Prendre en charge une personne âgée polypathologique en soins

Mars 2015
Points clés
Ce qu’il faut faire
Les étapes 1, 2 et 4 sont communes à tous les patients polypathologiques de plus de 75 ans. L’étape 3 (PPS)
n’est pas systématique. Une synthèse de l’approche par étapes est présentée en annexe 1.
Prendre en charge une personne âgée
polypathologique en soins primaires
Cette fiche propose une approche globale centrée sur la personne âgée et sa polypathologie. Elle concerne
des patients autonomes ou avec perte d’autonomie.
La prévalence des maladies chroniques augmente régulièrement en raison de l’allongement de l’espérance
de vie. À partir de 75 ans, la présence simultanée d’au moins 2 maladies chroniques est très fréquente. Aux
risques liés à la polypathologie, s’ajoutent ceux liés à la polymédication et à la multiplicité de prescripteurs.
La prise en charge des patients atteints de plusieurs maladies chroniques est un processus continu : identifi-
cation des patients, information, dialogue et évaluation, planification des soins, suivi et réajustement avec
le patient et son entourage.
Les approches les plus efficaces associent la prise en charge des pathologies chroniques à celle des difficul-
tés fonctionnelles, sociales et psychologiques. Elles doivent être hiérarchisées en fonction de la gravité des
maladies et des priorités des patients.
La prise en charge est pluriprofessionnelle : elle fait appel à la concertation entre professionnels et à la déli-
vrance au patient de messages clés harmonisés.
Elle met en exergue la responsabilité du médecin traitant pour coordonner le parcours, organiser les inter-
ventions des différents acteurs et gérer les médications multiples.
Elle nécessite d’impliquer le patient en l’informant, en lui proposant si besoin une éducation thérapeutique,
et en l’associant au suivi des décisions thérapeutiques.
Le suivi des patients doit être renforcé dans les périodes à risque de rupture du parcours, en particulier
après une hospitalisation, afin de prévenir le risque de réadmission non programmée.
Lorsque la situation du patient nécessite un travail formalisé à plusieurs professionnels, un plan personnalisé
de santé (PPS) doit être envisagé.
Mars 2015
Étape 1. Identifier les personnes âgées polypathologiques
Professionnels impliqués : médecin traitant en parte-
nariat avec le pharmacien.
Nature de l’intervention : identification des personnes
âgées de 75 ans et plus, ayant au moins 3 maladies
chroniques.
Objectif : Identifier un groupe de patients à qui proposer
une prise en charge renforcée et pluriprofessionnelle.
Méthode : principalement par la consultation du dossier
médical et du volet de synthèse médicale (VSM).
L’analyse des médicaments prescrits (compte Ameli,
échanges avec le pharmacien (dossier pharmaceutique)
peut également permettre d’identifier des pathologies
non répertoriées dans le dossier médical.
Personnalisation de la prise en charge en fonction des profils de
risque
Profils de patients Points de vigilance Interventions à prioriser
Prédominance d’une pathologie
avec des comorbidités (ex. : in-
suffisance cardiaque avec diabète
et HTA) chez un patient autonome
Renforcer le suivi après une
hospitalisation
Gérer la polymédication
Organiser la coopération avec le spécia-
liste d’organe ou référent de la patholo-
gie
Éduquer le patient et son entourage
Envisager un PPS*
Coexistence de plusieurs patho-
logies chez un patient autonome
Établir des priorités entre les
objectifs et les traitements
Gérer la polymédication
Formaliser le suivi des différents avis
spécialisés
Éduquer le patient et son entourage
Envisager un PPS*
Polypathologie associée à une
fragilité ou à une perte
d’autonomie, même débutante
Prévenir l’aggravation de la
perte d’autonomie
Faire une évaluation gériatrique de
soins primaires ou spécialisés
Mobiliser les aides à domicile
Envisager un PPS*
Coexistence d’une polypatholo-
gie avec une précarité finan-
cière, sociale, énergétique, etc.
Réduire les facteurs limitant
l’accès aux soins et la qualité
de vie
Établir un bilan social
Mobiliser les aides sociales
Proposer un accompagnement tempo-
raire au patient
Envisager un PPS*
* Certains patients âgés polypathologiques, même autonomes, peuvent nécessiter la mise en œuvre d’un PPS
si la gestion de leurs maladies et traitements s’avère complexe avec un risque médicamenteux élevé.
Pathologies chroniques à pren-
dre en compte
Les affections de longue durée (ALD)
Les pathologies/problèmes de santé chro-
niques non ALD mais à l’origine de soins pro-
longés ou de gêne fonctionnelle : HTA, insuf-
fisance rénale, arthrose invalidante
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Étape 2. Évaluer les problèmes médi-
caux et la situation de la personne
Dans cette étape, la révision des pathologies chro-
niques et des traitements, l’évaluation de la situation
de la personne, et le recueil de ses priorités et préfé-
rences sont d’une importance égale : elles doivent
être menées de concert.
Recueillir la principale préoccupation de la per-
sonne (« priorité du moment »)
Professionnel impliqué : médecin traitant.
Nature de l’intervention : recueil systématique de la
priorité du moment de la personne (et de celles des ai-
dants avec l’accord de la personne).
Objectif : dispenser des soins centrés sur la personne et
ses besoins.
Méthode : recueil par entretien.
La (les) priorité(s) « du moment » concerne(nt) un (des)
symptôme(s), des difficultés fonctionnelles ou des mala-
dies : lombalgies, difficultés à se déplacer, insuffisance
cardiaque, douleur, etc. À un moment précis, la personne
a souvent une seule priorité qui ne coïncidera pas forcé-
ment avec la priorité des soignants, et qui devra être
prise en compte dans les actions mises en œuvre.
Réviser les diagnostics et les traitements
Professionnels impliqués : médecin traitant, au mieux
en équipe, ou dans le cadre d’un groupe d’échange de
pratique ; spécialistes si nécessaire; pharmacien, IDE
libérale ou IDE de SSIAD.
Nature de l’intervention : réviser le nombre et le stade
évolutif des différentes pathologies chroniques et les mé-
dicaments.
Objectif : expliciter les liens entre symptômes et mala-
dies, entre plusieurs maladies, et entre maladies et trai-
tements afin d’adapter les stratégies thérapeutiques.
Méthode :
Préciser le diagnostic : pour chacune des maladies
sont évalués les preuves diagnostiques, le retentisse-
ment, le pronostic et les facteurs pouvant favoriser une
décompensation à l’occasion d’événements intercurrents.
Les maladies sont hiérarchisées en fonction de leur de-
gré de gravité, de leurs liens, de leur évolutivité et des
possibilités thérapeutiques, et le statut d’ALD est rééva-
lué, voire renouvelé.
Procéder à une revue des médicaments prescrits
via les ordonnances, le compte Ameli (historique des
remboursements depuis 6 mois) ou le dossier pharma-
ceutique (historique des dispensations médicamenteuses
depuis les 4 derniers mois), concertation du médecin et
du pharmacien avec le patient (et/ou son entourage).
Une démarche de soins infirmiers peut mettre en évi-
dence des difficultés de gestion des traitements, et identi-
fier ainsi des patients à risque iatrogénique. S’assurer de
la bonne observance et rechercher une éventuelle auto-
médication. En vue de l’adaptation des doses de médi-
caments, l’évaluation de la clairance de la créatinine est
systématique par la formule de Cockcroft et Gault.
Mettre en correspondance l’ensemble des traite-
ments et les maladies/problèmes de santé à l’aide du
tableau PMSA diagnostics (annexe 2), version simpli-
fiée du programme Prescription médicamenteuse
chez le sujet âgé (PMSA). S’interroger sur l’indication
d’alternatives thérapeutiques non médicamenteuses.
Évaluer la personne dans les domaines fonction-
nels, psychologiques et sociaux
Professionnels impliqués : médecin traitant et acteurs
de proximité, si besoin avec l’aide d’équipes gériatriques
intervenant en milieu hospitalier ou d’un réseau de
santé / plateforme d’appui.
Nature de l’intervention : évaluation multidimension-
nelle de la personne.
Objectif : identifier les problèmes en rapport avec les
difficultés fonctionnelles et psychosociales. Confirmer
une éventuelle fragilité.
Méthode :
Une évaluation gériatrique de premier recours peut
être réalisée en plusieurs étapes au fil des consultations
et contacts avec le patient, et impliquer une visite à do-
micile. Elle peut être rapide si le patient est autonome, et
n’a pas de problèmes sociaux. Elle peut être complétée
par une évaluation gériatrique spécialisée, en cas de
difficultés ou de problèmes multiples ou complexes.
À l’issue de cette évaluation : les problèmes identifiés par
les professionnels sont classés par priorité à l’aide de la
check-list des situations à problèmes (annexe 3).
Celle-ci pourra être utilisée ultérieurement pour une con-
certation professionnelle.
Recueillir les préférences de la personne en
termes de traitement
Professionnels impliqués : médecin traitant et équipe
de soins primaires, services d’aides à la personne.
Nature de l’intervention : recueil systématique des pré-
férences de la personne en termes de traitement médi-
camenteux et d’alternatives non médicamenteuses (et de
celles des aidants avec l’accord de la personne) après
explicitation des avantages et désavantages des diffé-
rentes options thérapeutiques.
Objectif : associer la personne aux décisions thérapeu-
tiques.
Méthode : recueil par entretien.
Les préférences de la personne sont notées dans le dos-
sier médical et sont intégrées dans la révision des dia-
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gnostics et traitements, ainsi que dans l’évaluation géria-
trique
À l’issue de ces évaluations, la stratégie thérapeu-
tique est réévaluée en prenant en compte les conclu-
sions du PMSA diagnostics, les résultats de l’évaluation
fonctionnelle et psychosociale du patient, ses préfé-
rences thérapeutiques, sa priorité du moment, et sa ca-
pacité à gérer ses maladies et ses traitements.
Les résultats actualisés de cette révision de stratégie
thérapeutique sont notés par le médecin traitant dans le
volet de synthèse médicale (VSM), inclus dans le dos-
sier médical partagé (DMP). En cas d’ETP, avec l’accord
du patient, le médecin traitant donne accès à ces infor-
mations aux autres soignants qui vont mettre en œuvre
le programme d’ETP : infirmier, pharmacien, kinésithéra-
peute.
Étape 3. Si besoin, élaborer un PPS
Professionnels impliqués, avec l’accord de la per-
sonne : médecin traitant (pilote), autres professionnels de
proximité (pharmacien, IDE libéral, IDE de SSIAD, kinési-
thérapeute), assistant social, professionnels de l’aide à
domicile,
Expertise gériatrique (avec l’aide de la coordination
d’appui) (cf. mode d’emploi du PPS).
Nature de l’intervention : planifier des actions de soins
et d’aides en situation complexe.
Objectif : anticiper au mieux les problèmes, et les gérer
de manière adaptée en termes de démarche clinique et
d’organisation (individuelle, en face à face en consulta-
tion ; collective pour un travail concerté à plusieurs s’il est
nécessaire).
Méthode : utilisation du questionnaire d’aide à la déci-
sion d’initier une démarche de type plan personnali-
de santé (PPS). Dans ce questionnaire, la présence
de critères en sus de la polypathologie (pathologie sé-
vère, association à des problèmes sociaux…) est une
incitation supplémentaire à élaborer un PPS. La décision
dépend in fine du jugement clinique du médecin traitant.
Si le besoin d’élaborer un PPS est confirmé, les pro-
fessionnels de proximité se concertent à l’aide de la
check-list des situations à problèmes. Un plan
d’action est ensuite proposé avec des messages
harmonisés pour le patient (ex. alimentation et AVK,
régime hyposodé et insuffisance cardiaque, etc.).
L’élaboration du PPS est associée à la désignation
d’un référent soignant, chargé de suivre l’effectivité
des actions planifiées.
Si la situation de la personne polypathologique ne
relève pas d’un PPS, le médecin partage avec les ac-
teurs concernés, par messagerie sécurisée, des in-
formations utiles à la prise en charge de la personne,
avec son accord. Les interventions projetées sont
inscrites par le médecin traitant avec une date de suivi
dans le dossier médical.
Étape 4. Assurer un suivi et des
réévaluations
Professionnels impliqués : médecin traitant, au mieux
en équipe ou dans le cadre d’un groupe de pairs ; spé-
cialistes d’organes si nécessaire; pharmacien, si besoin :
IDE libérale ou IDE de SSIAD.
Nature de l’intervention : suivi et réévaluation des dia-
gnostics et des traitements.
Objectif : assurer un suivi médical cohérent à plusieurs
prescripteurs.
Méthode : suivi des optimisations diagnostiques et thé-
rapeutiques dans la durée, réévaluer les objectifs théra-
peutiques, maîtriser le risque iatrogénique en rapport
avec la polymédication et l’automédication, organiser le
suivi par plusieurs spécialistes (consultations, examens
complémentaires), sécuriser les transitions, reconsidérer
les priorités avec le patient en cas de survenue d’un nou-
veau problème de santé.
Suivi régulier (PMSA diagnostics au moins 1 fois par an),
à renforcer dans les périodes à risque de rupture du par-
cours (décompensation, transitions ville-hôpital et hôpital-
ville, nouvelle maladie, modification de l’entourage, etc.).
Publications de la HAS citées
dans cette fiche
Cette fiche met en lien les autres publications de la
HAS en rapport avec le parcours de soins des per-
sonnes âgées polypathologiques : prise en charge
de la fragilité, gestion de la prescription médica-
menteuse, éducation thérapeutique du patient,
communication et concertation des professionnels
de santé, organisation de la sortie
d’hospitalisation :
Comment prendre en charge les personnes
âgées fragiles en ambulatoire ?
Check-list des situations à problèmes
Programme Prescription médicamenteuse
chez le sujet âgé (PMSA)
Comment améliorer la qualité et la sécurité
des prescriptions de médicaments chez la
personne âgée ?
Volet de synthèse médicale
Plan personnalisé de santé
Cadre référentiel ETP Paerpa Polypathologie
Polymédication
Comment réduire le risque de réhospitalisa-
tions évitables des personnes âgées ?
Check-list de sortie d’hospitalisation > 24h
Mars 2015
Ce qu’il faut savoir
Définition choisie de la polypatholo-
gie
Cette fiche concerne les personnes âgées de 75 ans
et plus, ayant au moins 3 maladies chroniques.
Ne relèvent pas de cette approche les patients atteints
de maladie sévère en phase terminale.
Épidémiologie
57 % des personnes âgées de 75 ans et plus ont au
moins 1 affection de longue durée (ALD), 40 % ont au
moins 2 ALD, 3,6 % au moins 3, et 0,8 % au moins 4.
Impact
La polypathologie chez les personnes âgées peut
être associée à :
une vulnérabilité sociale et psychique accrue ;
une perte d’autonomie, une altération de la qualité de
vie, une dépression, une déficience sensorielle.
Elle complique la pratique des professionnels de
santé et retentit sur l’organisation des soins en rai-
son :
d’une incertitude diagnostique. Les diagnostics des
pathologies chroniques sont parfois insuffisamment
étayés, exposant au risque d’un traitement des seuls
symptômes (annexe 4) ;
d’une polymédication (en moyenne 8 à 10 médi-
caments) qui accroît les risques d’interactions médi-
camenteuses, de mauvaise observance,
d’événements indésirables et d’hospitalisations en
partie évitables ;
des risques liés aux prescripteurs multiples :
o fragmentation des soins, et messages contradic-
toires ;
o stress et ruptures lors des transitions sanitaires
programmées ou non ;
o addition des recommandations dédiées à chaque
maladie ;
d’une augmentation du recours aux soins et des
coûts liés à la consommation médicamenteuse et aux
hospitalisations.
Une prise en charge en 5 points inter-
dépendants
Poser des diagnostics précis de l’ensemble des
pathologies chroniques, afin d’éviter les traitements
symptomatiques et les prescriptions inutiles.
Optimiser les traitements.
Évaluer et prendre en compte le contexte de la
personne dans les domaines fonctionnels, psycholo-
giques et sociaux.
Impliquer, avec son accord, le patient : et si néces-
saire son entourage (personne de confiance), en tant que
partenaires actifs :
o les informer obligatoirement ;
o recueillir leur priorité du moment (symptôme ou ma-
ladie) et leurs préférences concernant les modalités
de prise en charge des maladies ;
o Proposer une éducation thérapeutique intégrant la
polypathologie, si le médecin/le pharma-
cien/l’infirmier (si un infirmier intervient au domicile)
pensent que le patient peut en bénéficier.
o Décider d’élaborer ou non un plan personnalisé
de santé (PPS). Un PPS peut être envisagé en cas
de pathologie avancée, de complexité liée à la
coexistence de plusieurs pathologies ou de
l’association de problèmes sanitaires et sociaux. La
décision revient au médecin traitant s’il estime qu’un
travail concerté et formalisé à plusieurs sera une va-
leur ajoutée pour le patient.
Ce qu’il faut éviter
Traiter les symptômes sans diagnostics précis, ni
hiérarchisation des pathologies et traitements,
Se centrer sur une pathologie.
Fractionner la prise en charge en une succession
d’interventions spécialisées sans coordination, au
risque de dispenser des messages contradictoires et
d’empiler les traitements.
Ne pas impliquer la personne et son entourage,
Ne pas entendre la parole (alerte) des professionnels
intervenant à domicile (professionnels de santé ou
non).
Négliger les 4 principaux facteurs de risque
d’hospitalisation : chute, polymédication, dénutrition,
dépression.
Négliger de renforcer le suivi après une hospitalisa-
tion pour prévenir une réadmission non programmée.
(Check-list de sortie d’hospitalisation > 24h)
Ignorer les signes d’alerte de décompensation des
pathologies et / ou des traitements, et les situations à
risque de déstabilisation (chaleur estivale, déména-
gement, perte de l’aidant, etc.).
Ignorer les facteurs sociaux : qualité de
l’habitat/isolement/ressources financières.
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