
Alternaria sp
1
2,9
Fusarium sp
1
2,9
Aureobasidium sp
1
2,9
71
Figure 6 : Aspect des milieux de culture à l’extrait de Malt après prélèvement d’air
IV.6.2. Prélèvements de surface
Tableau 13:Résultats des prélèvements de surface
Patients
N°1
N°2
N°3
N°4
Prélèvements de surface
Draps
Sols
Alternaria sp,
Alternaria sp.
Scytalidium sp.
Aspergillus niger
Stérile
Aspergillus sp,
Stérile
Cladosporium sp
Aspergillus niger,
Aspergillus flavus.
72
Mucor sp,
Aspergillus niger,
Aspergillus fumigatus,
Cladosporium sp.
Tableau 14: Fréquence des différents genres fongiques dans les prélèvements de surface
Espèce
N
%
Aspergillus sp
5
38,4
Cladosporium sp
3
23
Alternaria sp
2
15
Scytalidium sp
1
7,6
Penicillium sp
1
7,6
Mucor sp
1
7,6
73
Figure 7 : Aspect des milieux de culture à l’extrait de Malt après prélèvement de surface
Tableau 15 : Tableau récapitulatif de la fréquence des différents genres de moisissures
dans les habitations visitées (Air et Surface)
Espèce
N
%
Aspergillus sp
17
36,1
Penicillium sp
9
19,1
Cladosporium sp
9
19,1
Chrysosporium sp
3
6,3
Alternaria sp
3
6,3
Oedocéphalum sp
2
4,2
Fusarium sp
1
2,1
Mucor sp
1
2,1
Aureobasidium sp
1
2,1
Scytalidium sp
1
2,1
74
75
Illustrations macroscopiques et microscopiques des certains types de
moisissures rencontrées dans notre étude
Figure 8 : Aspergillus fumigatus : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : tête aspergillaire au Bleu lactophénol, Obj. 40 (à droite) [Photo du
Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
Figure 9 : Aspergillus flavus : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : tête aspergillaire au Bleu lactophénol, Obj. 40 (à droite) [Photo du
Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
76
Figure 10 : Aspergillus niger : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : tête aspergillaire au Bleu lactophénol, Obj. 40 (à droite) [Photo du
Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
Figure 11 : Aureobasidium sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : Blastospores hyalines en grappe le long d’hyphes au Bleu lactophénol,
Obj. 40 (à droite) [Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
77
Figure 12 : Cladosporium sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : Blastospores en chaines acropètes au Bleu lactophénol, Obj. 40
(à droite) [Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
Figure 13 : Ulocladium sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : Dictyospores brunes en amas au Bleu lactophénol, Obj. 40 (à droite)
[Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
78
Figure 14 : Alternaria sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt [Photo du
Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
Figure 15 : Mucor sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt [Photo du Laboratoire
de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
79
Figure 16 : Penicillium sp : Aspect microscopique des conidiophores biverticillés et
conidies, Obj.40 [Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
Figure 17 : Scytalidium sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche)
et microscopique : arthrospores brunes en chaines rectangulaires au Bleu lactophénol,
Obj. 40 (à droite) [Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
80
Figure 18 : Oedocephalum sp : Aspect macroscopique sur gélose au Malt (à gauche) et
microscopique : Conidies en chaines sympodiale au Bleu lactophénol,
Obj. 40 (à droite) [Photo du Laboratoire de Parasitologie Mycologie, HMIM V]
81
V. DISCUSSION
Il est important de rappeler que les prélèvements de surface et les
prélèvements d’air font actuellement partie des méthodes de prélèvements les
plus efficaces pour mettre en évidence la présence de moisissures et les
identifier. Les techniques que nous avons utilisées dans notre étude sont celles
recommandées [19]. Afin d’avoir un aperçu le plus complet de la flore fongique
dans les habitats, nous avons associé et confronté les 2 techniques de
prélèvements (air et surface) et sur des sites de prélèvements différents.
Cependant, dans l’air intérieur, une proportion non négligeable de l’exposition
fongique résulte des particules sédimentées et qui sont remises en suspension
par la ventilation ou par le mouvement des occupants. En conséquence, les
concentrations en particules dans l’air intérieur sont soumises à d’importantes
variations sur des laps de temps assez courts. De ce fait, il faut associer des
prélèvements des poussières sédimentées par la technique de sédimentation.
Les résultats obtenus et exploités laissent suspecter un lien entre la présence
de moisissures dans l’habitat et une pathologie de type allergique chez ces
habitants mais sans confirmation. L’étude que nous comptons mener plus tard,
nous permettra d’établir ou non une corrélation entre ces deux paramètres.
Par contre, ces résultats préliminaires nous permettent de faire une analyse
descriptive des moisissures présentes dans les habitations choisies.
D’une façon plus générale, pour la réalisation des prélèvements, le choix du
site est motivé par l’aspect visuel des moisissures mais aussi par les pièces où le
patient passe le plus de temps pendant la journée.
Le milieu de culture utilisé est le milieu à l’extrait de Malt, qui permet la
croissance de la plupart des moisissures. Les températures d’incubation choisies
82
sont 25°C pour les flores fongiques globales et 37°C pour faciliter
l’identification des espèces thermotolérantes comme Aspergillus. La durée
d’incubation est de 4 et 7 jours. Pour l’identification de l’espèce, dans certains
cas, ceci n’a pas été possible en raison de la non fructification de la souche et
nous nous sommes limité uniquement au genre. Mais ceci n’interfère pas dans
l’interprétation des résultats.
Plusieurs études ont mis en évidence une relation entre un habitat non sain
(humide, nombreuses moisissures) et l’existence d’atopie, d’asthme et troubles
respiratoires chez le jeune enfant et l’adulte. Par ailleurs des études cliniques et
épidémiologiques ont démontré une forte association entre l’exposition aux
moisissures et la sensibilisation (mesurée par des tests cutanés ou sériques) [26,
28, 39, 47, 112]. Ces manifestations cliniques sont retrouvées dans notre étude
chez tous les patients mais les résultats ne permettent pas de faire un lien entre
l’exposition et les symptômes, vu que l’échantillonnage est faible. Notre travail
ne nous permet pour l’instant que de proposer une liste des moisissures les plus
fréquemment isolées dans les habitats. Par ailleurs, il nous permet de suspecter
l’existence d’une corrélation puisque d’autres études l’ont retrouvée. Mais en
partant du constat que tout individu est exposé aux moisissures et qu’il existe un
risque non systématique pour la santé de l’homme, il apparaît nécessaire de
définir la relation entre l’habitat et les moisissures.
L’humidité constitue un facteur essentiel de prolifération des moisissures.
Ce facteur est retrouvé dans toutes les habitations visitées dans notre étude. Les
sources d’humidité sont l’eau issue du sol (nappes phréatiques, …), l’eau hors
du sol (intempéries, fuites, …) et l’humidité relative [27]. Le second facteur
ayant une implication directe dans la prolifération fongique est la nature des
matériaux et leur structure. En plus du rôle de support au développement
83
fongique, ils présentent une vulnérabilité vis-à-vis de l’humidité fournissant
ainsi les nutriments (carbone, azote) nécessaires au développement des
champignons. C’est pour ces raisons que nous avons pris en considération ce
paramètre dans l’étude prospective que nous comptons mener par la suite et qui
fait l’objet d’un questionnaire à part (Annexe 3).
La biodiversité des champignons isolés dans les habitations est grande, cela
rend difficile la définition d’une mycoflore des habitations. Dix genres et 16
espèces différentes ont été identifiées dans notre étude. Plus de 70 % (74,3 %)
des genres isolés sont Aspergillus sp, Penicillium sp et Cladosporium sp.
Aspergillus sp est le plus fréquemment rencontré dans nos logements.
Moisissure cosmopolite, elle est fréquente sur les murs (visuel), les plafonds
(visuel), sur le sol et dans les chambres à coucher. Elle reste la moisissure la
plus importante des logements humides et mal ventilés. Penicillium sp a été peu
identifié dans les prélèvements de surface, la méthode de prélèvement, révèle le
plus souvent des spores difficilement identifiables car non spécifiques.
Cladosporium sp vient en 2ème position des moisissures isolées, c’est un
champignon cosmopolite, fréquent dans les chambres à coucher et dans les
séjours. Il constitue l’un des genres les plus impliqué dans les réactions
atopiques.
Selon le site de prélèvements, différents profils fongiques se dégagent de
nos résultats : Aspergillus sp (38,4 %), Cladosporium sp (23 %) et Alternaria sp
(15 %) sont les espèces les plus couramment retrouvées sur les surfaces.
Aspergillus sp (35,2 %), Penicillium sp (23,5 %) et Cladosporium sp (17,6 %)
sont les espèces les plus couramment retrouvées dans les poussières
d’habitation.
84
La grande variabilité des fréquences d’isolement des genres fongiques selon
le site des prélèvements rappelle la nécessité de pratiquer des prélèvements
variés en vue d’établir un statut fongique le plus complet possible dans un
logement. Ce qui a été le cas dans notre étude.
Par ailleurs Scytalidium sp retrouvé sur les draps d’un des patients inclus
n’a aucune signification par rapport au terrain atopique, l’hypothèse serait que
ce patient a peut être une onychomycose à Scytalidium sp (qui n’est pas rare) et
que ce qu’on a retrouvé au prélèvement de surface correspond aux fragments
d’ongles qui peuvent rester collés aux draps.
La diversité de la flore fongique retrouvée dans notre étude pourrait avoir
une implication non négligeable dans l’évolution des allergies ou des
pathologies respiratoires induites.
Enfin, ces résultats préliminaires nous confortent dans notre démarche et
notre raisonnement. L’étude immuno-allergique que nous comptons effectuer,
nous permettra d’établir la corrélation entre les moisissures retrouvées dans les
habitations et les manifestations allergiques chez les patients. En effet, les études
des réactions immunitaires chez des sujets allergiques, par des tests cutanés ou
sériques, démontrent la présence d’anticorps spécifiques aux genres, parfois
même à l’espèce de moisissures [26, 28, 81, 85]. Cette approche nous permettra
également d’établir une cartographie des espèces fongiques par manifestation
clinique.
En effet, des études sérologiques plus fines ont permis d’identifier plusieurs
moisissures comme étant responsables de pneumonites d’hypersensibilité (ou
alvéolite allergique extrinsèque) (Aspergillus fumigatus, Aspergillus flavus,
Aureobasidium pullulans, Penicillium sp, Absidia sp, Eurotium sp, etc.) [64, 65,
66, 94, 95].
85
VI. CONCLUSION
À la lumière des données recueillies, il y a lieu, dans une perspective de
santé publique, de se préoccuper des problèmes de prolifération de moisissures
en milieu intérieur tout comme des conditions favorisant leur croissance. L’audit
environnemental est un outil intéressant pour évaluer l’exposition aux
moisissures à partir des différents réservoirs domestiques potentiels (air,
surface). En effet, les résultats même s’ils sont préliminaires font suspecter qu’il
existerait une corrélation entre la présence de réservoirs fongiques apparents
dans le logement et un risque accru d’exposition aux spores fongiques et les
manifestations cliniques.
Dans un futur proche, l’étude prospective que nous comptons mener au
cours de cet audit environnemental au niveau de la Wilaya de rabat, Salé,
Zemmour, Zaër, devrait permettre d’appréhender de manière plus satisfaisante
l’exposition aux moisissures. L’objectif de cet audit est d’apporter une aide au
diagnostic du médecin par la mesure de l’exposition aux moisissures
domestiques et d’établir une corrélation entre les moisissures retrouvées et les
manifestations cliniques.
86
CONCLUSION GENERALE
La présence de la mycoflore dans les logements, ses modalités de
développement et ses conséquences constituent un domaine peu connu par le
grand public et les professionnels de santé. De nombreux prélèvements,
associant différentes techniques (air, surface) et effectués sur des sites variés
(chambre à coucher, salle de bain …), sont nécessaires pour l’obtention du profil
fongique d’un logement. La corrélation entre cette mycoflore et les
manifestations cliniques chez les occupants existe et est confirmée par de
nombreuses études. Par ailleurs, si les espèces retrouvées dans notre étude sont
couramment rencontrés dans d’autres pays, il apparaît qu’elles peuvent changer
au cours du temps.
Ainsi, une étude prospective prenant en compte les modalités de prélèvement,
des informations sur le logement (humidité, matériaux …), des données sur les
habitants (facteurs de risque), ainsi qu’une étude immuno-allergologique
complète, permettrait non seulement une meilleure évaluation du risque d’atopie
ou de pathologies respiratoires dans nos logements et d’établir une corrélation
entre les moisissures retrouvées et les symptômes cliniques, mais aussi
d’émettre des recommandations concernant les mesures de protection des
occupants, s’il y a lieu ; la correction des conditions sous-jacentes à la
prolifération fongique ; le suivi médical des occupants et enfin l’évaluation
environnementale post-décontamination, s’il y a lieu.
87
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