Stefania Meach, Virginie Haldemann, Shehrazade Choudhary, Jeanne-Laure Vionnet - 2013
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1. Introduction
Il existe des maladies pédiatriques oncologiques et hématologiques dont l’issue est fatale,
qui ne peuvent être guéries que par une greffe de cellules souches hématopoïétiques. Or, ce
type de greffe nécessite une compatibilité quasi-parfaite au niveau du système HLA
(antigènes des leucocytes humains) entre le donneur et le receveur. Une telle compatibilité est
peu aisée à déceler. Cependant, la probabilité de trouver son homologue HLA parmi sa fratrie
est plus élevée. L’état actuel de la science est alors en mesure d’apporter une solution aux
patients qui ne trouvent pas de donneur compatible. Il s’agit de proposer aux parents du petit
patient malade de donner naissance à un nouvel enfant, en ayant recours à la Procréation
Médicalement Assistée (PMA). Des analyses génétiques regroupées sous le nom de
Diagnostic Préimplantatoire (DPI) permettent, en effet, de déterminer si un embryon est
porteur de l’anomalie génétique qui peut potentiellement mener à la maladie de l’aîné et si
l’embryon est HLA-compatible avec ce dernier. Seul l’embryon qui n’aura pas le risque
génétique de développer la maladie et qui sera compatible pour permettre la greffe de l’aîné
malade sera implanté dans l’utérus de la mère et pourra potentiellement mener à une
grossesse.
Les médias ont nommé les enfants conçus de cette manière les « bébés médicaments ».
Nous avons nous-mêmes pu découvrir que ce terme porte lourdement à confusion et cela
peut conduire à de graves malentendus. Les Français lui préfèrent le terme de bébé du
« double espoir » car, dans leur législation, la compatibilité doit être secondaire au désir de
donner naissance à un nouvel enfant pour lui-même. D’autres termes encore sont retrouvés
dans les médias et la littérature tels que « bébé sauveur » ou « designer baby » en anglais,
qui fait référence au fait que l’on conçoit un enfant sur mesure, c’est-à-dire HLA-compatible,
pour sauver un aîné par le don de cellules souches hématopoïétiques.
Le bébé du « double espoir » est sujet à de fortes controverses. Il éveille de grandes
questions quant à la PMA et soulève, avec le DPI, de nouvelles difficultés comme la sélection
des embryons. Ainsi, diverses disciplines s’interrogent à propos du recours à la science pour
donner naissance à un enfant dans ce but. La législation, l’éthique, la psychologie et la
sociologie sont autant de domaines qui ont un rôle important à jouer dans l’acceptation d’une
telle pratique. Il est également essentiel de comprendre les aspects scientifiques médicaux
avant de les justifier ou de les remettre en cause.
Dans le souci de suivre chronologiquement les étapes menant à la naissance d’un bébé
du « double espoir », l’histoire d’une famille fictive, établie en Suisse, servira de guide au
lecteur à travers ces multiples questionnements.
Tout au long de ce projet, nous nous sommes demandées : « Dans quelles mesures, peut-
on envisager qu’un enfant soit conçu pour en sauver un autre ? »