« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour

Session 14 - 26
« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par
jour. www.mangerbouger.fr »
Les bandeaux sanitaires ont-ils modifié les comportements
alimentaires ?
Etude comparative mères/enfants
Norovola RAJOHANESA
Caen
et
RESUME
Dans le cadre de la lutte contre l’obésité actuelle, différentes mesures ont été prises par l’Etat
et les pouvoirs publics. L’insertion des bandeaux sanitaires dans les annonces publicitaires
destinés à promouvoir des produits alimentaires font partie de ces mesures depuis février
2007. Cet article s’intéresse au processus de persuasion mis en œuvre par les res et les
enfants pour appréhender ces messages sanitaires. Nous cherchons à apprécier si l’exposition
à ces messages a conduit à une modification des comportements alimentaires au sein de la
famille. Seront donc exposés dans cet article le problème d’obésité, les différentes mesures
prises par l’Etat et les pouvoirs publics pour lutter contre ce fléau et les résultats d’une
recherche qualitative effectuée auprès de 15 enfants et de 12 mères de famille.
Mots-clés : obésité- bandeaux sanitaires- enfants- mère de famille
ABSTRACT
The obesity is become a crucial problem, so the authorities took actions to fight against it. The
use of banners in food advertisements is an example of these actions. This paper is relative to
the convincing process, used by mothers and children to take into account these sanitary
messages. We are looking for appreciating the effect of these messages on the family food
behaviour. In this paper, the obesity problem will be presented and so the different actions
taken by the authorities to fight against it. The study has been achieved by considering 15
children and 12 mothers and qualitative results are given.
Key words: obesity- sanitary message- children- mother
Norovola RAJOHANESA
Attaché Temporaire d’Enseignement et
de Recherche
IUT de Saint Denis-Université Paris 13
Doctorante
NIMEC-IAE de Caen
3 rue Claude Bloch
14075 Caen Cedex
Pascale EZAN
Maître de Conférences-HDR
NIMEC-IUT d’Evreux (Université de
Rouen) et Rouen Business School
55 rue Saint Germain
27000 Evreux
Joël BRÉE
Professeur
NIMEC-IAE de Caen et
Rouen Business School
1 rue du Maréchal Juin
76825 Mont-Saint-Aignan-Cedex
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« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour.www.mangerbouger.fr »
Les bandeaux sanitaires ont-ils modifié les comportements alimentaires ?
Etude comparative mères/enfants1
Manger n’est pas un acte facile, il faut tenir compte du choix des aliments, de la
quantité, de la qualité, de l’apport nutritionnel pour veiller à sa santé et éviter les différentes
maladies telles que le diabète, l’obésité… L’obésité, ce phénomène rencontré pour la
première fois aux Etats-Unis s’est développé en France et est devenu un problème de tous les
jours et ce sont les enfants qui sont particulièrement les plus touchés. Alors que ce fléau
n’atteignait que 3% de la population en 1965, il touchait 10 à 12,5% des enfants en 2006 avec
un pic de 19% pour les enfants de 8 ans (Ayadi ; Ezan 2008). En France, la situation est
devenue alarmante et le rôle du marketing est fortement évoqué notamment les publicités des
industries agroalimentaires destinées aux enfants qui font la promotion de produits gras et
sucrés. La publicité est donc considérée comme une des sources de la prise de poids et de
l’obésité chez l’enfant. Selon Pecheux, Derbaix et Charry (2006), « les enfants n’auraient pas
toutes les capacités cognitives pour comprendre le marketing et la publicité, ils sont
considérés comme particulièrement vulnérables à la publicité ». Young (1990) recense
diverses études sur l’impact de la publicité sur la montée de l’obésité infantile, ces études
montrent qu’exposés à des annonces pour les produits très sucrés (cookies, bonbon…), les
enfants considèrent que les produits étaient particulièrement bons pour la santé.
Il n’est pas rare d’entendre dire « que la publicité rend les enfants obèses ».
Cependant, il ne faut pas oublier que la publicité peut participer aussi à la diminution de
l’obésité. Il est possible de prendre en compte la publicité comme vecteur pour favoriser une
stabilisation voire une diminution de la prévalence de cette maladie chez l’enfant (Masserot,
2007). C’est le cas des bandeaux sanitaires qui accompagnent les publicités destinés à
promouvoir des produits alimentaires. La publicité est ici vecteur de message d’équilibre
nutritionnel.
Depuis février 2007, toutes les publicités télévisées faisant la promotion d’un produit
alimentaire doivent être accompagnées de bandeaux sanitaires ; le but étant de prévenir
l’obésité par la promotion d’une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique
et sportive. Beaucoup de questions se posent concernant la diffusion de ces messages
sanitaires, leur compréhension, leur efficacité, les changements qu’ils ont apportés dans la
consommation alimentaire… Dans cet article, nous cherchons à apprécier si l’exposition à ces
messages a conduit à une modification des comportements alimentaires au sein de la famille.
Une alimentation plus saine et plus équilibrée est-elle choisie ? Le grignotage a-t-il baissé ?
Pratique-t-on plus d’activité physique ? Pour ce faire, nous avons réalisé une étude
exploratoire auprès de 12 familles dans le département de la Vienne (86). Le but étant de
comprendre si les bandeaux sanitaires ont changé les comportements alimentaires au sein de
la famille.
Nous avons décidé de mener cette recherche à la fois auprès de la re de famille et
de l’enfant pour différentes raisons. S’il y a une personne qui connait bien l’alimentation de
l’enfant, c’est la mère de famille, elle joue un rôle important quant aux choix des produits qui
sont achetés et des menus qui sont préparés. Les parents ont un rôle éducatif sur le
1 Cette communication s’inscrit dans le cadre du projet MARCO (MARketing and Child Obesity)
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comportement alimentaire de l’enfant, ils surveillent, autorisent, interdisent… Il est nécessaire
de savoir gérer ce rôle éducatif, « le contrôle exagéré de la mère sur ce que mange l’enfant lui
fera perdre ses propres repères pour le faire bien souvent basculer dans l’excès inverse »
(Rigal, 2006).
Notre article comportera deux parties : dans la première partie nous évoquerons le
cadre théorique dans lequel s’inscrit cette recherche : l’acte alimentaire de l’enfant et les rôles
des parents dans l’alimentation de l’enfant ; nous reviendrons ensuite sur l’obésité infantile,
les mesures prises en France pour lutter contre ce fléau et mentionnerons quelques résultats
des études réalisées sur les bandeaux sanitaires. Nous présenterons, dans la deuxième partie,
la méthodologie utilisée pour réaliser l’étude et les résultats obtenus avant de conclure notre
travail en soulignant ses principaux apports et limites.
1. Cadre théorique de la recherche
1.1. L’acte alimentaire de l’enfant
Très peu de recherches en marketing traite de l’acte alimentaire, il est donc
fondamental et enrichissant d’adopter une orientation pluridisciplinaire lorsqu’on cherche à
étudier le comportement alimentaire. Selon Chiva (1985), c’est un acte universel et quotidien.
Ainsi, l’acte alimentaire est tributaire d’un double héritage : biologique et culturel. L’héritage
biologique détermine le fait que l’homme est omnivore ce qui l’oblige à avoir une
alimentation variée. L’héritage culturel est appris. Ce dernier comprend les connaissances,
croyances, us et coutumes de chaque groupe humain. Il est transmis par les conduites
éducatives mises en place par les adultes à l’égard des enfants. L’acte alimentaire de l’enfant
est donc à la fois inné et acquis.
Le goût comporte une part d’innée et une grande part d’acquis (Doyard, 2000), il
dépend de l’environnement et de l’entourage. A la naissance, le nouveau-né sait reconnaître le
sucré, le salé, l’acide et l’amer, l’enfant préfère notamment le sucré mais plus il grandit, plus
il accepte d’autres goûts comme l’acide par exemple.
Certaines préférences sont innées comme le goût pour les produits sucrés. Steiner
(1973) a montré que le nouveau-né manifestait son plaisir ou sa répulsion pour les saveurs des
bases (le sucré, le salé, l’acide, l’amer). Cette expérience a été effectuée quelques heures après
la naissance des nouveaux-nés. Le résultat des expériences a montré qu’en donnant une
solution sucrée, le nouveau-né réagit par un geste de contentement. En lui donnant une
solution acide, le nourrisson pince ses lèvres. Dans un autre test, Steiner utilise une solution
de quinine amère, dès le contact avec la langue, le bébé colle la langue contre le palais et sa
mimique exprime de la tristesse (Ayadi, 2005). Dès sa naissance donc, le nourrisson
manifeste une préférence pour le sucré.
Mais d’autres préférences sont acquises à travers l’exposition répétée envers un
produit. C’est le cas des enfants mexicains et leur consommation de piment rouge. Zajonc et
Marcus en 1982 ont mené une expérience auprès d’enfants mexicains pour comprendre les
manières dont les préférences alimentaires se formaient. Les résultats ont montré que le fait de
présenter régulièrement un produit aux enfants augmente leurs préférences pour ce produit.
Au travers de cette étude, les chercheurs ont mis en évidence l’impact de la culture dans les
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choix alimentaires. Des facteurs biologiques et des facteurs socioculturels déterminent la
formation des préférences et des rejets alimentaires par l’enfant (Bellisle, 2002).
Enfin, dans l’acte alimentaire de l’enfant, il y a une période qu’il convient de ne pas
négliger : la période de néophobie alimentaire ou période des rejets. Fischler et Chiva (1985)
ont démontré que le phénomène de néophobie alimentaire se situe autour de deux ans, atteint
son maximum vers l’âge de cinq ans avant de décroître très lentement par la suite.
Néanmoins, cette période dépassée, Rigal (2000) constate que de toute façon, 77% des
enfants se montrent très sélectifs et conservateurs dans le domaine alimentaire, rejetant la
nouveauté et accordant toutes leurs faveurs à certains aliments fétiches comme les pâtes, les
hamburgers… Dans le prolongement de cette étude, les recherches de Rigal réalisées auprès
de 321 enfants âgés de 4 à 18 ans montrent les aliments les plus appréciés des enfants et ceux
les plus rejetés. Ainsi, le chocolat et tout ce qui est aliment sucré arrivent en première position
parmi les préférences des enfants. Les légumes sont rarement cités. Le chercheur souligne que
ce sont des aliments rejetés du fait de leur propriétés sensorielles (aspect, texture, saveur)
auxquelles les enfants sont particulièrement sensibles.
Plus l’enfant grandit, plus il devient autonome. Il ne se contente plus uniquement de ce
qui lui est imposé, il va imiter les autres (Chiva, 2001). L’apprentissage se fait par imitation
qui est un moyen d’intégration de l’enfant au sein du groupe (la famille, les pairs).
1.2. Les rôles des parents dans l’alimentation de l’enfant
Pour s’alimenter, l’enfant est amené à observer ce que font ses parents, ses pairs, pour
reproduire les comportements qu’ils jugent appropriés. Cela veut dire que toute éducation de
l’enfant ne peut se faire sans tenir compte du modèle offert par l’adulte dans la prime enfance,
quand les pairs ne jouent pas un rôle encore très important dans la vie de l’enfant (Chiva,
2001). De nombreux chercheurs et spécialistes de l’enfant-consommateur montrent que la
famille et plus particulièrement les parents est le facteur de socialisation prépondérant des
enfants de 7 à 11 ans (Brée 1990 ; Chiva 1995). Ceci est encore plus vrai dans le domaine
alimentaire car les parents sont les premiers acteurs qui vont modeler les pratiques et les
préférences des enfants. Il leur revient de lui apprendre le respect des rythmes alimentaires, de
l’équilibre nutritionnel et l’éducation au goût. Ce dernier est un élément important dans
l’acceptation ou le refus d’un aliment surtout pour l’enfant qui dispose d’un répertoire
alimentaire limité a priori. « La famille et plus précisément les interactions parents/enfants
influent sur la qualité du développement cognitif de l’enfant par la richesse de
l’environnement qu’elle fournit. Elle contribue au développement des capacités cognitives de
l’enfant, lesquelles permettent l’acquisition de connaissances de consommation. Par exemple,
les parents qui eux-mêmes respectent des équilibres alimentaires fondamentaux et adoptent un
comportement de consommation averti en expliquant à leurs enfants les raisons de leurs
choix favorisant des principes harmonieux chez leur progéniture. » (Brée, 2005).
Au sein de la famille, la mère joue un rôle principal concernant les goûts de l’enfant
puisqu’elle lui transmet, dès la naissance, ses propres goûts de manière consciente ou non, à
travers les relations qu’elle entretient avec lui (Ayadi, 2005). Les goûts de la mère vont
« façonner la personnalité sensorielle et psychologique de l’enfant, qui s’identifie à elle
jusqu’à 2 ans » (Puisais et Pierre 1987).
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Selon une étude du cabinet Echo Research menée auprès de 300 jeunes Britanniques
âgés de 9 à 16 ans, les habitudes alimentaires et la sensibilisation des parents jouent un rôle
déterminant dans la prévention de l’obésité : 43% des jeunes estiment que les habitudes
alimentaires sont données par les parents à la fois par leur acte d’achat et par leur propre
consommation. En effet, 77% d’entre eux disent manger ce qu’ils trouvent à la maison et 71%
affirment manger comme leurs parents.
Il incombe par conséquent, aux parents de transmettre à leurs enfants une véritable
éducation nutritionnelle, de leur proposer une large gamme de saveurs, de leur faire découvrir
le plaisir de se nourrir et d’éveiller leur curiosité envers des aliments nouveaux. Cette
éducation alimentaire est ensuite complétée par d’autres moyens comme l’école par exemple.
Mais les enfants apprennent aussi à leurs parents à consommer, quand ils réclament un
produit ou quand il recommande une pratique alimentaire (Gollety, 1999).
1.3. L’obésité infantile et les mesures prises par les pouvoirs publics
Différentes causes de l’obésité infantile ont été recensées (Brée 2005 ; Ezan et Ayadi,
2006). L’obésité sulte d’un déséquilibre énergétique sur une logue période, la
consommation dépassant les dépenses (Delpeuch, Marie et Monnier 2006). Selon Le Guen
(2005), le premier facteur est indiscutablement alimentaire. Toujours selon le même auteur
« même s’il existe des facteurs de susceptibilité personnels qui font que certains individus
grossiront plus que d’autres sous la pression environnementale et sociétale, ce sont bien les
mutations de nos modes de vie qui sont les premières causes du développement de la maladie
et de son caractère épidémique ». Pecheux, Derbaix et Charry en 2006 ont recensé différentes
études qui montrent que la publicité est à la source de l’obésité infantile.
Parmi ces causes, le marketing et plus spécifiquement la publicité télévisée est
particulièrement évoquée. Selon Le Guen (2005), en France dans les plages horaires pendant
lesquelles la télévision est regardée par les enfants, les spots reviennent avec la régularité d’un
métronome, bien plus souvent qu’au sein des programmes pour adultes : deux ou trois
minutes de publicité, soit une dizaine de spot toutes les vingt minutes environ. Les publicités
des produits sucrés incitent les enfants au grignotage, surtout quand ils se retrouvent seuls
chez eux. Cet envahissement de la publicité est d’autant moins admissible qu’elle est l’une
des principales causes des changements, en profondeur des jeunes sans doute.
Pour Simon (2003), il apparaît vraisemblable que la déstructuration des repas soit
associée de façon directe et indirecte à la télévision, de part la situation qu’elle provoque
(l’enfant va s’occuper en mangeant pendant qu’il regarde la télévision) et de part les modèles
alimentaires véhiculés à travers les programmes télévisés. Selon ces études, quand l’enfant
regarde les programmes télévisés, il diminue ses activités physiques et a tendance à grignoter.
En outre, il est régulièrement exposé aux annonces publicitaires qui font souvent la promotion
des produits caloriques et à forte valeur énergétique.
La publicité a donc un impact sur l’obésité de l’enfant. Au premier plan, elle provoque
un déséquilibre alimentaire, or un déséquilibre entre l’apport alimentaire et la dépense
d’énergie est à l’origine de l’obésité. Ainsi en France, la publicité est accusée de faire évoluer
la consommation alimentaire 2 :
2Source d’information : étude réalisée par l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments)
intitulé « L’obésité de l’enfant : impact de la publicité », 6 juillet 2004.
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