Projet de coopération transfrontalière France-Italie Alcotra 2007-2013 Espèces exotiques invasives et nuisibles dans les prairies de montagne Réalisé dans le cadre du projet NAPEA ESPèCES EXOTIQUES INVASIVES ET NUISIBLES DANS LES PRAIRIES DE MONTAGNE Caractéristiques, diffusion et méthodes de lutte Maëlle Talichet, Annalisa Curtaz, Elena Barni, Mauro Bassignana, Dario Masante, Yves Pauthenet, Consolata Siniscalco ESPèCES EXOTIQUES INVASIVES ET NUISIBLES DANS LES PRAIRIES DE MONTAGNE Caractéristiques, diffusion et méthodes de lutte Maëlle Talichet, Annalisa Curtaz, Elena Barni, Mauro Bassignana, Dario Masante, Yves Pauthenet, Consolata Siniscalco ESPèCES EXOTIQUES INVASIVES ET NUISIBLES DANS LES PRAIRIES DE MONTAGNE Coordonné par Annalisa Curtaz et Mauro Bassignana Projet graphique Lauriane Talichet Auteurs Maëlle Talichet, Suaci Alpes du Nord-GIS Alpes Jura, Saint-Baldoph (F) Annalisa Curtaz, IAR, Aoste (I) Elena Barni, Département de Biologie Végétale de l’Université de Turin (I) Mauro Bassignana, IAR, Aoste (I) Dario Masante, Département de Biologie Végétale de l’Université de Turin (I) Yves Pauthenet, Suaci Alpes du Nord-GIS Alpes Jura, Saint-Baldoph (F) Consolata Siniscalco, Département de Biologie Végétale de l’Université de Turin (I) Traduction Maria Clelia Bassi Fayet Le projet Le projet NAPEA (2009-2011) a été cofinancé par l’Union Européenne, par le biais du FESR, dans le cadre du programme ALCOTRA 2007-2013 (projet n. 101) de la République Italienne et de la Région Autonome Vallée d’Aoste. Les partenaires du projet sont: la Région Autonome Vallée d’Aoste, l’Assessorat de l’Agriculture et des Ressources Naturelles (chef de file); l’Institut Agricole Régional, Aoste (I); le SUACI Alpes du Nord, Saint-Baldoph (F). Editeur Institut Agricole Régional, Rég. La Rochère 1/A, I-11100 Aoste. Année 2011 Imprimerie Tipografia Testolin Bruno ISBN 978-88-906677-8-7 Remerciements Les auteurs souhaitent remercier tous les agriculteurs qui ont collaboré, avec la plus grande disponibilité, aux activités de recherche ainsi que toutes les personnes qui ont prêté leur précieuse contribution à la réalisation du projet et de cette publication: Luca Dovigo, Cristina Galliani, Santa Tutino, Andrea Chevalier, Paolo Cretier, Nicola Gérard, Claudia Linty, Luigi Pepellin et Cristiano Sedda, Assessorat de l’Agriculture et des Ressources Naturelles de la Région Autonome Vallée d’Aoste ; Diego Arlian, Luca Carrel, Francesca Madormo et Alessandro Neyroz, Institut Agricole Régional, Aoste; Fanny Journot et Cécile Meyer, SupAgro, Montpellier et IAR; Maxime Pernel, Agrocampus Ouest, Rennes, e SUACI Alpes du Nord; Maurizio Bovio et Laura Poggio, botanistes, Aoste; Francesco Vidotto, Département d’Agronomie, Sylviculture et Gestion du Territoire de l’Université de Turin; Angèle Barrel, Ordre des Ingénieurs Agronomes et des Ingénieurs Forestiers de la Vallée d’Aoste ; Ezio Mossoni, Coldiretti Vallée d’Aoste. Crédits photographiques Les photos du manuel sont des auteurs, sauf mention contraire dans la légende, à l’exception de: Figure en bas de couverture: FDGDON 74 Figure 15: D. Bouvet (Dép. Biologie Végétale, UNITO) Figure pag. 65: Y. Chaval (INRA-CBGP) Sommaire Avant propos .......................................... Le projet NAPEA ...................................... Bourse d'étude "Ugo et Liliana Brivio"..... 5 5 6 1 Introduction ......................................... 1.1 L'expansion d'espèces exotiques invasives et nuisibles dans les prairies permanentes en Vallée d’Aoste et dans les Alpes du Nord .................................... 1.2 Qu'est-ce qu'une espèce invasive? ... 7 2 Développement des activités ............ 2.1 Recherche bibliographique ............... 2.2 Suivi de la diffusion des espèces invasives .................................................. 2.3 Essais de lutte ................................... 11 12 3 Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) ................................... 3.1 Caractéristiques de l'espèce ............. 3.2 Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste ....................... 3.3 Modalité de propagation ................... 3.4 Dangerosité ....................................... 3.5 Prévention ......................................... 3.6 Méthodes de lutte ............................. 3.7 Essais d'éradication de la berce du Caucase ................................................... 4 Renouée du Japon hybride (Reynoutria x bohemica) ........................ 4.1 Caractéristiques de l'espèce ............. 4.2 Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste ....................... 4.3 Modalité de propagation ................... 4.4 Dangerosité ....................................... 4.5 Prévention ......................................... 4.6 Méthodes de lutte ............................. 4.7 Essai d'éradication de la renouée du Japon hybride ..................................... 8 9 12 13 15 16 19 20 20 21 21 24 29 30 32 33 34 35 36 40 5 Séneçon du Cap (Senecio inaequidens) ........................................... 5.1 Caractéristiques de l'espèce ............. 5.2 Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste ....................... 5.3 Modalité de propagation ................... 5.4 Dangerosité ....................................... 5.5 Méthodes de lutte ............................. 6 Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord ................................... 6.1 Avis d’experts ................................... 6.2 Point de vue de la bibliographie ........ 6.3 Espèces indigènes causant préjudice à l'agriculture ........................................... 6.4 Pour en savoir plus ............................ 7 Espèces animales: le campagnol terrestre (Arvicola terrestris) ................. 7.1 Campagnols terrestres, campagnols des champs et taupes .............................. 7.2 Diffusion en France ........................... 7.3 Diffusion en Vallée d'Aoste ................ 7.4 Dynamiques de la population ........... 7.5 Dégâts ............................................... 7.6 Méthodes de lutte.............................. 7.7 Lutte raisonnée ................................. 7.8 Actions de rénovation des prairies .... 7.9 Recommandations et perspectives ... Bibliographie .......................................... Heracleum mantegazzianum .................... Reynoutria spp. ........................................ Senecio inaequidens ................................ Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord...................................... Arvicola terrestris ..................................... 45 46 47 49 49 51 55 56 57 58 60 63 64 65 66 66 67 67 70 70 72 73 74 74 75 76 77 Avant propos Ce texte est le résultat de l’activité réalisée par l’Institut Agricole Régional et le Suaci Alpes du Nord, dans le cadre du projet NAPEA, et par le Département de Biologie Végétale de l’Université de Turin, dans le cadre de la bourse d’étude “Ugo et Liliana Brivio” intitulée “Plantes exotiques invasives constituant une menace grave pour la biodiversité, l’économie et la santé: relevé de leur diffusion en Vallée d’Aoste et propositions pour leur contention et éradication”. Le projet NAPEA NAPEA est un projet de coopération transfrontalière entre la France et l’Italie réalisé dans le cadre du programme Interreg III Alcotra. La coordination globale du projet est assurée par l’Assessorat de l’agriculture et des ressources naturelles de la Région Autonome Vallée d’Aoste. Les partenaires techniques sont, pour la France, le Suaci Alpes du Nord et, pour l’Italie, l’Institut Agricole Régional (IAR). Les territoires d’étude sont en effet la Vallée d’Aoste en Italie et les départements de Savoie et de Haute-Savoie en France. L’objectif global du projet est l’acquisition de références sur la diversité et la gestion des prairies permanentes en Vallée d’Aoste et en Pays de Savoie (départements de la Savoie et de la Haute-Savoie). D’un point du vu opérationnel, le projet comporte trois volets d’actions techniques : Volet n°1 : État des lieux de la diversité des prairies permanentes de fauche L’objectif de ce volet est i) de caractériser la diversité des prairies de fauche en terme de types de végétation et de richesses en espèces ii) d’analyser comment cette diversité est prise en compte et gérée au sein des exploitations. Volet n°2 : Préserver la biodiversité et la production des prairies permanentes face à l’invasion d’espèces envahissantes. Les espèces végétales d’origine exotique très compétitives et parfois dangereuses pour la santé animale et humaine remplacent peu à peu les espèces locales. De plus, la prolifération d’espèces animales (campagnols, sanglier) est à l’origine de dégradations de la flore des prairies. Ainsi, le volet n°2 du projet NAPEA s’intéresse aux espèces animales et végétales envahissantes, qui diminuent la production des prairies en qualité et en quantité, et qui constituent une menace réelle pour la diversité des prairies. Volet n°3 : Impact des travaux de rénovation et d’amélioration foncière sur les prairies permanentes. A l’occasion de la mise en œuvre d’équipements techniques, ou encore pour réparer les dégâts provoqués par des calamités naturelles, des opérations de rénovation ou d’amélioration foncière sont à réaliser dans le but de mettre en place des terrains dont la qualité du sol en permette une utilisation agricole durable. Le volet n°3 du projet NAPEA a pour but Avant propos 5 d’apporter des réponses sur les bonnes pratiques afin d’aboutir en quelques années à des prairies permanentes aux valeurs agronomiques et agricoles satisfaisantes. Chaque volet d’action fait l’objet d’une synthèse technique. La présente synthèse rend compte des travaux du volet 2. Bourse d’étude “Ugo et Liliana Brivio” La connaissance de la présence et de la dispersion d’espèces exotiques sur un territoire est la condition fondamentale pour suivre dans le temps leur expansion et pour intervenir le cas échéant. La bourse d’étude “Ugo et Liliana Brivio”, dont a bénéficié Dario Masante, a été financée par l’Assessorat de l’Education et de la Culture de la Région Autonome Vallée d’Aoste dans le but de vérifier le niveau d’invasion des espèces exotiques sur le territoire régional. L’activité de Dario Masante a été programmée par le Service des espaces protégés de l’Assessorat de l’Agriculture et des Ressources Naturelles de la Région Autonome Vallée d’Aoste et par le Département de Biologie Végétale de l’Université 6 Avant propos de Turin. Elle s’est déroulée au sein du Département de Biologie Végétale. Dans le cadre de la recherche “Plantes exotiques invasives constituant une menace grave pour la biodiversité, l’économie et la santé: relevé de leur diffusion en Vallée d’Aoste et propositions pour leur contention et éradication” , trois plantes ont fait l’objet d’une étude : Heracleum mantegazzianum Sommier et Levier, Senecio inaequidens DC. et Reynoutria sp.: R. japonica (Houtt.) R. Decr., R. sachalinensis (F. Schmidt) Ronse Decr., R. x bohemica (Chrtek & Chrtkova) J. Bailey. Ces trois espèces font en effet partie de la liste noire de la loi régionale n. 45/2009 pour la conservation de la flore et sont en forte expansion dans le nord de l’Italie. Une cartographie détaillée de la localisation et de l’extension des peuplements de ces espèces a donc été réalisée de façon à pouvoir contrôler leur diffusion dans les prochaines années. Des méthodes expérimentales de contrôle et d’éradication ont été également mises en œuvre. En Vallée d’Aoste, en tenant en compte des conditions climatiques et géomorphologiques particulières, il est encore envisageable, sinon d’éradiquer ces espèces, tout au moins de limiter leur propagation. Chapitre 1 Introduction 7 Chapitre 1 Introduction 1.1L’expansion d’espèces exotiques invasives et nuisibles dans les prairies permanentes en Vallée d’Aoste et dans les Alpes du Nord Ces dernières décennies, les dynamiques de migration des espèces végétales et animales d’un continent à l’autre se sont accrues. L’intensification des échanges et des transports a provoqué l’augmentation du nombre d’espèces allochtones introduites pour la première fois dans des régions non originaires. Au niveau mondial, ce phénomène est tellement préoccupant que l’invasion d’espèces exotiques est considérée comme l’une des principales menaces pour la biodiversité, capable de mettre en péril les espèces autochtones, les habitats naturels et les paysages. Les milieux anthropisés sont les plus riches en espèces exotiques: les milieux urbains et agricoles, les bords de routes et les talus ferroviaires (Fig. 1). Parmi les milieux naturels, les plus menacés sont les zones riveraines et côtières. Le danger potentiel et la vitesse d’expansion de certaines de ces espèces préoccupent tant par les conséquences environnementales (en absence de limiteurs naturels elles peuvent prédominer, occupant des niches écologiques et réduisant fortement la présence des espèces autochtones), que par l’impact négatif sur les productions agricoles, ainsi que, dans des cas spécifiques, par le risque sanitaire vis-àvis de la population. 8 Chapitre 1 - Introduction Trois espèces végétales, parmi les plus récemment introduites dans les Alpes, sont en expansion dans les prairies et les pâturages, au point de représenter un danger non seulement pour la végétation naturelle mais également pour l’activité agricole et, plus généralement, pour la population et pour les consommateurs. Ces trois espèces sont: • la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) • la renouée du Japon hybride (Reynoutria x bohemica) • le séneçon du Cap (Senecio inaequidens) Dans cette publication, nous allons présenter les caractéristiques principales de ces espèces, les raisons de leur menace et les stratégies envisageables de contrôle et de lutte. Nous allons aussi traiter brièvement de certaines espèces autochtones nuisibles à l’agriculture et finalement, approfondir le thème du campagnol (Arvicola terrestris), un rongeur qui devient particulièrement menaçant pour la culture des prairies permanentes dans certaines zones alpines. FIGURE 1 Fig. 1 Invasion de Senecio inaequidens le long du ballast du chemin de fer. 1.2 Qu’est-ce qu’une espèce invasive? Avant de procéder à la description des espèces invasives, il faut préciser la terminologie employée dans ce texte. Une mauvaise herbe est une plante qui pousse dans un lieu où elle n’est pas souhaitée et qui peut avoir un impact important sur l’économie et l’environnement. Tel est le cas du chiendent, de la berce, du rumex et du panais sauvage, de mauvaises herbes typiques des prairies permanentes de montagne. Habituellement, ces plantes sont liées aux milieux anthropisés et manifestent une tendance limitée à coloniser de nouveaux milieux, contrairement aux espèces invasives. Les espèces exotiques (appelées également aliènes ou allochtones) sont des espèces introduites accidentellement ou volontairement dans une zone géographique différente de celle d’origine. Selon leur dynamique d’implantation dans un nouveau territoire, elles peuvent être classées en fugaces, naturalisées et invasives. Une espèce fugace est une plante exotique capable de fleurir et de se reproduire occasionnellement, sans s’implanter durablement dans la nouvelle zone, n’ayant pas la possibilité de former des populations persistantes dans le temps. Sa présence est étroitement liée à de nouvelles introductions. L’implantation d’une espèce végétale dans une nouvelle zone dépend de sa capacité à surmonter les barrières environnementales (conditions climatiques adverses, prédations des graines ...) et reproductives (absence de pollinisateurs spécifiques, absence d’individus des deux sexes dans le cas des espèces dioïques ...). Une espèce naturalisée est une plante exotique formant des populations stables et capables de se reproduire sans l’intervention de l’homme. Une espèce naturalisée peut se reproduire par voie sexuée ou se multiplier par voie végétative (rhizomes, bulbes et fragments de la plante). Une espèce naturalisée devient invasive au moment où elle réussit à se propager rapidement même à une distance remarquable de la source originaire des propagules. Elle est donc en mesure de coloniser de larges extensions et d’envahir, parfois, des milieux naturels et semi-naturels. Dans le cadre de la Stratégie Européenne sur les Espèces Invasives1 sont définies comme invasives les espèces allochtones qui, outre les caractéristiques ci-dessus, représentent également une menace pour la biodiversité et sont susceptibles de causer des préjudices importants aux activités (problématiques socioéconomiques) et/ou à la santé humaine. http://ec.europa.eu/environment/nature/ invasivealien/index_en.htm 1 Loi Régionale 45/2009 La loi régionale n. 45 du 7 décembre 2009 “Portant dispositions en matière de protection et de conservation de la flore alpine et abrogation de la loi régionale n° 17 du 31 mars 1977” est le nouvel outil législatif pour la protection de la flore de la Vallée d’Aoste. Cette loi présente de nombreuses nouveautés par rapport à la régulation précédente (classement et nombre d’espèces insérées, réglementation de la cueillette et de l’emploi, etc.) mais surtout elle aborde la problématique des espèces invasives. En effet, l’article 9 mentionne : “Il est interdit d’introduire des espèces végétales allochtones ou aliènes dans les environnements naturels[…], Le Gouvernement régional peut adopter d’éventuelles mesures pour encourager l’éradication d’espèces végétales allochtones ou aliènes incluses dans l’annexe F”. Les trois espèces indiquées dans l’annexe F de cette loi, considérées en tant que menace réelle pour la biodiversité, l’agriculture, le bétail et l’homme sont: Heracleum mantegazzianum, Reynoutria x bohemica et Senecio inaequidens. Chapitre 1 - Introduction 9 Chapitre 2 Développement des activités 11 Chapitre 2 Développement des activités 2.1Recherche bibliographique La phase initiale du projet a été consacrée à la recherche de données sur les trois espèces végétales invasives et sur le campagnol terrestre (Arvicola terrestris). Des articles scientifiques, des rapports, des livres, des publications imprimées ou disponibles sur internet ont été consultés. Le riche matériel recueilli a représenté une aide précieuse pour la phase de définition des activités de recherche et d’expérimentation prévue dans le projet. Par exemple, en automne, le séneçon est encore en floraison et ses fleurs jaunes sont facilement repérables, tandis que les arbustes de la renouée prennent, à ce moment de l’année, une éclatante coloration rouge-brunâtre (Fig. 2-3). 2.2Suivi de la diffusion des espèces invasives De l’automne 2009 à l’automne 2010, une campagne de relevés a été effectuée pour évaluer la diffusion de la berce du Caucase, de la renouée du Japon hybride et du séneçon du Cap sur le territoire valdôtain. Pour des raisons pratiques, le contrôle de la totalité du territoire régional n’étant pas faisable, un plan de relevés a été déterminé couvrant toute la vallée centrale ainsi que l’entrée des vallées latérales, se concentrant ainsi sur les zones à plus forte densité résidentielle et à majeure présence d’activités agricoles. La localisation des espèces invasives a eu lieu surtout en automne, saison durant laquelle l’identification de ces trois espèces invasives est plus facile par rapport à la végétation environnante (en phase de végétation tardive ou sénescente). 12 Chapitre 2 - Développement des activités Fig. 2 Floraison de Senecio inaequidens au mois de novembre. Fig. 3 Coloration rouge-brunâtre de Reynoutria x bohemica au mois de novembre. Les colonies de la berce du Caucase, espèce introduite par l’homme à but ornemental, sont bien délimitées. Le relevé des zones envahies s’est fait sur la base d’indications préalables, élargi ensuite à des zones de colonisations plus récentes. La plus large distribution du séneçon et de la renouée sur le territoire régional, par contre, a été relevée avec un système de détection en continu moyennant une antenne satellitaire (mis au point par Francesco Vidotto du Département d’Agronomie, Sylviculture et Gestion du Territoire de l’Université de Turin), grâce auquel il a été possible d’enregistrer rapidement et d’une façon très détaillée les colonies identifiées durant le parcours. Cette technique a permis de recueillir des données se référant à de larges zones et de réaliser les cartographies de diffusion des espèces. Dans certaines zones particulièrement intéressantes, une recherche plus approfondie a eu lieu sur la population avec l’élaboration d’une fiche de terrain sur laquelle les don- nées suivantes ont été enregistrées: - caractéristiques de la station (coordonnées UTM, altitude, exposition, inclinaison); - extension du peuplement (m2); - abondance (n° individus/m2) ; - habitat; - phénologie; - distance des cours d’eau, des routes et des voies ferrées. 2.3Essais de lutte A partir du mois d’octobre 2009 et jusqu’à l’été 2011, des essais de lutte ont été menés contre les espèces invasives, afin d’évaluer et de confronter les différentes méthodes d’élimination ou de limitation de ces espèces. Des essais de lutte ont également été effectués sur le campagnol. Les techniques expérimentées sur chaque espèce sont décrites dans les chapitres suivants. Chapitre 2 - Développement des activités 13 Chapitre 3 Berce du Caucase 15 Chapitre 3 · Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) 3.1 Caractéristiques de l’espèce La berce du Caucase est une ombellifère pérenne monocarpique originaire du Caucase, ayant commencé à se diffuser en Europe occidentale à la première moitié du XIXème siècle. Elle s’adapte très bien dans les milieux de moyenne et basse montagne, tout en montrant également une excellente capacité d’adaptation à des altitudes inférieures. Sa hauteur varie de 1,5 à plus de 4 mètres au moment de la floraison, avec de grandes ombelles (les plus grandes atteignant 50 cm de diamètre) à 50-150 rayons (Fig. 4). Fig. 4 Inflorescence d’Heracleum mantegazzianum. Les pétales des fleurs sont blancs ou rosés. Les fruits sont des akènes légèrement ailés, longs de 10-11 mm et larges de 6-7 mm. La tige, robuste et creuse, mesure 5-10 cm de diamètre à la base. Les feuilles sont longues de 50 cm à 3 m, divisées en segments ou profondément tripartites. 16 Le bord des feuilles est denté avec des dents majeures longues et acuminées (Fig. 5). Fig. 5 Feuilles d’Heracleum mantegazzianum. Cette plante se différencie facilement des autres espèces du même genre par sa grande taille et par son port majestueux qui en ont fait une plante ornementale. Parmi les caractéristiques distinctives par rapport à la berce commune (Heracleum sphondylium, Fig.6), espèce autochtone diffusée dans les vallées de l’arc alpin (Fig. 6), nous pouvons mentionner: • la plus grande taille des plantes (Fig. 7); • le nombre de rayons des ombelles, toujours supérieur à 50; • les tiges avec des taches rouges, moins pubescentes mais avec de longs poils (Fig. 8); • la plus grande dimension des feuilles, le port et la forme (plus incisées et avec des dents plus acuminées). Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza Fig. 6 La berce des prés (Heracleum sphondylium) est une espèce inoffensive, abondante dans les prairies de montagne fraîches et très fertilisées. Fig. 7 Dimensions d’un individu d’Heracleum mantegazzianum à l’époque de la floraison. Fig. 8 Tige d’Heracleum mantegazzianum. 3.1.1 Biologie reproductive • S’agissant d’une espèce monocarpique, la floraison et la dissémination déterminent la mort de chaque individu. Normalement, dans les régions de montagne, une plante vit de 3 à 5 ans. • Le pâturage freine le développement de l’individu et retarde l’avènement de la floraison, celle-ci pouvant se produire jusqu’à 12 ans après la germination. • La floraison dure plus d’un mois pour chaque individu (jusqu’à 60 jours dans certains endroits), à partir de fin juin. Les ombelles fleurissent en séquence centrifuge, à commencer par la terminale principale. • Un mois et demi après la floraison, les fruits mûrissent et commencent à être disséminés; un individu arrive à produire jusqu’à 10.000 fruits (Fig. 9). Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 17 3.1.2 Caractéristiques des peuplements Fig. 9 Fruits d’Heracleum mantegazzianum. • Cette espèce a d’excellentes capacités d’autofécondation, si elle est isolée ou dans des populations dispersées, ce qui rend ainsi possible l’invasion d’une zone relativement étendue à partir d’un seul et même individu. • H. mantegazzianum se reproduit seulement par semences. Au sol, la banque de graines n’est pas persistante, car la plupart des graines germent la première ou la deuxième année. Toutefois, environ 1% des graines restent dormantes pendant au moins trois ans. 95% des graines se trouvent dans les premiers 5 cm de profondeur du sol. Dans des peuplements échantillons, plus de 3.500 graines/m2 ont été répertoriées. • Au printemps, dès le dégel de la neige, les graines germent. Il a été relevé qu’à des températures entre 2°C et 6°C, la germination est graduelle et prolongée. Les graines présentent des taux de germination très élevés: les tests de laboratoire ont mesuré une capacité de germination de 90%. • La dispersion des graines se produit grâce à l’eau, au vent et aux activités humaines. Chez les plantes de 2 m de hauteur, 60-90% des graines retombent dans un rayon de 4 m de la plante mère, mais dans l’eau les fruits peuvent flotter jusqu’à 8 heures, rendant possible leur transport à longue distance le long des cours d’eau. 18 • La densité de plantules arrive à 400500 par m2. La première année, la mortalité est haute: selon les observations effectuées en République Tchèque et en Allemagne, elle dépasse 99%. • Dans des prairies non perturbées ou dans des milieux à forte couverture végétale, la probabilité de survie des plantules est très basse. Toutefois, leur résistance au froid et leur germination précoce représentent un avantage compétitif par rapport à d’autres espèces. • Selon les zones, la densité de plantes adultes au moment de la floraison est variable, restant en moyenne d’environ 0,7 plantes/m2. • La berce du Caucase est repérable dans de nombreux habitats différents, où elle développe des peuplements à dimensions variables. Sur la base d’une étude réalisée en Allemagne, sur 200 sites envahis, 39% étaient des mégaphorbiées, 18% des prairies pâturées et 26% des prairies perturbées. Les sites à sols riches en éléments nutritifs, mais perturbés et sans gestion régulière, représentent des zones potentielles d‘invasion. L’abandon d’un terrain cultivé est le facteur principal favorisant l’implantation de cette espèce. • La culture régulière du terrain, l’ombragement, la basse disponibilité d’éléments nutritifs et d’eau limitent l’implantation de cette espèce, en l’excluant totalement en cas de succession secondaire vers la forêt. • A l’échelle du paysage, la connectivité entre les habitats, qui dépend des corridors de dispersion des graines et de la proximité des colonies, a son incidence sur la probabilité d’invasion. • Dans les prairies perturbées, l‘augmentation du développement de H. mantegazzianum entraîne la réduction du nombre d’espèces herbacées présentes, dû en Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza particulier au fort ombragement que cette plante exerce sur les autres plantes herbacées. • Potentiellement, dans des sites naturels particulièrement prisés, la berce du Caucase peut mettre en péril des espèces rares et menacées. • En supprimant le tapis herbager constitué par des espèces herbacées plus basses, H. mantegazzianum peut accentuer les risques d’érosion des berges des cours d’eau, dénudant le sol durant l’hiver. 3.2Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste Au cours des années et à différentes reprises, cette espèce a été introduite en Vallée d’Aoste. Sa première introduction a peut-être eu lieu dans des jardins alpins, où elle a attiré l’attention du public. L’introduction la plus importante de H. mantegazzianum s’est avérée près de Courmayeur, à La Palud, où elle a été utilisée pour la revégétalisation de talus autour des parkings. Plus tard, malgré la décision prise d’éliminer Fig. 10 Intensité de diffusion d’Heracleum mantegazzianum détectée en Vallée d’Aoste (2009-2010). Le vert indique l’absence de signalements ; la variation du jaune au rouge indique une présence croissante. cette espèce dans cette localité, sa dispersion répétée lui a permis de se développer sans contrôle au-delà de la surface de première implantation. Nous pouvons la rencontrer aujourd’hui dans les friches environnantes, dans les sous-bois ouverts et le long des torrents. Il est difficile de déterminer l’origine des autres implantations dans les environs de Courmayeur, mais nous imaginons qu’il s’agit soit d’évènements accidentels soit d’introductions volontaires. Actuellement, des populations invasives de la berce du Caucase se trouvent à Courmayeur (La Palud et autres localités), Ayas (Lignod, Magneaz, Palouettaz), Antey-Saint-André et Breuil-Cervinia (Fig. 10). Il s’agit donc d’une espèce encore sporadique dans la région, quoiqu’elle soit plus diffusée qu’on ne le pensait avant la campagne de relevés menée dans le cadre de ce projet. Pour le moment, la diffusion dans des jardins privés, potentiellement zones d’origine de nouvelles invasions, nous semble limitée à des localités peu nombreuses (Fig. 11). Fig. 11 Colonies d’Heracleum mantegazzianum détectées en Vallée d’Aoste en 20092010. Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 19 3.3Modalité de propagation • La berce du Caucase est en mesure de coloniser des milieux très différents, indépendamment de la végétation préexistante (Fig. 12 et 13); une fois implantée dans l’habitat, cette espèce est peu touchée par les caractéristiques stationnelles. • Sur la base de nos observations, en Vallée d’Aoste, l’homme est le premier responsable de la diffusion et de la persistance de cette espèce dans les zones de nouvelle introduction. Fig. 12 Individu d’Heracleum mantegazzianum dans une prairie de fauche. Fig. 13 Peuplement d’Heracleum mantegazzianum le long d’un talus routier. 20 • Contrairement à d’autres espèces exotiques, se développant préférablement le long des rivières et des torrents, son expansion ne semble pas spécialement liée aux cours d’eau. • La période d’aménagement de cette espèce dans une nouvelle région est de 60-70 ans; sur la base d’observations menées au Royaume Uni, dans des zones fortement envahies, H. mantegazzianum a prouvé qu’il peut doubler son aire de répartition chaque 10 ans environ. 3.4Dangerosité La sève de la berce du Caucase contient des molécules phototoxiques, connues comme furocoumarines ou furanocoumarines, qui provoquent des réactions épidermiques, rendant la peau hypersensible aux rayons ultraviolets de la lumière solaire. La concentration de furocoumarines est maximale dans les fruits, moyenne dans les feuilles et minime dans les tiges. En cas de contact, la partie affectée ne doit pas être exposée aux rayons solaires, la peau pouvant être assujettie à des phénomènes d’hyper-pigmentation. La sensibilité aux rayons ultraviolets peut durer des mois et, chez certains sujets, être permanente. Dans les 24-48 heures après le contact avec la plante et suite à l’exposition de la peau au soleil, la réaction cutanée se manifeste sous la forme d’un érythème (Fig. 14). Les photodermatites causées par le contact avec la sève de la berce du Caucase peuvent également provoquer, outre les rougeurs cutanées, des cloques ou des vessies. La plante garde sa capacité phototoxique plusieurs heures après être coupée. Durant les interventions de contention de l’espèce, les opérateurs doivent se protéger tout le corps, visage inclus; en cas de Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza Fig. 14 Evolution dans le temps d’une brûlure causée par le contact avec la berce du Caucase. Photo : Bob Kleinberg (http://www.dec.ny.gov/animals/72556.html) contact, la partie affectée doit être immédiatement lavée avec de l’eau. Les vêtements portés durant l’intervention doivent être manipulés avec précaution et lavés. 3.5Prévention Dans le passé, l’homme a été, volontairement ou par hasard, le responsable de la diffusion de la berce du Caucase. Pour prévenir l’envahissement d’autres milieux il faut absolument éviter de nouvelles introductions, par exemple la culture à but ornemental dans les jardins. D’ailleurs, la nouvelle loi pour la protection de la flore valdôtaine (L.R. 45/2009) interdit son introduction dans les milieux naturels. 3.6Méthodes de lutte Dans des zones où les populations naturalisées de la berce du Caucase sont bien délimitées, comme en Vallée d’Aoste, l’objectif d’éradication paraît tout à fait réaliste, d’autant plus que, à moyen et à long terme, cette éradication représente des coûts réduits par rapport aux efforts à consentir pour limiter indéfiniment l’expansion des populations existantes. L’évaluation précise de l’extension des peuplements à traiter, de la distance des cours d’eau, de l’accessibilité à la zone et de l’affectation de la surface envahie, rend possible le choix de la technique correcte d’intervention et le budget du coût des opérations de contrôle. Avant d’activer une campagne d’éradication, il est indispensable de recenser toutes les colonies de l’espèce (plantes seules incluses), d’identifier les habitats vulnérables proches des peuplements de berce, de former et d’équiper correctement le personnel, avec des équipements de protection tels que le masque pour le visage, les gants et une tenue couvrant entièrement les bras et les jambes. Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 21 Fig. 15 Extirpation à la fourche de plantes d’Heracleum mantegazzianum. Dans le milieu alpin la croissance est plus lente et donne plus de temps pour les traitements: par des interventions effectuées 2-4 fois par an, au printemps et en début d’été, la population d’un site peut diminuer de 75% sur 1 à 4 ans. Les sites désinfestés doivent être soumis à un suivi pendant 5 ans consécutifs, afin d’éviter que le peuplement ne se reconstitue à partir de graines résiduelles présentes dans le sol. 3.6.1 Coupe à la racine et extirpation La méthode est facilement applicable à condition que les peuplements soient limités en extension. C’est une technique très efficace quoique très exigeante en terme de temps (Fig. 15). Après la coupe, effectuée à une profondeur de 15-20 cm avec une bêche ou une fourche arracheuse (fourche à Rumex), la plante doit être extirpée. Il faut souligner, qu’avec une coupe plus superficielle (à une profondeur inférieure à 5 cm), le fragment résiduel de racine pourra toujours générer une nouvelle partie aérienne. Le printemps est la meilleure période pour le traitement, avant que les dimensions des plantes rendent trop 22 difficile l’intervention. Dans le cadre d’un programme à long terme, l’arrachage des sujets en floraison peut suffire dans des peuplements de large étendue. Nous avons vérifié que l’intervention au début de la reprise végétative est la plus efficace et réduit l’emploi d’énergie et de temps, ainsi que les risques de contact accidentel pour les opérateurs, car les plantes ont encore des dimensions réduites. 3.6.2 Coupe des ombelles Cette technique requiert 2-3 interventions par an pour chaque peuplement et elle n’est efficace que si les ombelles sont coupées au pic de la floraison ou au début de la fructification, de façon à empêcher leur dissémination. Les ombelles coupées doivent être retirées et détruites, surtout si elles portent déjà des fruits. La technique impose une grande rapidité d’exécution: une intervention tardive peut ne pas être efficace car la dissémination s’est faite, tandis qu’une intervention précoce est souvent suivie de la formation de nouvelles ombelles. Il est indispensable de continuer le suivi pendant la saison et les années suivantes car, ce traitement n’étant pas définitif, il est fort possible que quelques om- Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza Fig. 16 Coupe des ombelles d’Heracleum mantegazzianum. belles mûrissent et disséminent à nouveau entre les interventions ou qu’elle échappe à l’attention de l’opérateur. D’un point de vue pratique, cette technique est plus rapide mais moins efficace que la précédente. De plus, elle expose l’opérateur à un risque plus élevé de lésions cutanées (Fig. 16). Depuis quelques années, en Vallée d’Aoste, les interventions de ce genre sont appliquées. Bien que s’avérant efficaces pour limiter la diffusion de cette espèce, elles n’ont pas réduit significativement les populations déjà présentes. Nous avons constaté que la coupe des feuilles ou des tiges en développement n’a aucun effet de contention. Au contraire, elle prolonge la vie de la plante et retarde sa floraison. 3.6.3 Traitement chimique La berce du Caucase est très sensible aux herbicides et la lutte chimique peut être appliquée efficacement sur de larges surfaces, avec des temps de travail et des coûts relativement réduits. Selon les peuplements, jusqu’à 4 applications par an sont nécessaires, mais les expérimentations menées en Vallée d’Aoste ont prouvé une mortalité presque totale avec un seule application foliaire de glyphosate (concentration 3%), effectuée en début d’été. Les traitements doivent se faire à partir du printemps avancé, car les applications ne sont efficaces que sur les individus hauts de 15 cm minimum. Pour des peuplements étendus et denses, une pulvérisation sur toute la surface est envisageable, tandis que pour des unités petites ou dispersées l’application avec pulvérisateur épaulier, plante par plante, s’avère suffisante (Fig. 17). La distribution de glyphosate expose l’opérateur au risque d’inhalation et elle est déconseillée en proximité des cours d’eau. Fig. 17 Traitement chimique localisé sur des petites populations d’Heracleum mantegazzianum. Pour ne pas nuire à la végétation environnante, suite à un premier traitement chimique, des méthodes mécaniques (arrachage manuel) peuvent être adoptées, avec une stratégie de lutte associant les méthodes mécaniques, chimiques et la replantation d’espèces autochtones. La lutte chimique n’est pas systématiquement envisageable: en Vallée d’Aoste, en effet, le Plan de Développement Rural (PSR 2007-2013) interdit son application dans les prairies soumises aux mesures agro-environnementales. 3.6.4 Contrôle biologique et herbivorie Malgré toutes les recherches menées sur l’utilisation d’agents de contrôle biologique de H. mantegazzianum, des organismes capables de le limiter efficacement n’ont pas encore été identifiés. Dans son aire de répartition d’origine, au Caucase, des phytophages attaquant exclusivement cette espèce n’ont pas été repérés. Quelques pathogènes ont été identifiés, mais ils ne semblent pas être suffisamment spécifiques pour être efficaces. D’ailleurs, la berce possède un ample arsenal de mécanismes de défense physiques et Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 23 chimiques, pouvant jouer un rôle dans la résistance aux agents biologiques et, par conséquent, favoriser l’invasion de cette plante. Selon certains auteurs, le pâturage pourrait être une option valable pour les sites les plus étendus, non mécanisables ou difficiles à traiter par des méthodes manuelles. Dans ce cas là, les plantes devraient être pâturées à partir de la mi-printemps, au moment de la croissance des feuilles basales, et la pâture devrait être répétée pendant au moins une dizaine d’années, jusqu’à l’épuisement de la banque de graines du sol et des réserves accumulées dans les racines. 3.6.5Revégétalisation Après l’éradication, il est important d’éviter que la berce du Caucase revienne et il est donc conseillé de replanter la surface traitée avec des espèces autochtones. Cela devrait être fait tout de suite après l’élimination des plantes, de façon à favoriser le retour de la végétation naturelle. 3.7Essais d’éradication de la berce du Caucase Avec la méthode consistant à couper la racine, quelques populations isolées ont été éliminées, en Val d’Ayas à Lignod, à Breuil-Cervinia, sur des friches en bordure de route, ainsi qu’à Courmayeur en Val Ferret. La présence de l’espèce dans ces localités est significative pour prouver le rôle de l’homme dans sa diffusion car, dans chacune d’elles, l’origine de ces peuplements est due à l’évacuation des déchets végétaux provenant de la taille des plantes de H. mantegazzianum. A partir de 2010, une expérimentation sur le contrôle de cette espèce a démarré dans quelques parcelles sélectionnées 24 parmi les peuplements assez vastes à La Palud, Courmayeur, à environ 1400 m d’altitude. Sur certaines surfaces délimitées, les traitements suivants ont été appliqués: • extirpation des exemplaires en coupant la racine; • application foliaire de glyphosate au 3%; • coupe des ombelles durant la période de floraison. 3.7.1 Coupe à la racine et extirpation Dans l’ensemble, sur la surface expérimentale, les traitements avec coupe à la racine ont donné de bons résultats, avec une réduction de 70% des plantes dans la parcelle au bout de 50 jours après la première intervention et de 82% en automne, après une deuxième intervention (Fig. 18). La coupe à la racine avec arrachage a déjà prouvé son efficacité depuis la première année de suivi. La deuxième année, des plantes nées des graines sont encore apparues, mais en mai 2011 seulement 41% d’individus ont été comptés par rapport à la population initiale de 2010. ces plantes ont ensuite été enlevées selon la même méthode. Au bout de trois interventions, en septembre 2011, il ne restait plus que 10% de la population enregistrée avant les traitements et, si nous ne prenons pas en compte les individus nés des graines en 2011, moins de 2%. Cette méthode demande l’emploi de quelques ressources: en une heure un opérateur peut éliminer avec la fourche arracheuse ou la bêche une trentaine de plantes développées. Si l’intervention est réalisée précocement (deuxième moitié de mai) les temps diminuent. Par exemple, lors de l’intervention menée à Planpincieux (Courmayeur), à la saison végétative à peine amorcée et avec des plantes peu Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza développées, en une heure un opérateur a éradiqué environ 45 plantes sur une surface de presque 40 m 2. Dans ce caslà, au dernier monitorage (juillet 2011), la population initiale était réduite de 83% et, sans considérer les nouveaux individus nés des graines, de 99%. En plus du pourcentage élevé de succès du traitement, il faut souligner la sélectivité de la méthode, qui ne nuit pas à la végétation autochtone environnante et favorise une récupération immédiate de celle-ci sur les surfaces initialement infestées. Extirpation 140 100 90 120 N. individus 70 60 80 50 60 40 30 40 % population initiale 80 100 Fig. 18 Effet de l’extirpation sur le peuplement de Heracleum mantegazzianum. 20 20 10 0 0 02/06/2010 25/08/2010 21/10/2010 Individus 19/05/2011 20/07/2011 15/09/2011 Population (%) 3.7.2 Arrosage foliaire avec glyphosate à 3% (et traitement mixte chimiquemécanique) Les plantes ont été traitées le 21 juillet 2010. Au premier contrôle, réalisé presque un mois après, quelques dizaines d’individus présentaient encore de la vitalité mais une baisse de 70% de la population initiale était enregistrée; au second contrôle, en octobre de la même année, il ne restait que quelques individus, avec une réduction supérieure à 95% (Fig. 19). Au printemps suivant, une partie de la surface traitée a été ressemée avec un mélange fourrager composé de graminées et de légumineuses. Au premier contrôle de la deuxième année, la parcelle traitée se trouvait plutôt dépourvue de végétation, avec quelques individus de berce, tous nés des graines. Le nombre étant réduit, nous avons effectué l’extirpation manuelle, considérant le recours aux herbicides inutile et nuisible à la végétation spontanée ou ressemée en cours de développement. Nous pouvons donc considérer cette intervention comme la deuxième phase d’une méthode de lutte mixte chimique et mécanique. Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 25 Méthode mixte : Glyphosate 3% et coupe à la racine 100 120 90 80 70 80 60 50 60 40 40 30 % population initiale N. individus 100 Fig. 19 Effet de l’application de Glyphosate (la première année) et de la coupe à la racine (la deuxième année) sur le peuplement de Heracleum mantegazzianum 20 20 10 0 0 21/07/2010 25/08/2010 21/10/2010 Individus 19/05/2011 15/09/2011 Population (%) Les différentes interventions ont permis de réduire significativement la présence de la berce. En septembre 2011, moins de 4% de la population initiale était présente. Sans prendre en considération les individus nés des graines en 2011, la totalité de la population relevée en 2010 avait déjà été éliminée par le traitement avec herbicide. Le glyphosate a prouvé son efficacité, comme l’a démontré notre expérience, et son application est rapide et facile, mais ce produit a le grave inconvénient de ne pas être sélectif. En effet, le terrain reste totalement dépourvu de végétation après le traitement (Fig. 20). De plus, il faut souligner que la banque de graines du sol n’est pas touchée par le traitement avec glyphosate. Cela pourrait même favoriser cette espèce exotique, dans le cas où, dans le terrain désherbé, de nouveaux individus pourraient naître des graines et s’avéreraient bien plus compétitifs que les plantules d’espèces autochtones. 26 20/07/2011 Pour cette raison, le réensemencement est fortement conseillé, ainsi que la planification d’un suivi attentif après le traitement. Sur la base de notre expérience, dans la partie ressemée une couverture végétale de 100% a eu lieu durant la première saison végétative, en comparaison à celle non semée où la couverture végétale mesurée n’a atteint que 75% de la surface. Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza Fig. 20 Sol nu après arrosage foliaire avec glyphosate sur Heracleum mantegazzianum. 3.7.3 Coupe des ombelles Depuis quelques années, dans l’activité de limitation de l’espèce et de protection de la santé de la population, une équipe d’opérateurs du Service des espaces protégés de l’Assessorat régional de l’Agriculture et des Ressources Naturelles effectue la coupe des ombelles de la berce du Caucase à Courmayeur. Les interventions, menées à cadence annuelle, sont effectuées habituellement en juillet. Ce type d’intervention n’a pas été objet d’expérimentation ni de suivi. Toutefois nous pouvons faire une évaluation considérant les peuplements traités par cette méthode au cours des années. Sur la base de nos évaluations, ce type de traitement semble être efficace dans l’affaiblissement des plantes et dans le ralentissement de leur diffusion, mais pas dans la réduction du peuplement, car normalement la coupe de l’ombelle ne tue pas la plante. Par contre, il a été remarqué que certains individus arrivaient à donner de nouvelles ombelles à partir du noeud basal des tiges coupées récemment et que celles-ci étaient capables de disséminer lors de la saison même de la coupe. 3.7.4Conclusions Dans les essais réalisés, le désherbage avec glyphosate a été le traitement le plus efficace dans la réduction des peuplements très denses de H. mantegazzianum. Toutefois, l’intervention mixte, avec herbicide la première année et coupe à la racine des individus ayant survécu ou germé l’année suivante, a donné des résultats pratiquement identiques avec moins d’impact sur l’environnement et moins de risques pour l’opérateur. L’arrachage manuel appliqué précocement, contrairement à celui effectué en saison avancée, requiert un emploi de main d’oeuvre raisonnable, tout au moins pour des peuplements limités comme ceux présents en Vallée d’Aoste. Des interventions ciblées aux principaux noyaux de diffusion peuvent être déterminants pour éviter une expansion ultérieure, avec un investissement modéré en ressources. Dans le cas où il n’est pas possible d’intervenir partout, il faut se concentrer sur: • les peuplements périphériques encore réduits en dimension (par exemple, ceux qui sont à plus haute altitude ou plus isolés à l’intérieur de la Valtournenche et du Val d’Ayas); • les nouveaux noyaux d’expansion; • les peuplements voisinant les torrents, ceux-ci étant des voies potentielles de dispersion à distance. Puisque la banque de graines dans le sol ne semble pas affectée par les traitements décrits auparavant, il faut faire un suivi attentif des surfaces traitées préalablement, de nouveaux individus pouvant naître des graines. Par chance, la vitalité des graines de la berce du Caucase est de courte durée et le suivi des interventions, de 3 à 5 ans, devrait permettre d’atteindre l’éradication totale de cette espèce. Nous voulons souligner encore une fois l’importance du réensemencement des surfaces traitées, surtout dans le cas de désherbage chimique. Parmi les choix de réensemencement, nous suggérons l’emploi d’un mélange d’espèces prairiales utilisé pour semer les prairies à moyenne altitude. Par contre, pour des milieux plus humides ou ombragés, nous conseillons des mélanges de hautes herbes autochtones. Chapitre 3 - Berce du Caucase ace di Mantegazza 27 Chapitre 4 Renouée du Japon hybride 29 Chapitre 4 · Renouée du Japon hybride (Reynoutria x bohemica) 4.1 Caractéristiques de l’espèce Par le nom français “renouée du Japon” nous faisons référence à Reynoutria japonica. Dans ce même genre, quoique moins diffusées, nous trouvons également les espèces Reynoutria sachalinensis (de moindre diffusion en Europe) et l’hybride Reynoutria x bohemica (spontanément engendré par les deux espèces ci-dessus) lesquelles, morphologiquement très similaires à Reynoutria japonica, sont respectivement dénommées “renouée de Sakhaline” et “renouée du Japon hybride”. Ces trois espèces sont toutes invasives et provoquent les mêmes problématiques. Caractéristiques principales des trois espèces du genre Reynoutria Reynoutria japonica Reynoutria x bohemica Reynoutria sachalinensis 1,5-3 2,5-4 3-5 De nombreuses taches rouge-brunâtres Des taches rougebrunâtres plus ou moins abondantes Feuilles ovales, acuminées à l'extrémité et tronquées à la base, pourvues d’ochréa (gaine membraneuse à la base des feuilles) Caractéristiques intermédiaires (forme et dimensions) Feuilles basales ovales ou oblongues, cordées à la base, pointues à l’extrémité Face inférieure glabre, présence de papilles Face inférieure avec des poils robustes et courts (jusqu’à 0,5 mm), sur la nervure principale Face inférieure parsemée de poils ondulés et longs (> 1 mm) Feuilles épaisses et coriaces Feuilles dures mais pas coriaces Feuilles non coriaces Nervures de la face inférieure anguleuses Nervures de la face inférieure anguleuses ou légèrement arrondies Nervures de la face inférieure arrondies Longueur des feuilles (cm) 10-18 20-35 30-40 Rapport longueur/largeur de la feuille 1-1,5 1,1-1,8 1,5-1,7 Couleur des fleurs Blanches Blanches Fleurs femelles verdâtres Fleurs mâles blanches Présence de fleurs mâles Non Présence de fleurs femelles et mâles sur plantes différentes Présence de fleurs femelles et mâles sur plantes différentes Hauteur (m) Taches sur les tiges Caractéristiques des feuilles 30 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride Pas de taches Ci dessous, nous allons indiquer les informations relatives à Reynoutria japonica et, dans la mesure du possible, à Reynoutria x bohemica, l’entité diffusée en Vallée d’Aoste. Comme nous l’avons dit, la renouée du Japon hybride, dérivée du croisement entre Reynoutria japonica et Reynoutria sachalinensis, a été identifiée en Europe à la fin du XX siècle. A l’origine, les espèces viennent d’Asie Orientale et ont été introduites sur le continent européen au XIX siècle. Il s’agit d’une plante herbacée pouvant atteindre 3 m de haut; elle présente des tiges similaires à celles du bambou, creuses et tachetées de points rougeâtres (Fig. 21). Grâce à un dense réseau de rhizomes, la renouée forme des peuplements très touffus (Fig. 22). Les rhizomes sont des tiges souterraines, de couleur brunâtre foncée à l’extérieur et orange à l’intérieur, capables de pénétrer considérablement dans le sol (jusqu’à 2 m de profondeur) et de s’étendre largement de la plante mère. A l’extérieur, les rhizomes sont noueux (Fig. 23) et peuvent arriver à un diamètre de 8 cm. A partir des rhizomes, ayant une capacité de vie de 10 ans, de nouvelles tiges aériennes peuvent se former. Cela permet à la plante de survivre en cas de gelées ou de fauches, malgré la destruction de la partie aérienne. Les feuilles présentent des caractéristiques utiles à l’identification de ces trois espèces. Dans la renouée hybride, les feuilles sont cordées, acuminées et longues d’environ 20 cm (Fig. 24). En automne, elles prennent une coloration rougeâtre qui facilite l’identification de cette plante. Fig. 21 Tige de Reynoutria x bohemica Fig. 23 Rhizome de Reynoutria x bohemica. Fig. 22 Peuplement de Reynoutria x bohemica. Fig. 24 Feuilles de Reynoutria x bohemica. Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 31 leur multiplication se fait par voie végétative, tandis que, dans le cas de la renouée de Sakhaline et de la renouée du Japon hybride, des individus mâles sont également présents et la reproduction sexuée est donc possible. Toutefois, la voie principale de diffusion est la multiplication végétative à partir des rhizomes ou de petits fragments de la tige. Fig. 25 Inflorescences de Reynoutria x bohemica. Fig. 26 Fruits de Reynoutria x bohemica. Les inflorescences sont composées par de petites fleurs, disposées en panicules (Fig. 25). Les fleurs sont blanches et se forment, en général, à la fin de l’été. Les fruits sont des akènes roux-brun, généralement sans graine. Trois ailes membraneuses plus claires entourent le fruit et facilitent sa dissémination par le vent (Fig. 26). Les plantes du genre Reynoutria sont dioïques, c’est-à-dire que les fleurs mâles et femelles se trouvent sur des individus différents. En Europe, les plantes de renouée du Japon sont toutes femelles et 32 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 4.2 Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste La première observation d’espèces du genre Reynoutria en Vallée d’Aoste remonte à 1976 et a eu lieu dans la commune d’Aoste. Initialement, les signalements ont été attribués à Reynoutria japonica puis, après révision, à Reynoutria x bohemica. Actuellement nous considérons que sur le territoire régional l’hybride est sans doute présent, tandis que la présence de Reynoutria japonica est mise en doute. Dans la Figure 27 nous indiquons le niveau d’invasion sur le territoire régional: les communes où cette espèce n’a pas encore été détectée sont en vert; les territoires où l’invasion est de plus en plus diffusée vont en intensité croissante du jaune au rouge. Le niveau d’invasion est particulièrement élevé dans la zone entre Nus et Quart, dans la Valtournenche jusqu’à Antey-Saint-André et en Basse Vallée, où l’espèce est en voie d’expansion. Dans la partie restante de la Moyenne et Haute Vallée cette espèce est signalée sporadiquement jusqu’à Arvier. Dans la Figure 28 nous signalons les colonies de renouée du Japon hybride relevées lors des contrôles réalisés de la fin 2009 à 2010. Fig. 27 Intensité de diffusion de Reynoutria x bohemica détectée en Vallée d’Aoste (2009-2010). Le vert indique l’absence de signalements ; la variation du jaune au rouge indique une présence croissante. Initialement, la renouée du Japon a commencé sa diffusion aux bords des routes et des voies ferrées, ainsi que dans des friches (Fig. 29). De nombreux travaux de mouvement de terre effectués sur le territoire (aménagement du réseau routier, restauration des zones endommagées par l’inondation de l’an 2000, etc.) ont comporté des transports de terre contenant des fragments de rhizomes, favorisant ainsi la diffusion de cette espèce dans de nouveaux milieux. En effet, la renouée est en train de se propager dans les prairies, dans les pâturages et certains individus Fig. 29 Peuplement de Reynoutria x bohemica dans un terrain vague. Fig. 28 Colonies de Reynoutria x bohemica détectées en Vallée d’Aoste en 2010. Colonies de Reynoutria x bohemica détectées en Vallée d’Aoste en 2010. ont également été signalés dans des vignobles de la Basse Vallée (Fig. 30). 4.3Modalité de propagation La renouée du Japon se propage surtout par voie végétative, donnant origine à de nouveaux individus à partir de rhizomes ou de fragments de la plante. La compétitivité de cette espèce est d’ailleurs favorisée par certaines substances, telles que l’antioxydant métyl-resvératrol et autres composés allélopathiques qu’elle sécrète dans le sol et qui limitent la croissance d’autres plantes. Fig. 30 Plante de Reynoutria x bohemica entre les rangées d’une vigne. Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 33 Le rhizome est une tige souterraine à partir de laquelle poussent des ramifications et l’apex des rhizomes devient une tige aérienne (Fig. 31). Après l’hiver, les substances accumulées dans les rhizomes permettent à la plante de donner de nouvelles pousses. La possibilité de se multiplier à partir de fragments minuscules de rhizome (0,7 g de poids et 1 cm de longueur) explique la grande capacité de diffusion de cette espèce et l’extrême attention requise dans sa lutte, celle-ci devant être ciblée contre les rhizomes. Pour agir efficacement, il faut connaître les mécanismes et les moments de translocation des réserves nutritionnelles vers les rhizomes. Au printemps (mai-juin), les hydrates de carbone produits par la photosynthèse se concentrent sur la partie aérienne (80-90% des assimilés), tandis que durant l’été la quantité stockée dans les rhizomes augmente, atteignant les valeurs maximales en septembre (70% des assimilés). A la fin de la période végétative, les pousses hivernales souterraines se forment, donnant lieu à de nouvelles pousses au printemps suivant, ainsi qu’à des bourgeons dormants qui produiront de nouveaux rhizomes latéraux. Fig. 31 Jeune tige de Reynoutria x bohemica. 34 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 4.4Dangerosité La renouée du Japon est caractérisée par une implantation rapide, limitant le développement de la flore autochtone et déterminant une banalisation de la végétation de l’espace colonisé ainsi que la réduction de la biodiversité. Les tiges poussent à un rythme de 3-5 cm par jour (jusqu’à 10 cm/ jour, au printemps, pour les plus vieilles plantes) et la haute efficience photosynthétique permet à la renouée du Japon de produire jusqu’à 35 t/ha de MS dans sa partie aérienne et jusqu’à 16 t/ha dans ses racines. Toutefois, cette abondante production n’a aucun intérêt fourrager et, d’ailleurs, elle réduit la valeur des prairies envahies, car le feuillage touffu donne un ombragement qui élimine toutes les autres espèces: dans des zones très envahies seules quelques espèces arrivent à survivre (Urtica dioica, Galium aparine). Un autre problème est à souligner puisqu’en hiver, lorsque la partie aérienne de la renouée du Japon sèche, elle laisse le sol pratiquement nu et assujetti aux phénomènes érosifs (Fig. 32). Paradoxalement, à part un réseau grossier de tiges souterraines, la renouée ne possède pas de système radiculaire très développé et cela peut être considéré comme un problème, par exemple pour les berges des cours d’eau dont la stabilité peut être compromise par la présence de la renouée. De plus, en cas de crue, la renouée du Japon peut être transportée en aval et coloniser de nouveaux espaces le long des cours d’eau (Fig. 33). Dans les espaces publics, la forte production de rhizomes représente un problème difficile à gérer et la renouée peut arriver à endommager les infrastructures (des lézardes dans les murs et dans les revêtements de sol). Fig. 32 Tiges sèches de Reynoutria x bohemica pendant l’hiver. En dessous du peuplement touffu le sol est nu. Fig. 33 Large peuplement de Reynoutria x bohemica sur la berge d’un torrent. Puisqu’en Europe la renouée du Japon ne se multiplie pratiquement que par voie végétative, il faut éviter de fragmenter ou de disperser les rhizomes. Ainsi, en Vallée d’Aoste, la culture de cette espèce à but ornemental est interdite, tout comme son introduction dans les milieux naturels (L.R. 45/2009). L’extirpation précoce des plantes jeunes est une technique qui doit être mise en place avec beaucoup d’attention, surveillant à ne pas laisser dans le sol des fragments de plantes. L’arrachage manuel doit se faire dans les plus brefs délais, de préférence sur les plantes à peine germées, étant conseillé de ne le faire qu’en présence de plantes dispersées et non en présence avérée de noyaux denses et étendus. l’une des voies principales de diffusion de la renouée du Japon. Si la terre contient des fragments, le risque de diffusion de cette espèce est très sérieux. Pour l’enrayer, il faudrait contrôler minutieusement la zone de provenance de la terre et vérifier l’absence de cette espèce. La gestion des zones envahies par la renouée doit être programmée, excluant toute opération pouvant favoriser la prolifération de cette plante. Par conséquent, il faut éviter de: • labourer la terre (les rhizomes de la renouée atteignent des étendues et des profondeurs remarquables); • abandonner sur le terrain des fragments de plante; • composter ou incorporer dans le fumier des fragments de la plante. Les résidus de la fauche ou de la taille de la renouée doivent être détruits. 4.5.1 Précaution pour éviter la diffusion Le transport de terre provenant de zones infestées, lors de travaux de voirie, d’infrastructures, d’améliorations foncières et autres travaux publics exigeant l’approvisionnement de terre d’origine étrangère à celle de l’emplacement du chantier est Gestion du terrain contenant des rhizomes La gestion de la terre provenant de sites infestés exige d’importantes précautions, puisque, comme nous l’avons dit, la renouée est en mesure de se multiplier à partir de fragments minuscules de la plante. 4.5Prévention Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 35 La terre provenant de zones infestées ne devrait pas être déplacée car, en plus des problématiques liées directement au traitement de la terre, son transport à la décharge exigerait l’adoption de toutes les précautions nécessaires pour empêcher la dispersion de fractions de la plante pendant le parcours ainsi que le nettoyage consciencieux des camions. L’enterrement en profondeur de la couche de sol infesté est une pratique très laborieuse et coûteuse, car des excavations très profondes sont requises (5 m) pour s’assurer de ne laisser aucun fragment de rhizome en surface. Lors d’essais menés en France, le broyage du sol a été testé avec un godet cribleur-broyeur fixé sur des excavatrices ou pelleteuses, afin de déchiqueter les rhizomes de Reynoutria en fragments tellement petits qu’ils ne pouvaient plus faire naître un nouvel individu. Cette technique s’est avérée efficace, quoique complexe et coûteuse. 4.6Méthodes de lutte Éliminer une population de renouée du Japon est très difficile. Chaque plante produit de multiples rhizomes s’étendant dans un rayon de 15-20 m et pouvant pénétrer dans le sol jusqu’à 2-3 m de profondeur. Les techniques de lutte se différencient selon l’objectif de l’intervention. La lutte peut avoir pour objectif l’éradication des peuplements (mesures d’éradication) ou la limitation de l’impact de cette espèce sur la zone envahie (mesures de limitation). Les moyens de lutte mécanique (extirpation de la plante) et chimique correspondent au premier groupe. La fauche périodique est considérée, par contre, comme une mesure de limitation, 36 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride pouvant être efficace pour limiter l’expansion des noyaux de renouée et pour épuiser, petit à petit, les stocks de tiges souterraines. Indépendamment de la méthode de lutte adoptée, les résidus de renouée doivent absolument être gérés correctement. Les parties de la plante restant après les interventions doivent être détruites. Elles ne doivent jamais être laissées sur le terrain, ni compostées, ni jetées dans une décharge ou dans des conteneurs de ramassage de résidus organiques. Pour déterminer la technique idéale, différents éléments doivent être pris en compte: • la taille de la population; • la proximité des cours d’eau; • la proximité de zones soumises à des contraintes environnementales (ex. espaces protégés); • les caractéristiques de la végétation environnante; • l’accessibilité de la zone; • la nécessité de revégétalisation; • la présence d’autres espèces, dans le cas de lutte chimique par désherbants non sélectifs. 4.6.1 Lutte mécanique et physique La lutte mécanique peut porter sur l’éradication ou sur la limitation. Parmi les différentes techniques appliquées, nous décrivons brièvement ci-dessous les plus communément adoptées. Extirpation L’enlèvement manuel des plantes est une technique apte au traitement de populations réduites et doit se faire soigneusement pour ne laisser aucun fragment de plante dans le sol. Elle peut être exécutée au printemps sur les plantes jeunes, avant que les rhizomes donnent des racines. Pour un arrachage plus aisé, il est conseillé d’intervenir quand le sol est légèrement humide. L’extirpation est une technique efficace dans le contrôle de la population de Reynoutria seulement si le traitement est répété plusieurs fois dans la saison et pendant au moins 3 ans. Coupe des plantes La coupe des plantes a pour but la limitation ainsi que la prévention: une coupe fréquente (chaque deux semaines) empêche la diffusion de l’espèce dans les zones adjacentes. Pour que le traitement soit efficace, la coupe doit être répétée plusieurs fois, à partir de la première intervention au printemps (avril-mai) jusqu’au mois de septembre. L’efficacité de la fauche ne peut être confirmée qu’après des interventions répétées pendant au moins 30 mois. Cette technique peut également être considérée comme un traitement préalable au traitement chimique, dont le but est de réduire la dimension des plantes et de traiter les repousses de moins de 0,5-1 m. La coupe des plantes de Reynoutria doit être exécutée très attentivement, car le risque de diffuser imprudemment cette espèce n’est pas négligeable. Les équipements utilisés doivent être nettoyés soigneusement avant de les déplacer de la zone de traitement. Tout le produit de la coupe doit être détruit sur place ou, comme l’indiquent différents auteurs, amené à la décharge où, de toute façon, il devra être détruit. Nous pouvons laisser les résidus de la coupe sécher ou pourrir en évitant tout contact avec le terrain et en les gardant loin des cours d’eau qui pourraient les transporter et les diffuser en aval. Pour ce faire, il s’avère utile de les placer dans de grands sacs plastiques. Il faut absolument éviter l’incorporation de résidus dans le fumier ou dans le compost car nous ne ferions qu’augmenter les probabilités de diffusion de l’espèce dans des zones non encore envahies. Excavation L’excavation en profondeur avec une pelleteuse et le traitement successif du sol est une pratique peu efficace. Le risque de fragmentation, par conséquent de multiplication de la plante, est très élevé et le retournement du sol n’est pas conseillé si nous intervenons à moins de 2 m de profondeur. Les équipements utilisés doivent être nettoyés soigneusement pour éviter de transporter ailleurs des fragments de la plante et l’excavation doit être suivie d’un traitement chimique pour éliminer les plantes émergentes. Paillage Le paillis doit être étendu avant le début du printemps. Il s’agit d’une technique qui ne permet de limiter les populations que si elle est accompagnée par d’autres méthodes de lutte, elle est coûteuse et non sélective, car elle provoque l’élimination de toutes les espèces. Traitement par brûlage Le traitement par brûlage n’est pas efficace dans le contrôle de la renouée du Japon, car il n’agit que sur la partie aérienne et n’élimine pas les rhizomes. 4.6.2 Lutte chimique La lutte chimique reste la solution la plus rapide, économique et efficace, permettant d’obtenir de bons résultats dans le contrôle de la renouée du Japon, mais Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 37 elle n’est pas applicable dans toutes les circonstances, par exemple en proximité des cours d’eau ou dans des parcelles soumises aux mesures agro-environnementales. Afin d’empêcher la pousse de nouveaux individus, prenant en compte la vitalité des rhizomes et la germination potentielle des graines, la lutte chimique doit continuer pendant plusieurs années. La réalisation de contrôles périodiques permet d’augmenter la rapidité d’intervention. Les techniques de lutte chimique les plus utilisées sont l’arrosage foliaire et l’injection dans les tiges, ces techniques ayant été également appliquées expérimentalement dans le cadre du projet NAPEA. Traitement par pulvérisation foliaire L’application foliaire est utilisée dans des peuplements de taille moyennegrande. C’est une méthode rapide qui permet de contrôler, ainsi que d’éliminer, cette espèce dans la zone envahie. Nous pouvons utiliser différents produits selon leurs mécanismes d’action et de persistance (glyphosate, 2,4-D, picloram, triclopyr, imazapyr). Les traitements par herbicides résiduels prévoient un seul passage dans le cas du picloram 240 g/l (1-1,24 kg/ha de principe actif) et de l’imazapyr 50 g/l (0,38-0,75 kg/ha de p.a.), tandis que dans le cas du triclopyr 480 g/l, 2 interventions peuvent être nécessaires (2,88 kg/ha de p.a.). En général, l’efficacité de la lutte chimique est visible quelques semaines après l’intervention. S’agissant de produits résiduels, il faut considérer l’effet récurrent sur la croissance d’autres espèces (jusqu’à 2 ans dans le cas du picloram). L’utilisation du 2,4-D 38 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride ou d’autres désherbants sélectifs élimine la renouée et les autres dicotylédones, tout en préservant les graminées. L’utilisation du 2,4-D comprend une première application au printemps avancé, de façon à débiliter les drageons et les rhizomes, et une deuxième à la fin de l’été ou en automne. Cette stratégie de lutte sert également dans le cas de traitement par glyphosate (5 l/ha). Après une première intervention, au printemps, les plantes sont moins hautes et présentent des feuilles bien développées, ce qui facilite la réalisation d’une deuxième intervention. L’application foliaire de l’herbicide doit se faire, de préférence, quand les prévisions météorologiques excluent des précipitations dans les 24 heures après le traitement et avec une vitesse du vent de moins de 6,5 km/h. Si les conditions météorologiques ne permettent pas le traitement foliaire avant que la plante ait atteint 1 m de hauteur, il faudra couper les tiges et appliquer le traitement plus tard dans la saison. Injection dans les tiges Cette technique, qui consiste à injecter des désherbants non dilués directement à l’intérieur des tiges de la renouée du Japon, est exécutée à la fin de l’été ou en automne, pendant la phase d’accumulation des substances de réserve des parties aériennes dans les rhizomes. Elle est très efficace dans l’élimination des plantes si l’on coupe préalablement les tiges à hauteur du premier nœud. Le produit le plus utilisé est le glyphosate, mais on peut également injecter du 2,4-D, triclopyr, picloram, diquat, imazapyr ou asulame. L’efficacité varie entre 60 et 95%, selon le principe actif utilisé et le moment de son application. L’intervention d’automne est souvent moins efficace que celle estivale. L’injection de glyphosate pur (5-10 ml/ tige) dans les tiges, suivie d’une aspersion foliaire effectuée l’année suivante sur les individus ayant survécu à la première intervention, donne des résultats hautement satisfaisants, mais il s’agit d’une technique très laborieuse. Elle peut être conseillée dans le traitement de populations très petites lorsqu’il faut réduire au minimum le risque de nuire à la végétation environnante et, éventuellement, sur les plantes proches des cours d’eau. 4.6.3 Lutte intégrée La lutte intégrée allie différents moyens de lutte: - la fauche fin printemps-début d’été et le traitement chimique (pulvérisation) sur les repousses; - l’emploi d’un herbicide non sélectif (glyphosate) distribué par application foliaire suivi d’une intervention avec herbicide sélectif (2,4-D) sur les repousses pour favoriser la reprise de la végétation sous-jacente; - le couplage de l’intervention mécanique (excavation et retournement du sol) et de l’arrosage foliaire. Revégétalisation Suite aux traitements d’élimination, la revégétalisation des zones envahies par la Reynoutria est très importante, si nous voulons empêcher aux plantes survivant aux traitements de trouver un sol nu prêt à une nouvelle colonisation. La revégétalisation peut se déployer par le resemis avec des mélanges de graines d’herbacées ou bien par la plantation d’arbustes. 4.6.4 Lutte biologique Pâturage Sur la base des observations de certains chercheurs, la renouée du Japon serait une espèce plutôt appétissante et le pâturage avec des ovins et des caprins serait efficace pour limiter les peuplements étendus. Toutefois, pour obtenir des résultats satisfaisants, il faut que cette pratique soit prolongée pendant au moins 10 ans. Le pâturage devrait avoir lieu entre avril et octobre, c’est-à-dire pendant toute la saison végétative, si nous voulons empêcher l’expansion de la renouée du Japon de la zone infestée vers les espaces adjacents. Il est possible d’obtenir la réduction de la densité de nouvelles pousses et de freiner leur développement, mais le pâturage ne peut pas être considéré comme une technique d’éradication. Agents de contrôle biologique Parmi les agents possibles de contrôle biologique de la Reynoutria, il y a deux organismes originaires du Japon: la psylle Aphalara itadori et le champignon Mycosphaerella poligoni-cuspidati. L’Aphalara itadori est un hôte habituel et spécifique de la renouée. Elle n’a été trouvée que sur les plantes du genre Reynoutria et pourrait être un agent de contrôle intéressant de cette espèce. Cet insecte provoque les dégâts les plus importants à son stade de nymphe, stade auquel il se nourrit de la sève. Il parait même que quelques individus d’Aphalara soient suffisants pour nuire considérablement aux plantes de Reynoutria, sans endommager les autres espèces. La possibilité que les psylles puissent être vecteurs de virus ou de Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 39 phytoplasmes impose, par contre, une certaine précaution dans l’emploi de cet insecte. Jusqu’à maintenant, des phytophages autochtones capables de contrôler efficacement la diffusion de la renouée n’ont pas encore été identifiés en Europe. Des recherches sont en cours sur Otiorhynchus sulcatus, un coléoptère qui attaque une centaine de plantes différentes: ses larves se nourrissent de racines et de rhizomes, les adultes attaquent le feuillage et cet insecte semble avoir la capacité d’endommager efficacement la renouée du Japon. Mycosphaerella itadori est un champignon qui attaque la renouée du Japon durant la saison végétative et qui, jusqu’à présent, n’a été constaté sur aucune autre plante. L’emploi de ce champignon en tant qu’agent de contrôle en phase expérimentale n’est pas facile dû à la complexité de son cycle et à sa dépendance aux conditions climatiques. Les autres pathogènes sur lesquels des essais sont en cours pour évaluer leur capacité de limitateurs de la renouée du Japon sont Phyllosticta rayoutina et deux espèces d’agents de rouille, appartenant au genre Puccinia. 4.7E ssai d’éradication de la renouée du Japon hybride Lors du projet NAPEA, un essai de lutte a été effectué sur Reynoutria x bohemica sur une parcelle d’une exploitation agricole du hameau de Val (commune de Nus), à environ 1250 m d’altitude. La renouée du Japon avait été introduite par le propriétaire du terrain une dizaine d’années auparavant, pour recouvrir une zone contre la fumière. 40 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride Avec le temps, cette espèce s’est diffusée dans le pré environnant. Pour essayer de limiter la renouée, l’agriculteur a labouré la terre, donnant comme résultat la multiplication de la plante. Une première intervention a eu lieu en octobre 2009, avec l’injection de glyphosate pur dans les tiges coupées de la renouée, suivi d’arrosage foliaire l’automne suivant. Les indications de l’Office Sanitaire Cantonal de Neuchâtel, dont nous reprenons ici une synthèse, ont été suivies pour définir le protocole d’intervention. Injection de glyphosate dans les tiges - Couper les tiges à 10 cm environ du sol (jusqu’à 30 cm), au-dessus du 1er-2ème nœud (mi août-septembre). - Injecter 5-7 ml de glyphosate (360 g/l) non dilué. Le produit est absorbé généralement de 20 à 30 minutes après l’injection et la translocation vers les rhizomes dure environ 3 semaines. - Effectuer un contrôle l’année suivante et intervenir à nouveau si nécessaire. La fauche au mois de juin est déconseillée car au moment du traitement chimique les tiges seront trop petites pour que l’injection soit efficace. Il est important de traiter toutes les tiges. Aspersion foliaire - Faucher entre mi-juin et fin juin. - Répandre sur les repousses une solution de glyphosate (360 g/l) à 10%, entre la mi-août et début septembre. - Réaliser un contrôle l’année suivante pour évaluer la nécessité d’un traitement ultérieur. Le traitement doit s’appliquer sur toutes les feuilles en essayant toujours d’éviter le ruissellement. Fig. 34 Essai d’éradication de Reynoutria x bohemica. Première année : coupe des tiges pour l’injection de glyphosate. Les conditions météorologiques doivent être favorables (absence de vent, absence de précipitations dans les heures suivant le traitement). L’efficacité du traitement est visible au bout de quelques semaines. Le cas échéant, le traitement sera répété pendant deux ou trois ans. 4.7.1 Développement de l’essai 2009 Octobre - Coupe des tiges avec une débroussailleuse au-dessus du 3ème nœud. - Délimitation de la zone à traiter (9 x 15 m), créant un maillon de 1 x 1 m pour faciliter le comptage des tiges et le traitement (Fig. 34). Dans la zone à traiter 2.405 tiges ont été comptées, avec une densité arrivant à 42 tiges/m2. - Injection dans les tiges de 5 ml de glyphosate non dilué (2 journées de travail). Novembre - Contrôle de l’efficacité du traitement 2010 Mars - Resemis de la parcelle avec de la fleur de foin pour l’enherbement d’un terrain pratiquement nu (Fig. 35). Avril et juin - Contrôle de l’efficacité du traitement (Fig. 36). Août - Comptage des individus 10 mois après le traitement. 312 tiges ont été comptées à l’intérieur de la parcelle traitée en octobre 2009, avec une réduction de 87% du nombre d’individus présents. Fig. 35 Essai d’éradication de Reynoutria x bohemica. Deuxième année : au début du printemps resemis de la parcelle sur le sol nu. Fig. 36 Essai d’éradication de Reynoutria x bohemica. Deuxième année : comptage des individus présents au début de l’été. Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 41 Fig. 37 Essai d’éradication de Reynoutria x bohemica. Deuxième année : traitement herbicide par application foliaire en automne. Octobre - Traitement avec glyphosate à 3% par application foliaire (Fig. 37). 2011 Septembre - Comptage des individus un an après le deuxième traitement. Dans la zone traitée 39 individus ont été comptés. Dans ce cas-ci également l’efficacité a été de 87% (Fig. 38). 2500 4.7.2 Conclusions L’essai expérimental a confirmé l’efficacité du traitement au glyphosate, appliqué par injection dans les tiges ou par aspersion foliaire sur la renouée du Japon hybride. Toutefois, le traitement par injection a démontré être extrêmement laborieux et, dans le cas de populations étendues, il requiert un engagement assez contraignant. Le traitement par injection n’est conseillé que pour de petites populations ou pour des espaces où il est important d’éviter que le principe actif rentre en contact avec d’autres espèces végétales. Le traitement par application foliaire a donné également des résultats satisfaisants, réduisant en même temps la maind’œuvre et la dose de principe actif par unité de surface. Sur la base de l’expérience réalisée, celle-ci parait être la technique de désherbage chimique la plus efficace pour la renoué du Japon. Après le traitement, l’espace doit être ressemé pour favoriser la couverture du sol 1 Fig. 38 2 Réduction du 3 nombre d’indivi4 dus de Reynou5 tria x bohemica 6 7 suite à l’injection 8 (première flèche 9 rouge) et à l’appli10 cation foliaire 11 de glyphosate 12 (deuxième 13 flèche 14 rouge). 2405 2000 1500 1000 312 500 39 0 01/09/09 42 01/03/10 01/09/10 Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 01/03/11 01/09/11 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 avec un gazon capable d’entrer en compétition avec les plantes de renouée ayant survécu au traitement et de réduire les phénomènes de ruissellement et d’érosion dans les terrains plus escarpés. Indépendamment de la technique de lutte chimique adoptée, il faut toujours garder en mémoire que celle-ci doit continuer plusieurs années, associant aux traitements des contrôles périodiques. Chapitre 4 - Renouée du Japon hybride 43 Chapitre 5 Séneçon du Cap 45 Chapitre 5 · Séneçon du Cap (Senecio inaequidens) 5.1 Caractéristiques de l’espèce Le Séneçon du Cap (Senecio inaequidens) est une espèce herbacée pérenne de la famille des Composées, originaire de l’Afrique du Sud et arrivée en Europe accidentellement vers la moitié du XXème Les capitules sont terminaux, avec un diamètre entre 1,5 et 2,5 cm, entourés de bractées à l’apex brunâtre (Fig. 40); les fleurs ligulées comme les fleurs tubulées sont jaunes. La floraison du séneçon est très scalaire et dure longtemps, généralement d’avril à novembre, mais elle peut débuter en mars et aller jusqu’en décembre (Fig. 41). Fig. 39 Feuille de Senecio inaequidens. Fig. 40 Capitules de Senecio inaequidens. 46 siècle, probablement sous la forme de graines dans des lots de laine brute. Les plantes peuvent vivre de 5 à 10 ans et produisent de nombreuses tiges, ligneuses et prostrée à la base, dressées, ramifiées et avec une consistance herbacée vers le haut, pouvant atteindre 60 cm de hauteur. Les feuilles, sessiles et embrassantes, sont acuminées, étroites et allongées (2-4 mm de largeur et 6-7 cm de longueur) avec le bord irrégulièrement denté (Fig. 39). Chapitre 5 - Séneçon du Cap Fig. 41 Floraison d’automne du Senecio inaequidens. Fig. 42 L’aigrette plumeuse facilite la dissémination des akènes de Senecio inaequidens. Un seul individu peut produire jusqu’à 30.000 fruits, des akènes dotés d’une aigrette plumeuse qui facilite la dissémination anémophile (Fig. 42). La production d’un nombre extrêmement élevé de graines rend cette espèce plus compétitive que d’autres dans sa diffusion et dans la colonisation de nouveaux milieux. Le séneçon est une espèce très adaptable, capable de croître et de se diffuser soit dans des espaces humides soit dans des milieux secs, tant sur des sols acides que sur des sols basiques. Cela lui permet de s’installer rapidement dans des habitats très disparates et jusqu’en altitude élevée: en Vallée d’Aoste des plantes ont été trouvées à plus de 1700 m. L’augmentation de l’altitude provoque la réduction de la taille des plantes. Fig. 43 Dans la zone où il a été signalé pour la première fois en Vallée d’Aoste, le Senecio inaequidens vit dans la grève de la rivière. de la rivière Dora Baltea, entre Arnad et Bard (Fig. 43). Dans un premier temps, le séneçon s’est largement diffusé dans toute la Basse Vallée à partir de PontSaint-Martin, touchant également les entrées des vallées latérales. Plus tard, l’aire de répartition s’est élargie remontant le long de quelques vallées latérales (Fig. 44). Actuellement, dans la Vallée Centrale le séneçon est arrivé jusqu’à Avise et, en aval, sa présence est particulièrement importante le long de la voie ferrée. Fig. 44 Colonies de Senecio inaequidens détectées en Vallée d’Aoste en 2010. 5.2Les premiers signalements et la diffusion en Vallée d’Aoste Le premier signalement en Vallée d’Aoste remonte à octobre 1990, sur les berges Chapitre 5 - Séneçon du Cap 47 Fig. 45 Intensité de diffusion de Senecio inaequidens détectée en Vallée d’Aoste (20092010). Le vert indique l’absence de signalements ; la variation du jaune au rouge indique une présence croissante. Ayas (où la colonie de séneçon la plus haute parmi celles relevées en Vallée d’Aoste se trouve à 1700 m, au hameau d’Antagnod), Valtournenche, Fénis, Verrayes, Quart, Valpelline, Sarre, SaintPierre, Saint-Nicolas et Arvier. Le séneçon a été également détecté le long de grèves et de canaux artificiels, sur les murets à sec ou les talus routiers (Fig. 46); c’est à partir de ces milieux-là que commence généralement l’invasion du séneçon du Cap pour s’étendre ensuite à d’autres zones, arrivant aux prairies et aux pâtures (Fig. 47). La Figure 45 montre le niveau d’invasion: les communes où cette espèce n’a pas encore été détectée sont en vert; les territoires où l’invasion est de plus en plus diffusée vont en intensité croissante du jaune au rouge. La situation la plus critique est à souligner en Basse Vallée, en particulier dans les communes de Pont-Saint-Martin, Perloz, Lillianes, Donnas, Hône, Arnad et Verrès. La diffusion est particulièrement étendue dans les communes indiquées en orange foncé, c’est-à-dire: Issogne, Champdepraz, Emarèse, Saint-Vincent, Châtillon, Villeneuve et Avise. Les communes affectées par la présence de séneçon, mais avec une diffusion moindre par rapport aux précédentes, sont indiquées en orange plus clair: Fontainemore, Issime, Gaby, Brusson, AnteySaint-André, Pontey, Chambave, SaintDenis, Nus, Saint-Christophe et Aoste. Dans ces zones le séneçon est relativement moins diffusé mais une ultérieure expansion est prévisible. En dernier, les zones soulignées en jaune sont caractérisées par un niveau d’invasion moindre: Pontboset, Champorcher, 48 Chapitre 5 - Séneçon du Cap Fig. 46 Invasion de Senecio inaequidens le long d’un talus routier. Fig. 47 Invasion de Senecio inaequidens dans une prairie permanente. La diffusion actuelle de Senecio inaequidens en Vallée d’Aoste a atteint de tels niveaux que son éradication n’est plus envisageable, mais plutôt son contrôle par la mise en place d’interventions de lutte. Essayer de ralentir l’avancée du séneçon du Cap est très important, cette espèce n’ayant pas atteint le potentiel maximum de diffusion. La Figure 48 montre le résultat d’un modèle interprétatif dans lequel la distribution actuelle du séneçon du Cap est mise en relation avec les variables climatiques capables d’influencer sa présence. La distribution actuelle du séneçon est indiquée en noir et les espaces soumis à un risque plus élevé d’invasion sont indiqués en violet. De toute évidence, s’il n’est pas contrôlé, le séneçon peut se développer des zones marginales aux habitats seminaturels, arrivant à dépasser les 1600 m d’altitude et mettant en péril prairies et pâturages. 5.3 Modalité de propagation Comme nous l’avons indiqué, son abondante production de graines et sa facilité de dispersion permettent au séneçon du Cap de se diffuser rapidement dans de nouvelles zones, même si la banque de graines n’a pas une longue durée de vie puisque les graines ne restent actives dans le sol qu’au maximum 1 ou 2 ans, ou moins encore (6 mois) dans les couches plus superficielles. Le séneçon se caractérise par sa forte vigueur et par sa capacité à coloniser des milieux très perturbés (par exemple, les zones où la végétation indigène a été détruite par des incendies, les espaces abandonnés, les zones industrielles et les ballasts de la voie ferrée). En outre, la diffusion de cette espèce est favorisée par la carence d’ennemis naturels, présents par contre dans son aire de répartition d’origine. Des chercheurs allemands, confrontant des populations sud-africaines et européennes de Senecio inaequidens, ont trouvé que les européennes présentaient des plantes plus hautes et des capitules floraux plus nombreux. 5.4Dangerosité Fig. 48 Diffusion potentielle de Senecio inaequidens en Vallée d’Aoste. La dangerosité du séneçon du Cap est due principalement à la présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques, des molécules à action hépatotoxique, présents dans toutes les parties de la plante ainsi que dans les graines. Cette caractéristique est commune à différentes espèces du genre Senecio, parmi lesquelles de nombreuses peuvent provoquer des phénomènes d’empoisonnement du bétail et de l’homme. Le séneçon représente également une menace pour l’environnement puisqu’il cause une réduction de la biodiversité végétale dans les espaces envahis, grâce à sa vitesse d’installation et à sa copieuse production de graines. Chapitre 5 - Séneçon du Cap 49 5.4.1 Toxicité pour les animaux Le bétail peut ingérer le séneçon au pâturage ou avec le foin fourni dans sa ration. Les animaux au pâturage ont tendance à écarter cette plante, à cause de son goût amer, mais l’amertume disparaît après le séchage naturel, augmentant le risque d’ingestion du séneçon dans le foin. Puisque le fanage n’élimine pas la toxicité du séneçon, en ingérant la plante l’animal accumule la toxine dans son organisme. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont absorbés dans le système gastro-intestinal et agissent principalement sur le foie dans lequel ils libèrent des molécules toxiques (pyrroles) qui s’accumulent et nuisent progressivement à l’organe affecté, arrivant parfois même au cœur et aux poumons. Actuellement, il n’existe pas de traitement pour contrecarrer l’empoisonnement par alcaloïdes pyrrolizidiniques. Les symptômes par empoisonnement sont très difficiles à identifier, d’autant plus que, s’agissant généralement de toxicité chronique, ils peuvent se manifester plusieurs mois après l’ingestion. Le bétail empoisonné peut présenter des symptômes tels que: inappétence, perte de poids, diarrhée, troubles neurologiques, léthargie, etc. Le taux de toxicité du séneçon du Cap pour le bétail peut varier en fonction de l’espèce, de l’âge, du sexe et de l’état physiologique et nutritionnel des animaux. La bibliographie sur ce sujet analyse notamment le problème de l’empoisonnement des chevaux, plus sensibles à l’intoxication par Senecio inaequidens, car ils pâturent souvent dans des espaces marginaux, où le séneçon trouve les conditions optimales pour sa diffusion. En réalité, les parcelles destinées à la production fourragère pourront également être une voie d’empoisonnement non négligeable si elles sont envahies par le Senecio inaequidens. 50 Chapitre 5 - Séneçon du Cap La dose létale pour les chevaux est atteinte avec une ingestion d’environ 300 g de plante par jour (exprimée en MS) durant une période de 50 jours. Cette valeur correspond à 3-5% du poids vif de l’animal. Outre les chevaux, une haute sensibilité est à signaler également chez les bovins, les porcins et les poules. Par contre, en général, les ovicaprins, les dindes et les ongulés sauvages (cerfs) semblent être plus tolérants. Les chèvres et les moutons en pâture au début du printemps se nourrissent de rosettes foliaires et ne manifestent que rarement des troubles. Dans différentes études, la résistance des moutons à l’intoxication par alcaloïdes est attribuée à l’activité bactérienne du rumen qui favorise, semble-t-il, la dégradation de la molécule. Les animaux jeunes sont plus sensibles que les individus adultes. L’ingestion de fortes quantités de séneçon en très peu de temps provoque une intoxication plus accélérée par rapport à la prise de quantités moindres sur une période plus longue. 5.4.2 Toxicité pour l’homme L’homme peut être intoxiqué par les alcaloïdes du séneçon par inexpérience dans la cueillette d’espèces sauvages pour la production de remèdes naturels ou pour la consommation alimentaire de plantes sauvages. A part ces voies directes d’intoxication, l’homme peut rentrer en contact avec les alcaloïdes pyrrolizidiniques par la consommation de lait et d’œufs produits par des animaux intoxiqués. Les effets sur l’homme touchent principalement le foie, avec occlusion des veines hépatiques, hémorragies nécrotiques, développement de fibrose ou cirrhose, selon qu’il s’agisse de toxicité aiguë, subaiguë ou chronique. La sensibilité est plus haute chez les sujets plus jeunes et chez les individus de sexe masculin. La prise chronique de petites doses d’alcaloïdes pyrrolizidiniques peut avoir des effets tératogènes ou cancérigènes. 5.5Méthodes de lutte 5.5.1 Prévention L’arrachage des individus repérés est le moyen le plus efficace pour prévenir la diffusion de cette espèce. Le suivi attentif des zones ayant subi des incendies est également important car le séneçon s’y développe aisément. En effet, le séneçon s’installe rapidement dans les espaces dégradés, là où le gazon est clairsemé (Fig. 49), par conséquent la bonne gestion des surfaces destinées à la fauche et à la pâture est un élément déterminant dans la prévention de la diffusion de cette plante. Il est important de garder un gazon touffu et de suivre les techniques correctes de gestion des prairies de fauche et des pâturages ainsi que de choisir, dans le cas de resemis, des espèces résistantes à l’hiver, au piétinement et au déchirement. La pâture avec des chevaux, surtout si elle est trop intensive et dans des espaces marginaux, est un facteur pouvant favoriser le développement du séneçon. Dans des sols plus pauvres ou secs, le gazon faiblement développé peut facilement être soumis à l’invasion de Senecio inaequidens. Le recours au pâturage hivernal avec des ovicaprins et les techniques de lutte mécanique ou chimique peuvent freiner la diffusion de cette plante. Quoique le séneçon soit une plante d’une certaine valeur esthétique, dû aussi à sa floraison prolongée, il ne doit pas être cultivé dans les jardins à but ornemental et, en Vallée d’Aoste, son introduction dans les milieux naturels est interdite (L.R. 45/2009). Fig. 49 Le Senecio inaequidens s’installe rapidement dans les sols nus. 5.5.2 Lutte mécanique et physique Coupe Quoique la coupe arrive à réduire la production de graines, elle favorise la longévité de la plante qui repousse l’année suivante avec encore plus de vigueur. En outre, si la coupe est faite au moment où le séneçon est en floraison, on court le risque de favoriser sa dissémination. Extirpation L’arrachage manuel est une technique simple et très efficace, comme l’ont prouvé certaines expériences menées en Vallée d’Aoste (Fig. 50), mais il demande beaucoup de temps et n’est applicable que sur des surfaces limitées. Il est conseillé là où le traitement chimique n’est pas envisageable ou contre-indiqué. Tel est le cas de petites invasions dans des zones destinées à la production fourragère. Il est important d’intervenir rapidement, en évitant que chaque plante, en se ramifiant, n’augmente d’année en année le nombre de fleurs et par conséquent de graines. L’extirpation doit se faire très attentivement, de façon à ne pas laisser des fragments de racines dans le sol. Les plantes arrachées doivent être brûlées, surtout si elles ont Chapitre 5 - Séneçon du Cap 51 Fig. 50 Arrachage manuel de Senecio inaequidens. fleuri, car elles gardent leur vitalité pendant 2-3 jours encore et peuvent donc disséminer leurs fruits. L’intervention n’est pas résolutive, surtout dans les zones hautement infestées, et doit être répétée pendant des années. Labour Il est recommandé là où des interventions de revégétalisation de la zone sont prévues; toutefois il est fort probable que les graines de séneçon contenues dans la banque de graines du sol germent, donnant lieu à de nouvelles plantes. De façon à éviter ce problème, un hersage en automne ou au début du printemps peut être utile, considérant le peu de tolérance du séneçon à des actions perturbatrices de ce genre. Pâture avec des chèvres et des moutons Les ovicaprins sont moins susceptibles aux alcaloïdes pyrrolizidiniques et peuvent donc être utilisés dans le contrôle du séneçon avec la pâture d’hiver ou de début du printemps. Par contre, la pâture intensive avec d’autres herbivores est déconseillée, soit à cause du risque d’empoisonnement soit pour éviter que les animaux, laissant de côté le séneçon, favorisent sa diffusion. 52 Chapitre 5 - Séneçon du Cap Autres méthodes Pour la destruction du séneçon, la technique du pyrodésherbage a également été proposée, mais la limite principale de cette technique est qu’elle ne détruit que la partie aérienne de la plante, laissant en vie les organes souterrains. En plus, le pyrodésherbage peut nuire à la végétation environnante et créer des espaces de sol nu où le séneçon peut à nouveau se développer. Dans les zones déjà envahies par le séneçon, caractérisées par un gazon non uniforme, des auteurs proposent le sursemis d’espèces à développement rapide capables de rivaliser avec le séneçon et de limiter sa diffusion. 5.5.3 Méthodes de lutte chimique En Vallée d’Aoste les traitements chimiques sur les prairies et les pâturages soumis aux mesures agro-environnementales prévues par le PSR 2007-2013 sont interdits. Les principaux herbicides utilisés sont MCPA, 2,4-D, clopyralid, triclopyr et glyphosate. Pour ce dernier, ainsi que pour tout désherbant non sélectif, certaines précautions sont à prendre pour ne pas nuire aux autres plantes. Par conséquent, les techniques d’application localisée de l’herbicide sont préférables (par exemple avec un “balai chimique”), permettant des interventions très ciblées et protégeant les plantes voisines. Selon des essais menés à l’étranger, il semble que le glyphosate (application de 15 l/ha de p.a., 120 g/l) soit le désherbant qui donne le plus de garanties d’efficacité à tous les stades végétatifs. Ce principe actif non sélectif peut être utilisé dans le contrôle des populations dans les friches (talus de voies ferrées et bordures de routes), alors qu’il est à éviter dans les prairies et les pâturages. En général, le meilleur moment pour appliquer le traitement est au printemps, pendant la reprise végétative ou quand le séneçon se trouve au stade de jeune plantule (Fig. 51). Le traitement en automne (de septembre à novembre) peut également donner de bons résultats. Les traitements en été permettent de limiter la production de graines, mais ils sont peu efficaces sur les plantes fleuries. Dans les parcelles traitées, il est souhaitable d’attendre un mois minimum avant de pâturer ou de ramasser le fourrage. Puisque la lutte chimique n’est pas toujours totalement efficace, il est recommandé de vérifier l’efficacité du traitement et, le cas échéant, de le répéter, avant d’amener pâturer les animaux dans la zone traitée. L’Aphis jacobaeae est un puceron qui attaque massivement les tiges du séneçon jacobée (Senecio jacobaea), réduisant la production de graines, mais il semble qu’il n’attaque pas le Senecio inaequidens, pour des raisons non encore déterminées. D’autres antagonistes possibles, cités dans la littérature, sont le lépidoptère Tyria jacobaeae et le champignon Colesporium senecionis. La Tyria jacobaeae dépose ses oeufs sur la face inférieure des feuilles et ses larves se nourrissent notamment des fleurs de séneçon. Cette espèce a été étudiée sur le séneçon jacobée, mais son efficacité dans la lutte contre le séneçon du Cap reste à évaluer. 5.5.4 Lutte biologique La limitation principale de la lutte biologique est due à la nécessité de trouver des pathogènes ou des phytophages spécifiques du genre Senecio. Actuellement la lutte biologique contre le séneçon demande des études plus approfondies. Lutte avec des principes actifs naturels En Angleterre un herbicide à base d’huile de citronnelle (concentration de p.a. 22,9%) est disponible pour le contrôle du Senecio jacobaea, dénommé Barrier-H. Ce traitement est efficace à tous les stades de croissance, mais en particulier quand la plante se trouve au stade de rosette (jeune plantule). Pour le moment, ce produit n’a pas été expérimenté dans la lutte contre le Senecio inaequidens ou d’autres séneçons en milieu de montagne. Avec 5 litres de produit l’on peut traiter jusqu’à 1600 jeunes plantules et plus de 100 plantes fleuries (à ce stade il faut augmenter la quantité de produit par plante). Par rapport aux autres produits, celui-ci permet de pâturer la zone traitée seulement deux semaines après l’intervention, ayant soin d’enlever préalablement les restes de plantes mortes. Il n’est pas souhaitable d’anticiper le pâturage de la zone, car les plantes de séneçon mourantes perdent leur goût amer mais gardent toujours leur toxicité. Puisque le produit n’est efficace que sur les plantes développées, une seule intervention ne suffit pas, tant que la banque de graines n’est pas atteinte. Lutte avec des agents naturels Le champignon Puccinia lagenophorae, mondialement diffusé, est un antagoniste possible du séneçon mais, en Europe, des cas de résistance ont été dépistés. Fig. 51 Le désherbage chimique est plus efficace quand le Senecio inaequidens se trouve au stade de jeune plantule. Chapitre 5 - Séneçon du Cap 53 Chapitre 6 Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord 55 Chapitre 6 · Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord Pour évaluer les menaces d’invasion d’espèces exotiques dans les prairies permanentes des Alpes du nord, des personnes ressources ont été contactées et des recherches bibliographiques ont été réalisées. 6.1 Avis d’experts Des professionnels de la FREDON1 RhôneAlpes, des FDGDON2 de Savoie et HauteSavoie, des Conservatoires des espaces naturels de Savoie et Haute-Savoie (CPNS et ASTERS3), de l’antenne « Alpes du nord » du Conservatoire Botanique National Alpin (CBNA), de l’Irstea4 de Grenoble et des Conseils Généraux, ont été interrogés. Nous avons également participé à la première rencontre du réseau sur la thématique de la gestion des espèces végétales envahissantes, coordonnée par le Conseil Général de Haute-Savoie. 6.1.1 Pas de menaces apparentes Actuellement, la présence d’espèces exotiques invasives dans les prairies permanentes de Savoie et Haute-Savoie semble encore anecdotique. La berce du Caucase est présente en Haute-Savoie, avec quelques individus localisés dans des mégaphorbiées sans valeur agronomique. Certains individus de séneçon du Cap ont été détectés dans la région de Vienne, dans la vallée du Grésivaudan, en Savoie et en Haute-Savoie. Dans la région Pyrénées-Méditerranée, la présence de cette espèce a été signalée, mais 56 limitée à quelques prairies dégradées par le feu ou par le pâturage intensif. En Savoie, dans quelques prairies humides, le solidage géant (Solidago gigantea) s’est installé suite à des interventions de drainage. L’Irstea a réalisé un inventaire de présence de la renouée du Japon à des altitudes supérieures à 800 m et, sur 80 populations repérées, moins de 5 concernaient les prairies. Sur l’ensemble des prairies étudiées dans le cadre du projet NAPEA, aucune présence d’espèces invasives n’a été détectée. 6.1.2 Cartographies existantes Peu de cartes de distribution d’espèces invasives existent et elles concernent surtout la renouée du Japon. L’Irstea met en ligne ses inventaires de cette espèce et d’autres données sont disponibles sur le site http://ressources.renouees.free.fr/ de la FRAPNA5 74. En 2005, le Conseil Général de Savoie a réalisé un travail cartographique sur le réseau routier du département. Le CBNA a réalisé une cartographie ponctuelle de certains individus identifiés d’ambroisie à feuille d’armoise et la FREDON RhôneAlpes a mis en place, en 2010, un projet pour cartographier leur présence. 1 Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles 2 Fédération Départementale des Groupements de défense contre les Organismes Nuisibles 3 Conservatoire du Patrimoine Naturel de la Savoie, Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie 4 Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture 5 Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord 6.2Point de vue de la bibliographie 6.2.1 Vigilance sur certaines exotiques Le nombre de plantes exotiques s’élève à 300 espèces (Collectif, 2004). La commission Suisse pour la protection des plantes sauvages (CPS) a rédigé une liste de plantes exotiques invasives particulièrement dangereuses (liste noire) ainsi qu’une liste de plantes à surveiller (watch list). Des 43 espèces répertoriées dans ces listes, 6 sont susceptibles de poser problème dans les surfaces agricoles au sens large: l’ambroisie à feuille d’armoise (Ambrosia artemisiifolia), l’armoise des frères Verlot (Artemisia verlotiorum), le bunias d’Orient (Bunias orientalis), la lippia (Lippia canescens), le séneçon du Cap (Senecio inaequidens), le solidage du Canada (Solidago canadensis) et le souchet comestible (Cyperus esculentus). L’ambroisie à feuille d’armoise est une espèce annuelle qui colonise préférablement les champs cultivés (tournesol, betterave, fève, soja, Fig. 52) et les zones rudérales fortement influencées par l’homme (Delabays et al., 2007). Fig. 52 Ambrosia artemisiifolia. Dans le massif de la Chartreuse (département de l’Isère) des plantes d’ambroisie ont été repérées jusqu’à 1000 m d’altitude. La lippia, plante à petites fleurs blanches, colonise les prairies les prés salés et humides de la basse plaine de l’Aude, où elle recouvre presque 7500 hectares de prairies et de pâturages, sous forme de gazon dense provoquant une baisse de la valeur fourragère de ces prairies et non brouté par les brebis. A partir des années 70, le séneçon du Cap est devenu un problème en France. Delabays et al. (2007) considèrent que cette espèce, présente dans des friches et pâturages de la vallée du Rhône, peut devenir une menace redoutable pour les cultures, notamment pour les pâtures et les vignobles. Ces mêmes auteurs attirent également l’attention sur le bunias d’Orient et le souchet comestible. En Suisse, les solidages (Solidago canadensis et Solidago gigantea, Fig. 53) envahissent les jachères florales, des surfaces de compensation écologique installées pour promouvoir la diversité écologique (Delabays et al., 2007). Fig. 53 Inflorescence de Solidago gigantea. Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord 57 6.2.2 Méthodes de lutte La lutte contre les espèces exotiques envahissantes est difficile, car il s’agit souvent de plantes avec des mécanismes de colonisation efficaces (stock de semences important, rhizomes) ou avec des caractéristiques particulières (toxicité à la consommation). Il est surtout préconisé une attitude préventive d’observation et d’élimination systématique ainsi qu’une fauche précoce pour éviter le développement de ces indésirables par dissémination des graines. Parmi les espèces fourragères des prairies permanentes, les graminées sont considérées les meilleurs concurrents des espèces indésirables. Les pratiques agricoles favorisant leur développement sont à privilégier, tout en évitant la formation d’espaces vides dans le tapis herbacé qui pourraient être occupés par des espèces indésirables. La pâture de printemps, par exemple, favorise le tallage des graminées et assure une meilleure couverture du terrain. Une grande diversité d’espèces favorise également la résilience des milieux, les rendant moins sensibles aux invasions biologiques (FRAPNA, 2008), tandis qu’un milieu contraignant et perturbé au niveau des pratiques agricoles entraine un déséquilibre dans la dynamique de végétation et favorise les espèces envahissantes (Collectif, 2004). 6.3 Espèces indigènes causant préjudice à l’agriculture En agriculture ce sont plutôt des espèces non exotiques, également envahissantes, qui sont actuellement les plus préjudiciables aux cultures française telles que : les Séneçons aquatique et jacobée (Senecio aquaticus et S. jacobaea), le Chardon des champs (Cirsium arvense), le Colchique (Colchicum autumnale), le Vérâtre (Veratrum album) etc. 58 6.3.1 Les séneçons Il faut prêter une grande attention aux espèces indigènes du genre Senecio, des plantes toxiques favorisées par l’extensification des pratiques agricoles. Les espèces dangereuses sont nombreuses: par ordre décroissant de toxicité nous trouvons le séneçon des Alpes, le séneçon jacobée, le séneçon aquatique et le séneçon à feuilles de roquette. Pour contrôler leur diffusion, il est conseillé d’arracher la plante autour de la floraison, avant la dissémination des graines. La lutte chimique plante par plante est également efficace, utilisant les produits chimiques autorisés. Le meilleur moment pour intervenir est à l’apparition des rosettes (mi-août). Il est possible d’intervenir au printemps, mais le délai après le traitement est plus difficile à respecter (Aeby, 2005). 6.3.2 Le chardon des champs (Cirsium arvense) Cette plante se propage par les rhizomes pouvant s’allonger de 2 à 4 mètres par an, d’un fragment de rhizome peut naître très rapidement une nouvelle plante. Elle fleurit de la fin juin à la fin de l’été et ses graines peuvent survivre de 10 à 20 ans dans le sol. Toutes ces caractéristiques biologiques font que la lutte contre le chardon des champs soit plutôt compliquée (Weill et al., 2005). La fauche est peu efficace, car la plante se renouvelle par les bourgeons présents sur les racines. Toutefois, si elle a lieu avant la production des graines, la fauche empêche la dissémination dans les champs environnants. En particulier, puisque le chardon envahit fréquemment les champs à partir des bords de chemins ou de fossés, la fauche de ces zones est conseillée avant la floraison, de façon à éviter la dispersion des graines. Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord Puisque chaque nouvelle pousse participe au renouvellement des réserves en rhizomes, pour débiliter la plante il faut répéter les coupes tout au long de l’année, sans oublier que, au stade boutons floraux, les réserves sont au minimum. La lutte mécanique à l’aide d’outils tels que des disques est à déconseiller car elle sectionne les rhizomes et contribue à multiplier les pieds. La meilleure solution contre le chardon des champs reste encore le traitement chimique, appliqué entre le stade de cinq feuilles du chardon (pour prévenir la création de nouveaux bourgeons sur les racines) et l’apparition des boutons floraux (pour débiliter les parties souterraines) (Aeby et Dubach, 2006). 6.3.3 Lutte contre le rumex dans les pâturages Le rumex est une plante vivace, à système racinaire profond. De même que le chardon des champs, elle se multiplie soit par propagation à partir des rhizomes soit par voie sexuelle (production de graines), ce mécanisme prédomine dans les prairies. Le rumex donne une abondante production de graines (jusqu’à 60.000 par an, Crémer et Luxen, 2007), ayant une bonne faculté germinative favorisée par la lumière, ce qui permet au rumex d’occuper très rapidement les trous du gazon. Le rumex est une espèce nitrophile et représente un réel problème en région herbagère, car il concurrence les plantes fourragères pour les éléments nutritifs et diminue la qualité des fourrages. Pour prévenir la diffusion du rumex il faut tout d’abord éviter les dégâts du gazon: une fauche ou une pâture trop rase favorise sa multiplication. Eviter les trop fortes fumures qui peuvent étouffer ou brûler la végétation et causer des trous dans le gazon. Considérant la forte capacité de production de graines et leur pouvoir de germination, un plan de lutte doit être principalement ciblé pour empêcher leur dissémination. A cet effet, il faut développer un plan de lutte global évitant notamment la dissémination des graines. Pour cela il faut faucher ou pâturer tôt dans la saison (avant maturité des graines). Le compostage aide à détruire la plupart des graines de rumex si une température de 55°C minimum est atteinte (Crémer et Luxen, 2007). L’arrachage manuel, envisageable si la présence de rumex est encore réduite, doit être effectué au moyen d’une fourche arracheuse spécifique (Fig. 54), cela nécessite un sol modérément humide et une certaine expérience pour une manipulation correcte. La lutte chimique contre le rumex doit se répéter pendant plusieurs années (Pötsch, 2005; Crémer et Luxen, 2007). C’est au stade de rosette que nous pouvons obtenir la plus haute efficacité. Dans le cas de forte infestation, les traitements doivent être appliqués sur toute la surface. Si la colonisation est moins importante, le traitement plante par plante est envisageable. Il faut utiliser des produits à base d’asulame ou de sulfonylurées, le traitement à base de glyphosate n’étant pas recommandé, malgré son efficacité, puisqu’il n’est pas sélectif et élimine les autres espèces également. Fig. 54 Fourche pour l’arrachage manuel du Rumex. Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord 59 Fig. 55 Invasion de Veratrum album dans un pâturage. 6.3.4 Le vérâtre (Veratrum album) Le vérâtre (Fig. 55) pousse dans des sols profonds, frais, acides et riches en éléments nutritifs (Dorée, 1991, Aeschimann et al., 2004). Cette plante se multiplie principalement par voie végétative, à partir de rhizomes, mais elle se diffuse également grâce à ses graines lesquelles, ainsi que celles du rumex, gardent leur propre capacité germinative, même après le passage par le tube digestif des ruminants. Dans les essais réalisés par le Cemagref en alpage pour comparer les moyens de lutte mécaniques et chimiques, l’arrachage a démontré une grande efficacité, à condition que la totalité du rhizome soit extraite. La fauche précoce (stade début de végétation=30cm de hauteur) est efficace à long terme, avec l’avantage de conserver la valeur agricole de la parcelle. Le traitement localisé avec glyphosate est la technique la plus efficace dans le cas de parcelles moins infestées par le vérâtre. Ce principe actif, pourtant, n’étant pas sélectif, provoque une détérioration de la valeur agronomique de la prairie et forme des trous dans le tapis pouvant être colonisées par d’autres plantes envahissantes, telles 60 que le rumex. Par conséquent, le désherbage avec glyphosate doit être suivi d’un resemis (Bletton, 2003). L’office sanitaire cantonal de Neuchâtel recommande la distribution localisée de 2,4-D et de MCPP 5% début juin (Horner, 2009): son efficacité est équivalente à celle du glyphosate, mais sans dégâts pour la végétation adjacente. Sur des populations moins étendues, Bletton (2003) conseille l’emploi de Fluroxipyr+trichlopyr, au stade de quatre feuilles, durant une période de 4 à 5 ans. 6.3.5 Le colchique d’automne (Colchicum autumnale) Cette plante bulbeuse, à floraison automnale, contient la colchicine, un alcaloïde très toxique pour le bétail, en particulier quand la plante est fleurie. Pour l’éliminer, le pâturage de génisses à fort chargement instantané est très efficace, entre avril et mai, surtout grâce à l’effet du piétinement. Après le passage des animaux il faut faucher les refus, pour éviter qu’ils montent en graine. L’arrachage au printemps peut être efficace quoique laborieux. Il doit être répété de 2 à 3 ans, en évitant de blesser les bulbes, ce qui favoriserait leur multiplication. 6.4Pour en savoir plus Une riche documentation est disponible sur internet, en langue française, sur les espèces invasives. Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, nous présentons à continuation une courte liste, bien que non exhaustive. 6.4.1 Plantes exotiques envahissantes h t t p : / / w w w. t e l a - b o t a n i c a . o r g / page:biodiversite Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord Divers liens sur les plantes envahissantes, dont le dossier de divulgation de l’Agence Méditerranéenne de l’Environnement du Languedoc-Roussillon et de l’Agence Régionale pour l’Environnement de ProvenceAlpes-Côte d’Azur en partenariat avec le Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles. Quinze fiches de présentation des principales espèces exotiques envahissantes de la région méditerranéenne sont disponibles, ainsi que les méthodes de lutte contre celles-ci. http://www.tela‑botanica.org/sites/ botanique/fr/documents/biblio/ articles_en_ligne/Stantari_Plantes_ envahissantes_13.pdf Article de la revue Stantari sur les caractéristiques biologiques des plantes envahissantes et les nuisances causées par celles-ci, notamment en ce qui concerne la biodiversité, avec la présentation de quelques exemples d’espèces de Corse (Paradis et al., 2008). h ttp://www.isere-interactive.fr/include/ viewFile.php?idtf=15226&path=7a%2 FWEB_CHEMIN_15226_1317911279.pdf Brochure du Conseil Général de l’Isère, destinée au grand public, pour diffuser la connaissance et pour aider à identifier les plantes envahissantes, responsables de l’appauvrissement de la diversité du patrimoine naturel du département et qui posent aussi des problèmes pour la santé. http://www.cg73.fr/2801-paysages-etmilieux-naturels.htm Site du Conseil Général de Savoie avec une recherche approfondie sur l’ambroisie, la berce du Caucase et la renouée du Japon. Trois vidéos sont disponibles, ainsi que des fiches pour aider à les reconnaître et à apprendre à limiter leur diffusion. http://www.ambroisie.info/ Site internet d’information de la région Rhône Alpes dédié à l’ambroisie à feuilles d’armoise. http://ressources.renouees.free.fr/ Site de la FRAPNA dédié à la Renouée du Japon, avec entre autre différentes expériences de cartographie des points d’envahissements de quelques bassins versants. h t t p : / / w w w. c p s - s k e w. c h / f r a n c a i s / plantes_exotiques_envahissantes Informations générales sur les exotiques espèces envahissantes en Suisse. Parmi les documents disponibles figure la liste noire de Suisse, une clé d’appartenance des néophytes et quelques fiches d’observation. http://www.ne.ch/neat/site/jsp/rubrique/ rubrique.jsp?StyleType=bleu&CatId=7620 Le site internet du Canton de Neuchâtel dédie quelques pages aux espèces envahissantes, avec des clés d’appartenance et des fiches sur différentes espèces néophytes, parmi lesquelles l’ambroisie, la berce du Caucase et la renouée du Japon. Dans la partie concernant l’agriculture, des fiches techniques sont également disponibles sur la lutte contre le rumex le chardon et le vérâtre dans les pâturages. 6.4.2 Espèces indigènes indésirées h t t p : / / w w w. a g r i re s e a u . q c . c a / a g r i c u l t u re b i o l o g i q u e / d o c u m e n t s / Chardon%20med.pdf Dossier sur les méthodes de lutte contre le chardon en agriculture biologique. h t t p : / / w w w. f o u r r a g e s m i e u x . b e / SSSMdesherbagerumex.htm Dossier pour la lutte contre les rumex dans les herbages. Chapitre 6 - Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord 61 Chapitre 7 Espèces animales : le campagnol terrestre 63 Chapitre 7 · Espèces animales : le campagnol terrestre (Arvicola terrestris) Le campagnol terrestre est un rongeur qui creuse des galeries dans le sol (Fig. 56). Nous le trouvons notamment dans les vergers, les friches, les prairies et les pâturages de montagne, pouvant arriver à plus de 2000 m d’altitude. Dans les années de pullulation, ce rongeur cause d’importants dégâts à l’agriculture (Fig. 57), réduisant le rendement des cultures et créant des entraves aux pratiques agricoles. Il se nourrit surtout de racines charnues et de bulbes de plantes herbacées, de préférence le pissenlit et les légumineuses (notamment le trèfle), sans négliger les graminées ou les ombellifères. Chaque jour, il ingère une quantité de végétaux équivalente à son poids. Le campagnol terrestre est très prolifique: une femelle peut avoir jusqu’à 8 portées par an, avec 2 à 8 petits à chacune d’elles. Tout au long de sa vie, un couple peut engendrer une famille de 100 à 140 individus. Le campagnol terrestre creuse des galeries pour coloniser les prairies et se déplacer, mais il profite également des galeries des taupes, raison pour laquelle il est difficile de dépister rapidement le problème favorisant la prolifération de cette espèce. Les galeries des taupes sont également utilisées par les campagnols en tant qu’abri, grenier et comme lieu de reproduction. 7.1 Campagnols terrestres, campagnols des champs et taupes Dans une prairie différents mammifères fouisseurs peuvent cohabiter et, parfois, il arrive de pouvoir identifier la présence du campagnol terrestre, ainsi que celle du campagnol des champs (Microtus arvalis) et de la taupe (Talpa europaea). Ces trois espèces causent des dégâts différents. Fig. 56 Sortie d’une galerie de campagnols. Fig. 57 Dégâts causés par les campagnols dans une prairie permanente. 64 Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre Campagnol terrestre Campagnol des champs Taupe noire Longueur tête-corps 12-16 cm 8-11 cm 12-15 cm Poids 60-120 g 20-30 g 65-120 g Régime alimentaire Racines charnues et bulbes, ainsi que les parties vertes des plantes Ecorces, tiges, feuilles et graines Carnivore (vers de terre, larves, limaces, etc.) Taupinières (diamètre: 15-25 cm, hauteur: 5-10 cm) aplaties distribuées irrégulièrement Nombreuses galeries souterraines ouvertes, reliées par de petites coulées de terre déblayée Grosses taupinières (diamètre: 30-50 cm, hauteur: 10-30 cm) hémisphériques et non alignées Perte de rendement. Dégradation de la composition botanique. Fourrage sali de terre. Usure plus rapide des engins utilisés pour la fenaison En général il ne provoque pas de dégâts importants Dégâts dans la prairie. Fourrage sali de terre. Usure plus rapide des engins utilisés pour la fenaison Signes sur le sol Dégâts Dessins Bündner Natur-Museum Chur 7.2 Diffusion en France Le campagnol terrestre est diffusé dans des prairies de moyenne et haute montagne mais nous le trouvons également en plaine. Les massifs touchés sont le massif jurassien, le grand massif central, les Alpes et les Pyrénées. Les pullulations récurrentes, avec des populations de campagnol très nombreuses, ont été observées tant en Savoie qu’en Haute- Savoie, département particulièrement touché par les invasions de campagnols dans les prairies. Dans des secteurs tels que le Plateau de Gavot, le Plateau des Bornes ou le Grand Bornant, les dégâts revêtent une telle envergure qu’ils arrivent à compromettre l’autonomie fourragère des exploitations. En Savoie, sa diffusion est moins conséquente et touche surtout le nord du département et la vallée de la Maurienne. Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre 65 7.3 Diffusion en Vallée d’Aoste Pour le moment, la distribution de cette espèce en Vallée d’Aoste n’a pas été étudiée dans le détail. Les renseignements dont nous disposons viennent de signalements par des agriculteurs, des propriétaires de terrains et des techniciens régionaux. Des dégâts dans les prairies et les pâtures ont été signalés dans les communes de Morgex, Pré-Saint-Didier et Saint-Nicolas. Récemment, des dégâts provoqués par les campagnols ont été signalés également dans les prairies de la vallée de Rhêmes. Dans la commune de Saint-Nicolas, des populations se sont manifestées en altitude, près des zones d’alpage. Pendant les phases de basse densité, les populations ne représentent pas une menace sérieuse pour les prairies. Dans la phase de croissance de la population, par contre, la densité des campagnols peut augmenter exponentiellement, jusqu’à devenir un grave problème pour les agriculteurs. L’évolution du cycle de pullulation des campagnols est influencée par de nombreux facteurs: 7.4 Dynamiques de la population - abondance de prédateurs (renards, belettes, hermines, rapaces); - présence de galeries de taupes; - pratiques agricoles (fauche ou pâturage, chargement animal, fertilisation, suppression des haies); - conditions climatiques (effet de sécheresse); - parasites et maladies. Les populations de campagnols fluctuent cycliquement, pouvant atteindre un pic de population important tous les 6 ans (Fig. 58). Le phénomène de pullulation cyclique des campagnols pose un grave problème à l’exploitation de la zone et rend difficile le contrôle des populations. Les prairies temporaires et les terrains labourés sont peu appréciés par le campagnol qui préfère les prairies permanentes de moyenne montagne. Les prairies fauchées sont plus assujetties aux invasions de campagnols, tandis que le pâturage dérange l’installation de campagnols. Fig. 58 Représentation schématique du cycle pluriannuel de pullulation d’une population de campagnols (Brischoux et al., 2000). 66 Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre Une fertilisation abondante, surtout azotée, contribue à augmenter les populations de campagnols qui privilégient notamment les prairies peu diversifiées, où prédominent les espèces végétales telles que le pissenlit, l’un des principaux composants du régime alimentaire des campagnols. La hauteur même du tapis herbacé peut offrir une protection aux campagnols contre leurs prédateurs. La structure du paysage peut également encourager les campagnols, qui prolifèrent plus rapidement dans des écosystèmes ouverts, où ils ne trouvent pas d’obstacle à leur diffusion. La présence d’espaces structurés et hétérogènes, tels que les haies ou les bosquets, par contre, peut limiter leur propagation. 7.5 D égâts La propagation des campagnols cause de fortes pertes de rendement de la prairie (de 30 à 80%, selon les recherches menées en Franche-Comté) et la qualité même du fourrage baisse notablement. De plus, puisqu’ils consomment préférablement les légumineuses, ils provoquent une détérioration de la composition floristique de la prairie. Sur la base d’observations menées en France dans le cadre du projet NAPEA, à un niveau de dégradation de la prairie de 20%, la baisse de production de fourrage est de 50%, tandis qu’avec un niveau de dégradation de 50%, la perte de production est d’environ 75%. Ces différences ont été mesurées tant à la première qu’à la deuxième coupe. Souvent, après le passage des campagnols, il faut rénover les prairies. La fenaison des prairies envahies est rendue difficile par la présence de taupinières qui, à long terme, provoquent une forte usure du matériel de fenaison. Le foin est souillé de terre, moins apprécié par le bétail, les animaux pouvant souffrir des troubles de santé. En plus, la terre peut contenir des spores de bactéries, par exemple les clostridies, nuisibles à la qualité du lait et à la production fromagère. La FREDON Franche-Comté a calculé que, dans les années de pullulation, une exploitation agricole de 70 ha peut souffrir un préjudice économique allant de 9.000 à 25.000 euros. Enfin, le campagnol est un vecteur de l’échinococcose alvéolaire (580 cas humains enregistrés en Europe de 1982 à 2000, dont 117 en Franche-Comté seulement). 7.6M éthodes de lutte Une technique capable, à elle seule, d’éliminer les populations de campagnols n’existe pas ; par contre, il est possible de réduire l’impact des pullulations par des moyens de lutte mécaniques, chimiques, agronomiques, pouvant être associés. 7.6.1 Piégeage Le piégeage n’est efficace que s’il est effectué régulièrement (même lorsqu’il n’y a pas de dégâts visibles), tandis qu’il perd énormément en efficacité si les pièges ne sont placés qu’en période de pullulation. Dans le cadre du projet NAPEA, un essai de lutte contre les campagnols a été réalisé dans la commune de Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre 67 Pré-Saint-Didier, à Pallusieux (Fig. 59), où une augmentation de taupinières a été constatée ces dernières années, associée à une perte quantitative et qualitative dans la production de fourrage. Deux modèles de trappes ont été comparés: TOPCAT ® , en acier chromé 1 , et SUPERCAT ® , en plastique 2 , les deux fabriqués en Suisse et basés sur un mécanisme à guillotine (Fig. 60, 61, 62). 1 http://www.topcat.ch/ 2 http://www.swissinno.com/fr/anti-nuisibles/campagnol/ piege-a-campagnol-supercat.html Cette expérience a permis d’en évaluer les avantages et les inconvénients. Leur utilisation est simple et rapide, les trappes se nettoient facilement, ne requièrent aucun entretien particulier et peuvent être utilisées indépendamment des conditions météorologiques. Les deux modèles permettent de capturer les campagnols dans les deux sens du parcours de la galerie et de capturer tant les jeunes que les adultes. Par contre, les trappes ne permettent pas d’éliminer complètement la population et demandent quelque soin lors Fig. 59 Parcelle expérimentale pour l’essai de lutte contre les campagnols. Fig. 61 Trappe en acier chromé, model TOPCAT® 68 Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre Fig. 60 Les deux modèles de trappes comparés dans l’essai de lutte contre les campagnols. Fig. 62 Trappe en plastique, model SUPERCAT® de la manipulation, car il est possible de se blesser si jamais elles sont déclenchées par erreur. Dans la comparaison nous avons remarqué que les trappes TOPCAT ® ont toujours causé la mort du campagnol, tandis que dans le cas des trappes SUPERCAT ® cela ne s’est pas toujours produit. En outre, il a été relevé que le mécanisme des trappes en plastique a plutôt tendance à se déclencher à vide. 7.6.2 Lutte chimique Pour la lutte chimique contre le campagnol différents principes actifs peuvent être efficaces (bromadiolone, chlorophacinone, difenacoum, etc.) mais, considérant les fréquentes révisions des normes communautaires en matière de produits phytosanitaires, nous recommandons de rester actualisés quant aux possibilités et aux restrictions d’emploi des différents produits. En France, la bromadiolone est un p.a. autorisé contre les campagnols mais pas contre les taupes. Des appâts empoisonnés composés par des caryopses imprégnés du principe actif (à 50 ppm) sont utilisables, les introduisant dans les galeries à l’aide d’une canne ou bien les distribuant à la volée sur le terrain dans les zones à forte concentration de taupinières (cette pratique représente un risque aussi pour les autres animaux sauvages). La bromadiolone est soupçonnée d’être responsable de la mort de nombreux prédateurs (renards, buses, etc.) en Franche-Comté. Par conséquent, depuis 2003, les doses d’emploi ont été réduites, jusqu’à un dixième, avec un taux de succès toujours satisfaisant (entre 90 et 95%), sans causer l’empoisonnement d’autres animaux. Ainsi, en Franche-Comté, l’emploi de la bromadiolone est conseillé, à condition que le doses soient réduites et, tout comme le piégeage, qu’elle soit appliquée régulièrement même en basse densité d’effectifs de campagnols. 7.6.3 Agir en faveur des prédateurs Les prédateurs peuvent être aidés grâce au maintien des haies, où ils font leurs nids ou leurs tanières, ainsi que par la fauche des résidus après le pâturage, de façon à éliminer les espaces refuge pour les campagnols. 7.6.4 Destruction des galeries Le hersage en début de printemps et à la fin de l’automne, détruisant les galeries, dérange l’activité des campagnols et perturbe la population des rongeurs. Cette action peut se faire également grâce au pâturage, car le piétinement endommage les galeries plus superficielles. 7.6.5 Actions contre les taupes Les galeries des taupes représentent également une voie de diffusion pour le campagnol. 7.6.6 Actions sur la structure paysagère L’alternance de prairies avec d’autres cultures est recommandée, là où cela est faisable: cultiver des céréales en rotation sur 10% de la surface aide à réduire la prolifération de cette espèce. Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre 69 Echelle Action Remarques Suivi de la dispersion des foyers de campagnols par repérage des taupinières dans les parcelles Suivi difficile à mettre en place sur la durée (manque de main d’œuvre) mais essentiel pour savoir où agir avant que les pullulations n’aient lieu Réduire la STH par implantation de céréales Les prairies temporaires ne sont pas une solution car cela ne contribue qu’à favoriser le campagnol en lui apportant de la bonne nourriture (légumineuses, graminées productives) Unité paysagère Réimplantation de haies Implantation de perchoirs et nichoirs Eviter aussi de piéger le renard Parcelle Faire pâturer (alternance fauche/ pâture) Broyage des refus si nombreux En Franche Comté, les pâtures gazon court ne subissent pratiquement pas de dégâts de campagnols Station Eliminer les campagnols au niveau des foyers repérés par la présence de taupinières (piégeage et lutte chimique) Agir surtout en période de basse densité et répéter l’action jusqu’à l’année de pullulation Territoire 7.7Lutte raisonnée Comme nous l’avons dit, ces actions isolées ne sont pas capables de contrôler les populations. Pour minimiser les dégâts causés par les campagnols sur un territoire, différentes mesures doivent être associées et la lutte doit continuer longtemps. C’est le principe de la lutte raisonnée dont l’objectif est de réduire l’espèce et il prévoit l’association de différentes actions complémentaires: - suivi; -engagement collectif (agriculteurs, techniciens, etc.); - utilisation de différentes techniques de lutte. Mise en pratique en Franche-Comté, la lutte raisonnée agit à différents niveaux. 70 7.8Actions de rénovation des prairies Les années de pullulation des campagnols, dans les zones hautement endommagées, des interventions de restauration des parcelles les plus dégradées doivent être mises en place. La rénovation des prairies sert à assurer une disponibilité suffisante de surfaces pour le pâturage et pour la production fourragère, de façon à consolider le fonctionnement de l’exploitation. Il faut définir où, quand et comment intervenir, pour que l’investissement en argent et en travail soit efficace et durable: investir dans la remise en état des prairies avant de commencer la lutte contre les campagnols nous expose au risque de devoir tout refaire au Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre bout de six mois. Par conséquent, il faut définir un cadre précis de la situation concernant quelques points fondamentaux, tels que les dynamiques de population des campagnols, le rôle des différentes parcelles dans le système fourrager de l’exploitation et leur niveau de dégradation, les besoins en fourrages de l’exploitation et le matériel à disposition sur l’exploitation (ou en CUMA). Les interventions de rénovation ne sont justifiées que sur les parcelles les plus dégradées et avec un bon potentiel productif: Plus les dégâts sont importants, plus le travail de rénovation a de chance de réussir (sursemis), tandis que les prairies peu touchées sont capables de se régénérer très vite d’elles-mêmes. Pour établir le niveau de dégradation de la parcelle, on peut établir une note d’enherbement. Dans la parcelle il faut délimiter un cadre (environ 5x10m) et noter de 0 (pas d’herbe du tout) à 5 (100% d’herbe) l’aspect de la végétation dans le cadre ainsi délimité. La mesure doit être répétée tous les 15-20 en traversant la parcelle et faire la moyenne des notes obtenues. Les années de basse densité de population de campagnols, nous pouvons établir les modalités d’intervention les plus pertinentes en fonction des dégâts sur la couverture herbacée de la parcelle. • Si les dégâts sont modérés et uniformément répartis (valeur d’enherbement de 4 à 5), la remise en état n’est pas nécessaire, car les surfaces se régénèrent naturellement. Il convient d’égaliser les taupinières, de passer un rouleau lourd et d’apporter une fertilisation azotée au printemps (compatible avec le cahier des charges PHAE). • Si les dégâts sont faibles à moyens, localisés par tâches (valeur d’enherbement de 3 à 4), il suffit un sursemis localisé sur les endroits les plus touchés (Fig. 63). • Des dégâts moyens à élevés, uniformément répartis (valeur d’enherbement de 2 à 3), imposent un sursemis généralisé sur toute la surface et, le cas échéant, la lutte contre les mauvaises herbes. • Pour la remise en état des prairies hautement dégradées (valeur d’enherbement de 0 à 1), il faut labourer le sol en surface et ressemer toute la surface. Une régénération tôt au printemps, avant le départ de la végétation, permet une utilisation plus rapide de la prairie, mais le risque d’une mauvaise implantation est plus important que pour une régénération à l’automne. De plus, il est nécessaire de tasser le sol après le semis pour favoriser la germination et une fauche précoce permet de limiter le développement des adventices. En période d’attaque des campagnols, par contre, il est préférable de ne pas investir (du temps et de l’argent) dans la régénération de parcelles risquant d’être de nouveau détruites. Cependant, certaines pratiques peuvent être utiles pour faire face aux attaques et en diminuer en les impacts : Fig. 63 Sursemis dans une prairie endommagée par les campagnols. Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre 71 • lorsque cela est possible, intensifier la pression de piétinement du troupeau (il existe un rouleau à plot reproduisant les effets du pâturage) pour détruire les galeries, • maintenir une hauteur d’herbe faible pour favoriser la prédation (par un pâturage en gazon court ou la fauche des refus), • faucher les refus à l’entrée d’hiver afin de limiter les sources de nourriture, • favoriser la régénération naturelle par un travail superficiel du sol (herse, rouleau, …) 7.9Recommandations et perspectives Le piégeage est pratiqué dans les deux départements savoyards mais l’usage de la bromadiolone est proscrit (car jugé nonconforme à l’image qualité véhiculée par les produits AOC ). Les FDGDON3 sont à la recherche de solutions techniques alternatives à la lutte chimique pour éliminer les populations de campagnols. La FDGDON 74 va tester le Rodenator4, un dispositif américain qui injecte un mélange de gaz dans les galeries à l’intérieur desquelles il déclenche une explosion détruisant les campagnols. Ce procédé est controversé au niveau national car considéré comme inefficace (20 % de campagnols détruits, tests en cours) et sans doute préjudiciable à la faune non cible (vers de terre, araignées, belettes…) d’intérêt écologique majeur, et peut être également à la flore bactérienne du sol. L’application de la lutte raisonnée en Savoie et en Haute-Savoie doit prendre en considération quelques éléments différentiels par rapport à la situation en Franche-Comté, où cette technique de lutte a été mise au point: - l’absence de lutte chimique ; - la difficulté à mettre en œuvre collectivement cette lutte sur les territoires en raison de leur fragmentation et du nombre relativement élevé de parcelles petites, imbriquées et exploitées par des agriculteurs différents, ce qui n’est pas le cas en Franche Comté où les agriculteurs gèrent de plus grandes surfaces d’un seul tenant ; - même si elle est essentielle, la mobilisation collective et permanente des agriculteurs sur un territoire bien défini autour de la lutte sera difficile à maintenir en période de basse densité (« du fait des priorités de travail, on intervient quand il y a le feu, pas avant, et c’est trop tard »). Comme alternative à la lutte raisonnée, il faudrait encourager des systèmes d’exploitation capables de faire face au déficit fourrager dans les années de forte attaque. Pour ce faire, il faudrait réduire les niveaux de chargement, travailler sur la différenciation de la végétation par les pratiques (certaines végétations sont moins impactées par le campagnol et se régénérant surtout naturellement plus vite après dégâts) et enfin sur l’anticipation de la constitution de stocks les « bonnes années » en prévision des années de pullulation. 3 Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles 4 http://www.rodenator.com/ 72 Chapitre 7 - Espèces animales : le campagnol terrestre Bibliographie 73 Bibliographie - Celesti-Grapow L., Pretto F., Carli E., Blasi C. (eds.), 2010. Flora vascolare alloctona e invasiva delle regioni d’Italia. Casa Editrice Università La Sapienza, Roma, 208 p. - Pyšek P., Richardson D.M., 2008. Invasive plants. Encyclopedia of Ecology, vol. 3, 2011-2020. - Richardson D. M., Pyšek P., Rejmánek M., Barbour M. G., Panetta F. D. and West C. J., 2000. Naturalization and invasion of alien plants: concepts and definitions. Diversity and Distributions, 6, 93-107. - Tutino S., Siniscalco C., Bassignana M., 2010. Invasione di piante esotiche in Valle d’Aosta. Cosa fare? L’Informatore Agricolo, 4, 8-12. - http://ec.europa.eu/environment/nature/invasivealien/index_en.htm Heracleum mantegazzianum - Aeschimann D., Lauber K., Moser D.M., Theurillat J.P., 2004. Flora Alpina. Zanichelli, Bologna, 2600 p. - Lagey K., Duinslaeger L., Vaderkelen A., 1995. Burns induced by plants. Burns 21 (7), 542-543. - Pignatti S., 1982. Flora d’Italia. Edagricole, 2324 p. - Pyšek P., Cock M.J.W., Nentwig W., Ravn H.P., 2007. Ecology & Management of Giant Hogweed (Heracleum mantegazzianum). CABI, 324 p. - www.cps-skew.ch/fileadmin/template/ pdf/inva_italiano/inva_hera_man_i.pdf 74 Bibliographie Reynoutria spp. - Bailey J., Wisskirchen R., 2006. The distribution and origins of Fallopia x bohemica (Polygonaceae) in Europe. Nordic Journal of Botany, 24, 2, p. 173–199. - Bailey J.P., Bímová K., Mandák B., 2009. Asexual spread versus sexual reproduction and evolution in Japanese Knotweed s.l. sets the stage of the “Battle of the Clones”. Biological invasions, 11, 5, p. 1189-1203. - Barney J.N., Tharayil N., Di Tommaso A., Bhowmik P.C., 2006. The Biology of Invasive Alien Plants in Canada. 5. Polygonum cuspidatum Sieb. & Zucc. [Fallopia japonica (Houtt.) Ronse Decr.]. Canadian Journal of Plant Science, 86, p. 887-905. - Bashtanova U.B., Beckett K.P., Flowers T.J., 2009. Physiological approach to the improvement of chemical control of Japanese knotweed (Fallopia japonica). Weed Science, 57, 6, p. 584-592. - Child L., Wade M., 2000. The Japanese Knotweed Manual – The Management and Control of an Invasive Alien Weed. Packard Publishing Limited (Chichester), 123 p. - Ford S., 2004. Cut and inject herbicide control of Japanese Knotweed Fallopia japonica at Rocky Valley, Cornwall, England. Conservation Evidence, 1, p. 1-2. - Gerber E., Krebs C., Murrell C., Moretti M., Rocklin R., Schaffner U., 2008. Exotic invasive knotweed (Fallopia spp.) negatively affect native plant and invertebrate assemblages in European riparian habitats. Biological Conservation, 141, p. 646-654. - Kabat T.J., Stewart G.B., Pullin A.S., 2006. Are Japanese knotweed (Fallopia japonica) control and eradication method interventions effective? CEE review, 05015 (SR21). - Keefer J., 2002. Effects on rate and timing of glyphosate and imazapyr treatment on the control of Japanese knotweed (Polygonum cuspidatum). Master’s thesis, Pennsylvania State University, 90 p. - Price E.A.C., Gamble R., Williams G.G., Marshall C., 2002. Seasonal patterns of partitioning and remobilization of 14C in the invasive rhizomatous perennial Japanese knotweed (Fallopia japonica (Houtt.) Ronse Decraene). Evolutionary Ecology, 15, p. 347-362. - Shaw R.H., Bryner S., Tanner R., 2009. The life history and host range of the Japanese knotweed psyllid, Aphalara itadori Shinji: potentially the first classical biological weed control agent for the European Union. Biological Control, 49, 2, p. 105-113. - Weston L.A., Barney J.N., Di Tommaso A., 2005. A review of the biology and ecology of three invasive perennials in New York State: Japanese knotweed (Polygonum cuspidatum), mugwort (Artemisia vulgaris), and pale swallow-wort (Vincetoxicum rossicum). Plant and Soil, 277, p. 5369. - www.cps-skew.ch/fileadmin/template/ pdf/inva_italiano/inva_reyn_sac_i.pdf -http://fallopia.japonica.pagespersoorange.fr/ - http://www.ne.ch/neat/site/jsp/rub r i q u e / r u b r i q u e . jsp?StyleType=bleu&DocId=22677 - http://www.environment-agency.gov. uk/static/documents/Leisure/Knotweed_ CoP.pdf - http://www.cabi.org/japaneseknotweedalliance/ - www.invasive.org Senecio inaequidens - Carsalade H., Sforza R., Amsallem I., 2007. Lutte Biologique, biodiversité et écologie en protection des plantes. Les dossiers d’Agropolis International. Compétences de la communauté scientifique. Les Petites Affiches (Montpellier), 60 p. - Cheeke P.R., 1984. Comparative toxicity and metabolism of pyrrolizidine alkaloids in ruminant and non ruminant herbivores. Canadian Journal of Animal Science, 64, p. 201-202. - Dimande A.F.P., 2007. Toxicity of Senecio inaequidens DC. University of Pretoria (South Africa). Msc Thesis. 94 p. http://upetd.up.ac.za/thesis/available/etd05122008-080613/unrestricted/dissertation.pdf - Heger T., Böhmer H.J., 2006. NOBANIS – Invasive Alien Species Fact Sheet – Senecio inaequidens. Online Database of the North European and Baltic Network on Invasive Alien Species – NOBANIS www. nobanis.org. Date of access 29/09/2011. - Lopéz-Garcia M.C., Maillet J., 2005. Biological characteristics of an invasive south African species. Biological Invasions, 7, p. 181-194. - Masante D., Barni E., Curtaz A., Bassignana M., Vidotto F., Tutino S., Siniscalco C., 2010. Past, present and potential distribution of the invasive Senecio inaequidens in the western Italian Alps (Aosta Valley). Proceedings of the 6th NEOBIOTA conference, Copenhagen (DK), 106. - Monty A., Mahy G., 2009. Clinal differentiation during invasion: Senecio inaequidens (Asteraceae) along altitudinal gradients in Europe. Oecologia, 159, p. 305-315. - Passemard B., 2005. Intoxications du cheval par les séneçons. Thèse pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire. Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse. 94 p. Bibliographie 75 - Passemard B., Priymenko N., 2007. L’intoxication des chevaux par les séneçons, une réalité en France. Revue de Médecine Véterinaire, 158,8-9, p. 425-430. - Prati D., Bossdorf O., 2002. A comparison of native and introduced populations of the South African Ragwort Senecio inaequidens DC. in the field. Symposium der A.F.W. Schimper-Stiftung, 7 p. - Stegelmeier B.L., Edgar J.A., Colegate S.M., Gardner D.R., Schoch T.K., Coulombe R.A., Molyneux R.J., 1999. Pyrrolizidine alkaloids plants, metabolism and toxicity. Journal of Natural Toxins 8, 1, p. 95116. - Wiedenfeld H., 2011. Plants containing pyrrolizidine alkaloids: toxicity and problems. Food Additives & Contaminants, 28, 3, p. 282-292. - www.barrier-biotech.com - http://www.sac.ac.uk/mainrep/pdfs/tn570ragwortpoisoning.pdf - www.equinescienceupdate.co.uk/ragwort1.htm - www.cps-skew.ch/fileadmin/template/ pdf/inva_italiano/inva_sene_ina_i.pdf Espèces exotiques invasives dans les Alpes du nord - Aeby P., Dubach S., 2006. Présence de plantes indésirables. Revue UFA, 3, p. 4849. - Aeby P., 2005. Séneçon: en avez-vous dans vos prairies? Communiqué Grangeneuve . (www.adcf.ch/presse/presse_sept05.pdf) - ARVALIS, CETIOM, 2008 - Fiche adventice. Chardon (Cirsium arvense). Perspectives Agricoles, n° 346, 80-81. - Bletton B., 2003. Echoalp: adventices et pelouses d’altitude. Rumex (Rumex alpinus L.) et Vérâtre (Veratrum album L.). Chambre d’Agriculture de la Savoie. 76 Bibliographie (http://www.echoalp.com/ja2003/download_ja2003/controle_vegetation.pdf) - Collectif, 2004. Plantes envahissantes. Attention aux belles étrangères. Espaces naturels, 5, 11-21. - Crémer S., Luxen P., 2007. La lutte contre les rumex en prairie. Fourrage mieux. (http://www.fourragesmieux.be/Documents_telechargeables/Lutte_contre_les_ rumex_aout_2007.pdf) - Delabays N., Bohren Ch., Rometsch S., 2007. Les plantes envahissantes: quels enjeux pour l’agriculture? Revue suisse d’Agriculture, 39, p. 285-290. - Dorée A., 1991. Une adventice d’alpage: le vérâtre (Veratrum album L.) biologie et lutte. Fiche CEMAGREG, 1 p. - FRAPNA Haute-Savoie, 2008. Problématique d’envahissement par les Renouées géantes (Renouée du Japon, de Sakahaline et de Bohème), en milieux aquatiques, espaces verts, zones urbaines. Outils d’aide à la décision du choix d’intervention. Guide technique, 21 p. - Horner M., 2009. Lutte contre le vérâtre. Service de l’agriculture, Office phytosanitaire cantonal, Cernier, 2 p. -INRA, 2006. Fiche de presse Info. L’Ambroisie une plante envahissante dans les cultures (http://www.inra.fr/ presse/l_ambroisie). - Paradis G., Hugot L., Spinosi P., 2008. Les plantes envahissantes: une menace pour la biodiversité. Stantari, 13, p. 18-26. - Pötsch E.M., 2005. Possibilités de régulation et de lutte contre le rumex. Compte rendu de la journée sur le contrôle des populations de rumex en prairie permanente. Agra-Ost, 6 avril 2005, 5 p. - Spiegelberger T., 2007. Le vératre, l’ambiguïté d’une «mauvaise herbe». Espaces naturels, 18, p. 25-26. - Weill A., Cloutier D., Duval J., 2005. Moyens de lutte au chardon des champs (Cirsium arvense) en production biologique. Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation, Québec, 15 p. (http://www.agrireseau.qc.ca/agriculturebiologique/documents/Chardon%20med. pdf) - http://www.tela-botanica.org/client/ projet/fichiers/PELR/14436/PELR_14438. pdf - http://www.ambroisie.info/docs/AMBROISIE%20R-A%20light.pdf Arvicola terrestris - ADCF, 1998. Campagnols et herbages. Vulgarisation Agricole, Fiche ADCF 8.5.1. - Benoit M., Crespin L., Delattre P., Mehay V., Quéré J-P., 2007. Evaluation du risque d’abondance du campagnol des champs (Microtus arvalis) en fonction du type de prairie. Fourrages, 191, 347-358. - Brischoux G., Josselin D., Pezzoli F., Tannier C., Giraudoux P., Delattre P., 2000. Contrôle des pullulations de campagnols terrestres: une approche paysagère géographique et écologique. Poster, Festival International de Géographie, Saint-Dié (88), France. - Couval G., 2011. Conséquences socioéconomiques sur l’élevage. Séminaire «Le campagnol terrestre, ravageurs de prairies», Morteau, 11-12 octobre 2011. - Delattre P., Giraudoux P., Baudry J., Quéré J.P., Fichet E., 1996. Effect of landscape structure on Common Vole (Microtus arvalis) distribution and abundance at several space scales. Landscape Ecology, 11, p. 279-288. - Delattre P., Giraudoux P. (coord.), 2009. Le campagnol terrestre: prévention et contrôle des populations. Éd. Quae, Versailles, 248 p. - Duhamel R., 1994. Influence des caractéristiques paysagères sur la distribution spatiale et la cinétique des populations du campagnol terrestre (Arvicola terrestris Scherman). Mémoire de DEA, Evolution et Ecologie, Montpellier, 23p. - Giradoux P., 2011. Ecologie du campagnol. Séminaire «Le campagnol terrestre, ravageurs de prairies», Morteau, 11-12 octobre 2011. - Giraudoux P., Delattre P., Habert M., Quéré J.P., Deblay S., Defaut R., Duhamel R., Moissenet M.F., Salvi D., Truchetet D., 1997. Population dynamics of fossorial water vole (Arvicola terrestris Scherman): a land usage and landscape perspective. Agriculture, Ecosystems and Environment, 66, p. 47-60. - Kelderer M., Casera C., 2008. The ’Rodenator’, an efficient equipment to control field mice and root voles? 13th International Conference on Cultivation Technique and Phytopathological Problems in Organic Fruit-Growing, Fördergemeinschaft Ökologischer Obstbau e. V. Weinsberg, Weinsberg, Deutschland, p. 335-338. - Mayor P., 2006. Lutte contre les campagnols. Revue suisse de viticulture arboriculture horticulture, 38, p. 39-39. - Morilhat C., 2005. Influence du système sol-végétation-pratiques agricoles des prairies Franc-Comtoises sur la dynamique de population de la forme fouisseuse du campagnol terrestre (Arvicola terrestris Scherman). Doctorat Homme Environnement et Santé, Laboratoire de biologie environnementale (EA 3184-UC INRA), Université de Franche-Comté, Besançon, 209 p. - Note P., Poix C., 2007. Simulations spatialisés des pullulations de campagnols terrestres: étude de l’influence des structures paysagères. Cybergeo: European Journal of Geography, Environnement, Nature, Paysage, document 346. Bibliographie 77 - Pernel M., 2011. Suivi de la valeur d’usage et de la capacité de régéneration des prairies permanentes de fauche des Alpes du nord dégradées par le campagnol. Mémoire de Fin d’Etudes. AGROCAMPUS OUEST– Centre de Rennes. - Quéré J.P., Garel J.P., Rous C., Pradier B., Delattre P., 1999. Estimer les dégâts du campagnol terrestre en prairie naturelle. Fourrages 158, p. 133-147. - Sage M., Cœurdassier M., Defaut R., 78 Bibliographie Lucot E., Barbier B., Rieffel D., Berny P., Giradoux P., 2007. How environment and vole behaviour may impact rodenticide bromadiolone persistence in wheat baits after field controls of Arvicola terrestris? Environmental Pollution, 148, p. 372-379. - http://www.topcat.ch/Campagnol_terrestre-4_2.html) - http://www.swissinno.com/fr/anti-nuisibles/campagnol.html - http://www.campagnols.fr/index.php