Provence-Alpes-Côte d'Azur, Var, Toulon, 13 rue de Lorgues, 155 rue Saint-Bernard
édifice logistique dit Manutention des vivres IA83001931
26 mai 2017 Page 4
En 1840, l’administration du génie constatait l’inadéquation de l’édifice affecté à la manutention des vivres militaires,
situé en ville, rue Saint-Cyprien, exigu et vétuste, de même que l’insuffisance en capacité de la boulangerie située sur le
quai est de la darse vielle, à l’abri de la face gauche du demi-bastion 5 du front de mer de l’enceinte urbaine des XVIe-
XVIIe siècles, dit bastion de la Poncherimade. En conséquence, un projet de manutention avait été proposé en 1841 et
1842, sur la face droite du même bastion, au sud-est de la darse vieille ; toutefois cet emplacement imposait d’élargir le quai
par enrochement et remblaiement au dépens du bassin de la darse, et de fonder le bâtiment sur pilotis. Il resta sans suite.
L’article 6 des projets pour les exercices 1858-1859 relatifs aux bâtiments militaire, établi sous la direction du chef du
génie Antoine Long, concerne la construction d’une nouvelle manutention de grande capacité, avec dépôt des subsistances,
intégrant les données d’une dépêche ministérielle du 15 juin 1857 qui avait fixé la contenance des magasins de subsistances
à 3600 quintaux de blé et 6000 quintaux de farine.
Le nouvel emplacement choisi intra-muros et contigu à la rue du rempart était rendu possible par la démolition des fronts
nord et ouest de l’enceinte des XVIe-XVIIe siècles, remplacés par les nouveaux fronts de l’extension de l’enceinte projetée
depuis 1845, exécutée à partir de 1852. En 1859, la nouvelle enceinte était en cours d’achèvement, et l’ancienne en cours
de démolition. Prit essentiellement dans l’emprise non bâtie et à remblayer de l’ancien fossé, l’emplacement est proche
de la rue Saint-Cyprien et du bastion 7 (Saint-Bernard), l’un de ceux conservé du front est de l’ancienne enceinte, en
l’occurrence adapté pour faire raccord avec le front ouest de la nouvelle enceinte (K-L-M).
Il s’agit d’un îlot triangulaire dont le côté sud se superposait à l’ancienne courtine 7-8 détruite, le côté ouest à l’ancien
flanc droit du bastion 8 détruit, le côté nord-est étant délimité par la rue du rempart longeant la nouvelle courtine 7-M,
et l’angle nord étant contigu de la place située au débouché intra-muros de la nouvelle porte Notre-Dame, percée dans
la courtine 7-M, près du bastion M.
La capacité du nouvel établissement est définie dans le mémoire de 1858 : « d’après le projet récemment étudié et pour
lequel on a fait choix d’un îlot situé sur la place Notre-Dame, sur le terrain militaire dépendant de l’ancienne enceinte,
le nombre des fours, l’étendue des magasins, devraient suffire à l’alimentation de 30.000 hommes pendant 4 mois, et les
bâtiments devraient comprendre en outre les diverses dépendances indiquées par le règlement du 27 décembre 1827 sur le
service des subsistances (soit, inclus dans le projet : bâtiment d’administration, magasin à blé, paneterie et greniers à blé et
à farines, boulangerie, écuries, mur d’enceinte). On propose d’adopter le système Huard1 dans la construction des greniers
et on réserverait enfin l’emplacement nécessaire à l’établissement d’une machine à vapeur (…) le chef du génie propose
de commencer les travaux (…) dans l’exercice 1859, après qu’il aura été statué sur la démolition de l’ancienne enceinte.»2
En 1861, après nivellement des terrains, les bâtiments A et B, jointifs et constitués de la longue aile ouest (B), dite des
magasins, et son petit retour d’équerre nord-est, (A) dit de l’administration, sont construits au niveau du soubassement ou
caves voûtées d’arêtes sur deux rangées de piliers libres (silos à salaisons et caves à liquides) et de l’amorce du rez-de-
chaussée (greniers à grains dans l’aile B, petite annexe des greniers, bureaux, logement du concierge, escaliers, etc, dans
l’aile A).3 L’aile B est traversée en son centre par un passage charretier flanqué d’une cage d’escalier et du bureau des
réceptions. L’aile A est aussi traversée par un passage analogue, de moindre gabarit. Les trois étages restant à exécuter
sont destinés aux greniers à farines dans l’aile B, au logement du comptable (premier étage) et à des magasins à vivres
de campagne et à grains (second et troisième étage). Les trois niveaux de greniers forment un grand volume décloisonné
ponctué par deux rangées de piliers métalliques délestant la poutraison.
Reste alors intégralement à construire le bâtiment C, ou aile sud, dite de la boulangerie, en retour d’équerre mais
indépendante, destiné à un fournil de 9 fours, avec paneterie pouvant contenir 35000 rations, le tout au dans un rez-de-
chaussée voûté, surmonté de deux étages, le premier destiné à un dépôt de farines mélangées et salle des mélanges, le
second à un magasin aux farines. Les volumes des étages projetés sont rythmés de piliers métalliques. Une petite galerie-
coursive en charpente de métal est prévue au niveau du premier étage entre le bâtiment B et le bâtiment C.
En mai 1870, le chantier de construction de la manutention, ralenti ou interrompu par des difficultés de financement, n’a
que médiocrement avancé en neuf ans : le bâtiment continu en deux ailes, de l’administration et des magasins ( A – B)
est entièrement construit depuis 1865, et occupé mais certaines finitions exigent encore une dépense, respectivement, de
1300 francs et de 170 francs. L’aile de la boulangerie (C) reste à peu près entièrement à construire, moyennant 175.530
francs. D’après les plans,4 le projet n’a pas changé, excepté la galerie métallique entre B et C, prévue cette fois sur les
deux étages. Le bâtiment C ne semble avoir été construit qu’après 1872.
Aujourd’hui, les bâtiments de l’ancienne manutention, entièrement restaurés et réaménagés, abritent la cité administrative
départementale, services sociaux, et le centre des finances publiques.
Analyse architecturale
Bien que conservés assez largement, et peu modifiés dans leur structure et leurs élévations extérieures restaurées, les
deux bâtiments de l’ancienne manutention ont été profondément redistribués et densément recloisonnés intérieurement,
ce qui rend la plupart des volumes intérieurs méconnaissables, empêchant de vérifier la possible conservations de certains
éléments, comme les piliers métalliques des étages anciennement décloisonnés et dévolus à des greniers à grain et à farine,
aujourd’hui redécoupés en de nombreux bureaux, avec cloisons isolantes et faux plafonds suspendus. La description de
l’organisation intérieure est donc donnée en priorité ci-dessous, dans la partie historique, d’après les plans des archives
du Génie.